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Critiques de Alexandre Lacroix (139)
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La naissance d'un père

Alexandre Lacroix a déjà un beau palmarès dans l’édition : des romans, des essais et même des albums jeunesse. De plus, il est rédacteur en chef de Philosophie Magazine et cofondateur de l’école d’écriture Les Mots.



Alors, quand il se lance dans La Naissance d’un père, il prend un risque puisque le père en question, c’est lui. Le livre étant annoncé comme roman, je ne sais faire la part du réel et du romancé au cours de ces 460 pages. Malgré tout, je pense que la réalité l’emporte sur la fiction, un savant dosage des deux qui donne un livre agréable à lire, d’une écriture soignée, et riche en anecdotes, qu’elles soient prises dans la vie familiale ou non.

L’auteur divise son livre en trois grandes parties, aux titres un peu énigmatiques : Un, Trois et Cinq. Ces chiffres sont calqués sur le nombre de ses enfants pour la période concernée. Il m’a emmené d’abord en Avignon avec Mathilde qui lui donne Bastien, le même jeune homme qui clôturera le livre. Puis, c’est Paris où Giulia met au monde Andreano, Lucrezia et Giacomo (Trois) et enfin Pietro (Cinq).

Tout ce qui est écrit semble vécu, présenté avec de savoureuses descriptions détaillées sans concession, avec un goût un peu vachard pour croquer les personnes rencontrées. Alexandre Lacroix ose raconter ce que les hommes préfèrent écarter, ne pas évoquer : l’accouchement, les soins apportés au bébé, les couches, les nuits hachées, les soucis permanents du quotidien, la vie quoi.

J’ai lu tout cela avec parfois un sourire dubitatif aux lèvres car je suis grand-père – je préfère entendre papi – de quatre formidables petits-enfants qui nous ont été donnés par nos deux fils et leurs compagnes. Pour moi, ces bébés nés au cours des premières années du XXIe siècle, ont été une émouvante et extraordinaire révision des années vécues comme père et j’ai apprécié la lecture d’un livre qui présente finalement une grande famille intercalée entre les deux périodes que j’ai eu la chance de vivre avec des enfants en bas âge.

Alexandre Lacroix ne se prive pas de donner son avis sur quantité de sujets au passage, au fil des séquences de vie. Je sais qu’il n’apprécie ni Renaud, ni Carlos mais j’aurais aimé qu’il parle des chanteurs qu’il aime.

L’Italie est de plus en plus présente au fil des pages car Giulia est Italienne et les prénoms de ses quatre enfants l’attestent. Séquences éducatives, vacances, vie avignonnaise et parisienne, travail, Alexandre Lacroix m’a surpris en parlant, sur la fin, de l’écriture de ce livre que je tiens en mains grâce aux Explorateurs de la Rentrée littéraire 2020 de Lecteurs.com et aux éditions Allary. Il partage tout simplement ses doutes et ses espoirs, ses hésitations aussi, son travail d’écrivain. J’ai apprécié ces réflexions au final, poussant un peu plus fort le côté autobiographique du roman.



La Naissance d’un père m’a plu la majorité du temps, irrité parfois, lassé un peu par sa longueur mais c’est une œuvre importante qu’il faut faire lire aux plus jeunes, une ode essentielle à l’amour, à la vie et au partage d’un bonheur familial pas toujours facile à trouver.




Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Comment ne pas être esclave du système ?

D'un coté, "l'homme est un rouage de la gigantesque machine économique et sociale qui a été dénoncée avec virulence, mais il ignore comment s'en dégager. Il cherche le moyen de ne pas être esclave du système".



En effet, "qui ne voit pas que le productivisme et le consumérisme font des ravages, créent des inégalités inacceptables, provoquent des souffrances intolérables et dévastent les écosystèmes terrestres ?"



De l'autre, comment ne pas réaliser que c'est avec ça qu'il fait vivre sa famille. Il connait son métier et est compétent. S'il lâche tout pour aller vivre au grand air et produire du fromage de chèvre, il y a des chances qu'il mette ses enfants en danger. "Vous parlez de ralentir, de sobriété, de frugalité heureuse, moi j'ai bien peur qu'on crève la dalle si je lâche mon poste, je n'ai aucun patrimoine, je ne suis pas un héritier".



A partir de ce constat, Alexandre Lacroix retrace l'origine de notre système, depuis la mise en place d'un régime de séparation : des idées d'abord avec Descartes, des pouvoirs (exécutif et législatif), de l'économie (division du travail), de l'instruction, de nos libertés publiques et privées ensuite.



Et puis, au XXème siècle, "ce que les mouvements collectivistes ou philosophiques de l'intersubjectivité n'ont réussi à accomplir, la technologie l'a réalisé avec une aisance et une rapidité déconcertantes".



Comment convient-il donc de vivre désormais, à l'heure du Web ? Celle où "nous sommes poussés à nous considérer intimement, réellement comme des nœuds appartenant à un immense réseau". Celle où les séparatismes sont abolis, dans presque tous les domaines.



A mon avis :

J'avoue humblement ne pas être un grand philosophe dans l'âme.



Partant de là, difficile d'entrer dans des considérations qui dépasseraient l'interprétation au premier degré de cet essai, même s'il ne semble pas qu'il soit nécessaire d'aller chercher trop loin et que ce n'en soit pas l'ambition.



Alors, outre l'analyse qui est faite en première partie, qui permet de prendre un peu de recul sur l'évolution de la pensée humaine et sur la révolution apportée par les nouvelles technologiques, cet essai va rapidement au but des idées qu'il entrevoit pour ne pas être esclave du système.



Sans vouloir être trop restrictif dans mon analyse, j'ai quand même bien l'impression que tout se résume en une idée simple : maximiser son utilitarisme mais sous la coupe de son propre idéal.



Finalement, rien de bien révolutionnaire là dedans. Mais un peu comme à chaque fois, l'auteur à tendance à enrober une idée simple, la principale, pour ne pas dire la seule, dans un fourre tout d'idées secondaires qui n'amènent cependant pas grand chose de plus à la finalité de l'essai.

Et de ce fait, on s'ennuie, parce qu'on comprend assez vite que l'idée, qu'elle soit bonne ou mauvaise, qu'on soit d'accord ou pas, qu'elle entraine une réflexion complémentaire ou pas, est somme toute assez simple et qu'elle ne bousculera pas notre quotidien.



C'est d'ailleurs peut-être cela qui est le plus ennuyeux : on a tendance à attendre trop d'un essai de ce type, et donc on est à chaque fois déçu.



