Alizé Cornet vous présente "La Valse des jours" en répondant à nos questions.
Le livre :
Comment l'apprentissage de la vie se transmet-il entre trois femmes d'une même famille ? Quel fil invisible et puissant lie Hélène et ses filles, Mouna et Jeanne ? Au coeur des années 1960, à Nice, ce sont les jours tourmentés de femmes nées dans un milieu modeste, où l'alcool abîme les hommes et où l'émancipation est difficile ; mais ce sont aussi les jours heureux. La lumière qui jaillit au gré d'une danse, d'un amour, d'un lien indestructible. Et de la certitude que demain sera plus beau.
Inspirée par les histoires vraies de sa famille,
Alizé Cornet donne vie à ces femmes dans la beauté de leur intimité, de leur fragilité, de leur désir de liberté. Leurs coeurs battent à l'unisson d'une société française en pleine évolution.
En librairie !
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Sa mère ne la laisserait pas arrêter ce pour quoi elle était faite, se raisonna-t-elle, elle connaissait l'importance que cela avait pour elle. Elle se battrait pour que sa fille devienne quelqu'un de cultivé, de brillant.
Une fraction de seconde seulement, elle sentit pourtant poindre une intuition insaisissable, un avertissement imperceptible. Comme une ombre apparue dans son plexus solaire, puis repartie aussitôt. Oui, elle était heureuse, mais elle avait appris à ses dépens que cela ne durait pas. Elle chassa de son esprit le constat menaçant : oui, la vie était belle, mais pour combien de temps ?
Nous avons tous cette tendance à accorder davantage d'importance à tout ce qui touche le négatif. Nous nous focalisons sur les mauvaises nouvelles plutôt que les compliments, sur les échecs plutôt que les succès. C'est notre condition humaine qui veut ça, influencée par des millions d'années dans une nature sauvage et hostile où chaque signal négatif devait être pris en compte et surveillé si vous teniez à la vie. C'est ce qu'on appelle le biais de négativité. Chacun de nous ressent cette force qui nous attire comme un aimant et nous pousse à ressasser les évènements ou les relations qui ne vont pas dans notre sens.
Lorsque ces "crises" arrivent sur le court, j'ai l'impression de me transformer en une sorte de Hulkette tant la colère et la frustration me rongent de l'intérieur. La colère de ne pas être assez bonne, de ne pas répondre aux critères de perfection que j'ai établis avec moi même depuis l'enfance, de ne pas réussir à dépasser mes peurs. Ces nombreuses peurs dont j'essaie de me débarrasser petit à petit en vieillissant. Peur de perdre, de faire la faute, de décevoir les gens que j'aime, de me faire critiquer, de ne pas exploiter mon potentiel, de ne pas progresser...
Mes projections sur l'avenir pendant un match et souvent sur un scénario catastrophe -Je vais perdre, je vais décevoir, être déçue, je ne vais pas être à la hauteur etc...-m'ont parfois sortie de cette notion de présent et ont créé de la panique, de l'impatience et de la colère qui ne m'étaient d'aucune utilité à ce moment précis, me menant droit à ce que je redoutais le plus... Perdre. Le cercle vicieux par excellence.
Mais cette course à la perfection qui n'était autre qu'une illusion de mon esprit, puisque la perfection n'existe pas, pouvait entraîner beaucoup de frustration et d'intolérance envers moi-même ainsi qu'envers autrui. Le perfectionniste ne fait jamais assez bien, ne va jamais assez vite, et le concept de faire de son mieux, qui est lui une réalité mesurable, se retrouve dilué dans de l'insatisfaction permanente.
Toutefois, la frontière entre routines conscientes et croyances irrationnelles est mince, et tandis que certains petits rituels ont pour objectif précis de refocaliser son attention sur quelque chose de concret, ils en viennent de temps en temps à déborder du cadre raisonné pour se transformer en superstitions quasi pathologiques.
Je ne m'aimais pas, ou plus, et je projetais également ce désamour dans le regard des autres. Celui du grand public, celui de mes proches. J'avais l'impression que l'on me jugeait, et un sentiment de honte m'habitait, davantage à chaque fois que je perdais.
Sans le regarder, elle se lança dans ce qu'elle estimait être sa dernière tentative pour sauver ce qu'il restait de leur mariage.
"Albert, je vais partir. Avec les enfants. Aussitôt que Jeanne sera rentrée."
La situation ne peut plus durer. Nous ne pouvons pas vivre à quatre dans cette dépendance, même si ce n'est que les week-ends pour l'instant, et encore moins à cinq avec un bébé.