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Critiques de Alexandre Lenot (73)
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Écorces vives

En plein coeur du Massif central, dans un coin de campagne que la modernité semble avoir oublié, il suffit de l’ incendie d’une masure pour la rumeur vient échauffer les esprits et fasse ressurgir les haines ancestrales.





L’écriture est superbe, avec un lexique pointu, une syntaxe élaborée, aux confins de la poésie, exigeant une lecture attentive pou en apprécier la richesse. Une des plus belles proses parmi les lectures de ces dernières semaines. Des phrases qui se savourent comme un vin précieux, un mets raffiné, nécessitant une disponibilité de l’attention pour en analyser les subtilités.



Et c’est au dépens de l’histoire. Certes peu à peu, les personnages prennent corps et se racontent , avec parfois encore des incertitudes lorsque la narration les avait mis en parenthèse.

Eli, Andrew, Louise, Lison livrent leurs failles parcimonieusement, avec pudeur et parfois une évocation trop brumeuse pour que l’on s’y retrouve.



L’intrigue a besoin de temps pour émerger des magnifiques descriptions des lieux et des portraits en demi-teintes des personnages. Le fil conducteur est ténu. Il faut attendre le dénouement de ce qui se tricote au fil des chapitres pour comprendre, peut-être, ce qui se tramait jusqu’alors.



C’est court mais très dense. Très prometteur, aussi, car ce premier roman est si maitrisé sur le plan de l’écriture qu’il laisse augurer de futures productions aussi séduisantes.
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Écorces vives

Un roman noir illuminé de la présence des femmes, d'un verbe exigeant. Si vous cherchez un moment d'inscouciance, passez votre chemin. Alexandre Lenot vous brosse à rebrousse-poils un récit où les femmes sont belles, fortes presque à leur insu, évoquent la rudesse d'un monde reculé avec tendresse pour ces hommes taiseux, brutes de s'être frottés à des hivers rugueux.



La terre, la guerre, l'héritage, les hommes. les femmes solides, douces, maternelles, sauvages pourtant, aident à vivre dans ce monde hostile. Lison, Louise, Céline fragiles et robustes à la fois ; prêtent à se battre s'il le faut.



Le noir du monde se dispute à la poésie du style anachronique dans cet environnement montagnard, rebelle, où les arbres prennent soin de leurs racines, comme les hommes s'y accrochent rudement. Une vibrante ode au territoire. A la magie de la nature, de la rencontre Louise et Eli, écorcés par la vie, mais vibrants encore, vivants doucement.



Les nombreux destins croisés additionnés à l'écriture sophistiquée rendent la lecture absorbante. Pas de distractions possibles, tout est tendu jusqu'au dénouement.



Une plume délicate et rude, qui vous visse résolument au récit mordant de la vie des habitants accrochés à leur territoire déserté, jusqu'à l'épilogue.



Un premier roman de la sélection 68 Premières Fois qui ne laisse ni indifférent, ni indemne. Hâte de découvrir le second opus.



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Écorces vives

Eli a fui la ferme qu'il habitait après y avoir mis le feu et erre dans le bois, Louise une jeune fille s'occupe des chevaux et du domaine d'un couple d'américains installés de longue date et qui la recueillie, et Laurentin, la cinquantaine, gendarme qui a choisi une garnison "au vert", autant de personnages qui vont se retrouver catapultés, et affronter la violence dans un massif Central déserté et menaçant...Des signes - cercles, triangles sont peints en rouge sur différents bâtiments, exacerbant l'animosité entre chasseurs et fermiers, réveillant la violence entre des jeunes désœuvrés et révélant l'impuissance des gendarmes, quelque peu débordés.

Un roman sous tension, à plusieurs voix, dans lequel chacun des récits devient épique et dramatique.



Écorces vives est un roman rural noir, un roman d'ambiance dans lequel Alexandre Lénot s'empare des thèmes très actuels, la désertification des zones rurales, des oppositions entre chasseurs et protecteurs de l'environnement, du manque d'entretien des moyens de communication et des laissés pour compte qui ne trouve plus leur place dans la société.

Une écriture poétique et souvent épique pour décrire des personnages en recherche de repères mais, même si j'ai apprécié le style, j'ai trouvé que les pièces de ce puzzle ne s'emboîtaient pas toujours très bien.

Ce bémol à part, ce premier roman permet de découvrir une nouvelle plume et un écrivain à suivre.

Je remercie Babelio et les éditions Actes sud - Babel pour la découverte de ce roman noir.
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Écorces vives

Dans son premier roman Alexandre Lénot illustre à merveille les observations émises en 1824 par le Genevois Charles-Victor de Bonstetten. Dans son essai

«L'homme du midi et l'homme du nord», il nous explique comment le climat influe sur le caractère des habitants et comment la géographie précède l’histoire. Ce préambule pour dire combien la région désertée du massif central où l’auteur situe son récit est bien davantage qu’un paysage, mais un acteur à part entière du drame qui se joue ici. L’écriture épouse du reste la densité des forêts, ses méandres, ses mystères. Touffue, envahissante, enveloppante, il nous prend même quelquefois l’envie de tailler à la serpe pour échapper à l’oppression grandissante.

