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Critiques de Alice Kaplan (47)
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Maison Atlas

C'est un roman trés contemporain puisque l'action débute en 1990 et , lorsque je vous aurai dit que le théâtre de l'action est l'Algérie , nul doute que vous vous attendez à plonger dans une guerre civile qui déchire le pays .

Daniel est juif algérien .Emily est américaine et juive et tous deux se rencontrent à l'université de Bordeaux .Je vous passe les détails , Daniel quitte Emily et Bordeaux pour rejoindre sa famille menacée .Naturellement , pour les tourtereaux , la séparation ne pourra être que de courte durée ....

Voilà , vous savez tout ce qui figure sur la quatrième et , vous vous attendez à une suite du genre, Daniel affronte de terribles dangers , s'en sort miraculeusement et revient retrouver Emily qui , telle Pénélope , tissait la journée et défaisait son ouvrage la nuit ...Et le doux " happy end " qui va clore les débats dans la joie et l'allégresse ...

Oui , sauf qu'en Algérie , si Daniel va bien rencontrer des difficultés , pas si sûr que ....

Une histoire d'amour ou plutôt l'histoire d'un amour contrarié par les idéologies politiques et religieuses , l'histoire aussi d'années noires pour des gens dont le principal tort fut de croire en la sagesse des êtres dits " humains ".

Plus que les personnages , c'est une société à un carrefour de son histoire que nous avons sous les yeux , une histoire bien plus importante que le destin de deux personnes en fait .Un livre qui se lit trés bien , semble trés bien documenté et qui ne tombe jamais dans le pathos ni dans la description de l'horreur .C'est un roman qui s'adresse à tous ceux qui veulent vivre de l'intérieur un morceau d'Histoire de l'Algérie ,un livre utile même si , sans doute , des puristes ( je n'en suis hélas , pas ) trouveront l'ensemble un peu superficiel .Pour ma part , c'est une belle et instructive découverte mais ce n'est qu'un roman et ma modeste opinion .

A bientôt amies et amis .Bonnes vacances aux juillétistes !!!



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En quête de L'Étranger

A quel moment naît « L'Etranger » ? Camus achève et signe la première mouture de son manuscrit fin avril 1940. Le livre paraît deux ans plus tard le 21 avril 1942, premier tirage aux éditions Gallimard (4400 exemplaires). Faut-il voir dans une première tentative romanesque abandonnée, « La Mort heureuse », les prémices du roman ? Jean Grenier, son mentor, qui désavoue une telle tentative est tout juste un peu moins sévère ensuite pour le manuscrit de « L'Etranger ». Le début de l'essai esquisse la genèse du livre dans les années d'apprentissage de Camus, militant, journaliste, écrivain, homme de théâtre, entre 1934 et 1939, ses premiers projets d'écriture. Cinq années d'une jeunesse algérienne décisive précédant la guerre. En octobre 1939 il s'apprête à quitter l'Algérie et l'idée d'un deuxième roman s'est déjà immiscée peu à peu dans le projet philosophique d'un cycle sur l'absurde incluant « Le Mythe de Sicyphe » et « Caligula » sur lequel il a commencé à travailler. Ce roman c'est "L'Etranger" qui, on le découvre ici, ne peut être réduit à l'illustration romanesque du dessein philosophique.



A l'origine il y a Mersault, sans « u », comme Patrice Mersault de « La Mort heureuse » et "L'Etranger" aurait pu s'appeler "L'indiférent". Alice Kaplan explore la progression d'une idée en germe chez son auteur ; la naissance et la formulation ensuite d'un style approprié, puisant à diverses sources, littéraire (James M. Cain) et même cinématographique (Le Schpountz). Les protagonistes, le manuscrit et le livre prennent corps, le découpage s'élabore, l'intention s'affine mais quelque chose de plus inattendu s'interpose. Cette part irréductible et autonome de la création qu'Alice Kaplan réussit fort bien à circonscrire dans les notes de Camus : le roman « veut » naître. La chercheuse retrace une aventure politique et philosophique, éditoriale aussi, mais celle surtout d'une création littéraire personnelle très singulière où elle fait entrer le lecteur « par-dessus l'épaule de l'écrivain », à la manière d'un reportage, en une succession rythmée et continue de chapitres assez courts, tous plus passionnants les uns que les autres. La force de l'essai est d'être au contact direct de l'oeuvre dans une proximité et une fidélité constante aux textes et à la pensée de Camus – Carnets, correspondances et notes, conférences, abondamment cités (Bibliographie commentée et appareil de notes conséquent à la fin).



Hésitations, difficultés, rechutes tuberculeuses. Mise en oeuvre d'une écriture, certitude qu'elle peut exister. Premier chapitre écrit sous le soleil d'Oran au début de 1940 puis le reste bouclé dans la grisaille et la solitude de Montmartre, dans la petite chambre parisienne de l'hôtel Poirier. « Alger Républicain » a fermé ses portes. Les Allemands occupent bientôt la France. Après l'achèvement du manuscrit commence son aventure éditoriale. Deux ans de tribulations pendant lesquels Camus fera un bref passage à "Paris- Soir", puis entrera à "Combat". On découvre  "L'Etranger" comme jamais. Un roman "très sonore", ensoleillé et rude, qui fait concevoir différemment "l'autisme" de Meursault, mieux saisir l'obsession de la peine de mort chez Camus ou l'anonymat de  "l'Arabe" ; "la tendre indifférence du monde" finale y prend tout son poids. Les mois d'errance de l'écrivain et de son manuscrit dans la France coupée en deux empoignent, on y entend Malraux, Grenier, Pia, Paulhan ou Jean-Paul Sartre. On perçoit l'écho de Belcourt, des rues d'Alger dont la chronique coloniale est aussi terriblement judiciaire. De ce livre qu'il pensait "tout tracé en lui" Camus désirait qu'il soit réservé à un cercle restreint de lecteurs mais consentira après sa « nobelisation » en 1957 à une édition poche grand public. le livre comporte soixante traductions - "The Outsider" pour les Anglais, "The Stranger" pour les Américains - et Meursault est devenu aussi célèbre que son auteur, recouvert des innombrables interprétations et lectures qui ont été données de lui et sur lesquelles Alice Kaplan s'attarde - lecture existentialiste notamment ou lecture politique.