Je l'ai été encore une fois...





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La Muette

Un livre coup de poing !! même si l'auteur dénie toute intention politique ou polémique, ces deux récits entremêlés nous bousculent, nous dérangent, nous bouleversent à de multiples niveaux....



"La cité de la Muette, avec une parfaite unité de lieu, représente ce qu'on ne veut pas voir à la fois dans l'histoire et dans la société françaises. Une double proscription, un double couvercle de plomb a été scellé sur cette réalité. Mais, si on écrit , n'est-ce pas dans l'espoir de soulever quelques couvercles ?" (p. 204-205)



Très bouleversée, et totalement captivée par plusieurs titres cette rentrée, qui rendent hommage à la fois à un pays, et à une personnalité-phare [ L'Algérie et l'éditeur, Edmond Charlot, avec "Nos richesses";L'Algérie , la France, et l'architecte, Fernand Pouillon, passerelle entre les deux,

avec "Climats de France"], et cette fois, dénonciation d'intéressants projets architecturaux , originellement, devenus des tragédies et des malheurs dans la durée , je veux nommer "La Muette" d'Alexandre Lacroix, où cet auteur-philosophe s'est fortement intéressé au camp de transit de Drancy...entre son horrible passé et son présent, où l'exclusion et un certain malheur perdurent...



Comme les textes cités précédemment, l'écrivain use d'une habileté dans la narration, pour mettre en parallèle entre le passé et le présent. Une vieille dame raconte à un historien son internement à Drancy, puis sa déportation... récit qui s'alterne avec celui d'un jeune d'aujourd'hui qui vit dans cette cité, devenue HLM, et ensemble de logements sociaux... avec son langage en verlan et en argot... un rythme plus saccadé. Ce jeune de Drancy se retrouve interrogé au commissariat pour la mort d'un ami...





A la fin, Alexandre Lacroix nous raconte la genèse de ce roman..son origine, .sa progression, ses questionnements , et le pourquoi de sa publication reportée ...



" Tout en me baladant régulièrement à Drancy, je me suis mise à écrire ce roman. Je ne suis pas un enfant de la seine-Saint-Denis. Je n'y suis pas allé pour astiquer mes lunettes idéologiques et revenir avec un message édifiant. Je n'en rapporte aucune doléance sur la panne de l'ascenseur social, les ratés de l'Etat-providence, je ne tire pas de sirène d'alarme sur l'existence de soit-disant poches de non-droit. Si j'ai passé cette porte secrète qui se trouve après l'hôpital Jean-Verdier à Bondy, c'est

gratuitement. Je l'ai fait pour entendre une autre langue et apprendre à la manier, pour découvrir un autre rapport possible à la vie et au corps, à la loi et au ciel- en somme , pour arpenter l'envers du décor" (p. 203)



Un livre bouleversant et dérangeant, qui nous interpelle tous...très profondément ....sur l'existence de la barbarie et du mal , ainsi que sur les lieux marqués par le sceau du malheur, de l'infamie...!



Ce lieu mal connu de Drancy, La Cité de la Muette à Drancy, à l'origine devait être un fleuron de l'architecture française. Dessinée par deux grands architectes, elle représentait une réponse au Bauhaus allemand et une révolution du logement populaire. Mais le chantier fut interrompu avant-guerre et , de 1941 à 1944, elle devint ce que l'on sait: un camp administré par les gendarmes français et les nazis...Depuis cet endroit, soixante-sept mille juifs furent déportés !...



"Rien que pour eux, mais aussi pour tous les autres disparus, monsieur l'historien, je me suis juré que, jusqu'à mon dernier souffle, je raconterai ce qui s'est passé à Drancy, à quinze kilomètres à vol d'oiseau de la Tour Eiffel. Oui, je me suis juré que je témoignerai sans relâche, parce qu'il faut que les gens sachent , il faut qu'ils comprennent de quoi l'humanité est capable, s'ils veulent avoir une chance de vaincre le mal en eux. Car c'est bien en nous qu'est la racine du mal, ne croyez pas qu'elle pousse seulement dans le coeur des autres." (p. 183)

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Pour que la philosophie descende du ciel

Je ne sais pas vous, mais moi, je déteste les gens qui emploient des mots inusités, qui philosophent, la bouche en cul de poule en se croyant supérieurs. Comme si les idées n’étaient pas accessibles au commun des mortels. Non, mais !

Donc, c’est avec beaucoup de curiosité que j’avais coché ce livre de philosophie d’Alexandre Lacroix, essayiste et romancier, directeur de « Philosophie Magazine » dans lequel il a publié tous les articles présents.



Déjà, un point de départ : pourquoi les idées se baladeraient-elles là-haut, dans le ciel, au-dessus des expériences ordinaires ? Eh bien...à cause de Platon et puis de Socrate ! Je ne vous refais pas un cours, rassurez-vous. Mais Alexandre Lacroix, lui, dit que finalement, c’est à partir de sa propre expérience, de sa propre perception du monde que chacun peut « penser » et se forger une opinion. Finalement, ce sont les humains qui font le monde, non ? Ce ne sont pas des Idées, qui, aériennes, vogueraient toutes guillerettes et daigneraient s’abaisser de temps en temps vers des intellectuels à l’air absorbé.



Donc, nous voici sur Terre, nous cognant à toutes sortes d’expériences : le deuil, le couple, l’érotisme, la souffrance, l’éducation, le langage, les animaux, l’échec, le courage, la force, le vieillissement, la morale, le travail...Je m’arrête là.

Alexandre Lacroix part très souvent de son vécu et pense. Il cite de temps en temps d’autres philosophes, pour les expliquer, ou pour clamer son désaccord. Mais il accepte la diversité, il accepte la confrontation. Les livres de philosophie sont essentiels, pour lui, car « le grand philosophe est celui qui réveille notre pensée, tandis que le bercement de la banalité l’engourdit. La beauté du geste philosophique, c’est qu’on ne devine jamais comment le philosophe va s’y prendre. Ce qui compte, c’est la qualité de l’éveil que la philosophie procure ».



Tout au long de ces pensées, j’ai réfléchi. Sur moi-même, sur ce qui m’entoure, sur des concepts abstraits. Et je peux vous dire que ça fait du bien. Car on n’a pas beaucoup le temps de penser, en toute quiétude, dans ce monde de fous. Ce livre est vraiment un tremplin pour le commun des mortels, vers une forme plus aboutie du cerveau et de l’âme. Point de départ uniquement, car les chapitres très petits ne font évidemment que donner les jalons d’un développement à accomplir par soi-même.