Tout commence par un geste aussi spectaculaire qu’inexpliqué: Éli, qui «était venu dans le Nord du Cantal, sur ces terres que tout le monde s’évertuait à fuir» vient mettre le feu à une masure qui semble abandonnée, avant de passer son chemin.

Le capitaine Laurentin est fait du même bois, «il avait quitté la ville pour la gendarmerie dans les montagnes, pour les longues marches avec les chiens, pour les silences imposants, pour les nuages qu’on peut voir arriver de loin.»

Aux côtés de ces deux protagonistes, l’un essayant de fuir l’autre, l’auteur choisit de laisser trois autres personnages nous donner leur version des faits, trois femmes: Lison, Louise et Céline.

Lison a perdu son mari et avec lui bien des illusions. Elle doit désormais assumer seule l’éducation de ses deux garçons. Louise est une vieille connaissance d’Éli, c’est elle qui va l’accueillir et recueillir ses confidences. Il lui explique qu’en fait, il voulait acheter la maison qu’il a brûlée. Céline, pour sa part, était venue passer quelques jours de vacances là, avant de revenir pour ne plus repartir. Trois femmes qui, comme dans le chœur des tragédies grecques, vont faire souffler le vent de l’histoire, quitte à brouiller les pistes en relayant les rumeurs qui se propagent, notamment celles de ces rôdeurs qui les menacent.

On l’aura compris, il faut des caractères trempés pour venir se perdre là. Et quand on est installé, on se bat pour son territoire, se méfiant de tout étranger qui représente une menace potentielle.

Alexandre Lénot mêle habilement ces rumeurs aux bribes de biographies, dévoilant petit à petit les raisons qui ont poussé les uns et les autres, revient sur les souffrances endurées, les raisons des rivalités. Loin du polar traditionnel, il nous fait comprendre pourquoi «ici tout le monde poussait de travers, comme les arbres fruitiers qui se contorsionnent pour aller attraper plus de lumière.»


Lien : https://collectiondelivres.w..
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Écorces vives

Qu'est-ce qui peut bien avoir brisé les âmes et les corps rencontrés dans Écorces vives d'Alexandre Lenot ?

Tous leurs souvenirs et tous leurs travers n'auront de cesse de se frotter aux bois et aux rochers antédiluviens de ce centre de la France sauvage et hostile, sous les regards souvent froids et pierreux des autochtones.



Avec en toile de fond une dénonciation des vies volées pour ceux qui travaillent loin de la nature, les vents et les dessins du ciel ponctuent sans cesse un texte abrupt, et conjuguent l'action, entre portrait d'un monde agricole inhumain et description d'actifs à la dérive.



Le chuintement du vent, le froid mordant des immensités forestières auront - ils raison des quatre tristes vies de ce roman ? Elles qui se croisent, se heurtent d'avoir dû tant se plier : Éli, Louise, Laurentin et Lisons... autant de personnages mystérieux pour le lecteur ; car ils ne se dévoilent que très succinctement au travers d'infimes détours et de quelques souvenirs apportés par le vent, la nature et la faune.



Autant de prénoms en "l" portés par les "ailes" du désir de tenir coûte que coûte, de ne pas rester écrasé(e) voir pétrifié(e) par leurs désespoirs.



Ce premier roman dessine avec style ceux qui ont mis leur passé douloureux à distance, pendant que du fond de la vallée grandissent les colères contre des actes inexpliqués provenant des hauteurs.

Qui sont les Apaches ?

Qui sont ceux qui laissent par tous les lieux leurs messages rouges ?



Hélas, malgré cette question à résoudre, il ne se passe pas grand chose dans ce roman (en quelque sorte un NATURE WRITING à la française) hormis la montée tectonique de toutes les tristesses et des colères réunies. Actions anciennes, intensions... l'auteur excelle à nous en dévoiler le minimum, mettant toute sa verve dans son style écrit, fouillé, travaillé avec grand soin pour décrire les ambiances intérieures et les ressentis de chacun.



J'y ai parfaitement vu s'afficher sous mes yeux le film de ce récit, mais j'ai malgré tout trouvé l'intrigue trop mince et reproche à l'écriture un manque d'ancrage dans le réel.



Cependant, si vous aimez les textes sombres, les écritures très travaillées, le style littéraire du NATURE WRITING alliant déambulations et contemplations, ce country movie devrait vous satisfaire.

Tous les goûts sont dans la lecture.



