Dans ce premier roman, l’auteur martiniquais Alfred Alexandre accueille le lecteur dans un quartier oublié de Fort de France situé au bord du canal Levassor où échouent toutes les espérances et toutes les promesses de bonheur, un véritable no man’s land. Au bord du canal, on suit le quotidien d’un monde désenchanté, à travers l’itinéraire de cinq jeunes gens qui marchent à l’aveuglette, désœuvrés, dérivant au fond du canal.
Il en ressort un fort sentiment de désillusion, comme si tout était condamné. Ils mènent une vie qui fait avorter tout espoir de vie meilleure, ce sont des vies d’errance et de vagabondage où la raison est fragile et la lassitude dangereuse. Ils vivotent au milieu de la crasse, « le caillou », l’alcool et la violence comme s’ils étaient embourbés dans les eaux sales du canal.
Oui, tout le roman est construit dans ce périmètre étriqué bordé par le canal, « le tunnel » et l’ancien hôpital, un territoire en marge de la ville et de la société qui retient prisonniers ses habitants et ceux de l’extérieur qui s’y aventurent.
Pas de trame fracassante mais une écriture urbaine et une puissance d’évocation de la narration qui offrent à ce récit une belle dimension littéraire. Le talent d’Alfred Alexandre est là : proposer un récit « vide » d’action mais savamment structuré par un regard libre, percutant et impertinent.
Commenter  J’apprécie         230
Un livre désespérant et désespéré que ce @Bord de canal. La vie de quelques paumés de Fort-de France avec leurs humeurs, bonnes ou mauvaises, et leur dégringolade inéluctable une fois qu'ils ont renoncé à tout espoir.
Un style puissant, un refus de juger quoi ou qui que ce soit ce qui donne une belle objectivité, et aucune trace de commisération ou de pathos, même si l'on voit clairement l'attachement de l'auteur pour ses personnages. A lire.
Commenter  J’apprécie         60
Leonora Miano invite 10 hommes écrivains francophones, nés dans les années 1970, à écrire une nouvelle pour évoquer le désir, expression de vie qui lui semble absente de la littérature de l'espace francophone d'Afrique et des Caraïbes. Si la sensualité de la première nuit est dite avec puissance ou tendresse, de manière réaliste, poétique ou fantastique, le désir n'est pourtant pas dissocié de l'expérience de la violence, de la passion et de la mort (Julien Mabila Bissila), de la trahison (Insa Sané), de la nostalgie et de l'exil (Edem Awumey), de la séparation (Jean Marc Rosier), de la solitude (Sunjata), de l'attente et de l'abandon (Felwin Sarr), de la souffrance (Julien Delmaire), du mépris (Frankito), du trouble et du mystère (Georges Yemy). L'intérêt de cette anthologie, en dehors de fait de découvrir ou de relire des auteurs, et de plonger dans l'antre de sentiments masculins souvent tus.
Commenter  J’apprécie         50
Les villes assassines
d’Alfred Alexandre (Ecriture)
Martinique. Département français. Rue Fièvre, rue Sans-Retour, rue Vieille-aux-Morts. Zones perdues de Fort-de-France. Zones qui «n’aiment pas qu’on dise qu’elles sont belles.»
Là survivent Evane le siphonneur d’essence, Winona gogo girl, Doppy son père qui «la regarde, les yeux pleins d’envie triste, remuer son corps chaque vendredi et samedi soir, en string ou en body.», Manuel le petit boutiquier du coin recruteur de dealers, Venaton «géreur des associatifs», Big Time le DJ et sa sono TNT, et puis, et puis, y’a Slack au surnom qui siffle comme une lame de rasoir, le terrifiant Slack, «une main sur la crosse du revolver ou le manchon de son coutelas.». Slack et son gang de «macouts».
Une vrai cour des miracles !
Ici bas, entre la rue Fièvre et la rue Sans-Retour, règne Slack.
Ici, très bas, s’étend le territoire autorisé de Slack : drogues, magouilles en tout genre...jusqu’aux femmes...jusqu’à Winona.
Tout passe entre ses mains. Slack, le maître du monde.
Et dans cette violence désespérée Evane et Winona vont se rencontrer et oser espérer.
Mais comment s’en sortir sans se faire ratrapper ?
Comment aimer sans illusions ?
Un roman noir. Très noir. Hanté de chimères.
Une rue sans retour.
Un roman parfaitement maîtrisé par Alfred Alexandre.
Commenter  J’apprécie         10