La fraîcheur de la nuit le saisit soudain, là-haut dans le ciel. Airy survolait le Châtel, les ailes de son bombynix déployées dans le dos. Par le Saint Adhémar, qu'est-ce qu'il haïssait ces bâtiments, cette cité de Préciosie et tout ce qui faisait sa vie ! Cette pièce misérable nichée sous les toits du château par exemple, octroyée par ses grands parents Roscelin et Elvide Rastaingue comme si, dans leur immense bonté, ils lui offraient une chambre d'apparat. Qu'ils aillent au diable, ces deux-là ! Non, le seul endroit qu'il appréciait, c'était le ciel. Le vide sous ses pieds, les ailes de son bombynix prolongeant son propre corps. Ici, il se sentait libre. Peut-être qu'un jour, il prendrait son courage à deux mains pour partir ailleurs. Se révèlerait-il assez hardi pour s'enfuir dans la sylve ? Au fond de lui, il en doutait.
Elle déboucha sur une terrasse au pied de la façade ocre et blanche du Palais. Le souffle court, la jambe raide, elle se retourna pour contempler le paysage. Sous ses pieds se déroulait la langue de pierre des Cinq Cent Marches ondulant vers la Basse Cité. Sur sa droite, elle apercevait les Hautes Serres, non loin de la route partant vers Cyssadhée. Puis venaient les Bains et leurs cascades, ainsi que le Bois des Lumières sur un petit plateau. Face à elle s'étendait la forêt d'arbrals habités, au-delà de la place centrale et des Grandes Tonnelles, où elle avait déjeuné en compagnie de Telio, Aelide et sa collègue Laudine. À gauche, une autre voie importante se dirigeait vers une ligne claire vibrant dans l'air chaud. La mer ?
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Lui faisait-elle une farce de gamine ? Cette histoire de manteau qui transportait les gens dans une autre réalité, il avait quand même du mal à gober ça. C'est qu'il en avait vu, des mondes étranges.. Il avait arpenté mille sentiers, routes et montagnes, et livré bataille un nombre incalculable de fois. Il avait vu des donjons, des mines, de riches cités, des châteaux en ruine et bien d'autres lieux encore. La plupart du temps, un avatar humain lui prêtait ses traits, mais il avait aussi revêtu les attributs d'un elfe, d'un nain, et parfois même de créatures bien moins sympathiques. On pouvait compter sur lui en cas de grabuge : il prenait sa hache, sa masse ou son épée et s'en allait taper dans le tas.
- Moi, Jehanne, je jure de t'être fidèle et de garder cet amour caché au fond de mon cœur. Aussi longtemps que les années s'écouleront. Un jour, nous serons heureux ensemble.
Elle contempla le beau visage aux traits redevenus sérieux, puis fixa les lèvres qui prononcèrent les mots divins.
- Moi, Gislebert, je jure de t'être fidèle et de garder cet amour caché au fond de moi. Aussi longtemps que les années s'écouleront et.. bien plus encore. Un jour, nous serons heureux ensemble.
Si on m'avait enfoncé un poignard dans le ventre, cela m'aurait fait moins mal. Je donnerais tout pour qu'elle me regarde ainsi.
- Pourrais-tu croire en l'incroyable ?
- Je suis prête à tout entendre. Quant à y croire, on verra plus tard.
Nous laisser faire reviendrait à de la lâcheté, à une passivité que nous regretterons lorsqu'il sera trop tard. Essayons d'utiliser la parole dans un premier temps, avant le recours à d'autres moyens plus.. persuasifs.
Non, ne pas pleurer ! Il fallait qu'elle soit forte encore un moment, juste le temps de retrouver Karenn, sa maman, ses bisous, son amour et toute cette tendresse qui lui manquait terriblement.
Karenn s'aperçut qu'elle ne pourrait pas vivre sans sa fille. Jusqu'à présent, celle-ci avait été sa bouée de sauvetage. Si on la lui enlevait, elle coulerait, d'une façon ou d'une autre.
Si seulement les Mantels obéissaient toujours au doigt et à l'oeil