C'est avant tout la biographie de "L'Etranger" que cet essai propose, l'examen des conditions de sa maturation est une quête sur le sens de ce livre dans l'oeuvre de l'écrivain et pour lui, plus spécifiquement, plus intimement j'ose dire. Un beau portrait de Camus apparaît, né sur les bords de la méditerranée et pétri de sa culture, engagé, fiévreux et résistant, créateur instinctif, s'autorisant enfin à devenir écrivain sans l'approbation de Jean Grenier, à écrire "sans appel". Toutes sortes de curiosités, littéraire et historique, documentaire et biographique, philosophique et critique peuvent être satisfaites ici. Si l'histoire intellectuelle et matérielle des manuscrits du livre, l'histoire de la réception critique du roman d'une rive à l'autre de la méditerranée et de part et d'autre de l'atlantique sont véritablement passionnantes, je retiens in fine que par « L'Etranger » Camus trouve les raisons d'être l'écrivain qu'il veut être. Très belle et très enrichissante recherche qui recèle d'autre part une réflexion profonde et stimulante sur l'énigmatique Meursault dont la « vérité négative » et les « énergies contradictoires » continuent de susciter des débats de part et d'autre de la Méditerranée, plus de soixante-dix ans après (« Meursault, contre-enquête », Kamel Daoud, 2014). Meursault dérange toujours, alors vive Meursault. Lecture qui se clôt en beauté par un voyage d'Alice Kaplan à Oran et sur une note optimiste réservant quelque surprise au lecteur. Je recommande absolument ce regard américain sur un roman si emblématique.





























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Intelligence avec l'ennemi. Le procès Brasill..

Alors que les combats des alliés contre l'Allemagne nazie avaient toujours lieu, Robert Brasillac à été le seul auteur marquant à avoir été condamné à mort pour intelligence avec l'ennemi et à avoir été exécuté. Pour tous les autres soit la peine à été commué, soit la sanction était légère en comparaison, comme cela a été la cas pour  Louis Ferdinand Céline. 

L'auteur, une américaine, profite de sa nationalités pour dépassionner un sujet ou les controverses sont nombreuses. 

Dans son dossier de grâce Camus demande qu'il ne soit pas exécuté. Simone de Beauvoir elle ne signera pas cette demande. 

Qu'est ce qui a conduit Brasillac, brillant normalien a finir comme cela ? Surtout qu'il n'est pas juger pour judéophobie, ni pour incitation a la haine mais pour trahison. C'est ce que tente d'expliquer Alice Kaplan en présentant le personnage dans son contexte et celui de l'époque collaborationniste ainsi que dans celui de l'immédiate libération de Paris (certaine parties de la France  sont encore occupée). Elle n'oublie pas la personnalité de son défenseur, ni des jurés. De plus elle a eu accès au dossier de demande de grâce et nous livre son interprétation du refus de cette dernière. C'est a mon avis le point le plus sujet a controverse, elle ne tient pas assez compte des prétentions littéraires du Général, pour qui il est incompréhensible qu'un auteur puisse trahir son pays    C'est un livre passionnant qui démystifie le sujet et qui pose les bonnes questions, comme celle de la postérité de l'œuvre de Robert Brasillac. 

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Maison Atlas

Bordeaux, à l'orée des années 1990. Emily l’Américaine et Daniel le juif Algérien se rencontrent à la fac et vont s'aimer . L'universitaire américaine Alice Kaplan, autrice d'un essai pointu mais passionnant sur Camus, nous livre un portrait sensible de l'Algérie.

En relatant l'histoire de la famille Atlas, c'est un pan de l'histoire de l'Algérie contemporaine qui se dévoile à savoir les grandes étapes que furent la seconde guerre mondiale, la guerre d'indépendance et la guerre civile des années 90.



Alice Kaplan livre un beau roman sur l’importance des origines, le poids de l’histoire familiale et l’attachement à un pays.



Quand la petite histoire se mélange dans la Grande Histoire.



La partie historique du roman, captivante, s’entremêle pleinement avec le romanesque.



Car assurément, "Maison atlas" , c'est une histoire d’amour, d’exil, de résistance, d’attachement aux racines, mais aussi une histoire de famille et de secrets, de culture et de traditions, de guerre et de haine.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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En quête de L'Étranger

« On ne pense que par image. Si tu veux être philosophe, écris des romans » Camus, Carnets.



Passionnant ! C’est vraiment le mot qui me vient à l’esprit au sujet de cet essai que je viens de terminer sur le livre d’Albert Camus : L’Étranger.

Un énième commentaire de texte ? Non, pas du tout ! Le projet d’Alice Kaplan est simple : écrire une biographie, non de l’auteur mais du livre lui-même. Autrement dit, en raconter sa genèse et le suivre pas à pas : de sa création à sa publication bien compliquée en 1942 sous l’Occupation nazie jusqu’aux premières et parfois très surprenantes réactions du public.

En 1937, Camus rédige un roman intitulé "La Mort heureuse" : un certain Patrice Mersault tue un ami puis le vole. Les personnages et les lieux sont nombreux. L’écrivain s’interroge sur la condition humaine et la beauté des hommes et du monde. Il envoie le manuscrit à Jean Grenier, son ancien professeur de lycée, qui le critique sévèrement au point que le jeune homme s’interroge sur son avenir d’écrivain.

Qu’à cela ne tienne, Camus le réécrit, remaniant l’intrigue mais ce roman ne cesse de lui échapper, comme s’il n’était pas le sien.

