- Mais c'est totalement injuste de me confronter à un choix pareil ! Dans une entreprise normale, cela ne se passerait jamais comme ça.
- Et c'est quoi, une entreprise normale, Clara ? Ici, on est moins de dix pour faire fonctionner une strat-up dirigée par des femmes à la fois bourgeoises et arrivistes, superficielles et intelligentes, sympathiques et méchantes, solidaires mais envieuses, féministes mais soumises à leurs mecs, leurs maris, voire leurs amants.
Difficile de croire que cette jeune fille si polie, aux dents blanches bien lavées, aux mains soignées, engagée dans un cursus universitaire prestigieux, a lâché sa virginité au sortir de l’enfance sous l’effet de l’alcool. Je comprendrai plus tard qu’il ne s’agissait pas ici de l’acte sexuel auquel je pensais, que celui dont parlait Heather n’exigeait pas de se dévêtir et était exécuté machinalement, m’expliquera-t-elle, par toutes les filles souhaitant préserver leur hymen.
Je sais bien que le racisme est une question sensible, ici encore plus qu’en France. Martin Luther King, les Black Panthers, ce sont des noms que l’on apprend désormais religieusement dans les livres d’histoire. L’abolition de l’esclavage, la guerre de Sécession, la lutte des Noirs pour les droits civiques, la définition du « Noir américain », les quotas, sont des éléments fondateurs de l’histoire américaine – une histoire récente par rapport à celle de l’Europe.
Adolescente, je pouvais dévorer burgers et glaces sans gagner un gramme. Ici, la nourriture me fait gonfler comme une baudruche, et je ne fais absolument pas attention à la façon dont je me nourris. Je me régale de bagels et de doughnuts, ces beignets ronds dégoulinants d’huile et de sucre glace. Je me sens incapable de résister ! Et le soir, je dévore des ailes de poulet frites ou des currys divers, en lisant pendant des heures.
Il me regarde droit dans les yeux, comme pour y lire quelque chose, et je me sens nue, surtout lorsqu’il marque une pause dans sa logorrhée sur l’université et que son regard descend furtivement sur mes seins. Je ne pourrais pas jurer qu’il observe mon décolleté, peut-être baisse-t-il simplement la tête pour ne pas m’impressionner en me fixant trop longuement. Je ne sais pas. Le temps passe vite. Il regarde sa montre.
" Quel honneur de penser qu’une jeune femme comme vous préfère étudier ici plutôt qu’en France, où les écoles de journalisme ne manquent pas ! Qu’est-ce qui vous a décidée à venir, d’ailleurs ? Qui vous en a donné l’idée ? Mais nous en parlerons lorsque vous viendrez me rendre visite. Vous devez être en retard pour votre prochain cours, j’imagine. Prenons le temps de discuter, n’est-ce pas ? "
"C'est drôle, quand je t'ai repérée à l'école, je suis devenu fou de ton corps. Tes rondeurs juvéniles, ton air d'oiseau perdu, tes silences emprisonnés dans tes lèvres pincées. C'était divinement excitant. Et puis, tu t'offres comme personne. (Je frissonne de dégoût.) C'est insensé, le plaisir que tu m'as donné ! Toujours consentante, toujours partante - hein, Marie, ça ne te gêne pas que je te parle comme ça ?"
Un océan me sépare de cette fille, et, comme je me trouve sur sa rive, c’est certainement à moi de faire un effort. Je l’attends donc pendant qu’elle s’apprête. J’ai rapidement enfilé un jean et un petit haut noir, avec des ballerines. Je me suis à peine maquillée. Je ne soupçonnais pas que la vie sociale à Cape Cod était si sophistiquée.
Il portait une veste militaire et revenait d’Iran. C’était un spécialiste du Moyen-Orient. Il risquait sa vie à chaque voyage. Je ne voulais pas devenir comme lui, je n’avais pas l’âme aventureuse, et les zones de guerre ne m’attiraient pas. Ce que je voulais, c’était écrire, raconter des histoires, être une passeuse d’informations.
L’amour fait partie du processus, bien évidemment. Mais le mariage, c’est avant tout l’association de deux personnes qui se correspondent, qui ont une histoire, une culture, des valeurs en commun.