Si on se place au point de vue du sens commun, il ne semble pas que le long séjour de Mme Blavatsky en Amérique ait été une bonne préparation pour sa résidence dans l’Inde. Et pourtant, dès le début, sa mission théosophique avait l’Inde pour but. Elle arriva, imbue de préjugés déraisonnables contre la population anglaise de l’Inde ; et peut-être cette hostilité a-t-elle été plus utile à la cause qu’elle servait qu’elle ne lui a fait de mal. Malheureusement, il n’y a pas encore de vraie compréhension entre les deux races dans l’Inde.
je renonce à la tâche ardue de définir cet état spirituel que la philosophie orientale nomme Nirvana; je me bornerai à en présenter une conception moins imparfaite et moins bizarre que celle qui est généralement adoptée comme je l'ai fait pour la goutte d'eau, je comparerai cet état plutôt à l'absorption de la conscience universelle par l'individualité, qu'à l'absorption de l'individualité par la conscience universelle.
Au début de 1873, Mme Blavatsky quitta la Russie et alla d’abord à Paris. A cette époque, les relations psychiques qui existaient entre elle et ses maîtres occultes orientaux, étaient déjà devenues intimes au point de mettre toute sa vie sous leur direction pratique. Il est inutile de chercher pourquoi elle a pris telle ou telle décision ; nous trouverons rarement un motif banal à ses actes, et souvent elle-même n’aurait pas été plus capable que le premier étranger venu de dire « pourquoi », à un moment donné, elle se préparait à aller ici ou là.
. . . Madame Blavatsky est une dame de la nature absolument verticale, qui a sacrifié, non seulement rang et de la fortune, mais toute la pensée de bien-être personnel et le confort dans n'importe quelle forme, de l'enthousiasme pour les études occultes dans le premier cas, et plus récemment pour la tâche particulière, elle a pris en main comme un initié dans, si un membre relativement humble, la grande fraternité occulte la direction de la Société Théosophique.
Elle semble avoir choisi pour procédé d’employer les pouvoirs occultes qu’elle possédait elle-même, ou qu’elle pouvait parfois emprunter à ses Maîtres, pour imiter les phénomènes du spiritisme, qui absorbaient alors en Amérique l’attention de tous ceux que le mysticisme attirait ; et elle comptait sur la sagacité des observateurs pour leur montrer qu’elle entourait ses phénomènes de circonstances très différentes de celles auxquelles ils étaient habitués. De cette façon, elle semble avoir cherché à dépayser ceux qui basaient des théories trop hâtives sur les faits spirites ; elle voulait les persuader que les preuves sur lesquelles ils fondaient leurs opinions étaient insuffisantes, et les amener à une recherche plus vraiment philosophique et théosophique. C’était, certes, un mauvais moyen ; elle s’en servit sans mesure, avec un gaspillage d’énergie psychique que déplorent maintenant les étudiants en occultisme, qui savent les conséquences de cette perte.
Il faut avouer cependant que des possibilités d'évolution accélérée existent pour certains hommes dont les aspirations spirituelles sont limitées et qui entrent dans la voie du développement dans un but purement égoïste. Ces hommes espèrent, par là, acquérir un surcroit de puissance, et dans les grandes potentialités qui s'éveillent en eux ils entrevoient un moyen d'arracher à la Divinité quelques-uns de ses trésors, pour les faire servir ensuite au seul triomphe de leur vanité personnelle,et cela pendant une période donnée, seule éternité dont ils aient souci. Celui qui entra dans le sentier du développement occulte inspiré par de tels motifs court très probablement au-devant d'un échec terrible ; il sera rejeté violemment dans normale où il endurera de longues et horribles souffrances.
L'enseignement ésotérique expose la base des choses en tout ce qui concerne ces hauts états de conscience, et ceux qui, après avoir pris la peine de comprendre l'enseignement, cherchent ensuite à le contrôler et à le vérifier à l'aide de tous les moyens dont ils disposent le savent bien. Mais c'est là justement ce que l'élément intellectuel contemporain n'a pas encore essayé. Quelques-unes seules des intelligences dirigeantes ont proclamé l'importance des investigations psychiques, et moins nombreux encore sont ceux dont le discernement a su voir que l'enseignement ésotérique théosophique laisse bien loin derrière lui les découvertes prématurées des étudiants insuffisamment expérimentés de la psychologie.
Tout savant, digne de ce nom, attacherait aux recherches spirituelles une importance dépassant celle de ses propres travaux, s'il croyait que les découvertes faites dans cette voie puissent être définitivement prouvées. Malheureusement les plus patients investigateurs de la Nature, en Occident, sont persuadés que les problèmes relatifs aux lois et propriétés de la matière sont seuls susceptibles d'une solution définie; si donc, on pouvait leur démontrer que les problèmes concernant les lois et propriétés de la conscience peuvent être résolus aussi explicitement que ceux de la matière, beaucoup d'explorateurs dirigeraient leurs recherches vers ce domaine qu'ils croient encore inconnu.
Il y a une certaine école de philosophie que la société moderne a perdue de vue, et qui cependant existe toujours. On en aperçoit des traces dans les anciennes philosophies qui sont familières à tout esprit cultivé, mais ces traces ne sont guère plus intelligibles que les fragments de sculpture d'un art oublié. Elles le sont moins, car nous avons une idée de la forme humaine et pouvons, par la pensée, ajouter des membres à un torse ; tandis que nous ne pouvons pas, par notre seule imagination, donner un sens à ces enseignements demi-voilés qui nous viennent de Platon ou de Pythagore, et qui renferment, pour ceux qui en possèdent la clef, la science secrète du monde ancien.
L'organisation occulte, bien qu'étant toujours demeurée secrète, a conservé et a acquis des connaissances philosophiques où l'on peut puiser pour son instruction plus qu'il ne paraît au premier abord. Comme on le verra suffisamment par mon propre cas, il ne répugne pas aux grands adeptes de l'occultisme de répandre leur philosophie religieuse, autant du moins que cela est utile à un monde qui, comme le nôtre, n'est pas habitué aux pures recherches psychologiques. Ils veulent même bien, à l'occasion, manifester les pouvoirs qu'ils ont acquis par leur étude extraordinaire des forces de la nature.