Les Rencontres de la Fiscalité | 1e édition le mardi 11 avril 2023
Le Monde et le Cercle des Fiscalistes lancent un nouveau rendez-vous, « Les Rencontres de la Fiscalité », le 11 avril 2023 à partir de 18 h 30 à l'auditorium du Monde, Paris 13e, également diffusé en live sur le monde.fr.
Un événement en partenariat avec Lefebvre Dalloz.
Au moment du lancement de la campagne de déclaration des revenus, l'objectif de cette nouvelle rencontre est de dresser un bilan, quatre ans après la mise en place du prélèvement à la source.
Plusieurs experts interviendront, dans le cadre de tables rondes, autour de différents thèmes parmi lesquels :
Le prélèvement à la source : quel bilan quatre ans après sa mise en place ? Les impôts sont-ils devenus indolores ? Qu'est-ce que cela change dans les négociations salariales ? Que reste-t-il à faire?
Intermède : Les nouveautés de la déclaration des revenus 2022 présentées par Nathalie Cheyssan Kaplan, journaliste au Monde Argent
Quel avenir pour l'impôt sur le revenu ? Vers une fusion CSG/IR ? Généralisation de la flat tax ?
Avec Marie André, inspectrice des finances publiques à la Direction générale des Finances publiques ; Béatrice Hingand, directrice de la Rédaction Fiscale de Lefevbre Dalloz ; Jean-Yves Mercier, avocat honoraire et vice-président du Cercle des fiscalistes, Hélène Périvier, économiste à l'OFCE (Centre de recherche en économie de Science-Po), et coordinatrice du pôle « Évaluation des politiques sociales et familiales » ; Christian Saint-Etienne, économiste et professeur au CNAM et Alexis Spire, sociologue, directeur de recherche CNRS, enseigne à l'EHESS en étant associé au laboratoire Iris.
Les débats seront animés par Joël Morio, Responsable du Monde Argent
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En toute autonomie, l’administration fiscale traduit et reproduit les inégalités sociales de plusieurs façons : par le langage et la technicité qu’elle mobilise, par les différents modes de contrôle qu’elle met en place et par les possibilités de négociation et de dérogation qu’elle offre
En focalisant leur attention sur la lutte contre l’immigration irrégulière, les responsables politiques sont parvenus à imposer une suspicion qui pèse sur tous les étrangers demandeurs de titres et qui s’étend à tous ceux qui hébergent, aident ou soutiennent les sans-papiers.
Au nom d’une logique comptable consistant à privilégier les contrôles à faible coût au détriment des vérifications plus approfondies, l’administration a considérablement relâché la surveillance sur certaines catégories de contribuables qui, du fait de leur capacité à jouer sur l’ambiguïté de la frontières entre activités professionnelles et activités privées, échappent à tout risque de sanction
la socialisation longue au sein d’un même service de contrôle est en effet la plus sûre garantie d’adhésion à une culture de suspicion

4. « "Est dit assimilé l'étranger qui, par son langage, sa manière de vivre, son état d'esprit, son comportement à l'égard des institutions françaises, se distingue aussi peu que possible de ceux de nos nationaux au milieu desquels il vit. La venue en France dès le jeune âge, l'ignorance de la langue du pays d'origine, le mariage avec un Français, la présence au foyer d'enfants instruits dans nos écoles, la fréquentation exclusive ou préférentielle des Français, la participation à nos manifestations culturelles ou sportives, la correction des relations avec l'ensemble de la population locale, constituent à cet égard autant d'éléments justificatifs." (Circulaire du 23 avril 1952 du ministère de la Santé publique et de la Population aux préfets).