A côté, sous forme de notes, un autre roman prend forme : Camus imagine que son personnage de "La Mort heureuse" raconte l’histoire d’un condamné à mort : « Je le vois, cet homme. Il est en moi. Et chaque parole qu’il dit m’étreint le cœur. Il est vivant et respire en moi. Il a peur avec moi. » dit Patrice Mersault. (le u de Meursault ne viendra que plus tard et son origine reste assez mystérieuse)

Et là, dans les propos d’un premier personnage, est en train de naître un second personnage qui s’incarne progressivement dans l’esprit de son auteur.

En avril 1937, Camus écrit dans un carnet : « Récit - l’homme qui ne veut pas se justifier. L’idée que l’on se fait de lui est préférée. Il meurt, seul à garder conscience de sa vérité - vanité de cette consolation. »

Il semble que l’idée du livre vienne d’éclore. Les choses se mettent en place.

En juin 1937, il imagine les visites d’un prêtre.

Il prend ici et là de quoi nourrir son roman : l’enterrement de la grand-mère de sa belle-sœur qui logeait dans un asile de vieillards à Marengo deviendra matériau narratif. Le réel se fait fiction.

Par ailleurs, Camus souhaite revoir la forme et il note dans ses carnets des principes d’écriture : « La véritable œuvre d’art est celle qui dit moins », « Pour écrire, être toujours un peu en deçà dans l’expression (plutôt qu’au-delà). Pas de bavardages en tout cas. »

Enfin, à l’automne 1938, sur un des carnets, on peut lire quelques lignes que l’on connaît bien « Aujourd’hui maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile. « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. » Ça ne veut rien dire. C’est peut-être hier… »

Mais Camus a besoin d’argent : son salaire de 1000 francs versé par l’Institut de physique du globe n’est pas suffisant. Atteint de tuberculose, il ne sera pas autorisé à passer l’agrégation de philosophie. Or, un certain Pascal Pia, frais débarqué de Paris et souhaitant lancer un nouveau journal, le recrute immédiatement. Camus a vingt cinq ans et vit séparé de son épouse. Il devient rédacteur en chef du journal Alger républicain.

En tant que journaliste, il assiste à de nombreuses audiences judiciaires, affaires de violences voire de meurtres et observe le jeu étrange de la justice.

Au printemps 1939, il sait que son narrateur va tuer un Arabe : les conflits entre Arabes et Européens sont nombreux dans cette Algérie colonisée et les journaux en sont le reflet.

Par ailleurs, l’écrivain lit les polars américains et notamment Le facteur sonne toujours deux fois de James M. Cain : ce n’est pas tant l’intrigue qui le séduit que le point de vue adopté. La narration se fait à la première personne du singulier. Les phrases sont courtes, sans aucune analyse ni subjectivité. Une espèce de style minimaliste qui va enchanter Camus.

En juillet 1939, alors qu’il est en vacances à Oran, on lui raconte que deux Arabes étant allés marcher sur une plage réservée aux Européens, une bagarre a éclaté, épisode qui rappelle le crime de Meursault sur la plage.

Il commence à écrire "L’Étranger" l’été 1939.

Fin 1939, on peut lire dans son carnet : « Cette histoire commencée sur une plage brûlante et bleue, dans les corps bruns de deux êtres jeunes - bains, jeux d’eau et de soleil… »

On sent que les matériaux sont là autour de lui, qu’il ne reste plus qu’à les mettre en forme, à les emboîter. Cette œuvre est désormais en lui. Il dira plus tard, alors qu’on l’interroge sur la création de son œuvre : « Quand j’avais trouvé les trucs, je n’avais plus qu’à l’écrire. » Finalement, c’est à Paris en 1940 où il deviendra, grâce à Pia, secrétaire de rédaction à Paris-Soir qu’il rédigera l’essentiel de son texte, dans une chambre de l’hôtel du Poirier, rue Ravignan, à Montmartre.

Tout lui est étranger dans cette ville où il vient d’arriver et cette sensation lui permet peut-être de mieux exprimer sa pensée philosophique : « Que signifie ce réveil soudain - dans cette chambre obscure - avec les bruits d’une ville tout à coup étrangère ? Et tout m’est étranger, tout, sans un être à moi, sans un lieu où refermer cette plaie. Que fais-je ici, à quoi riment ces gestes, ces sourires ? Je ne suis pas d’ici - pas d’ailleurs non plus. Et le monde n’est plus qu’un paysage inconnu où mon coeur ne trouve plus d’appuis. »



Cette « biographie » du livre fourmille de détails dont je n’ai tiré que quelques exemples qui permettent de comprendre comment cette œuvre a pris forme lentement, remplaçant un autre roman, resté lui, à l’état de manuscrit.

La seconde partie de ce vrai travail de chercheur porte sur la publication de l’œuvre dans une France occupée : encore une aventure incroyable et des rebondissements qui font froid dans le dos…

J’ai vraiment eu l’impression d’assister aux premières loges à la naissance d’un des grands chefs - d’œuvre du XXe siècle.

"En quête de L’Étranger" est donc un essai riche, très documenté, écrit dans une langue simple et qui prend la peine d’expliquer très clairement certains points historiques, ce qui rafraîchit la mémoire et replace l’œuvre dans son contexte. Des cartes viennent même concrétiser le parcours du manuscrit en 1940-41.

Vraiment passionnant ! Un vrai roman !


Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Maison Atlas

Emily et Daniel se rencontrent à Paris sur les bancs de la fac. Elle est américaine, il vient d’Algérie, ils sont juifs tous les deux mais le vivent très différemment.



Daniel est issu d’une vieille famille d’Alger dont les membres se considèrent comme des Arabes juifs. Ils ne sont pas partis lors de l’indépendance du pays, ont d’excellentes relations avec leurs concitoyens musulmans auxquels ils sont très liés.



