Alexandre Duval-Stalla sur Monet et Clemenceau
"Je repousse l'omnipotence de l'État laïc parce que j'y vois une tyrannie. (...) L'État, je le connais, il a une longue histoire, toute de meutre et de sang. Tous les crimes qui se sont accomplis dans le monde, les massacres, les guerres, les manquements à la foi jurée, les bûchers, les supplices, les tortures, tout a été justifié par l'intérêt de l'état, par la raison de l'État.(...) S'il devait y avoir un conflit entre la République et la liberté, c'est la République qui aurait tort et c'est à la liberté que je donnerais raison." Adversaire déclaré de l'Église romaine, Clemenceau n'en demeure pas moins le défenseur de la liberté d'enseignement et d'un idéalisme républicain exigeant. p 193

C’est le sort des hommes politiques — je parle des hommes de combat — d’être exposés à toutes les surprises, à tous les attentats. Autrefois, on les assassinait ; c’était l’âge d’or. Aujourd’hui, contre eux, l’entreprise réputée infâme paraît légitime ; contre eux, le mensonge est vrai ; la calomnie, louange ; la trahison, loyauté… Dans une démocratie où tous les appétits, tous les intérêts, toutes les passions sont publiquement aux prises, quoi de plus tentant que de profiter sans scrupules de tous les incidents pour chercher à troubler l’opinion par des attaques personnelles des plus violentes. » Il se défend : « Où sont les millions ? » La campagne se déroule dans un climat de violence inouïe. Les attaques les plus insultantes et les plus basses sont lancées contre Clemenceau : « Vous sentez le cadavre » est même l’objet d’une affiche. Le 3 septembre, il est battu. Mais pas abattu, comme le constate son ami Mirbeau : « J’eus la joie de n’apercevoir sur son énergique visage et dans son regard résolu pas une ombre de dégoût, pas un signe d’abattement. Rien ne s’était altéré de sa bonne humeur si entraînante, de sa gaîté saine ; rien n’avait faibli de ses ardents et robustes enthousiasmes qui, toujours, aux heures lourdes, le préservèrent des mauvaises suggestions du dégoût. »
(Cité in J.-N. Jeanneney, Clemenceau, portrait d’un homme libre, op. cit., p. 39.)
En un mot, je m'ennuie à mourir dès que je n'ai plus ma peinture qui m'obsède et me tourmente bien. Je ne sais plus où je vais ; un jour je crois à des chefs-d'oeuvre, puis ce n'est plus rien : je lutte, je lutte sans avancer. Je crois que je cherche l'impossible
Claude Monet
Je suis aussi fou que vous, mais je n'ai pas la même folie. Voilà pourquoi nous nous entendrons jusqu'au bout.
Dernière lettre de Clemenceau à Monet
À l'été 1858, Monet expose pour la première fois une de ses toiles à l'exposition municipale du havre : "Vue prise à Rouelles"...
Parallèlement Claude Monet continue pourtant ses caricatures. Il dessine notamment un notaire avec la mention : "Notaire à marier. Grande facilité de paiement. On peut entrer en jouissance de suite."
Le courage, c'est d'aller tout droit devant soi. On doit en souffrir, on sera haï, détesté, méprisé, on recevra de la boue, on n'aura pas d'applaudissements. Mais il faut savoir choisir entre les applaudissements d'aujourd'hui, qui sont d'un certain prix, et ceux qu'on se donne à soi-même, quand, avant de rentrer dans le néant, on peut se dire : "J'ai donné à mon pays tout ce que je pouvais" Georges Clémenceau
Peignez, peignez toujours, jusqu'à ce que la toile en crève. Mes yeux ont besoin de votre couleur et mon coeur est heureux.
Clémenceau à Monet
Transcription d'une citation de Malraux
"La culture, c'est ce qui répond à l'homme quand il se demande ce qu'il fait sur terre."

À la veille de la guerre de 1870, Clemenceau et Monet sont engagés dans des trajectoires profondément différentes. L’un, après avoir goûté à la fièvre républicaine, semble désormais rangé. Il est marié et vit bourgeoisement dans sa campagne vendéenne en gentleman-farmer. L’autre est un peintre maudit, sans le sou pour sa famille et qui essuie les refus successifs du Salon. Pourtant, la guerre qui s’annonce va révéler la vraie nature des deux hommes. D’un côté, un Clemenceau qui s’engage dans l’action et ne vit que pour la politique et de l’autre, un Monet qui s’exile à Londres pour peindre et fuir une guerre qui ne le concerne pas. Tout au long de leur vie, ces deux passions les consumeront. Seul Clemenceau en franchira néanmoins la frontière pour devenir un véritable amateur d’art ; alors que Monet, à de très rares exceptions près, n’aura pour la politique aucun intérêt. Seule la peinture compte. Comme une quête exclusive, dévorante et impossible.
Il y a de grandes ressources dans l'impossible
G. Clemenceau à C. Monet
Chateaubriand comme Napoléon ont été initiés aux choses de la vie par une galante. Le premier, effrayé, s’est enfui. Le second, curieux, s’est laissé tenter. L’un enchante les femmes, l’autre les prend. Jusque dans leurs amours, Chateaubriand et Napoléon s’opposent. Face aux femmes, l’enchanteur et le hussard ne mènent pas les mêmes assauts.
(p.235)