Je remercie BABELIO et les éditions Actes Sud pour cette lecture noire mais originale.
Lien : http://justelire.fr/ecorces-..
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Écorces vives

Jouons. On met dans une boite un mélange de mots, de lieux, plein de personnages. On mélange. On fait un texte travaillé au maximum même si c’est incohérent, pas grave, on en publie un livre. Même en décortiquant l’écorce de l’arbre, dessous c’est creux, du vide, des branches qui partent dans tous les sens, sans visiblement se rejoindre. Je vois la critique de lafilledepassge qui ne me donne pas envie de continuer. Stop à un peu plus du tiers.
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Écorces vives

J'aime les premiers romans. Leur fraîcheur, leurs maladresses, leur naïveté. J'aime le vent nouveau qu'ils apportent, le style moins convenu, moins conventionnel. Cette promesse d'autre chose. J'aime cette plume (encore) libre, légère, grouillante, sauvage même. J'aime cette urgence du premier roman. Et j'aime prendre des risques. Enfin si on peut appeler ça des risques, puisqu'il ne s'agit en définitive que de se laisser emporter par une histoire. Ou pas d'ailleurs.



Mais ici je suis déçue. Très déçue par ces « Écorces vives ». J'ai eu beaucoup de difficulté à rentrer dans l'histoire. Quelle histoire d'ailleurs ? Celle de cet amoureux déçu qui incendie la ferme où il espérait bâtir sa famille ? Celle de cette jeune femme violée par l'ami de la famille ? Ou celle de cette veuve dont le cousin guette les terres ? Non il n'y a pas vraiment d'intrigues, pas vraiment de suspens.



Des atmosphères, alors, me direz-vous. Et je me garderai bien de vous répondre de mon air impertinent si j'ai une g… d'atmosphère, enfin vous me suivez. Eh ben là non plus. Un style travaillé, poussif, monotone. Des personnages caricaturaux, décrits à la grosse louche de sorte qu'on ne peut éprouver de la sympathie à leur égard. Des paysages, des gens, des ambiances, qui ne correspondent pas du tout à mes souvenirs du Nord du Cantal.



Je me suis tellement ennuyée que je me suis même dit que j'avais été trop dure avec « Grossir le ciel ». Tiens je m'en vais lui rajouter une demi-étoile, à celui-là …



Non, décidément non. Nous sommes vraiment très loin du délicat «d'argile et de feu » d'Océane Madelaine, du très beau « Nos mères » d'Antoine Wauters, ou encore du fameux « Tram 83 » de Mawanza Mujila.

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Écorces vives

Ecorces vives je l'avais noté lors du dernier masse critique. Ce livre m'intriguait et j'ai eu envie de le lire. Et pourtant je ne suis pas attirée par cette collection chez Actes sud. Là j'aimais bien le dessin de couverture....

Ma lecture a été laborieuse et pourtant le roman ne fait que deux cents pages. Sans doute la lenteur de l'action et l'incompréhension au début. Ce n'est qu'à la page 100 que l'on a l'impression d'être enfin dans un policier, là où l'histoire s'emballe un peu.

Sinon c'est un ode à la nature, c'est aussi une plongée dans une région âpre, dans un monde clos et irrespirable, roman à vif qui avance lentement, ne se dévoilant pas. On ferme le livre un peu surpris. L'auteur ne nous donne pas les clés, il manque quelques explications pour relier les fils.

Après il y cette nature vivante et violente, des gens bruts et brutaux.... Des plaies et des douleurs et quelques beaux personnages.

L'écriture est puissante, très poétique.

J'ai pensé au dernier Goncourt "Leurs enfants après eux" pour la satire sociale, le coté désespéré.... J'y ai retrouvé aussi un peu de "Chien-loup" de Joncour.

Minutieux et terriblement efficace mais pas pour les amateurs de thriller...



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Écorces vives

Amateurs de sensations fortes, d'intrigues à rebondissements passez votre chemin. Ce roman n'est qu'atmosphère. Mais n'est-ce pas le plus difficile ? Faire ressentir... Ce qui fait ce livre - un premier roman ! - c'est la force de son écriture d'où jaillissent des images et des sons, les bruits de la nature, la splendeur d'une bête sauvage, la souffrance des douleurs enfouies. Les phrases se savourent. On ne sait s'il en restera grand-chose dans quelque temps mais on profite du voyage, de cette plongée singulière dans les tréfonds de la nature humaine.



Nous sommes au cœur du Massif Central, en pleine nature, loin des villes. Ici, les fermes sont isolées, la parole est rare. Ici, les inconnus ne sont pas les bienvenus. Le lieu est idéal pour enfouir ses chagrins, tenter de soigner ses souffrances. Pourquoi Eli a-t-il incendié une vieille ferme avant de se transformer en ermite dans les bois ? Quelle souffrance Louise a-t-elle perçu chez lui, elle qui a choisi de s'isoler aussi, loin de sa famille et qui se reconstruit doucement et sans bruit ? Louise est la seule à tendre la main à Eli, cible de la vindicte des villageois, faite de rancœurs accumulées et de haine des étrangers. Que fuit le Capitaine Laurencin venu s'enterrer ici après une brillante carrière ? C'est à travers ces trois voix que s'esquissent peu à peu les contours d'une tension de plus en plus palpable tandis que tous les protagonistes convergent vers le drame annoncé...