Mais dans les terribles années 90, la décennie noire d’Algérie, alors que les attentats et assassinats se multiplient dans sa ville natale, Daniel repart chez ses parents et Emily perd sa trace. C’est Becca, leur fille, qui apprendra bien plus tard ce qu’il est devenu.



Si la guerre d’Ukraine n’avait pas éclaté, on parlerait beaucoup de l’Algérie en ce moment. On vient en effet de célébrer les 60 ans des accords d’Evian qui ont mis fin à la guerre opposant la France et le FLN. Et c’est dans ce contexte que paraît ce livre.



J’ai trouvé extrêmement intéressant le fond historique de la Maison Atlas, la vie et l’histoire des derniers Juifs d’Alger. J’ai par contre été moins touchée par l’argument du roman, un peu banal. Ceci étant dit, cela n’en reste pas moins un bon livre, écrit par une célèbre universitaire américaine, spécialiste de Camus, dont c'est le premier roman.
Lien : https://www.instagram.com/bc..
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En quête de L'Étranger

Journaliste, militant, écrivain, homme de théâtre, amant, brièvement époux, fils de sa mère, enfant de son quartier miséreux: à vingt-cinq ans, Camus a déjà tenu bien des rôles. Pas une seule fois «le même visage pour deux êtres». Tout le problème est là, affirme l'auteure. C'est ce qui rend difficile les recherches, impossible des conclusions et délicate la description. De Camus, mais aussi et surtout des personnages du roman en question.

Aujourd'hui encore, «l'Etranger» reste à déchiffrer, chacun y allant de son interprétation. La littéraire, la politique, la sociale, la philosophique,… Et, même les (re-)lectures mutltipliées ne résoudront pas le problème. Cela est, sans doute, très lié à la personnalité même de son auteur, lui-même un homme assez «compliqué». En fait, simplement un «artisan de la littérature» qui a «foi dans les vertus du remaniement» et qui, à l'inverse de Sartre, a plus de talent que de génie (ils sont qualifiés, les deux, d'«ennemis intimes»: Camus avait soutenu, dans un article que Sartre est plus un philosophe qu'un romancier... et Sartre avait déclaré que Camus est bien meilleur romancier qu'il n‘est philosophe...). Le démarrage est difficile. Il a beau ciseler des phrases splendides, le roman ne parvient pas à se modeler. Il travaille à partir de souvenirs d'enfance et de jeunesse, de lectures passées, de spectacles vus, de petits bouts de papier, de rencontres, d'autres manuscrits, d'images et de pensées couchées sur le papier... Il travaille, en fait, et c'est ce que fait ressortir l'auteure de l'essai (qui a entrepris, en «détective manquée», une longue enquête sur le terrain à Alger et à Oran), comme le «grand reporter de presse» et le correspondant judiciaire qu'il a été à ses débuts. A l'écoute de son ressenti, de son environnement et des réalités sociétales... tout particulièrement les conflits latents ou révélés entre les communautés européenne (surtout la classe ouvrière des Européens d'Alger... les «petits blancs d'Algérie») et «arabe». Avec un peu, un tout petit peu, d'aversion pour la violence coloniale.



Heureusement, l'effort apporte toujours un gain quel qu'il soit. Et, peu à peu, «L'Etranger» va devenir un roman écrit... «sans le savoir», un livre «trouvé en lui»... sur le cadavre d'un autre projet, abandonné en cours de route, au stade de manuscrit, «La Mort heureuse»... et en passant par un essai sur l'absurde, «Le mythe de Sisyphe». L'idée d'une œuvre de fiction qui se trouverait à l'intérieur du créateur, attendant d'être découverte, est un «élément clé du crédo moderniste en général et de la poétique de Camus en particulier... Proust décrit cette même idée dans «Le Temps retrouvé...».

Avis : Sacré Camus, il n'arrête pas (comme son roman), sinon de passionner, du moins d'attirer. Une analyse fouillée et de grande qualité... et une autre théorie (celle-ci, à mon avis, «anecdotique» et littéraire, s'intéressant bien plus à la vie européenne de l'époque, à Alger, Oran et Paris, qu'au contexte colonial... encore que, peut-être, A. Camus n'avait pas osé dépasser la «ligne rouge» permise par sa communauté «pied-noir») sur la question. Il est vrai, que l'«on ne fait pas la même lecture de «L'Etranger» selon que l'on est américain, français ou algérien» (K. Daoud)... ou selon que l'on est étudiant, enseignant, écrivain, critique, historien... ou... A lire et, surtout, ne vous découragez pas devant la masse de détails.

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En quête de L'Étranger



La quête de L’Etranger n’est pas un nouveau livre consacré à l’analyse, à « l’introspection » de ce premier roman de Camus, (La Mort heureuse , roman « inabouti » fut édité après son décès .)

Pour Alice Kaplan, brillante universitaire, c ’est effectivement une longue quête, une recherche minutieuse pour recueillir tous les éléments, tous les indices, toutes les anecdotes, qui vont constituer la structure, la trame, le squelette, la matière même de

« L’Etranger ».

Elle a compulsé d’abondantes biographies consacrées à Albert Camus, elle a consulté aussi de nombreux ouvrages en lien avec l’environnement de Camus aussi bien en Algérie (Alger, Oran…) qu’en France ( Paris, le Panelier…) ceux qui parlent des paysages plongés dans la lumière éblouissante de l’été algérois, ceux des crépuscules gris, des jours d’insouciance, de guerre, de mort, de maladie … Elle a collecté d’autres détails précieux en se rapprochant d’éminents camusiens, de Catherine Camus en la rencontrant à Lourmarin, de Marcelle Mahasela qui était alors la responsable du fonds Camus à la Méjanes à Aix-en-Provence…

Elle va mettre en exergue les expériences, les mauvaises comme les bonnes, les échecs de sa vie, ses tourments, tout ce qui a alimenté, véritablement et subtilement le roman. C ’est une compilation un peu similaire que Camus lui-même consignait dans ses cahiers, les moments tragiques ou comiques, les lectures, les films, l’actualité prégnante d’alors, et qui, au fil du temps allait donner vie et nourrir ses personnages, peindre le décor de l’action, trouver le ton qui convient, pour en faire de subtiles combinaisons, des connexions et aboutir enfin à ce roman.

