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Citation de Enroute


LETTRE DE TATIANA A ONEGUINE

Je vous écris - quoi d'autre à dire ?
J'ai tout dit si je vous écris.
Je sais, cela peut vous suffire
Pour me punir par le mépris.
Mais dans ma peine, mon martyre,
Vous qui gardez un coeur qui bat,
Vous ne vous détournerez pas.
Au début, j'ai voulu me taire ;
Croyez-moi, vous n'auriez pas su
Mon déshonneur, si j'avais pu
Nourrir l'espoir, même éphémère,
De vous revoir de temps en temps
Dans la maison de mes parents.
Juste écouter ce que vous dites,
Répondre un mot, et, seule, après,
Penser, penser, oui, sans arrêt,
Attendre encore une visite.
Les gens, dit-on, vous les fuyez ;
Tout vous ennuie dans nos retraites ;
Chez nous, si vous vous ennuyez,
Pour nous, vous voir est une fête.

Par quel hasard être venu ?
Dans mon désert, dans mon silence,
Je ne vous aurais pas connu,
J'aurais pu vivre sans souffrance,
Le feu d'un coeur sans expérience,
Avec le temps se serait tu,
Quelqu'un aurait compris mon âme,
Je serais devenue sa femme,
Mère et modèle de vertu.

Un autre !... Non, personne au monde
N'aurait jamais reçu ma foi ;
C'est un décret des cieux qui grondent :
Ils ont tranché - je suis à toi !...
Ma vie entière fut un gage
De notre alliance dans l'amour -
Des dieux tu portes le message,
Gardien fidèle de mes jours.
C'est toi qui me venais en rêve,
Invisible et déjà chéri,
Tes yeux brûlaient dans mon esprit,
Ta voix me poursuivait sans trêve
Depuis longtemps... Rêver cela ?
Non, tu entras, j'en fus certaine,
Un froid brasier emplit mes veines,
Je lus dans l'âme : le voilà !
Eh quoi ? Ta voix m'est familière,
Tu me parlais, douce lumière,
Lorsque j'aidais les miséreux
Ou soulageais par la prière
Du coeur le trouble douloureux.
Et là, à la minute même,
N'est-ce pas toi, vision que j'aime,
Qui dans la transparente nuit
Viens effleurer ma chevelure,
Toi dont la voix aimante et pure
Ressuscite l'espoir enfui ?
Qui donc es-tu, es-tu un ange
Ou un démon au charme étrange :
Résous le doute qui me prend.
Peut-être tout cela est vide,
L'erreur d'un coeur encor candide !
Mon sort, peut-être, est différent...
Mais soit ! accepte mon offrande :
Mes jours sont tiens, si lourds qu'ils soient,
Je suis en larmes devant toi,
J'implore que tu me défendes...
Tu vois que je suis seule ici ;
Qui me comprends ici ? - personne ;
Je me languis, je déraisonne,
Et je dois donc me perdre ainsi.
Viens me chercher. J'attends. Ranime
D'un seul regard ce feu qui joue
Ou, par un blâme légitime,
Romps l'illusion d'un songe fou.

C'est fait. Je ferme cette lettre,
L'effroi, la honte au fond du coeur...
Mais mon garant est votre honneur,
J'ai foi en lui de tout mon être.
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