A travers le héros de ce roman certes un peu âpre, Sommer, j’ai voulu analyser les ressorts de l’addiction au travail. Comme toutes les addictions, celle-ci commence par le plaisir. Ainsi, il n’y a aucune contradiction avec l’hédonisme cher à notre époque, du moins au départ. Sommer prend plaisir à travailler. Il aime l’entreprise, le multitasking, les mails, la nervosité générale qui règne en open space. Il se sent exister à travers ce qu’il fait. Les problèmes commencent pour lui quand ce plaisir se mue en dépendance. On prend plaisir à boire quelques verres de vin, mais l’alcoolisme est une autre histoire, plus sombre. Sommer a peu à peu basculé dans cette autre dimension : sa dépendance au travail est si intense qu’elle le consume. Vous dites qu’il est dénué d’humanité, ce n’est pas tout à fait cela. Il est aliéné. Littéralement : il est devenu étranger à lui-même, à ses émotions, à force de travailler.
Etienne de la Boétie, ami de Michel de Montaigne, a en effet écrit ce court essai révolutionnaire, le Discours sur la servitude volontaire. Il montre que les sujets ne sont pas réduits à la servitude par un « méchant » tyran. Mais que c’est eux-mêmes qui ont choisi la servitude, par les pouvoirs imaginaires qu’ils attribuent au tyran. La Boétie interroge notre respect et notre pusillanimité excessifs devant le pouvoir. C’est toujours d’actualité : aujourd’hui, beaucoup de gens sont à eux-mêmes leur propre tyran, et c’est le cas de Sommer.
Le ressort du capitalisme est la croissance. La croissance, c’est l’augmentation de la production nationale de valeur ajoutée par unité de temps constante, donc en un an. La durée d’une année n’est pas modifiable. Autrement dit, croître, c’est faire mieux d’une année sur l’autre : cela revient une intensification du temps de travail. C’est pourquoi notre époque est marquée par l’accélération, plus encore que par l’efficacité (que je vois plutôt comme une valeur positive). L’accélération peut mettre les corps des employés et des cadres à très rude épreuve, et c’est ce que raconte la deuxième partie de mon roman, et son final (que je ne dévoilerai pourtant pas).
Ce roman est une fable. Tout se passe en une journée, journée au cours de laquelle mon héros va passer d’une domination sans limite à une « débandade » totale. On le croit très fort, il se révèle vulnérable. Mais je travaille en entreprise depuis dix ans, en open space – en tant que directeur de la rédaction de Philosophie Magazine. Je n’ai donc rien contre l’entreprise ni contre le commerce. J’essaie de présenter un cas extrême, pour faire réfléchir sur le risque d’aliénation par le goût immodéré du travail, c’est tout.
Je n’ai écrit qu’un seul essai de philosophie, Comment vivre lorsqu`on ne croit en rien ? Tous mes autres livres sont des romans ou des essais sur la littérature. Cependant, L’homme qui aimait trop travailler est un peu entre les deux, en tant qu’il y a cette dimension de fable. Le personnage est un archétype, un anti-modèle pour inciter à réfléchir.
Nous avons sous les yeux les méfaits du fanatisme religieux. Certains se réfugient dans le dogmatisme, religieux ou autre (politique, scientiste…), pour fuir le sentiment que le monde et la vie n’ont aucun sens. Je pense au contraire qu’il est possible d’être sceptique, c’est-à-dire de vivre dans une certaine ouverture féconde en s’appuyant sur le fait que le monde et la vie n’ont aucun sens. Prendre appui sur son doute est une attitude plus féconde que d’adopter un dogme, selon moi. Je me désole que cette position sceptique, qui met l’incertitude au-dessus de la croyance, devienne de plus en plus minoritaire, et que les gens rêvent d’épouser une erreur.
Cette question est plutôt derrière moi. Après mes études, j’ai travaillé brièvement dans la pub. Ce premier boulot était bien payé. J’ai démissionné avant la fin de la période d’essai pour partir vivre à la campagne, lire et écrire, et vivre avec peu d’argent.
Très jeune, Un bon petit diable de la Comtesse de Ségur et le recueil des Contes Persans, chez Gründ.
Les grands auteurs me font aimer l’écriture davantage.
Les poèmes d`Arthur Rimbaud .
Je relis rarement, voire jamais, sauf pour travailler un cours, mais alors par fragments.
Je n’ai pas honte ! Lire n’est pas une prestation mondaine en vue de satisfaire je ne sais quel auditoire. Si un ouvrage m’intrigue, je le lis.
Mon corps et moi de René Crevel.
Belle du Seigneur d’Albert Cohen.
Non.
C’est très circonstanciel, mais puisque vous me le demandez : Matériaux pour l`histoire de la théorie des couleurs, de Johann Wolfgang von Goethe.
https://fr.ulule.com/philosophie-magazine/ Lorsque Philosophie magazine s'est lancé en 2006, avec une petite équipe de journalistes emmenée par un rédacteur en chef et un éditeur novices, Alexandre Lacroix et Fabrice Gerschel, les chances de succès étaient minces. Peu de moyens financiers, quasiment aucune publicité mais un projet à la fois utopique et évident : associer philosophie et journalisme afin d'éclairer les grands enjeux de l'actualité, dans toutes ses dimensions, et rendre accessible 2 500 ans de patrimoine philosophique pour un public non initié, auquel nous ne demandons aucune connaissance préalable, juste de la curiosité. Aujourd'hui, alors que nous travaillons sur une nouvelle formule, nous faisons naturellement appel à vous. Que vous soyez abonné, lecteur, ancien lecteur, ou que vous ne nous connaissiez pas encore ! https://fr.ulule.com/philosophie-magazine/
Quelles sont les dates de début et de fin de la Seconde Guerre mondiale ?