Avec « Wonder Landes », publié aux Éditions Verticales, Alexandre Labruffe livre une confession hallucinée sur sa vie, sur la découverte d'un frère flou, d'un frère fou, qui a fait basculer son existence. Polar poétique aux tonalités fantasmagoriques, Wonder Landes, est le coup de coeur du CNL pour cette nouvelle saison de Son livre
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Un podcast réalisé par Pauline Carayon du CNL et le musicien, auteur, compositeur et interprète Nicolas Lockhart, illustré par l'auteur de bandes dessinées et artiste plasticien Pierre LaPolice.
Rendez-vous tous les jeudis pour un nouvel épisode de Son Livre, le podcast du CNL qui vole dans les plumes... des auteurs, et vous dévoile nos coups de coeur de la rentrée littéraire !
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Che Guevara de la psychanalyse, Marie Curie de l’astrologie, ma mère fumait des cigarillos. Ses verdicts prononcés : toujours dans les volutes. La jungle de sa pensée. Son divan en velours.
Les Landes, c’était son laboratoire.
Son laborantin, c’était mon père.
(pages 281-282)
Au milieu de l’hiver, j’apprenais enfin qu’il y avait en moi un été invincible.
Un jour, en 2001, à Shanghai, on me propose cinq mille yuans (cinq cents euros) pour jouer le client blanc, le client occidental d’un fournisseur de pièces d’une centrale thermique. L’idée du patron : qu’on visite ensemble un chantier de son futur client potentiel, sa cible, pour l’impressionner, attester que sa société est sérieuse, solvable, internationale. (À cette époque en Chine, les Blancs ont une valeur, l’Occident veut encore dire quelque chose. C’était juste avant l’effondrement des tours jumelles à Manhattan.) Mon rôle est simple (c’est un rôle de composition) : hocher la tête, avoir un regard mystérieux, profond, m’appeler Leibowitz, ânonner « good », quand il pointe le doigt sur quelque chose. Évidemment, j’accepte. Le fournisseur obtient le marché. Grâce à moi. (Un cantique pour Leibowitz.)
La centrale thermique finit par exploser deux ans plus tard. Non, je plaisante.
- Okay, on est face à un multioedipe. Un oedipe brouillé comme un nuage de lait dans un café. Il a continué à tuer le père alors que la mère était morte. Pff... il s'est acharné quoi. Il a castré le père même.
- Qu'est-ce que vous dites ?
- Je dis qu'on ne fait pas d'oedipe sans castrer les vieux.
(page 262)
Les deals,
les conflits incessants,
les trafics en tout genre :
mon frère dresse le portrait
de la violence ordinaire en prison,
de l’inhumanité des conditions,
d’un milieu sans foi ni loi
- la jungle et la junte -,
où règne la guerre.
La terreur est le maître mot,
le métronome de la vie cellulaire.
(pages 173-174)
Je me dis que le Nouveau Monde, c’est l’obsession de la Chine. Partout, dans le pays : ce nom. Pour des hôtels, des quartiers, des magasins, des marques. La Chine s’affiche comme le Nouveau Monde. Le clame sous tous les toits. Relègue l’Amérique aux oubliettes.
À Hong Kong, il y a un braquage de papier toilette. Un stock volé par trois hommes armés. Curieusement, en période de fin du monde, les gens ne pensent qu’à leur cul.
Cela fait dix jours que je suis en Chine et je n'ai accès à rien, aucun site étranger. Ni Google , ni YouTube, ni Libé, ni Le Monde, ni même Les Inrocks ou Radio France. (...) Tout est bloqué. la Chine a construit une Grande Muraille numérique. Pour soustraire sa population au monde. Me couper du mien. (p. 17)
Mon parcours me saute aux yeux alors que j’ai tout fait pour étouffer la forêt, l’oublier, me revoilà dans les Landes à quarante-deux ans. Retour aux sources, aux racines, aux arbres. À ce que j’ai toujours fui.
(page 111)
Loin de la liberté, un nouveau sentiment apparaît en moi. Contre mon frère. Je lui en veux d’être dans cette galère.
Je lui en veux
de s’être fait arrêter,
de ne plus être flamboyant,
de ne plus être indestructible,
de ne pas avoir fui aux Bahamas.
Je lui en veux et je ne comprends pas.
J’ai envie de crier, de hurler, de lui hurler dessus, de le radier à vie de ma vie.
(page 51)