Merci donc à Alexandre Lacroix, merci aux éditions Allary de m’avoir fourni matière à penser, « le plus sûr antidote au poison de la routine ».

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La naissance d'un père

Un, trois et cinq



Alexandre Lacroix raconte comment il est devenu père à cinq reprises avec des mères différentes. Un témoignage servi par une plume allègre qui n’omet aucun des aspects de la paternité.



C'est une histoire ordinaire et pourtant toujours exceptionnelle à laquelle nous convie Alexandre Lacroix, celle de la paternité. Pour le narrateur, qui n’est autre que l’auteur, cette paternité va se répéter cinq fois, ce qui n’est – avouons-le – peu ordinaire, d’autant que ces naissances n’ont rien de planifié. En revanche, cela confère, au fil de l’arrivée de ses enfants, une réelle expertise au géniteur.

Mais si les futurs pères peuvent trouver ici quelques conseils, c’est avant dans le style adopté par l'auteur que réside l’intérêt de ce témoignage. Voilà en effet la comédie humaine du XXIe siècle.

Bastien, son premier fils, naît le 22 octobre 2000 à Avignon. Un événement auquel le jeune père a pu se préparer pendant quelque neuf mois, mais qui le prend tout de même au dépourvu. Si à la maternité tout a l’air sous contrôle, les premières nuits sont difficiles à gérer «Nous nous sentions, l’un comme l’autre, abandonnés avec une tâche trop grande, trop grave pour nous. Nous allions nous faire aspirer, dévorer entièrement par cette si petite chose, cet angelot en pâte de Sèvres qui reposait sous sa couverture laineuse, car il avait besoin de soins constants, il ignorait la différence entre le jour et la nuit, il était indifférent à notre fatigue à nous…»

Comme pour la plupart des couples, après les premières angoisses, une routine quotidienne va se mettre en place, les tâches se partager. À la mère l'allaitement et au père les promenades. Si les ressources du couple sont limitées – il est écrivain et chroniqueur peu rémunéré, elle est prof de philo vacataire – il peut consacrer du temps à cet enfant. Bastien va ainsi grandir auprès d'un père très présent, qui arpente avec lui à peu près toutes les rues de la cité des papes et joue avec lui dans les bacs à sable, sous l'œil attendri des mères auxquelles ce rôle semble dévolu.

La vie sociale, notamment avec des voisins aussi particuliers qu'attachants, n'est pas abolie pour autant. Mais Mathilde, au bout de trois ans dans le Vaucluse, veut retourner en Bourgogne où une maison de famille leur permettra d’économiser le prix du loyer, une charge qui pèse lourd sur le budget du jeune ménage. L’auteur fait l’impasse sur la période qui a suivi et sa rupture avec Mathilde puisque le chapitre suivant s'ouvre dans un appartement de la rue de la Grange-aux-Belles, dans le Xe arrondissement de Paris, sans doute au moment où il conçoit son second fils avec Giulia, la belle italienne qui partage désormais sa vie. Elle donnera naissance à Andreano, Lucrezia et Giacomo. Autant d’expériences qui permettent à Alexandre Lacroix de creuser encore davantage le sillon de la paternité, d’approfondir les thèmes déjà abordés sur l’éducation et la place du père et d’ouvrir de nouvelles pistes comme la famille recomposée, les différences culturelles entre l’Italie et la France ou encore la famille nombreuse, aujourd’hui considérée comme une bizarrerie. Le tout est servi par une plume allègre qui n’oublie ni les délicieux mots d’enfant, ni les rituels qui se mettent en place, ni les lectures ou les jeux, de Tintin aux échecs, ni les vacances, comme celles à Capriata d'Orba dans le Piémont italien, «l'endroit idéal pour parler de Dieu et de théologie».

La naissance en janvier 2017 de Pietro Stelio Lacroix servant en quelque sorte de point d’orgue à ce beau roman de la paternité dans lequel on avance «à pas lents, avec un sentiment de gratitude et d’effroi» en découvrant «les pièces l’une après l’autre, les circulations, les étages et les cours intérieures.» À conseiller aux futurs pères – pour les encourager – à ceux qui ont connu cette expérience – qui retrouveront beaucoup de leur vécu – et aux mères qui seront curieuses de découvrir comment les hommes vivent une naissance.






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La naissance d'un père

J'ai souvent ri des scénettes ou des bons mots d'enfants qui jalonnent ce roman autobiographique. Pensez-vous, cinq enfants ! Enfants désirés, enfants de l'amour. Et c'est de manière toute naturelle que l'auteur a fait le choix de sa paternité comme sujet de son livre. Cela peut paraître déroutant, car très rare.

Jamais je n'ai lu, ni entendu d'ailleurs, un homme parler de ses enfants et de leur éducation avec autant de sincérité, de clairvoyance, ponctué de réflexions parfois très approfondies et dans un engagement total et inconditionnel. Je me suis dit franchement, cela aurait été malheureux qu'il n'ait pas eu d'enfants, cet homme ! Son épouse devait souvent le regarder avec des yeux admiratifs.



Quel bon moment j'ai passé ! Combien de passages lus et relus tant je les ai trouvés excellents ! Tous ces petits moments de la vie qui font l'existence , mêlés au travail, aux potes, aux écarts, aux difficultés à surmonter, l'auteur les prend à bras le corps et avance. Et fait avancer sa progéniture que l'on suit tout le temps de leur enfance.



C'est non seulement très plaisant à lire mais aussi fort intéressant. Beaucoup de réflexions sur la marche à suivre dans le quotidien. L'auteur réfléchit à son rôle de père et se remet en question. C'est jouissif du fait de nombreuses scènes cocasses.

Bravo à l'auteur qui nous a ouvert les portes de son intimité avec beaucoup de naturel. ça se lit comme du petit lait (ça, il aurait bien aimé). Bref, cette lecture m'aura apporté joie et plaisir et me donne fort envie de connaître d'autres livres d'Alexandre Lacroix.

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La Muette

Il s’agit d’un roman à deux voix : Elsa arrêtée, puis incarcérée à Drancy raconte ce qu’elle a vécu à un historien alors que Nour, jeune ado qui vit dans une cité établie sur ce que fût le camp, est interrogé par un policier.



Elsa raconte la vie quotidienne, les petites lâchetés les conditions d’hygiène déplorable la survie dans le camp, et les trains dans lesquels partent les déportés vers une destination que personne ne connaît sauf peut-être les Polonais. A chaque départ, on chante « ce n’est qu’un au revoir… »



Elsa raconte aussi son amitié avec Louise (elles dorment toutes les deux ensemble, collées l’une contre l’autre pour se réchauffer et se rassurer) et la fragilité des relations qui peuvent se nouer dans le camp, où le but est de survivre.



