Il aimait rouler sur ce réseau touffu de chemins agricoles qui dessinaient un labyrinthe indéchiffrable pour les étrangers et que l’on avait fini par goudronner quelques années auparavant. Les chemins longeaient les exploitations des uns et des autres ; si d’aventure on croisait un véhicule, la prudence s’imposait et on avait alors le temps de reconnaître un visage familier, de se saluer ou d’échanger quelques banalités. Accessoirement, l’inspecteur pinçait régulièrement des conducteurs aussi avinés que futés qui tentaient de contourner les contrôles routiers en empruntant les petits chemins. Surtout, Polt aimait le paysage. Là où aucun mur d’enceinte ne faisait barrage, il s’étirait si proche, à portée de la main : les monts et les vaux tissaient un paysage de relief, doux et rond.
Simon Polt avait presque fini son assiette. Il prit le dernier morceau de rôti et tout en mastiquant, il promena un petit bout de Semmelknödel dans son assiette. Patiemment, avec méthode, il épongea en jouisseur le jus de viande rehaussé d’ail. Lorsqu’il fut enfin satisfait il glissa délicatement le fruit de ses efforts entre langue et palais, et l’ingéra avec recueillement. Sa réconciliation avec lui-même et le monde ainsi accomplie, il était prêt à échanger quelques mots aimables (…)