C'est noir. Sans beaucoup d'espoir. Cette confrontation impossible, interdite entre l'homme et la nature. La nature pourrait-elle être le refuge des êtres cassés par la vie ? Cette même nature que la civilisation détruit, asservit sans pour autant garantir une vie meilleure. Tout ceci affleure sous la prose puissante de l'auteur et on se laisse envahir par les bruits de la forêt, l'odeur de l'humus et le crissement des feuilles sous les pas des chasseurs. Par la sensation d'un monde qui ne tourne pas rond. C'est noir, mais finement mené. Ce qu'il en reste - car finalement il en reste bien quelque chose - c'est une sensation de malaise, par rapport aux enjeux que l'actualité nous rappelle de façon de plus en plus pressante.



"Peut-être qu'il faudrait nager dans les courants, se jeter dans les rapides, fermer les yeux et crier très fort en arrivant aux chutes. Peut-être qu'il faudrait se réinventer un petit dieu, le faire à notre main, lui imaginer des chants païens, comme l'ont fait nos parents. Peut-être qu'il nous faut de nouveaux rites pour en finir avec nos peurs, de nouvelles forêts pour nous abriter du regard du ciel, de nouveaux faisceaux pour éclairer nos nuits, de nouvelles phalanges pour nous garder de nos ennemis. De nouvelles pluies pour nous faire reverdir enfin".



C'est noir mais c'est beau. C'est noir mais c'est fort.
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Stop

68 textes. Quelques 300 pages. 68 hommes et femmes pour jeter une bouteille à la mer, dire leur colère, leur amertume, leur désespérance.

Un combat, ou 10, ou 100... L'anthropocène devenu capitalocène et anthropocide; la folie guerrière qui jette ses filets pour prendre les dollars des marchands de guerre; l'ineptie d'empoisonner la terre au principe de nourrir les populations; l'injure faite aux majorités dans l'injonction de faire plus et mieux quand ils donnent quasiment tout; le mépris jeté à la face de jeunes qui n'ont d'avenir assuré que leur lendemain; l'abrutissement orchestré dans une virtualisation offerte comme un pis aller rassurant; la compétition stérile et injurieuse sans cirque mais nourris de pouces baissés...

68 textes, cela fait beaucoup de mots et pourtant si peu quand il faudrait reboiser les esprits de milliers de gens.

Mais peu de mots au carré, au cube, à la puissance de 1000 lecteurs, voilà que cela devient une marée, un tsunami.

Romanciers, poètes, dessinateurs, réalisateurs, journalistes, sociologues, ces hommes et femmes ont joué le jeu d'un appel lancé par Oliviet Bordaçarre. Ecrire pour marquer un Stop, pour dire la colère et la peur.

Bribes de réflexion, manifestes, poèmes, courtes nouvelles, ces textes empoignent le cœur, rallument l'effroi ou offrent un peu d'espoir. Mais tous sans exceptions, secouent la torpeur insouciante qui sait que la situation est grave mais veut croire que l'humanité, en bonne élève, poursuivra sa course, persuadée de l'impossibilité de son extinction.

Collapsologie, pourront penser certains, oublieux des chiffres qui disent chaque jour la disparition de nos voisins aquatiques, volatiles, férus de froid, ou de forêts luxuriantes.

C'est peut-être un coup d'épée dans un océan d'impossibles, mais il a le mérite d'exister.

Alors, je sais gré à chacun de ces hommes et femmes, sentinelles, qui posent des mots comme on gratte une plaie, pour qu'elle suppure, gangrenne, et qu'enfin on coupe le membre.

Qu'importe le temps qu'il nous reste. Toutes les civilisations se sont éteintes un jour, mais, sans doute pouvons nous gagner un peu de temps avant que, pour citer cette belle expression de Mouloud Akkouche, la planète ne baisse définitivement ses paupières.

Un grand coup de chapeau à l'éditeur, la manufacture des livres, qui a joué le jeu.

Et, cerise sur le gâteau, tous les droits du livre dont reversés à des associations et collectifs locaux qui, en fourmis travailleuses, œuvrent sans relâche pour faire leur part du colibri.
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Écorces vives

Me voici bien embêtée. Embêtée mais pas surprise. En effet, j'ai terminé ce roman il y a une petite semaine et je me rends compte qu'il me reste essentiellement une atmosphère : l'évocation de terres gelées, de montagnes enneigées, d'arbres et de ronces, de lumières et de vent. Quelques burons, des éoliennes, au milieu de nulle part, au coeur du Massif Central. Des personnages qui souffrent aussi. En silence. Le tout plongé dans une semi-obscurité. "Écorces vives" est assurément un beau texte, bien écrit, travaillé, très travaillé même. Un texte serré et dense qui relève presque de la poésie et qui exige une lecture lente. La nature, sauvage et belle, semble ici tenir le premier rôle.