Elsa qui était institutrice crée une école pour transmettre un savoir et donner un espoir d’avenir :



« … ce qu’il y a de merveilleux dans ce métier, ce n’est pas de transmettre des savoirs, de bourrer les crânes, non. Mais, c’est ce qu’on ne soupçonne pas, ce qui est sous-entendu. Toute éducation est une préparation à vivre, car le simple fait d’éduquer suppose qu’il y ait un futur… Vous ne pouvez rien apprendre à un enfant ou à un jeune si vous ne croyez pas qu’il a un avenir, et un avenir digne d’être vécu, voilà ce qui m’est apparu avec évidence à Drancy. » P 90



Nour raconte au policier la vie de la cité, où l’espoir n’est pas forcément au rendez-vous, la vie des familles, le chômage, la drogue… son ami Jamie et la compagne de celui-ci. On comprend très vite qu’un évènement important s’est produit puisqu’il est interrogé, mais l’auteur sait manier le suspens, le temps suspendu parfois.



J’ai bien aimé ce récit choral où les deux héros sont prisonniers, chacun à sa manière, et tentent de s’échapper, leurs univers sont à des années lumières l’un de l’autre, mais leurs chants se mêlent, s’entrelacent ; le désir, l’espoir ou l’horizon bouché sont-ils si différents ? Ils traversent des épreuves tous les deux:



« C’est uniquement après que l’épreuve est terminée qu’on cesse de lutter et qu’on s’effondre. » P 137



Au départ, en écoutant parler Nour, j’ai éprouvé une certaine crispation, énervement même : comment ce jeune peut-il espérer s’en sortir dans cette cité alors qu’il ne parle pas la même langue que nous. Il s’agit d’un mélange de verlan, de mots anglais, quant à la concordance des temps ?



Et peu à peu, je me suis habituée, je suis allée vers lui en fait, j’ai essayé de le comprendre dans sa logique, sa manière de raisonner dans la violence habituelle, banalisée de cette cité, où les mots ont été vidés de leur sens : on parle de tournante, pas de viol collectif, on peut s’envoyer en l’air avec la compagne de son meilleur pote, il n’y a pas de mal, une fille qui vend son corps pour de la drogue, ce n’est pas de la prostitution…



Et ceci marche dans les deux sens : les policiers aussi jouent avec les mots.



« J’ai remarqué un truc marrant, soit dit en passant. Vous les condés, vous ne dîtes pas interrogatoire mais audition. Style, c’est un casting et on va être choisi pour The Voice ! faut avouer qu’il est bien hypocrite votre vocabulaire. Ça va avec le reste. » P 30



Je pense qu’il y a une mémoire des lieux, et aménager cette cité de La Muette, qui se voulait un fleuron de l’architecture, en logements sociaux alors qu’elle avait été entre temps le camp de Drancy, gare de triage pour la déportation, me choque profondément. Cela montre que l’on veut cacher ce qui dérange.



Ce roman est très fort, percutant, tant dans le style que dans le propos et on n’en sort pas indemne. Il marquera ma mémoire. Je ne l’aurais probablement pas lu sans les conseils de ma bibliothécaire préférée. J’espère vous avoir donné envie de le lire.
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Apprendre à faire l'amour

J'ai acheté et lu ce livre après avoir lu quelques interviews de l'auteur. J'ai été séduit par son approche, par sa critique de ce qu'il appelle le freudporn, enfin dans l'espoir de trouver une réflexion philosophique de qualité sur la sexualité.



D'un point de vue formel, c'est un livre de philo bien troussé, efficace d'un point de vue rhétorique, avec quelques petites références de-ci de-là. Rien à dire, ça fait le job. C'est plutôt le fond qui pêche.



Le début du livre s'est avéré conforme à mes attentes, mais bien vite, j'ai eu comme l'impression que quelque chose clochait. En fait, plus on avance dans le livre, plus on s'aperçoit que la posture de l'auteur n'est qu'une façade, qui masque une vision de la sexualité malheureusement terriblement conforme avec ce qu'il entend critiquer, et à mille lieues de ses discours d'introduction sur la beauté de la sexualité, sur la nécessité de la déconnecter de la performance, etc.



La fin du livre, surtout, est accablante : AL entend par exemple déconnecter la sexualité de l'impératif de l'orgasme. Les deux chapitres qu'il consacre à la question montrent cependant qu'il entend par là l'orgasme de la femme. Pour lui, en revanche, il n'est pas question de se priver du sien. Le livre, qui suit en quelque sorte le déroulé d'une relation, monte en fait en crescendo vers le chapitre 28, puis s'achève sur le repos. Montée, apex, retombée : c'est précisément le déroulement standard qu'il reproche au freudporn.



Pour le reste, la vision de la sexualité proposée est terriblement pauvre, machiste, et même trash par moments. Là aussi, du freudporn à l'état pur. Petit florilège : on ne parle pas pendant l'amour. Pas besoin de kama-sutra, on peut se limiter à la triade pénétration-fellation-sodomie. Madame n'est pas obligée d'avoir un orgasme, elle peut simuler si elle veut, ce n'est pas philosophiquement défendu apparemment. En revanche elle peut pleurer à la fin. Enfin, AL, incapable de s'extraire de la notion de domination dans l'amour, concède qu'on peut alterner le rôle dominant. Grand féminisme ! J'aurais plutôt eu tendance à remettre en question cette notion de domination mais bon. L'ensemble se revendique comme un point de vue, celui de l'auteur, donc un homme hétérosexuel. Moi aussi, ça tombe bien, mais cela n'interdit pas, me semble-t-il, de prendre en compte le point de vue de l'autre, et de proposer autre chose que la soupe viriliste ambiente.



Je schématise à grands traits les séquences qui m'ont gêné (en fait toute l'armature du livre, la posture générale). Pour le reste il y a d'assez bons passages, mais l'ensemble est cantonné à une défense et illustration de la sexualité ordinaire selon les standards d'aujourd'hui, c'est-à-dire le freudporn.



AL plaide pour refaire de la sexualité un moment esthétique, comme une ballade en forêt dit-il. Soit, mais le reste ne suit pas. J'invite ceux qui auraient des doutes à lire le chapitre 28, juste pour voir la tonalité d'une ballade en forêt selon AL...
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Devant la beauté de la nature

Je me rends compte que j'ai totalement oublié de chroniquer un essai que j'ai lu il y a quelques temps : Devant la beauté de la nature d'Alexandre Lacroix, qui m'a été envoyé par Allary Éditions, via net galley.

