Alicia Werner

Trouvetonjules.com, en l'occurence. Voilà une pratique que j'ai toujours refusée. Le principe est trop loin de mon caractère spontané et puis, même si j'ai mis depuis quelques années ma vie sentimentale au second plan, la romantique qui sommeille en moi croit toujours au coup de foudre, le beau, le vrai, pas celui qu'on prémédite derrière un écran.

Mon métier était en théorie très simple : je devais satisfaire les demandes de mes clients. En pratique, c’était un peu plus compliqué… Les stars de cinéma, les princes orientaux et autres milliardaires russes qui avaient leurs habitudes au Royal Breteuil étaient imprévisibles et me confiaient souvent des missions impossibles : dénicher une table pour le soir même dans un restaurant à la mode déjà complet, organiser un sortie en hélicoptère, obtenir la privatisation d’une bijouterie… Je relevais toujours ces défis avec une décontraction apparente et un joli sourire, c’était ensuite à moi de remuer ciel, terre et contacts précieux pour satisfaire leurs demandes parfois vertigineuses. J’avais pour moi un solide carnet d’adresses et ma débrouillardise hors pair ce qui, la plupart du temps, suffisait.

Le challenge pour moi était de savoir si j’allais vaincre la timidité qui s’était emparée de moi à la fin de notre premier rencard. Depuis le temps, j’avais un peu perdu la main, côté séduction, mais il n’y avait pas moyen que je saborde cette nouvelle rencontre. Halte au bafouillage, aux joues rougissantes et aux silences pesants, la Jill séductrice était de retour, et le langage corporel n’avait plus de secret pour elle !

-Et toi, Jill, tu joues toujours les anges gardiens auprès des miséreux ? M’interroge Suzanne, avec un petit clin d’œil malicieux.
-En ce moment, je fais surtout office de baby-sitter pour des quadragénaires aussi autonomes que des nourrissons, vois-tu ?

La température monta d’un cran. Nos mains se firent aventureuses et la bouche de Victor parcouru mon cou avec une douceur mêlée de fermeté. Chaque baiser déposé par lui était une irrésistible décharge électrique qui irradiait dans tout mon corps. Je défis les boutons de sa chemise, découvrant des pectoraux et des abdos impeccablement sculptés. Ce fut ensuite à son tour de me déshabiller, ce qu’il fit avec une élégante habileté, qui enflamma un peu plus mon désir. Les heures qui suivirent furent un exquis cocktail de sensualité et de fougue, qui dura jusqu’à ce que s’éteignent les dernières braises…

Trouver quelque-chose de glamour ou de spirituel à dire ! » me répétai-je intérieurement, sentant le rouge me monter aux joues. Heureusement, le beau gosse stoppa toute tentative de réponse en plantant sur mes lèvres un baiser. Le premier d’une longue série toujours plus langoureux. Sacha était définitivement un garçon très à l’aise, voire très habile. Pendant qu’il m’embrassait, sa main caressa mes cheveux, puis mon dos, puis… Je me sentis frémir de désir comme cela ne m’était pas arrivé depuis trop longtemps, et je m’abandonnai sans aucune réserve pour quelques délicieuses heures.

« Il faut toujours mettre en valeur ses belles qualités ». Côté maquillage, une touche de mascara mettait en valeur mes yeux verts et un rose naturel colorait mes lèvres charnues. Je fis rapidement le tour de la salle du regard avant de conclure que j’étais la première. Je m’installai à une petite table près de la baie vitrée afin de pouvoir observer à la fois la rue et la porte. Je sortis un livre de mon sac. Evidemment, la fébrilité m’empêchait de comprendre quoique ce soit à ce que je lisais mais, j’avais jugé que bouquiner me donnerait une contenance de bon ton.

Dans la vie, il y a des réveils plus difficiles que d’autres, et celui-ci était peut-être le pire que j’aie connu. Finis le Sancerre et la rigolade avec Nour bien à l’abri sur mon canapé, j’allais devoir retourner ce matin-là à l’hôtel pour affronter la réalité, constater l’étendue du désastre et, probablement, m’entendre signifier mon licenciement.

Il prit alors ma tête entre ses deux mains et me donna le baiser le plus romantique, le plus poignant, le plus sensuel et sûrement le plus mouillé de l’histoire de l’humanité. Comme la première fois en Normandie, le charme opéra instantanément entre nos corps, qui semblaient se reconnaître.

...j’ai hâte de rencontrer un nouveau menteur/manipulateur/dragueur compulsif, les mecs bien, c’est so has been, lui rétorquai-je ironiquement. Non, cette année, je promets sérieusement d’obtenir un salaire digne de mon investissement et de mes talents.