Du coup, je crains que le lecteur, amateur de romans noirs, soit un peu déçu et ne s'y retrouve pas vraiment. Car finalement, d'intrigue, il n'y en a guère, de suspense non plus d'ailleurs.

Et j'avoue que, victime moi-même des lois conventionnelles du genre, j'ai attendu assez longtemps que ça démarre, je me suis même ennuyée un peu. C'est dommage parce que la prose est belle. J'ai beaucoup aimé le personnage du capitaine Laurentin qui m'a fait penser à Langlois dans Un roi sans divertissement de Giono : son côté mystérieux, taiseux, en retrait, subissant la vie plutôt que la vivant pleinement. Les autres personnages, notamment Éli et Louise, deux amochés eux aussi, m'ont semblé plus convenus, plus dans l'air du temps. Pas loin du cliché, donc.

Tout commence avec un homme, Éli, qui arrive sur les terres du Cantal et met le feu à la maison (vide) de son amie Siskiyou, là où il avait rêvé de construire sa vie, d'élever ses enfants, d'être heureux. Il sera trouvé sur le côté de la route par une jeune femme, Louise, qui, après avoir subi un viol, a tout quitté et a trouvé refuge chez un couple de retraités américains qui vivent dans une ferme. Elle s'occupe des chevaux et dort dans un four à pain rénové. Elle aide aussi au potager.

Laurentin doit enquêter : y a-t-il un pyromane dans le coin ? Tout le monde a une idée sur la personne qui a commis cet acte, un voisin à dénoncer, un parent à accuser… Les rancoeurs, les jalousies, les haines ancestrales remontent à la surface… Certains semblent prêts à tout pour régler leurs comptes. Tous sont à vif, aucune plaie n'est refermée et le sang risque de couler encore…

Un premier roman très prometteur et un auteur à suivre donc...
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Écorces vives

Avec Écorces vives d’Alexandre Lenot, j’en suis à ma quatrième lecture pour cette session des 68 premières Fois…



Ce roman m’a énormément perturbée…

Je vais donc commencer par chercher des clés de lecture dans le titre, dans ces « écorces » dont il est ici question. L’écorce est la première couche protectrice, la seule que l’on voit la plupart du temps, le seul aspect visible de quelque chose, l’aspect extérieur, l’enveloppe… une fois appliquée aux personnes, l’écorce devient métaphoriquement l’apparence de quelqu'un, ce qui cache ce qu’il est vraiment au fond de lui, une façade ou une vitrine en quelque sorte. Ce mot véhicule aussi une notion de dureté : l’écorce n’est pas une peau ou alors une peau qui a durci, qui semble morte à l’extérieur, sèche et rugueuse.

Dans ce roman, les écorces sont vives, les écorces sont ce que l’on voit où ce que l’on croit comprendre des personnages ; sous leurs dehors rustres, rustiques, sauvages, discrets, taiseux, ils sont impatients, emportés, excessifs ou, plus positivement, capables de réagir vite et bien dans certaines situations.



Tous les personnages de ce livre ont des fêlures, se sont créés des carapaces de protection pour tenir debout, même les plus antipathiques. Tous véhiculent une certaine ambivalence, comme s’ils étaient tous à deux doigts de basculer du côté obscur ou dans la lumière.

Certes, ils répondent à quelques clichés du roman noir : le gendarme qui a tout donné pour son métier, arrivé là pour couper avec son passé, la jeune femme venue du nord qui en a pas mal bavé, le couple d’américains dont on ne sait pas grand-chose, la veuve qui se demande si elle va rester ou partir, sa nouvelle amie à la fois belle et mystérieuse, l’incendiaire qui a tout perdu, les éleveurs taiseux, les chasseurs stéréotypés… Mais tout cela est revisité, mis en perspective par une ambiance faite de préjugés et de vieilles rancunes dans une nature encore un peu sauvage.

Ce roman les surprend tous à un moment donné de leur vie, nous les donne à voir évoluer et se débattre, puis nous laisse imaginer leur devenir, entre ceux qui restent et ceux qui partent, toujours avec leur part de mystère, le voile à peine levé pour mieux retomber.



Le lieu est ici un personnage à part entière… Les noms sont inventés et pourtant ceux qui connaissent un peu ces coins perdus du Massif Central vont s’y retrouver.

