L’enfance a été banale. Toutes les enfances sont banales. Tes uniques points de comparaison étaient les copains du quartier. Arabes, Yougoslaves, Manouches, et Français. La plupart d’entre vous possédaient deux langues et méprisaient le pays d’origine. La langue des parents était chez tous une langue inculte, une langue au goût de terre, de poussière et de fuite, une langue crasseuse qui fait honte.
Le discours familial, l’héroïsme de classe, n’existaient pas. Pas encore. La notion même de classe était parfaitement étrangère. Les riches étaient loin, et ils n’étaient que les riches.
Ce n’est que plus tard, à l’adolescence, qu’il t’avait inculqué des choses, le père. Des choses confuses et brutes. L’oppression, les patrons, la classe ouvrière, les combats de la guerre d’Espagne. Des enseignements inutiles au milieu des enfants qui, comme vous, vivaient dans cette petite pauvreté que l’on ne dirait pas misère.