La beauté des paysages nous fascine. Un coucher de soleil, le ciel étoilé, une vallée verdoyante peuvent nous laisser muets d’admiration.

Pourquoi le spectacle de la nature a-t-il autant d’effet sur nous ?

Pour le savoir, Alexandre Lacroix nous embarque dans un voyage philosophique à travers les disciplines, les âges et les continents. On y croise Épicure, Kant ou Thoreau, mais aussi des peintres, des poètes, des spécialistes de l’évolution et de la biologie.On y apprend que la savane est le paysage préféré des humains. On y explore la façon japonaise d’apprécier une fleur ou un rivage. On dialogue avec des chercheurs du MIT ou des aveugles décrivant leurs plus beaux paysages. On visite certains lieux réputés pour leur beauté en France, en Angleterre, en Italie, en Patagonie…

Devant la beauté de la nature est un essai qui m'a captivé de la première à la dernière page. L'auteur nous montre sa vision de la beauté de la nature du point de vue philosophique, de l'art ou encore du point de vue de la littérature.

J'ai aimé ce qu'il nous raconte, sa relation avec la nature, avec sa beauté. Je trouve le ton très abordable, à aucun moment il ne m'a perdu ; au contraire à ma grande surprise il a réussi à me fasciner. J'ai apprécié sa plume :)

J'ai trouvé cet ouvrage très bien écrit, bien ficelé et je vous le recommande chaudement. C'est avec plaisir que je lui met cinq étoiles :)
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L'homme qui aimait trop travailler

Voici un livre qu'en temps normal je n'aurais sûrement pas élu pour figurer dans ma PAL, encore moins dans ma bibliothèque. Une iconographie et un titre explicites dans une couv' glacée qui en devient glaçante, des commentaires sur la toile peu engageants, un auteur aux fonctions trop proches du milieu de l'édition pour ne pas subodorer un vague soupçon de copinage, ... Mais le hasard des lignes du grand réseau en a décidé autrement, et c'est ainsi que je me suis retrouvé à accueillir un exemplaire de cette édition chez moi, et à ignorer mes préjugés. Bien m'en a pris.



Sommer est cadre sup dans le milieu du biscuit, un milieu où tout est paramétré, disséqué, décortiqué et réfléchi, du multitasking à la publicité paradoxale qui vante les mérites de l'hédonisme (« Carpe Diem », ou ceux qui le scandent dans la réclame ne sont pas ceux qui s'y adonnent), en passant par l'emploi du temps, évidemment minuté, surbooké, déshumanisé. Et l'amour dans tout ça me direz-vous ? Ben voilà, justement : de l'amour dans tout ça, il n'y en a pas. Ou alors si peu : un artefact de sentiments, un succédané d'illusions amoureuses... Et ne parlons pas de la tendresse (bordel)



Dans ce court roman, l'on suit Sommer au gré d'une prose aux allures de scan, une prose efficace, aux tonalités parfois philosophiques flirtant avec les lignes de la digression, une prose qui nous fait entrer de plein pied dans la vie de Sommer en nous détaillant une de ses journées de travail. Ce lundi de reprise ressemble à s'y méprendre aux autres jours de la semaine, mais il marquera le début d'une fin, ou d'autre chose, pour le moins le début d'une prise de conscience chez Sommer : « Cela m'avait toujours meurtri, cette faiblesse, d'être capable d'entrevoir l'absolu mais de ne pas être en mesure d'agir en conséquence, d'en égarer la trace, de ne pas savoir en faire une force en moi ".





Il ne faut certes pas s'attendre avec cette lecture à ouvrir les portes du suspense, on sait d'emblée où le surmenage mène. Mais on peut s'attendre à une agréable surprise, pour un ensemble efficacement bien analysé. En tout cas, la surprise a été là pour moi.

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Comment ne pas être esclave du système ?

"Ma priorité est donc de fournir une théorie de l'action que chacun puisse s'approprier et mettre en oeuvre à son échelle dès à présent, sans adopter pour autant une démarche extrême ou sacrificielle. J'ai conscience du caractère déceptif de cette approche pour un chercheur d'absolu, mais je me suis vraiment mis en quête d'une idée simple, à partir de laquelle on se sentira libre d'introduire quelques changements dans son existence, changements qui seront suivis d'effets."



Alexandre Lacroix fait bien de prendre ces précautions oratoires avant d'en venir au résultat de sa démonstration, qui en effet, selon mon ressenti, tombe à plat...



Pour autant tout n'est pas à jeter dans cet essai. J'ai notamment beaucoup appris sur l'utilitarisme. Né largement avant la date de 1989, je ne suis visiblement pas dans les clous pour me sentir à l'aise, ou même en phase, avec son constat de la connexion permanente et indépassable. Je préfère encore me ménager des zones à l'abri de toutes ces intrusions. Et lire un bon livre papier, sans surveillance intempestive ni hypertexte en fait partie.
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La naissance d'un père

La naissance d'un père Alexandre Lacroix Allary Editions.

Une première de couverture et un résumé intrigant je ne connaissais absolument pas Alexandre Lacroix avant d'ouvrir son dernier livre.

La paternité, une épopée !« La paternité est la grande affaire de ma vie adulte. Elle a occupé une large partie de mon temps.

Fort de ce constat , Alexandre Lacroix se lance dans ce livre qu'il appelle un roman que je qualifierai plutôt de récit, récit de ces années où les enfants ont peu à peu pris place dans son quotidien. Ses souvenirs affluent, le je est omni-présent, le père aussi bien sur .. Le directeur de la revue Philosophie magazine sait beaucoup de choses, a des avis sur beaucoup de choses ... Je me suis lassée très vite de ce récit à tiroirs, bien sûr j'ai compatis aux maladies, accidents qui ont entachés sa vie de père de famille exemplaire.

J'ai persévéré bon an mal an heureusement parce que dans le dernier chapitre Alexandre Lacroix ose écrire: "Je savais que cette soirée deviendrait la dernière scène de mon livre, je ne voulais pas la rater" .. Sans commentaire!!

Merci aux éditions Allary #LaNaissancedunpère #NetGalleyFrance
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Comment ne pas être esclave du système ?