C’est ce qui m’est arrivé et qui m’a perturbée; je connais très bien un endroit d’où l’on voit de loin Le Plomb du Cantal, à proximité des gorges d’une belle rivière et d’un barrage asséché il y a quelques années pour y faire des travaux (j’y étais justement cette année-là et j’ai vu le village englouti), pas très loin non plus d’une chapelle abandonnée… Là, je fais de longues randonnées, seule avec mon chien et souvent mon portable ne capte plus alors je dis toujours de quel côté je vais, au cas où… C’est une zone que nous parcourons à pied ou avec des chevaux, on y passe des ruisseaux à gué et mon mari et mon chien se sont baignés au bas d’une cascade que peu de gens connaissent…

Nous avons nos marques dans un hameau perdu ; nous y savons des tensions entre deux familles, les gens sont peu communicatifs, on se salue quand on se croise et on évoque la météo… Nous tenons le chien en laisse à proximité des troupeaux, nous refermons bien les clôtures quand nous devons les passer à cheval et nous évitons les jours et les zones de chasse… Nous croisons souvent des chevreuils, des renards, des rapaces…

Nous faisons nos courses dans une commune de mille habitants environ dont nous connaissons la gendarmerie et sa sympathique équipe… Je réalise qu’en vous racontant tout cela, je vous parle du roman d’Alexandre Lenot.



En effet, après avoir lu et apprécié Écorces vives, je me dis que ce roman semble tout droit sorti et inspiré de cet endroit que je connais et qui compte beaucoup pour moi mais que les gens n’y sont quand même pas comme dans le livre, quoique, si on se mettait à gratter l’écorce, si on cherchait plus avant, il y aurait peut-être des traces de cette mélancolie, de cette révolte et même de cette hostilité et qu’il n’en faudrait pas beaucoup pour que les tensions provoquent un tel western rural.

La quatrième de couverture recommande de se méfier de la terre qui dort ; je pense à ces pays préservés, encore sauvages, à la dureté de leur climat, quand au début du printemps, c’est encore l’hiver… Je réalise qu’il y a comme une menace que j’avais peut-être un peu entrevue. Écorces vives n’est qu’un roman, un roman noir, mais un roman qui interroge, qui pose les jalons de l’altérité entre indifférence, méfiance et rejet, entre accueil, ouverture et acceptation.



Un bon roman noir, dérangeant et magnifique, mais qui laisse peut-être trop de zones d’ombres dans son dénouement.

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Écorces vives

« Écorces vives », j’ai aimé l’écriture dAlexandre Lenot ainsi que la construction du livre qui raconte des petits bouts de vie de chacun dans un milieu montagnard très rude.

Les personnages décrits sont plein d’humanité dans une société qui ne les accepte pas voire les déteste. L’étranger fait peur, la personne qui ne remplit pas les codes fait peur aussi. On a parfois l’impression que les hommes sont plus des animaux que des êtres humains surtout quand ils sont en bande et qu’ils peuvent exprimer toute leur lâcheté, leur bassesse. Au milieu de cette faune, il y a Jean qui vit avec son frère Patrick, un peu retardé - Lison qui vient de perdre son mari et vit avec ses deux enfants et Céline - et surtout, il y a Louise et Éli qui essaient de se reconstruire après avoir vécu des événements violents qui les ont brisés.

Ambiance noire mais lueur d’espoir au travers des personnages qui ne veulent pas subir la loi de ces hommes du cru, du pays.

Même si parfois, j’ai trouvé que certains faits étaient un peu trop irréalistes voire un peu clichés, je conseille vivement cette lecture qui fut un vrai bon moment.
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Écorces vives

Difficile de parler de ce premier roman qui ne m’a pas particulièrement emportée. Je suis assez surprise qu’il ait été édité dans la collection « actes noirs » de chez Actes sud tant il ne colle pas aux expectatives du roman noir habituel. Certes l’ambiance est pesante dans ces terres perdues du Massif central où l’on vit encore « à l’ancienne », c’est-à-dire en s’occupant du bétail et des travaux agricoles soi-même, où les terres sont acquises par mariage ou par héritage, et en refusant d’intégrer tout nouveau venu.

Il faut reconnaître à l’auteur un certain talent pour dresser le portrait de ces personnages rustres, aux manières rudes et discutables. La violence des actes fait partie du quotidien, que ce soit dans les soins aux animaux ou dans les nombreux règlements de compte entre familles. Car c’est avant tout un milieu d’hommes et Alexandre Lenot ose y introduire trois femmes qui ne sont pas du cru. Que va-t-il leur arriver ?

Le récit se teinte de langueur ; un peu trop à mon goût…

Un point positif réside tout de même dans la beauté du langage. L’auteur exploite la beauté de cette nature sauvage pour donner une âme à ses personnages : « Il s'endort épuisé, chaque soir, en écoutant tomber les feuilles de ses arbres intérieurs ».

Un roman du style « nature writing » à la française.



Lu dans le cadre des 68 premières fois.

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Écorces vives

Alexandre Lenot propose ici un étrange roman dont le personnage principal pourrait bien être le pays lui-même, zone nord du Cantal où les vents ont tous des noms, où les températures sont aussi rudes que les paysages . Belle région, sans doute, mais manifestement encore repliée sur son mode de vie austère. Cela peut sembler accumulation de clichés (éleveurs taiseux, chasseurs mal dégrossis, voisins prudents, vieilles histoires et vieilles rancunes). Pourtant c'est sans doute une réalité, pas seulement propre au Cantal. Le paysage façonne les cœurs et les âmes.