Si pour certains L’Etranger reste encore et toujours abscons, cette lecture pourrait ouvrir des horizons pour mieux comprendre la personnalité Camus et en filigrane, celle de Meursault.

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Maison Atlas

Emily, Daniel et Becca.

En quête de vérité, une enquête généalogique.



« Les forces de l’histoire ont beau nous faire signe, on s’évertue à les ignorer. On range ses souvenirs dans des albums, comme si un trait de colle pouvait les maintenir en place, on les enveloppe dans du papier bulle, et on les oublie à la cave. »



Une histoire de famille, de transmission, de la condition des juifs d’Algérie et des relations entre juifs et arabes, durant la Seconde Guerre mondiale, la guerre d’indépendance, la guerre civile.

A travers ce roman, on est plongé dans l’histoire de l’Algérie depuis la fin du XIXème à nos jours.



Emily a quitté le Minnesota pour suivre des études à Bordeaux dans les années 1990.

Elle y a rencontré Daniel, juif comme elle, qui commence à lui raconter l’histoire de sa famille dans l’Algérie coloniale.

La guerre civile éclate alors en Algérie où ses parents ont choisi de rester, Daniel part les retrouver, malgré la situation …



La famille Atlas, depuis l’arrière-grand-père Joseph, avait réussi dans les affaires, commerce, immobilier, elle s’était fait sa place dans la ville d’Alger en ayant bien prospéré.

Daniel va vivre des bouleversements dans cette ville… qu’il trouvera bien différente de celle de ses souvenirs, la Maison Atlas de l’époque a disparu…



Dans le Minnesota, bien des années plus tard, la fille d’Emily, Becca, s’interroge sur son histoire familiale …

« La géographie paternelle éveillait toujours sa curiosité. Elle s’intéressait à l’idée d’Alger ».

*

Un premier roman inspiré de faits, lieux et personnages réels où l’histoire familiale se conjugue avec l’Histoire, ravivant la mémoire des juifs d’Algérie ; et soulevant ici deux façons différentes de vivre sa judéité.

La fiction romanesque se mêle alors intimement avec les évènements historiques.

Une première découverte de l’autrice, écrivaine et historienne américaine, spécialiste d’Albert Camus, qui a très bien documenté son roman en insérant des condensés historiques pertinents.

*

Même si j’ai apprécié la part historique de cette histoire, mon ressenti reste mitigé quant au romanesque globalement trop en surface.

Il m’a manqué des émotions, notamment dans l’histoire d’amour vécue par Daniel et Emily, et aussi, un angle de vue plus développé du côté d’Emily.



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Maison Atlas

De cette nouvelle maison d’édition, j’avais adoré Les choses que nous avons vues. Je pensais donc trouver la même qualité d’écriture avec ce second roman que j’ouvrais.



D’entrée de jeux, la narration m’a paru brouillonne : Emily a connu Daniel à paru, elle a une fille de lui mais sa fille n’a jamais connu son père. Emily raconte l’histoire de sa rencontre avec Daniel qui disparait mystérieusement. Puis nous suivons Daniel de retour chez lui en Algérie. Pourquoi tant de mystères et de circonvolutions ?



Les personnages m’ont paru bien fades et sans intérêts ; les événements autour d’eux factices.



Je me suis sentie en-dehors de cette histoire qui veut installer la petite histoire dans la grande.



J’ai trouvé le style plat et factuel.



Bref, j’ai abandonné.
Lien : https://alexmotamots.fr/tomb..
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En quête de L'Étranger

A peine la dernière page lue, j'ai besoin de vous le partager... Un acte très égoïste parce que c'est ma façon de poursuivre la praline qu'a été En quête de L'Étranger d'Alice Kaplan.



J'ai deux Merci à distribuer avant d'aller plus loin! Le premier est pour mon mari. Merci Amor mio pour ton Amour des mots et de la littérature. Merci pour nos échanges et ceux autour d'Albert Camus! Merci de m'avoir partager, fait découvrir un de tes livres préférés, L'Étranger, et de m'accompagner dans mes réflexions nées depuis!



Je dois aussi un immense Merci à Daniel Nazon! Merci de m'avoir fait part de l'existence de cet essai! Merci de m'avoir fait découvrir Alice Kaplan, une autrice avec un style agréable et qui a su me rendre son travail captivant! Captivant au point que j'ai redouté le point final tant j'en veux encore... Merci!



Alice Kaplan au lieu d'écrire une énième biographie de l'auteur, a décidé de s'inscrire dans ce qui j'espère se fera de plus en plus, dans une voie inauguré par un auteur Michael Gorra. Michael Gorra avec son Portrait of a novel. The making of an American masterpiece ., s'attache à faire la biographie de l'œuvre Portait de femme de Henry James. Plutôt que de porter l'attention sur la personne qui a écrit, l'attention est portée sur l'oeuvre.



Alice Kaplan à l'image de Michael Gorra va nous donner les éléments importants de la vie de Camus qui permettront de comprendre comment est né petit à petit L'Etranger dans l'esprit de Camus. Cette genèse est importante et est complétée aussi par un vrai travail de détective pour comprendre quels sont les éléments qui ont nourrit sa réflexion pour arrêter ses choix dans la construction du fond et de la forme de l'Étranger.



On y découvre comment la quasi surdité de sa mère et de son oncle ont influencé le style de Camus pour l'Étranger, on y découvre les faits qui ont inspirés les scènes marquantes et pourquoi entre tous, ceux-ci plus que d'autres ont retenus son attention... Mais Alice Kaplan ne s'arrête pas là! Elle retrace aussi le parcours du combattant qui a entouré la publication de cet œuvre, de son accueil dans un premier temps en France et du rôle joué par son ami Pia, mais aussi Malraux, Sartre et tant d'autres. Puis viendra aussi la publication dans un second temps dans le monde anglo - américain où The Stranger ravira les Américains et The outsider, les Anglais. Une particularité élucidé par Alice Kaplan et qui va bien au-delà du timing entre traduction et édition.



