Alice interprète "C'est pas prudent"
C'est cette belle leçon-là, que tu nous a apprise à tous, Cricri. Grâce à toi, j'ai fini par trouver quelque chose de joli chaque matin en me réveillant. Même le grincement du vélo du facteur déposant le courrier, la pluie qui crépite trop fort sur le toit, le voisin qui sort bruyamment sa poubelle, le gamin qu teste sa Vespa, comme par hasard juste devant la maison ; notre chienne qui dévale l'escalier en aboyant, jalouse du gros chat rouquin installé insolemment sur sa pelouse, la tondeuse ou la perceuse du voisin le dimanche matin, beaucoup trop tôt... Autant de chose qui devraient m'agacer, mais que j'aime entendre me dire que je suis en vie !
Ainsi, pour mes parents, l'annonce du handicap de Cricri fut une épreuve extrêmement douloureuse. Pour moi non. Je n'ai pas mal vécu d'avoir une petite soeur "différente". Du haut de la délicieuse insouciance de mes neuf ans, j'étais incapable de prendre conscience du renoncement brutal à tous les rêves, à tous les projets élaborés durant dix-huit mois par ceux que j'aimais plus que tout au monde : neuf mois dans l'attente de "l'heureux évènement", auxquels s'ajoutèrent les neuf mois de joie qu'apporta la présence d'un deuxième enfant dans la maison, avant que la nouvelle ne tombe, si injuste, si lourde et cruelle, vous privant même, du jour au lendemain, du simple bonheur de vous sentir vivants.
Après avoir compris que ce passé-là est à jamais dans mon présent, et pris le recul nécessaire à une meilleur objectivité, je ne peux m'empêcher de me demander en quoi notre mode de vie eût été différent si ma soeur était née "ordinaire...
Peut-être un peu plus d'amis, de voyages, d'enfants et de petits-enfants?
Mais sûrement moins d'amour, de rire et de musique!