Citations de Alix Cordouan (22)
Ce qui l’avait marqué, c’est le refus d’accepter de se soumettre qu’elle considérait comme ordinaire, dans l’ordre des choses. Elle était de la race de ces indomptés qui se battent seuls dans l’anonymat le plus total, n’en tirant aucune gloire, rendant coup pour coup, même quand le combat est inégal.
Les magouilles d’avocat, il les a en horreur, autant que certains juges qui appliquent comme des machines les textes en vigueur. Bien sûr, ils sont là pour ça, mais cette justice-là ne lui convient pas. Alors pour pouvoir continuer à se regarder en face, il compose. Par omission, comme avec les lettres anonymes de la petite bonne qu’il a brûlées, ou à charge quand il creuse avec acharnement pour faire tomber un salaud qui sans lui s’en serait sorti la tête haute.
Elle est là, devant lui, épanouie, c’est une femme maintenant ; pourtant, elle n’a pas beaucoup changé depuis sept ans. Elle a gardé son sourire enfantin, désarmant. Son regard est toujours aussi direct, aussi incisif, il en est troublé.
C’est une femme que le temps embellit de charmes nouveaux et qui conserve dans le regard une soif de vivre toujours renouvelée. C’est peut-être pour ça qu’il garde ses distances. Lui ne croit plus à l’avenir et se contente de se raccrocher à de petits plaisirs éphémères pour ne pas sombrer trop vite. Et puis ils se connaissent trop bien maintenant pour qu’entre eux… à moins qu’un événement ne rallume une flamme qui s’éteint inexorablement… Y croit-il encore ?
J’avais maintenant un but, me venger. Je ne souffrais plus, je n’avais plus honte, je n’avais plus peur, j’étais en guerre et cette guerre, j’étais déterminée à la gagner.
Pour arriver à mes fins, je devais être attentive à tout ce qui se passait et tout ce qui se disait chez les Le Goff. Je devais trouver une faille, j’allais trouver la faille, j’étais convaincue qu’elle existait.
Restait le plus extraordinaire, Yvonne Dupré. Cette femme avec qui elle avait travaillé pendant deux ans, cette femme qui lui avait redonné confiance en elle, cette femme dont elle s’était rendu compte trop tard de la place qu’elle tenait dans sa vie. Cette femme était sa mère et toutes deux l’ignoraient.
Elle était de la race de ces indomptés qui se battent seuls dans l’anonymat le plus total, n’en tirant aucune gloire, rendant coup pour coup, même quand le combat est inégal. Il connaissait ça ; lui aussi avait mené des combats perdus d’avance pour la seule satisfaction de pouvoir se regarder dans un miroir sans rougir. Quelque part, il voulait croire qu’ils se ressemblaient.
La mort de Paulo qui entretenait ce dernier blocage l’indiffère. Ce n’est pas un poids qui vient de s’ajouter à son passé, mais une libération. Aucun remords ne la taraude ; elle se sent libre, légère, elle vient d’atteindre le bout du chemin.
Elle laisse courir sa main sur le papier comme si elle était guidée par une force invisible. Elle cultive l’espoir secret que de cette forme de délire émergera un indice, un signe, qui l’éclairera sur le flou qui subsiste dans sa mémoire.
Elle joue le jeu, cherchant un sens à des phrases qui n’en ont pas, relisant des passages hermétiques, essayant de se remémorer les noms qui reviennent le plus souvent.
Son angoisse grandit sans qu’elle puisse définir si elle est provoquée par l’évocation de certaines scènes ou par son incapacité à leur trouver un sens.
Elle passe de la détresse à l’euphorie, de l’excitation à l’abattement. Il lui arrive de regretter d’être sortie de l’univers cotonneux où elle vivait à l’abri des vagues de la réalité.
Elle n’en peut plus de ce chemin qu’il lui faut absolument suivre et qui ne lui évoque rien de concret. C’est comme un parcours qui n’en finit pas, qui, après chaque virage, dévoile une nouvelle ligne droite interminable.
Cruchol était une anguille comme celle que je pêchais à mains nues dans les ruisseaux, une de ces anguilles qu’il fallait coincer entre deux pierres pour pouvoir s’en rendre maître.
« Méfie-toi, quand les flics se montrent aimables, c’est juste pour mieux te piéger. »
En fin de soirée, on attaquait le sujet roi : les femmes. C’était inépuisable, sans limite ou presque. Il n’y avait qu’une règle que tous partageaient : on ne parle pas des épouses. La mère de leurs gosses, c’est sacré. Pas question que leur progéniture se transforme en fille ou fils de pute au cours de la conversation.
Pour les autres femmes, tout était permis. La moindre retenue les aurait classées du côté des prudes, des non-affranchies, ce qui aurait été fâcheux. Il était bon de surenchérir si l’on voulait se maintenir à un niveau de vulgarité de bon aloi.
Cette colère qui m’habitait m’était indispensable, vitale, elle était mon énergie, sans elle je ne tenais pas debout. La seule chose qui pourrait m’apaiser serait la vengeance.
Les remontrances, l’indifférence ou le mépris affiché glissaient sur moi comme une pluie d’orage sur les plumes d’un canard.
« Dans la vie, il y a l’agneau et le boucher, à toi de choisir. »
Toute cette histoire lui semblait trop belle pour ne pas cacher une entourloupe. L’offre venant d’un curé, en plus, il convenait de se méfier, le porteur de soutane devait bien quelque part y trouver son intérêt.
Si c’est pour faire la pute à curés, c’est non ! On n’est pas riches, mais y a des limites !