Jusqu'en 1989, le monde était clair, dual, les pauvres s'opposant aux riches, le prolétaire au rentier, la campagne à la ville, etc... Depuis le web, l'humanité est transformée, peuplée de zombies le nez sur leur écran, plus de distinction entre travail et loisir, l'autoentrepreneur est devenu son propre salarié.

L'auteur, cartésien, propose une piste pour éviter l'excès dans un sens ou dans l'autre, ni trop de connexion ni aucune. Il vante le post utilitarisme, c'est-à-dire se fixer un idéal une bonne fois pour toutes, s'en servir de manière utilitaire et n'en point déroger. A nous de voir mais je trouve cela assez court.

C'est un philosophe et cela se remarque très clairement dans ce petit essai.
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Devant la beauté de la nature

Ce livre devrait être en prescription pour ceux qui souffre inconsciemment et consciemment de l'addiction à leur cellulaire, portable,etc..

Il est capable de donner l'intuition et l'aspiration de levez le regard pour voir le ciel et découvrir qu'il y a une beauté indéfinissable, et ainsi reprendre contact avec la réalité du vivant qui palpite autour de nous et en nous surtout. C'est un beau cadeau à s'offrir et aussi offrir à quelqu'un qui souffre de ne pas savoir regarder et ainsi lui permettre de Voir.
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La naissance d'un père

L'originalité de ce livre, revendiquée par Alexandre Lacroix lui-même, réside dans la position de l'auteur qui cherche à comprendre et à raconter comment un homme devient père. Beaucoup de livres ont été écrits à propos des relations que des fils ou des filles ont entretenu avec leur père. Autant ont abordé le rôle du père dans le ménage, la position de la mère face à l'homme de la maison. Mais l'auteur estime être le premier à avoir abordé l'expérience du devenir père, racontée par l'expérimentateur lui-même. Sur ce point, je ne serais pas aussi confiant que lui. Robinson, par Laurent Demoulin chez Gallimard(2016) en est un exemple. Cela ne range pas, pour autant, ‘La naissance d'un père' au rayon des livres inutiles.



Ce livre, en effet est très abordable et néanmoins sérieux. Ecrit par un philosophe qui a l'expérience du terrain puisqu'il a eu cinq enfants, ce titre nous invite à nous souvenir des petits bonheurs qu'on a pu vivre en essayant d'éduquer au mieux nos enfants. Par petits flashs, séquences parfois burlesques et souvent très tendres, il veut nous démontrer comment un homme devient peu à peu père et la sagesse à laquelle les enfants nous invitent lorsqu'on observe leurs centres d'intérêt et leur faculté à s'émerveiller de tout apprentissage.



Citation:

Je comprenais que les enfants, lorsque nous passons vraiment du temps avec eux, nous rendent le monde une seconde fois. Par empathie, immergés dans leurs impressions, nous nous mettons à redécouvrir des merveilles du quotidien. Un camion poubelles en tournée ou une tractopelle creusant une tranchée vers une canalisation sont, pour un très jeune enfant, des sujets d'étonnement d'admiration.



Loin d'être un catalogue de conseils, prétendus bons par l'auteur, ou d'un fourre-tout d'injonctions paradoxales et de principes cinglants, ce livre est aussi témoin d'un regard moqueur sur la vie d'un père, et plus encore sur celle d'un père de famille nombreuse.



Citation:

Passer de trois à quatre enfants dans une même famille, c'est franchir un cap. Rien n'est plus à vos dimensions. Vous ne pouvez plus monter dans un taxi. Impossible de demander à votre tante ou votre cousin de venir vous chercher à la gare. Les voitures normales sont conçues pour cinq personnes maximum. Quand vous entrez dans une rame de métro, vous ne tenez plus sur un carré de banquettes. Au restaurant, même s'il y a de la place, le serveur doit bouger des tables pour vous installer. Et quand vous allez chez des amis, même s'ils ont une grande maison, vous êtes encombrants. Avec trois enfants, ça passe encore. Mais lorsque vous arrivez à six dans un salon, il y a intrusion, presqu'effraction.



En le lisant et se reconnaissant dans la bonne volonté parfois décalée du père à enseigner au fiston les subtilités de vocabulaire dans notre belle langue française, on se dit que Raymond Devos aurait certes pu préfacer cet ouvrage. Ce qui e veut pas dire qu'après avoir lu, nous nous sentirons plus fort pour expliquer « comment est-ce qu'on parle par devant chez nous ! »



Citation:

Puis il finissait par s'exclamer : « Pour toi ! »

- Oui, c'est la tartine de papa. A la confiture de fraises. Tu en veux une aussi ?

- Une pour toi.

- Attention Giacomo, quand tu parles de toi, tu dois dire « moi ». « Je veux une tartine pour moi ». Ou « Donnez-moi une tartine ». Tu comprends ?

- Non pour toi. Toi aime la confiture.

- Je sais, c'est bizarre mon lapin, disais-je en commençant à lui étaler du beurre sur une tranche de pain. Mais le « toi » devient « moi » quand c'est toi qui parles. Par exemple, si je dis « C'est pour toi, Giacomo », toi tu me réponds : « Oui papa, une tartine pour moi ». Tu es un « toi » pour moi et un « moi » pour toi ».

- « Une tartine veux ! » criait-il en se demandant si je n'étais pas en train de l'embrouiller.

- Pour simplifier, tu peux aussi dire, ajoutais-je en lui montrant le petit carré de pain qui luisait de beurre et de confiture : « Cette tartine est pour Giacomo ».

- Non, Giacomo, c'est toi !

- D'accord, t'as gagné, t'es le plus fort. Régale-toi mon champion.



Cela étant dit, de manière très anecdotique, heureusement, l'auteur ne peut s'empêcher d'égratigner ses semblables par des attaques qui, finalement n'apportent aucune valeur ajoutée au récit. Affaire d'ego ? Probablement. Il a sans doute beaucoup à apprendre des jeux innocents des enfants dont il se dit un observateur assidu. Mais, le rôle de père n'efface pas toute envie d'être aussi le coq ! Alors donc, pourquoi rappeler, qu'en son temps, Marguerite Duras, dans un article qu'elle signe le 17 juillet 1985 dans Libération, a manqué de lucidité en désignant la mère comme celle qui ne pouvait qu'être la seule coupable dans la sombre affaire du petit Gregory ? Et même si cette erreur de positionnement de Duras peut s'entendre, pourquoi souligner que c'était l'été, que donc les gosiers devaient être secs et que …



Citation:

« Duras tournait en ces temps-là à cinq ou même sept litres de vins par jour. Il lui arrivait de mettre son réveil la nuit, à trois ou quatre heure du matin, afin d'ingurgiter un demi litre supplémentaire et de ne pas subir les tremblements du manque ».



