Mercredi 20 Mars 1968.
Ivan me serra contre lui pour essayer de me protéger.
« FLN VAINCRA ! US ASSASSINS ! »
Dans la bousculade, nous avions perdu les camarades. Des inconnus, le bas du visage caché sous un foulard scandaient les slogans. J'avais trop peur pour participer. Un fracas de verre brisé me fit me recroqueviller de terreur.
— Les vitrines de l’American Express ! Vite, il faut filer !
Ivan me broyait la main. Il fallait vite se dégager de la foule des manifestants et fuir. Impossible de descendre dans la station Opéra noire de monde. Nous avons couru droit devant nous dans l’espace dégagé du boulevard des Italiens jusqu’à Bonne Nouvelle.
— Je n’en peux plus ! Si j’avais su, je ne serais jamais venue à cette manif !
Dans le métro, à bout de souffle, je m’écroulai sur un strapontin.
— Tu crois que tout le monde a réussi à se sauver ?
— Je n’en sais rien. J'ai vu des CRS !
— Tu savais ce qui nous attendait, toi ?
— Pas vraiment. Mais j’aurais dû m’en douter. Trop bizarres tous ces rendez-vous différents ! En tout cas, pas question que tu rentres seule. Je vais à Soisy avec toi.
— Ton studio va s’ennuyer !
Nous avons ri. Mon frère, je l’adorais.
— Pourvu qu’ils n’en parlent pas à la télé. Maman serait trop inquiète !