Toute l'ambiguïté est ainsi maintenue puisque plusieurs "éléments justificatifs" sont évoqués, sans qu'il soit précisé si ces différents critères doivent se cumuler, ou si la présence de l'un peut compenser l'absence de l'autre. Le flou de cette définition constitue d'ailleurs la meilleure garantie de sa pérennité […] Néanmoins, à partir du début des années 1970, l'augmentation du nombre de demandeurs issus de pays anciennement colonisés donne lieu à une entreprise de redéfinition de la condition d'assimilation. […] Si les ressortissants des pays d'Afrique noire remplissent sans grande difficulté le critère de connaissance linguistique, ils se voient en revanche opposer la condition d'assimilation dès que leur situation matrimoniale est jugée incompatible avec les "mœurs françaises", en particulier en cas de polygamie. […] Plus récemment, la conception de l'assimilation comme adaptation aux mœurs françaises a également été mobilisée à l'encontre de candidates portant le "foulard islamique" et ayant demandé la naturalisation. […] [Cette conception] peut désormais s'appliquer […] même si les tribunaux administratifs ont parfois désavoué ce type de pratiques. De même, à situation relativement équivalente, la condition d'assimilation peut donner lieu à des formulations différentes d'une nationalité à l'autre. […] L'étude des sens successifs du terme d'assimilation apparaît en définitive indissociable des populations auxquelles il s'applique. Tout se passe comme s'il venait confirmer ou légitimer une présomption déjà acquise chez ceux qui mobilisent ce critère. » (pp. 345-346)
L’enjeu de ce livre est précisément de résoudre cette énigme : comment une institution composée d’agents soucieux d’œuvrer pour l’intérêt général et le bien commun peut-elle (re)produire autant d’inégalités

2. « L'analogie entre situation coloniale et immigration est souvent évoquée pour décrire le devenir de ceux qui, ayant eu pendant longtemps le statut de sujets colonisés, sont devenus, après l'indépendance de leur pays, des étrangers en France. Il y a cependant deux manières d'interpréter cette analogie. La première vise à privilégier une lecture psychologisante et à établir une relation formulée en termes de "traumatisme" entre ces deux univers. La seconde consisterait à adopter une démarche plus sociologique et à reconstituer la genèse sociale des catégories, des pratiques et des formes quotidiennes d'identification qui ont transité du monde colonial à celui de l'immigration. C'est cette seconde option que nous voudrions retenir, en plaçant au cœur de l'analyse l'activité des agents qui ont été chargés, avant comme après l'indépendance, d'encadrer une immigration ni tout à fait française, ni tout à fait étrangère. L'enjeu est de parvenir à comprendre dans quelle mesure l'expérience coloniale a contribué à transformer l'ethos préfectoral d[es] agents [...] » (pp. 189-190)
La crise actuelle est aussi le produit des multiples réductions d’impôts consenties depuis près de trente ans aux citoyens les plus fortunés
3. « En assujettissant la carte de séjour à la carte de travail, les circulaires "Marcellin-Fontanet" [janvier-février 1972] entérinent la clivage séparant les étrangers réguliers qui sont soumis au Code du travail et les "clandestins" qui sont placés sous la dépendance directe de leur employeur. En principe, l'employeur ayant embauché un travailleur étranger démuni de titre de travail est passible d'une peine d'emprisonnement et d'une amende, mais dans la pratique, le contrôle de l'application de cette disposition demeure très incertaine. […] Ainsi, tandis que les étrangers travaillant en situation irrégulière sont désormais menacés d'un refus de séjour ou d'une mesure de refoulement, les employeurs sont très rarement condamnés. Une telle dissymétrie renforce la segmentation du marché du travail séparant des secteurs économiques accueillant de nombreux "clandestins" et le reste du marché soumis au Code du travail. » (p. 246)
5. « […] on pourrait qualifier de "magistrature bureaucratique" le monopole que détiennent les agents de l'administration pour assurer la mise en œuvre du droit. Cette magistrature bureaucratique consiste à tenter de concilier en permanence les principes juridiques et les normes d'interprétation forgées au sein de l'administration. Ceux qui l'exercent sont tout autant les hauts fonctionnaires qui élaborent les circulaires que les chefs de bureau qui sont chargés de leur application. Dans le cas de l'administration des étrangers, ces derniers sont amenés à prendre un nombre considérable de décisions concernant des droits aussi fondamentaux que le droit au séjour, l'accès au marché du travail ou encore la possibilité de devenir français. Ce faisant, ces agents intermédiaires de l’État participent eux aussi, à leur manière, à l'exercice d'une magistrature bureaucratique [...] » (p. 358)