Voilà bien, Monsieur Lacroix, des flèches inutiles à décocher dans le dos d'une consoeur écrivaine ! Dommage.



Et pourquoi aussi cette coquetterie d'auteur qui joue à se poser la question de savoir si son dernier chapitre est tout à fait dans la lignée de tous les autres ? Pourquoi cet appel au jugement du lecteur pour faire passer une décision qui est celle de l'auteur et qu'aucun lecteur ne conteste par ailleurs ? L'auto-flagellation est encore aux yeux de certains le signe qu'ils sont habités par le doute, donc profondément sérieux ! Leur hésitation, leur prudence d'homme faible rencontrant des difficultés à trancher justifie le courage dont ils font preuve pour dépasser leurs angoisses et trancher de manière virile les révélant parfaitement capable de régner dans leur univers... Vieille ficelle du métier que ces faux combats intérieurs et, in fine, verbiage scriptuaire sans aucun panache!

Car, s'il avait cru flouer le lecteur, ou il ne disait rien et passait en doute, ou il retirait ces derniers paragraphes ce qui n'aurait modifier que l'aspect cosmétique de son bouquin ! Allons, un peu de simplicité s.v.p. !



Citation:

« Je n'avais jamais provoqué délibérément une expérience ou un moment de vie avec l'un ou l'autre de mes enfants, dans le but de les placer ensuite dans mon livre. Et donc provoquer une rencontre à vivre avec mon fils aîné, premier enfant introduit dans le livre qui, à son terme est devenu majeur, me posait question. A mon sens, procéder ainsi , vivre une situation en sachant qu'on va l'écrire, c'est non seulement trahir les autres mais aussi se tromper soi-même »



Enfin, hormis la double réserve annoncé ci-dessus, au terme de ce livre, somme toute assez agréable et au regard tendre sur nos enfants, nous pouvons entrevoir les difficultés à devenir père mais aussi les joies, petits et grands bonheurs à partager. On sourit, se retrouve. On apprend et on se prend même l'envie d'approfondir quelques réflexions sur les sujets évoqués. A découvrir donc.


Lien : https://frconstant.com/
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Pour que la philosophie descende du ciel



Dans l'ensemble je lis très peu de philosophie, ou alors éventuellement des recueils de ce genre. Non pas que je ne m’y intéresse pas mais ma seule rencontre avec le domaine, c’est le cours de philo de la terminale. Autant dire il y a une éternité.

Qui lire, par quoi commencer ? Alors finalement je ne lis rien. Je suis donc assez contente de voir que selon Alexandre Lacroix je n’ai nul besoin de fréquenter Socrate, Descartes ou Nietzsche, philosophes qu’il cite parfois, pour philosopher moi-même. En fait je le faisais déjà sans le savoir comme le bourgeois gentilhomme, etc…

Tout ne m’a pas intéressée, ni forcément convaincue mais savoir qu’il suffit de se poser des questions, de faire des rapprochements, à partir de son expérience, comme lui-même le fait est libérateur. Car il ne part pas d’un concept abscon pour dérouler un cheminement de pensée. Ses débuts sont du genre “ S'il est un argument que je trouve agaçant, parmi ceux qui visent à vous dissuader d'avoir des enfants, c'est bien celui-ci : à quoi bon, entend-on dire parfois, donner la vie à de pauvres êtres humains dans un monde aussi mauvais que le nôtre? ” et conclue par “ Voilà le meilleur argument contre ceux qui s'interdisent de procréer à cause du réchauffement climatique, de la récession, ou des guerres à venir : dans la pire adversité,la filiation est le dernier rempart de l'humanité.” Et pour aller de l’introduction à la conclusion, il passe par le roman La route de Cormac McCarthy.

Ou encore “ Voilà une histoire vraie, qui m'est arrivée il y a quelques années : j'étais allongé sur le dos, en proie à une insomnie plutôt paisible. Je n’irais pas angoissé (….) Soudain, je me suis vu depuis le plafond. Tout se passait comme si mon regard et ma conscience étaient suspendus dans les airs à deux mètres à peu près au-dessus de moi. “ et termine par “ Où l'on voit que le couple âme-corps, tel qu'il a été compris et inculqué par la tradition occidentale, définit l'éventail des expériences que nous sommes capables de vivre sans basculer dans la terreur ou la folie. “ Après avoir comparé notre vision dualiste avec celle d’autres peuples dans lesquelles la personne a d’autres émanations que les seuls corps et âme.

Ces deux exemples représentent le genre de réflexions que l’on peut attendre de ce livre. En quelques pages, trois à cinq, et une pensée simple il invite à réfléchir à ce qu’il dit et à laisser notre propre esprit vagabonder et à élaborer lui même une pensée philosophique, non validée par un penseur dûment estampillé.

Ce qui ne dispense sûrement pas de les lire, mais permet sans doute de le faire plus librement.

Pour ma part je vais aller à la bibliothèque, feuilleter des numéros de Philosophie Magazine dont il est directeur de rédaction.

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La naissance d'un père

Quand un philosophe écrit sur son apprentissage du rôle de père. Exercice de style peu répandu d’après l’auteur chez les écrivains.

Il y a le premier fils, né d’une première union d’avec Mathilde, la complicité naissante avec celui-ci, mi- apeurée, mi- maladroite, faite de recherche de symbiose et de complicité où s’inscrit de manière solide les bases de la relation père –fils.

C’est l’occasion, au travers leurs déambulations citadines, d’une photographie sociale de la ville d’Avignon de cette époque, notamment une certaine pauvreté de sens. Il en reste une vie de quartier, des voisins haut en couleurs.

Il s’approprie cette place de père au gré de ses propres souvenirs d’avant, sa jeunesse et les plaisirs passés. L’amour inconséquent

Sa confrontation à la pression sociale et la nécessité économique de subvenir aux besoins d’un enfant aussi.

Quelques clins d’œil aux observations quasi impuissantes des pères comme le combat douteux des pro Lèche League, anecdotique pour tout papa confirmé, la grossesse et le changement du corps de la femme, l’accouchement, la douleur et les préparations à l’accouchement.

Le récit amusant et nostalgique du départ d’Avignon couplé à un flou chronologique quant à l’arrivé du deuxième enfant, fruit d’une nouvelle relation avec Giulia. Son attachement à la terre, à ses racines familiales également.

Il y a les amis qui s’éloignent et les nouvelles relations amicales que provoque le statut de parent.