Les personnages ne sont pas très nombreux et pourtant ils restent comme mal définis, avec des contours flous. Pourtant l'auteur ordonne son récit en donnant leur prénom à chaque chapitre. Il y a Eli, trente-six ans, venu là dans une idée précise : mettre le feu à la ferme qu'il aurait voulu acheter il y a déjà longtemps. Et renoncer à ses rêves.

Puis le capitaine Laurentin, gendarme venu de la ville, à la recherche d'un lieu où oublier le passé.

Et trois femmes par qui on en apprend un peu plus sur l'histoire. Louise, jeune femme qui travaille chez le couple américain installé là, Lison, la veuve chargée de deux petits à élever et Céline, venue de loin et jamais repartie



Mais en fait, c'est quoi, l'histoire ? Un trou perdu, où la vie est dure et qu'on cherche plutôt à quitter, des événements suspects qui se succèdent : après l'incendie, des pierres peintes en rouge disposées selon des règles inconnues, des inscriptions mystérieuses  et subversives. Alors, un nouveau Larzac ? Des écolos extrémistes ? Des rôdeurs animés de mauvaises intentions ? Le capitaine de gendarmerie doit mener l'enquête.

Il n'y a pourtant pas grand chose de commun entre ce récit et un polar.

On se laisse happer par la brume qui entoure les personnages, par l'évocation des lieux, par l'écriture savante et travaillée qui restitue ce monde rural,. Au point d'y perdre le sens des faits. C'est ce qui m'est arrivé , j'ai l'impression d'avoir feuilleté un album de photos anciennes, brumeuses, dont les personnages et les actions n'ont finalement pas la première importance.

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Écorces vives

Il m'a fallu un peu de temps, une belle pause d'une semaine sans une page tournée, sans une ligne lue, pour retrouver enfin un bouquin qui m'emporte !

Et là, dès les premières pages, dès les premières collines qui bordent le Massif Central, lieu de l'intrigue, et dès les premiers portraits de ces personnages, des hommes blessés, rudes, des femmes entre ombre et guerre, j'ai su que ça allait me plaire.

D'autant que l'auteur sculpte, au travers de ce polar rural, des scènes saisissantes de réalité, de brutalité, dessinent en artiste des sensibilités, esquisse un paysage presque sauvage, à l'écart de tout, où la nature permet parfois aux hommes d'outrepasser leur folie, d'exacerber leurs haines viscérales ou (et ce sont les plus belles lignes de ce polar) de communier avec les éléments et les animaux.

J'ai aimé la façon dont Alexandre Lenot fait la part belle aux blessures de ces êtres humains, la manière dont il restitue la fragilité de chacun (les "victimes" tout comme les supposés "guerriers"), mais c'est surtout habilement écrit, et plein de poésie !

(un polar qui aurait bien pu être publié à la Manufacture de Livres tant ça correspond à leur ligne éditoriale - mais je me réjouis aussi de trouver ce style de polar chez Actes Sud !)

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Écorces vives

"Ecorces vives" d'Alexandre Lenot est un premier roman, noir, que l'on sent écrit par une personne passionnée. L'atmosphère est particulière, les personnages de cette région reculée du Cantal, travailleurs, silencieux et pourtant si présents. Rivalités, hostilités, haine et amour se croisent et s'éliminent.

J'ai aimé ce livre comme ceux de Franck Bouysse, de Marcus Malte ou de Cyril Herry, il y a une atmosphère, une certaine poésie.

Original et très plaisant.
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Écorces vives

Quelque part dans le Massif Central, dans des lieux qui pourraient presque sembler oubliés des hommes, une petite ville périclite. Elle a sa bretelle d’autoroute qui dessert sa zone industrielle sur le retour, son centre gris aux rues désertes le soir… une sociabilité qui tient encore par le souvenir des temps d’avant mais qui est de plus en plus sapée par les vieilles haines d’autant plus recuites que ceux qui restent ce sont surtout ceux qui n’ont jamais pu partir. C’est là pourtant que débarque Eli avec ses airs de vagabond dégingandé, pour brûler une ferme à l’abandon, instillant un peu plus de crainte et de méfiance en ces lieux. C’est aussi là que Louise est venue s’isoler dans la ferme d’Andrew et Fiona, un vieux couple d’Américains. C’est là encore que le capitaine Laurentin finit sa carrière de gendarme.

En même temps que la peur s’installe, Alexandre Lenot, dans une très belle première partie, fait doucement monter la tension. Passant d’un personnage à l’autre, Eli, Laurentin, Louise, mais aussi Jean, le paysan taiseux et violent et Lison la jeune veuve, il pose par petites touches des éléments inquiétants annonciateurs d’un drame à venir. Le point commun de tous ces personnages, hormis Jean, c’est de ne pas être d’ici. Dans un pays qui se vide et dépérit, leur arrivée pourrait être une bénédiction. Elle n’inspire pourtant que la méfiance et une haine sourde que l’on sent prête à éclater. Et la bascule aura bien lieu.

