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Citation de bettyhoubrak


« Je l’observe, ses jeans tirebouchonnés, son tee-shirt taché, une barbe de trois jours. La prison ne l’a pas arrangé, elle n’arrange personne. Je parcours le procès-verbal, ils l’ont arrêté devant un taxiphone, coups et blessures, procédure de flagrant délit, ci-joint le certificat médical produit par la victime : vingt et un jours d’arrêt de travail, sauf complications…
- Pourquoi as-tu frappé cette jeune fille ? Pourquoi t’es-tu acharné sur elle ? Que t’a-t-elle fait ?
- Elle m’a insulté, chef.
- Appelle moi monsieur le juge. Tu la connaissais ?
- Moi ? Pas du tout. A Dieu ne plaise, moi, connaitre ce genre de créatures ! réplique-t-il sur le ton de l’indignation. […]
- Si je comprends bien, elle t’a outragé sans t’adresser la parole.
- C’est tout à fait ça, chef… monsieur le juge.
Alors il a bien fallu reconstituer toute l’histoire, usant de patience, le harcelant de questions, lui faisant préciser un détail, puis l’autre. Enfin, tout est là, couché noir sur blanc, sur le papier jaunasse de l’administration, tout, dérisoire et frayant. […]
De se remémorer la scène, le voilà qui s’emporte, les yeux qui sortent de la tête, se revoyant là, à un mètre d’elle qui n’en finissait pas de minauder, de roucouler et lui, ne sachant plus où se mettre, humilié, il était la cible de cette possédée du démon, il baissait les yeux tandis qu’elle continuait à pérorer et parfois un nouveau rire fusait, haut et fort, et parfois elle prenait une mine scandalisée, mais c’était pour partir de rire de nouveau, la nuque à la renverse et la poitrine offerte. Son regard lubrique s’obstinait à chercher le sien, plein d’invites, de dérobades et de défi. Et puis, la voilà qui demande à son interlocuteur : Par le Prophète, dis-moi que tu m’aimes. Si, si, dis-le-moi, par le Prophète !
Quoi ! Elle ose mêler le Prophète à ses obscénités ! Elle avait osé ! Et maintenant, elle lui tourne le dos pour exhiber une croupe moulée dans sa jupe si étroitement que le renflement des fesses s’y dessine en relief et, d’un coup, girant sur elle-même, elle lui jette un regard plein de dédain alors que sur ses lèvres barbouillées s’ébauche un sourire narquois qui explose en rire graveleux. Comme si on la chatouillait, chef… monsieur le juge. Mais pour qui elle me prend ? Pour un eunuque ? ou un efféminé ? ou encore un entremetteur ? Me prenant un témoin : Est-ce que je ne suis pas un homme, moi ?
La colère monte en lui, bouillante, embrasant tout sur son passage, ses mains, son front, ses yeux s’injectent de sang. Elle mérite une bonne correction, cette hérétique, cette putain. Il tremble, l’empoigne par l’épaule, la fait volter comme une girouette, son poing se ferme, ses doigts calleux de manœuvre voués à coltiner de lourds seaux de ciment et à manier des madriers rugueux, à traîner la brouette, ses doigts durs se serrent et c’est une poigne lourde comme une enclume qui s’abat sur la face de Satan. […] Qu’a-t-il donc fait, monsieur le juge, sinon fermer une bouche d’égout qui puait et que vont devenir sa femme et ses enfants depuis qu’il ne peut plus subvenir à leurs besoins ? Si à présent on se met à s’en prendre à ceux qui craignent Dieu, sans doute est-ce l’annonce de la fin des temps ! […]
- Sais-tu que tu as failli la tuer ? Elle est encore hospitalisée.
- Elle n’a eu que ce qu’elle méritait ; Dans mon village, ce genre de dépravées, on les égorge… » (Ismaïl)
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