À l'occasion de l'exposition Giuseppe Penone, Sève et Pensée, la BnF propose une rencontre avec l'artiste italien et ses amis, suivie de lectures par Jacques Bonaffé et Jean-Christophe Bailly.
À l'image de l'exposition, cette rencontre permettra d'approfondir cette démarche inédite de Giuseppe Penone, celle qui l'a conduit à associer intimement la sculpture et l'écriture. Il s'agira d'explorer avec lui les ressorts intimes qui l'ont poussé à s'intéresser à l'imaginaire du livre, dans une approche intellectuelle et matérielle. le titre Sève et pensée résume bien cette double démarche, tout comme l'expression « l'esprit de la matière » : l'exploration du monde, le souci de la trace et de l'empreinte, la fragilité de celles-ci, l'entremêlement des gestes créateurs seront au centre de ce dialogue entre Penone et ses amis.
Cette rencontre sera suivie de dédicaces des ouvrages de l'artiste, parus aux éditions de la Bibliothèque nationale de France (de 17 h à 19 h).
Rencontre animée par Sabine Gignoux, avec Giuseppe Penone, Jean-Christophe Bailly, Laurent Busine, Alfred Pacquement, Didier Semin, et les deux commissaires de l'exposition, Marie Minssieux et Cécile Pocheau-Lesteven.
Exposition «Giuseppe Penone, Sève et Pensée», jusqu'au 23 janvier 2022, BnF François-Mitterrand, Paris 13e
En savoir plus : https://www.bnf.fr/fr/agenda/giuseppe-penone-seve-et-pensee
Lectures par Jacques Bonnaffé et Jean-Christophe Bailly
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Tout art à sa tentation propre, et ses cadeaux. Il n'y a qu'à laisser venir, laisser faire.
(P. 32)
"La gouache résiste davantage à l'eau. Elle fait son petit mortier contre les évanescences qui la guettent. Elle tente de respecter les intentions de l'auteur, du respectable auteur!
Ne me convient pas."
Henri Michaux
Je ne demande rien au spectateur, je lui propose une peinture : il en est libre et nécessaire interprète. Cette position du spectateur dépend et répond de son attitude générale dans le monde et ceci avec d'autant plus de force qu'il n'est pas pris à parti à travers cette peinture qui ne renvoie pas à quelque chose d'extérieur à elle-même. C'est non seulement le peintre entier que ma peinture engage, mais aussi le spectateur, et le plus fortement qu'il soit possible.

il y a... trois manières que j’ai eues de créer une lumière picturale, c’est-à-dire une lumière qui n’appartient qu’à la peinture, qui vient de la peinture. Dans un premier temps, souvent par le contraste des fonds clairs avec le noir, des couleurs sombres s’éclairent parce que je les rapproche d’une couleur encore plus sombre qui est le noir. Ou bien, deuxième période, celle où je superposais plusieurs couleurs, que je recouvrais après avec le noir. Ensuite en arrachant, en amincissant la couche noire, la couleur réapparaissait, transformée par le passage du noir.(...). Puis, finalement la période qui est celle dont je viens de parler, qui est la période « outrenoir », où je travaille avec un pot de peinture noire, mais où ce qui me guide et ce qui apparaît quand on regarde les toiles — si on les regarde non pas avec ce que nous avons dans la tête, mais avec nos yeux —, c’est la lumière reflétée par le noir, transformée par le noir. Il y a des peintures, tout à fait récentes, dans lesquelles je reviens à l’utilisation du contraste du blanc avec le noir, mais d’une autre manière qu’à mes débuts. (Ce sont), toutes les utilisations picturales du noir dans ma peinture depuis cinquante ans.

Tout au long de sa vie de peintre, Michaux a engendré une véritable population de signes, tels qu'ils pouvaient naître de la plume ou du pinceau en un automatisme lucide. Nul n'a mieux su explorer leur germination, prenant de vitesse la matière fluide, retraçant leur instabilité, leur mouvement, leur "cinéma"; découvrant, à l'aide de la mescaline, un "rapide abstrait" dont il est sans doute l'unique représentant parmi les artistes du XXe siècle. Faut-il lire dans ces taches le visage qu'on croit y reconnaitre, en suivant le précepte de Vinci; détailler ici des figures en pleine course, là une tête noyée dans la couleur, leur affubler éventuellement, et arbitrairement, des titres descriptifs, y greffer une encombrante littérature, ou, au contraire, ne pas tenter de déchiffrer ces alphabets illisibles, rester en-deçà des images, comme si l'on pénétrait ensuite dans un inaccessible et néanmoins fascinant "espace du dedans"? La clé de l’œuvre de Michaux ne réside pas dans la révélation d'un code. Elle appelle le balbutiement primitif, le regard premier, comme ces dessins d'enfant qu'il décrit dans Les Commencements. Pour celui qui concède avec humour "avoir toujours eu des ennuis avec les formes", c'est une exceptionnelle aventure visuelle qui s'est accomplie.
L'oeuvre vit du regard qu'on lui porte. Elle ne se limite ni à ce qu'elle est ni à celui qui l'a produite, elle est faite aussi de celui qui la regarde. Ma peinture est un espace de questionnement et de méditation où les sens qu'on lui prête peuvent venir se faire et se défaire.