Alice Kaplan ne s'arrête pas là. La biographie pourrait se terminer dans cette historicité... Mais l'autrice s'attache aussi à montrer l'évolution de l'attachement de Camus à son oeuvre et la naissance de l'indépendance de celle - ci face à son créateur... S'y rajoutera l'évolution des centres d'intérêt des lecteurs et donc les nouvelles approches de l'appropriation de L'Étranger auprès de ceux-ci. Après les questions existentialistes, viendront celles nées de la décolonisation...



Tout ce travail est porté par une écriture agréable et claire d'Alice Kaplan. Ce qui lui permet de nous embarquer dans son "Enquête" jusqu'à la dernière page et de nous redonner par la même occasion une envie de relecture de L'Étranger de Camus à la lumière de son essai mais aussi de continuer à découvrir cet auteur avec d'autres de ses écrits dont on sait qu'ils ont été en lien avec L'Etranger ou qu'ils ont bénéficié de l'évolution d'Albert Camus depuis...
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Intelligence avec l'ennemi. Le procès Brasill..

Une autrice qui plus historienne se doit de rester neutre lorsqu'elle relate des faits du moins c'est ce que je pense . Dans ce livre Alice Kaplan ne l'est visiblement pas . Son livre semble écrit uniquement à charge et elle n'a pas réellement compris Brasillach . Il fut certes fasciste mais pas nazi . Il admira toujours Mussolini et beaucoup moins Hitler et puis affirmer que la Belgique était fasciste comme l'Italie ou l'Espagne en citant le cas Degrelle et Rex alors que celui-ci ne fut que l'espace de 11 mois en mesure d'intervenir réellement sur le plan politique est une grossière erreur .

Elle semble également obsédée par la vie sexuelle de Brasillach et sa possible homosexualité la rendant responsable de ses prises de position politique.

Pour découvrir Brasillach je conseille plutôt de lire Pascal Louvrier et son "Brasillach l'illusion fasciste" ou "Brasillach écrivain, mal-aimé des Lettres françaises" de Pierre Somville qui sont bien plus impartiaux .
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Intelligence avec l'ennemi. Le procès Brasill..

Formidable livre, plein d'intelligence d'une historienne Américaine !

C'est vivant, documenté, vraiment un grand plaisir de lecture.

On peux juste se poser la question : pourquoi aucun Français n'a écrit un tel livre ? La peur du sujet ? sans doute...
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Maison Atlas

Daniel est Juif Algérien. Sa famille est installée à Alger depuis plus de 1000 ans, vivant en harmonie avec les musulmans.

Les colons français vont perturber ce fragile équilibre dès le XIXe siècle en accordant aux juifs d’Algérie la nationalité française. Nationalité qu’on leur retirera sous Vichy et qu’on leur rendra ensuite créant ainsi une scission entre les deux communautés.



La famille de Daniel décide de rester après le départ des Français en 62. Son grand-père et son père se rangent du côté des musulmans alors que tout le monde quite le navire.



Dans les années 90, Daniel part faire ses études de droit à Bordeaux. Il y rencontre Emily, une États-unienne du Minnesota dont ils tombent très amoureux.

Lorsque les troubles éclatent à Alger, Daniel retourne auprès de ses parents et promet à Emily de revenir. Mais il disparaît…



C’est un très beau roman sur l’importance des origines, le poids de l’histoire familiale et l’attachement à un pays.

La partie historique du roman est passionnante et s’entremêle très bien avec le romanesque.

L’écriture est fluide, riche. Ce fut un véritable plaisir de lecture et une magnifique promenade dans les rues d’Alger, malgré la tension, le fanatisme religieux et la tristesse de voir ce beau pays gâché par la bêtise humaine.
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Trois Américaines à Paris : Jacqueline Bouvier ..

L’influence, et l’attrait de la culture française sur les américaines. Tel est le sujet de cette triple biographie croisée que nous propose Alice Kaplan.

L’année en immersion à Paris était un peu l’étape obligée pour qui voulait perfectionner non seulement son français, mais surtout appréhender au cœur la culture française ses codes et ses particularités.

En prenant pour exemples trois femmes de milieu et parcours différents, à trois époques différentes, Alice Kaplan tente de démontrer l’impact qu’aura eu sur ces trois jeunes femmes, et sur la suite de leur parcours personnel, civique et professionnel, l’année passée en France et à Paris en particulier.

Si les époques de leur passage respectif est différent, avec bien entendu, pour chacune un contexte historique bien particulier, chacune aura durablement été marquée, et en retour apporteront une part non négligeable de culture française ( en redonnant vie à la littérature des 17 et 18 èmes siècles pour Jacqueline Bouvier lorsque qu’elle travaillait dans l’édition, faire connaître outre atlantique le nouveau roman pour Susan Sontag), ou faire bouger les lignes aux Etats -Unis lors des mouvements pour les droits civiques dans le milieu des années 60 avec Angela Davis.



Si globalement j’ai trouvé l’essai intéressant sur la plan des connaissances (dans la mesure où, outre Jacqueline Bouvier dont je connaissant déjà le parcours, j’ai pu faire connaissance avec les deux autres personnalités dont j’ignorais tout), le choix des personnalités m’a laissé quelque peu en marge dans la mesure où elles ne susciteront pas une ouverture particulière à l’avenir. Des personnalités intéressantes, certes, mais dont l’évocation dans cet essai n’a pas contribué à me pousser vers davantage de curiosité.

Lecture en demi-teinte donc ; pas franchement désagréable, mais pas mémorable non plus.