Le questionnement des symboles qui entourent la naissance et le premier âge de la vie comme le cordon, l’objets transitionnel cher à Winnicott qu’il met au pilori.

La maladie et les peurs nouvelles endossées pour son troisième enfant montre la fatale impréparation et la vulnérabilité que revêt le costume de papa.

Ce récit est riche et personnel, à la construction hasardeuse, imposée par la réminiscence des événements déjà anciens pour l’auteur je pense. Ce qui en soit est déjà un bel exercice de style, car le temps file vite lorsqu’on devient père.

J’ai trouvé un intérêt certain dans ce livre offert par ma femme et lu alors qu’on attendait notre troisième petite fille.

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La naissance d'un père

Je découvre l'auteur avec ce roman. J'aime beaucoup les Éditions Allary, la couverture et le titre de ce roman m'ont intriguée. "La naissance d'un père" car nous ne naissons pas parent, nous le devenons et lorsque notre enfant né, une part de nous se révèle. Alexandre Lacroix va faire cette expérience 5 fois...



Beaucoup de stéréotypes existent sur les familles dites nombreuses. Dans le regard collectif soit c'est une question de classe sociale soit de religion. L'auteur met en avant les familles nombreuses lambda. Une ode à la famille, à la paternité.



Peu de rebondissements car c'est la vie ordinaire que l'auteur nous raconte, le quotidien, la gestion d'une famille avec enfants. À travers sa paternité, l'auteur se confie, nous découvrons un peu sa vie mais elle est au second plan et seulement si elle a un rapport avec son rôle de père. Ainsi la séparation avec sa première compagne et la rencontre avec sa femme ne nous sont pas contés. Un peu perturbant d'ailleurs pour se situer dans le temps...  Les difficultés, elles, ne nous sont pas cachées.



Tout au long des pages, l'auteur nous procure divers sentiments, la joie, la peur lorsque Giacomo contracte une méningite. Le mail de conseils envoyé à sa collègue enceinte m'a fait  rire. Le vin a peut être une place un peu trop importante à mon goût comme s'il était parfois nécessaire de boire pour supporter le quotidien. Pour autant l'auteur nous dresse le portrait d'une famille actuelle, recomposée, nombreuse avec un père investi, une mère active. J'aime cette image de la famille.



Une lecture fluide, intéressante sur un sujet peu abordé. J'espère relire un autre roman de l'auteur pour découvrir un peu plus son talent! Je remercie les Éditions Allary pour l’envoi de ce roman de leur rentrée littéraire via Netgalley.
Lien : https://leslecturesdemamanna..
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La danse, philosophie du corps en mouvement

D'où vient l'impulsion de danser ? Que vaut l'idée selon laquelle trop réfléchir empêcherait de bien danser ou à l'inverse celle que bien danser irait de pair avec l'inaptitude à réfléchir ? La danse est l'apanage de la bipédie dit l'auteur citant la parade nuptiale des oiseaux de paradis remarquée par Darwin comme exemples de conduites renvoyant, pour le règne animal, à cette pratique humaine unique (L'origine des espèces, 1859). Pratiquée sans doute depuis la nuit des temps préhistoriques et dans toutes les cultures, entre fêtes et rituels, la danse reste aujourd'hui un langage universel des corps.



N'est-elle qu' "un art sans ouvrage" (Aristote) ? Qu'un simple "ornement de la durée" comme l'architecture et la peinture sont "des ornements de l'espace" et ne relève-t-elle que de l' idéal "de beauté, de perfection et d'expressivité" décrit par Paul Valéry ("Degas, danse, dessin", 1938), ce leg de l'Antiquité gréco-romaine valorisant la plastique des corps ? D'où vient la danse classique et quelle est son histoire ? En quoi cette discipline se distingue-t-elle d'autres pratiques, sportive ou artistique comme le théâtre, l'écriture, la peinture ? Pourquoi fascine-t-elle toujours ?



Simples questions posées par le directeur de la rédaction de Philosophie Magazine, Alexandre Lacroix qui font entrer le néophyte et l'amateur dans la spécificité du geste et du mouvement dansé et chorégraphié au fil de déambulations à travers l'univers feutré secret de l'un de ses temples institutionnels, l'opéra Garnier. Une immersion "in situ" de l'auteur pendant un an qu'il raconte ici, témoin des entraînements, répétitions, filages ou préparations des spectacles. Les performances physiques, l'endurance des danseurs, leur discipline s'imposent d'abord à lui. Puis les défis cognitifs et mnésiques auxquels sont soumis les artistes ainsi que les paradoxes d'un art qui place ces derniers entre liberté et contrainte, fusion et dissociation du corps pour atteindre le Graal d'une interprétation partagée en public laissant apprécier et transparaitre leur originalité propre.



La danse est observée dans le registre classique (Le rouge et le noir, programmation 2021/22) ou contemporain (Pina Baush et Merce Cunningham) quand l'auteur s'attarde auprès du chorégraphe Mats Ek (Another Place, programmation 2021/22) et sur le travail de deux étoiles aux personnalités différentes dont les trajectoires sont dévoilées au fil des pages : Ludmila Pagliero et Stéphane Bullion. Leurs voix mais aussi leurs silences se font entendre, leurs corps en mouvement regardés, admirés, émeuvent, interrogés par l'auteur, dans un texte dont la dimension humaine palpable est au moins équivalente à la portée conceptuelle du livre. Situations, propos et réflexions font écho à la riche mise en abîme théorique qui illustre le sujet et où s'invitent neuro-scientifiques, philosophes, penseurs du vitalisme (Bergson), psychanalystes et psychologues, écrivains et chorégraphes...



Bref, la danse apparaît ici en majesté essentiellement comme un art de la relation porté par l'engagement et le désir d'accomplissement d'artistes d'exception au sein d'un collectif qui ne l'est pas moins. La philosophie qu'on aime.
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Pour que la philosophie descende du ciel

Partir de soi, de sa propre expérience pour oser penser, réfléchir et en garder trace. Chaque thème touche, ébranle ou étonne. Les propos sont fluides , aisément appréhendables même pour les néophytes (dont je fais partie) et suffisamment étayés pour nourrir le lecteur. Ils laissent parallèlement une grande latitude pour avoir envie de creuser davantage.

Une bibliographie indicative aurait pu être un plus en fin d'ouvrage mais en picorant les références citées dans l'ouvrage, de nombreuses perspectives sont déjà offertes au lecteur.

Une bonne découverte, et j'y reviendrai souvent tant certaines conclusions de paragraphe éclairent et font office d'aphorismes.

SP

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