Des comptes doivent être réglés, une violence rentrée ne demande qu’à sortir et les nouveaux venus sont autant de possibles victimes expiatoires. C’est dans cette seconde partie, celle où éclate cette violence, qu’Alexandre Lenot nous convainc un peu moins. Les gens du crû ne sont qu’une masse brute, brutale et abrutie, mus uniquement par le besoin de faire payer les nouveaux venus pour leurs malheurs. Parce qu’ils sont là, tout simplement, et que l’on a bien envie de tuer quelqu’un. Les victimes désignées, de leur côté, entendent non seulement vendre chèrement leur peau mais encore changer ce pays, au moins symboliquement, pour en faire peut-être le lieu de tous les possibles. Des possibles qui, bien entendu, ne peuvent coexister avec cette population dégénérée. Au milieu de tout cela, Laurentin essaie de faire respecter la loi à ses risques et périls, ce qui débouche sur une ultime partie dans laquelle Alexandre Lenot semble rejouer un western quelque part entre fort Alamo et La Horde sauvage.

Premier roman, Écorces vives est porteur de grandes promesses. Lenot polit les mots avec talent, s’y entend pour donner vie à un paysage et mettre en place ses personnages, ne démérite pas dans les scènes d’action. Peut-être toutefois s’est-il un peu trop laissé aller à l’exercice de style, au point d’oublier souvent la nuance – en particulier dans l’opposition caricaturale entre ceux du dedans et ceux du dehors – et a-t-il trop voulu aborder de sous-thèmes sociétaux – la crise de la France périphérique, les ZAD, l’accueil des étrangers, les agressions contre les femmes, l’homosexualité… – qui finissent, par effet d’accumulation, par devenir indigestes.

On reste donc partagé sur ce roman dans lequel on trouve autant de matière à se réjouir de l’arrivée de cette nouvelle plume dans le noir français, que de regrets de la voir se perdre parfois dans un récit par trop manichéen.


Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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Écorces vives

C'est au coeur du Massif Central à la ruralité bien ancrée, que le lecteur côtoie les destins d'hommes et de femmes en souffrance qui vont s'entrecroiser.

Pourquoi sont-ils venus se retrancher dans une région qui se vide peu à peu de ses habitants ?

On ressent la tension présente dès le premier chapitre, puis la méfiance et l'hostilité des autochtones à l'encontre des étrangers, ceux qui ne sont pas nés ici et qui sont jugés comme dangereux.

Une prose longue, recherchée, un peu confuse qui nécessite une lecture lente
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Écorces vives

Des hameaux perdus entre montagnes et forêts. Quelques familles dont chaque membre mâche indéfiniment de vieilles rancoeurs comme tétées en même temps que le lait maternel. Quel écho a le monde en ces lieux où l'imagination semble bloquée par la verticalité des monts et des arbres ? Rivalités ancestrales, bêtise et cruauté sourdent des vieux murs, enserrent les âmes et déploient leurs tentacules visqueuses jusque dans l'épicerie du village, jusque dans les chemins forestiers où l'on aime chasser comme pour entendre le chuintement du sang et de la vie qui s'écoulent, comme pour savourer, l'espace d'un instant, l'idée de toute puissance. La vie, c'est pourtant là qu'Eli avait voulu la poursuivre et que Louise réapprend à l'aimer. C'est là que le capitaine Laurentin efface des souvenirs trop lourds et que Lison défriche un nouveau chemin. C'est là que Jean se dresse contre ceux qui humilient, ceux qui ricanent, ceux qui tirent une fierté mauvaise et illusoire d'être nés ici.

L'histoire de chacun de ces cinq personnages est racontée peu à peu, presque à mots couverts. Comme si l'essentiel était, en définitive, ce lieu qui les accueille au même moment quels que soient les fardeaux qu'ils y apportent. Cinq écorchés vifs qui, de manière différente, se greffent des peaux d'écorces vivantes et vitales. C'est un récit insoumis qui se blottit dans des buissons de ronces jusqu'à s'y fondre et progresse lentement, en prenant le temps d'installer une atmosphère où le noir le dispute à la lumière. Un récit qui ouvre des brèches dans des vies subies et qui pare la rébellion d'une couleur rouge-flamme.

Alexandre Lenot excelle à faire ressentir le désarroi comme la colère, la haine comme la naissance de l'amour, la bienveillance comme la méchanceté. On s'enfonce dans son roman comme dans une forêt qui ne laisserait percer que des bulles de lumière dans lesquelles les personnages principaux trouveraient le courage d'affronter les ténèbres en apprenant à dire non et en s'affranchissant des systèmes asphyxiants.

J'ai été envoûtée par ce roman, par l'âpreté sauvage de l'histoire et par la force évocatrice d'une écriture qui semble fusionner avec ce qu'elle raconte.

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