Lien : http://leblogdemimipinson.bl..
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Intelligence avec l'ennemi. Le procès Brasill..

Livre d'une historienne qui a mené un travail de fond extrêmement documenté, contextualisé et réfléchi. Dans le même temps, Alice Kaplan pose des problématiques, rassemble les pièces de ces problématiques mais ne donne pas de réponses affirmatives ou infirmatives. Et pour cause...le cas Brasillach est quelque peu tordu, tortueux et reste encore très interrogatif. En revanche, Alice Kaplan donne des clefs que chacun.e peut s'approprier et avec se forger une idée, une conviction voire une prise de position assumée.

Le procès de Brasillach pose la question de ce qu'on appelle en droit l'intelligence avec l'ennemi. Il ne porte pas sur l’antisémitisme et son influence criminelle et grave sur les événements et les périls montant depuis la fin de la Ière Guerre. Pour cause ? A l'époque du procès Brasillach nous sommes en janvier 1945, les procès de Nüremberg arrivent en novembre 1945. Aussi, les notions notamment de crimes contre l'Humanité, l'antisémitisme avéré et mise en oeuvre des vaincus n'est pas encore la préoccupation. Par ailleurs, la France est quelque peu gênée aux entournures sur cette question à cause du régime de Vichy mais pas que. Nous sommes dans le contexte de l'Epuration judiciaire avec reprise en main de la justice par les institutions car l’épuration extra-judiciaire portait les ferments d'une guerre civile latente, larvée en France. De même, la France est un pays considéré comme vainqueur mais tellement paradoxal, contradictoire car avec une période qui pour le moment il faut minimiser : le régime de Vichy. Construction du mythe de la France résistante, qui a été livrée à l'Occupant, avec la complicité (peut-être nécessaire) d'un état fantoche. Nous ne sommes pas dans la configuration d'une Angleterre. Donc le procès Brasillach c'est toute cette époque . C'est ambigu, alambiqué, trouble, troublée, euphorique, coupable en silence etc...Alors pourquoi lui a-t-été fusillé et pas les autres comme un Céline qui en plus s'enfuit ? Moi je poserai une autre question : si Drieu de la Rochelle ne s'était pas suicidé,aurait-il aussi été fusillé ? Et si oui comme pour Brasillach, quelle influence sur le sort d'un Céline par exemple (et d'autres ) ?

Le livre d'Alice Kaplan c'est toute ces questions et analyse sans parti pris, sans réponses sentencieuse.

Enfin, le livre se lit comme une vraie chronique policière et judiciaire. Cela ne verse pas dans l'intellectualisme. Ce n'est pas ronflant. C'est direct, juste et analytique.
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Trois Américaines à Paris : Jacqueline Bouvier ..

Trois femmes, trois décennies permettent à Alice Kaplan de décrire la vie parisienne des années d'après-guerre aux années 70 et de constater ce que ces femmes en ont ensuite transmis à leur retour en Amérique.

Jacqueline Bouvier Kennedy découvre Paris lors de la reprise des séjours d'étude après la seconde guerre mondiale. Même, si à cette époque Paris, noircie, se relève difficilement de la guerre, si le confort est encore sommaire, Jacqueline est privilégiée en logeant chez des aristocrates, en fréquentant la Sorbonne et en ayant les meilleurs professeurs.

" ce qui avait radicalement changé depuis la guerre, c'est l'image publique de la femme."

Les étudiantes américaines communiquent un peu l'esprit bohème aux françaises.

À la maison blanche, Jackie Kennedy se fera largement critiquer lorsqu'elle impose le style français dans la décoration ou les menus.

Susan Sontag quitte les États unis, son mari et son fils pour trouver davantage de liberté sexuelle en France. Là, elle peut vivre son homosexualité plus librement. Si elle est inscrite à la Sorbonne, elle ne la fréquente pas et préfère apprendre seule. Elle traîne surtout dans les cafés littéraires (Flore, les deux magots) et profite des nuits parisiennes alcoolisées.

En France, c'est la période de la crise algérienne. Mais Susan Sontag s'exprime peu sur les évènements. C'est d'ailleurs la partie qui m'a le moins convaincue car l'auteur entame des sujets intéressants pour dire que Susan Sontag ne s'exprime pas sur ces sujets dans son journal. Voilà qui est un peu frustrant.

Je me suis davantage intéressée à la biographie d'Angela Davis. Pour Angela, le français est un moyen de masquer son état de femme noire. Beaucoup plus engagée, les analyses sont ici un peu plus détaillées. On aborde cette fois plus en profondeur le Nouveau Roman .

En Amérique, Angela Davis, intellectuelle noire et communiste, dérange de plus en plus. Elle se retrouve impliquée dans le procès d'une prise d'otage menée par le frère de son fiancé emprisonné. La France, et notamment les intellectuels français s'impliquent largement pour la soutenir.

Le livre est construit de manière très symétrique avec un chapitre pour chaque américaine. Chaque chapitre comprend une partie sur le séjour en France et une partie sur le retour en Amérique. Le lien entre les trois biographies se tissent entre les lignes grâce à des lieux identiques fréquentés ou des personnes rencontrées ( Sartre, Beauvoir, Robbe-Grillet). Le livre est très documenté avec des notes sur les sources, des notes explicatives et un index regroupant toutes les personnalités citées avec références des pages où elles apparaissent.

Nul doute que ce document traduit une large connaissance ou une profonde étude du sujet. Personnellement, si j'ai été intéressée par la biographie d'Angela Davis, je n'ai trouvé que peu d'intérêt à celle de Jacqueline Kennedy (trop orientée) et encore moins à celle de Susan Sontag que je ne connaissais pas.
Lien : http://surlaroutedejostein.o..
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Intelligence avec l'ennemi. Le procès Brasill..

Documentaire très riche en références, bien documenté, et gardant un recul certain vis à vis du "mythe" Brasillach et de sa récupération politique.



Vie et oeuvre de Brasillach, normalien brillant mais fasciste, polémiste acerbe, journaliste collaborateur et pro allemand, écrivain à la personnalité atypique. Ayant mis tout son talent au service de la puissance allemande occupante.



Rappel de la période de l'Epuration, des nombreux procès de cette période, et, bien sur, analyse du procès de Brasillach: protagonistes, enjeux, déroulement marqué par la "prestation" de brasillach, impressionnante de sang froid, mais qui ne lui sauvera pas la vie, par les réquisitions du talentueux Marcel Reboul et la défense habile d'Isorni, qui plaidera par la suite en faveur de Pétain et de Laval.



Question de fond: la plume suffit elle a trahir? Existe-t-il un "crime de plume" contre l'humanité?



Dans quelle mesure un écrivain trahit-il son pays (puisque ce n'était pas l'antisémitisme de Brasillach qui était au coeur du procès, mais la trahison de la France - le régime de vichy ayant entre-temps était déclaré illégal)? Grandeur quasi religieuse de Mauriac qui mettra toute sa force en vue d'un "pardon chrétien" des intellectuels collaborateurs, intransigeance de Camus qui réclamera justice.



Plus largement, beaucoup de questions sont soulevées sur le role des institutions (y compris la magistrature), de la presse, sous vichy - le symbolisme des procès politiques qui s'ensuivirent, sur la naissance du mythe de Brasillach et son exploitation par l'extreme droite française - a la recherche d'un nouveau souffle.



Et on apprécie la rigueur intellectuelle de l'auteur qui a l'élégance de ne pas formuler de réponse. Un ouvrage réellement intéressant.
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En quête de L'Étranger

Voici racontée la vie de Camus à l'aune de son plus célèbre ouvrage, l'Etranger. A moins que ce ne fût l'inverse!

Cet ouvrage nous plonge dans les affres de la production littéraire. D'Alger à Paris occupé, il nous retrace le lent et difficile accouchement d'un ouvrage qui va, à sa manière, révolutionner le genre littéraire et annoncer l'avènement d'une philosophie à laquelle est promis un bel avenir, la philosophie de l'absurde.



Ecrit par une universitaire américaine, professeur à l'université Yale, on sent que l'auteure maîtrise incontestablement son sujet. Elle est allée jusqu'à mener sa petite enquête pour tenter de retrouver l'homme qui inspira le personnage de l'arabe, assassiné par Meursault sur la plage.



Le récit, très bien documenté, peut cependant paraître un peu scolaire notamment quand Alice Kaplan se livre à de véritables commentaires de textes qui ne sont pas loin de nous rappeler nos cours de français du lycée. Elle va parfois si loin dans l'exégèse littéraire que l'on se demande si l'auteur y a pensé lui même!



A mon sens, le livre est destiné avant tout à deux catégories de lecteurs: ceux qui vouent une adoration béate à l'Etranger, et qui seront réellement enchantés de découvrir tout le cheminement intellectuel de Camus et les éléments de sa vie qui ont inspirés son roman.



Mais également destiné aux écrivains en herbe, qui, je pense, trouveront très intéressante cette description si approfondie de l'univers de la création littéraire (la jalousie des amis, le tâtonnement de l'écrivain, les problèmes soulevés par les traductions, le lourd tribut à payer au métier d'écrivain, malheur et solitude selon les propres mots de Camus).



Pour les lecteurs qui ne rentreraient pas dans ces deux catégories, l'ouvrage pourrait paraître toutefois un peu trop substantiel par rapport à leurs attentes.

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En quête de L'Étranger

Le livre d’Alice Kaplan « Recherche de l’Etranger » est le récit de la création et de la vie du roman d’Albert Camus « L’étranger ». C’est écrit dans un style simple et clair par cette universitaire américaine qui a fait une recherche assez époustouflante et qui la restitue dans une langue remarquable.

On suit de très près le lent travaille de maturation qui conduit Camus à la rédaction de ce roman qui a tant fait parler de lui et qui reste encore plein de lecture possible, signe des grands chefs d’œuvre.

On apprend les influences, notamment de certains écrivains américains et les conseils de ses proches comme Jean Grenier, Pascal Pia et l’on apprend tout ce que sa vie lui a permis de noter et de mettre dans ce roman : un voyage à Marengo à l’hospice pour l’enterrement de la mère de sa belle-sœur, la vie des petits gens à Alger, l’expérience de son père lors d’une exécution capitale, sa propre expérience des tribunaux…. Et on en apprend aussi sur le fameux crime sur la plage et sur sa réécriture sur les conseils d’André Malraux.

Alice Kaplan nous apprend tout sur les tribulations du manuscrit pendant cette période de guerre jusqu’à son acceptation par les Éditions Gallimard grâce notamment à André Malraux mais aussi à Pascal Pia et d’autres. Elle nous montre comment le roman a été accueilli, comment beaucoup de critiques ont considéré qu’il s’agissait d’une œuvre au ton nouveau et qui allait marquer son temps. On peut lire toutes les critiques parues à l’époque jusqu’ à celle remarquable de Jean Paul Sartre qui est l’un de ceux qui ont le mieux analysé ce roman.

On assiste ensuite en détail à la diffusion de l’œuvre et à sa traduction, notamment en Amérique et en Angleterre avec les erreurs de traduction et les deux titres choisis en Angleterre et aux EU : « The Stranger » et « the Outsider »

Intéressants développements aussi sur la transposition, notamment par Visconti, de l’étranger au cinéma et enfin d’excellents développements sur le roman de Kamel Daoud Meursault contre enquête.

Enfin le livre se termine par le récit de ce qui s’est réellement passé sur la plage d’Oran .On apprend ,enfin, le nom et l’histoire réelle de l’arabe.

Le seul manque de ce livre est l’analyse de la réception de Camus et ,notamment de étranger , en Algérie.Il y a sur cette question,pourtant importante que très peu de choses.
Lien : http://jpryf-actualitsvoyage..
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