Citations de Allan Stratton (70)
La vie est un livre d'histoires. Nos histoires dépendent de ce qui se passe ou pas ; de ce que nous savons ou pas ; de ce que nous oublions, et pourquoi. C'est ce qui rend la vérité difficile à raconter. Parce que le passé ne reste jamais immobile : il change au fil du temps.
- Bon, il est 9 heures. Tu reviens ici à midi, après la baignade ?
- Bien sûr.
S'il y a une piscine au cimetière.
— Qui te dit qu'on jouait ici ?
— J'ai supposé.
— Alors comme ça, tu supposes ? De quelle façon ? Tu es du genre qui suppose qu'il sait ou du genre qui sait qu'il suppose ?
— Je suppose que je ne sais pas.
[Milan, 2015, p. 129]
Je n'ai aucune idée des visages ou des voix de mes arrières-grands-parents, ou de mes ancêtres avant eux, dans des temps anciens. C'est étrange de penser qu'ils étaient comme moi, qu'ils plaisantaient avec des amis, qu'ils fulminaient contre leurs parents, qu'ils ressentaient du courage, de la peur, une foule d'émotions. Mais ils ont disparu maintenant, tous les gens et toutes les choses qui comptaient pour eux ont disparu aussi, et personne ne le sait ni ne s'en préoccupe. Alors pourquoi je me rends malheureux avec des choses qui, dans des années, n'auront plus d'importance pour personne ? Si je le savais, peut-être que je réussirais à être heureux.
[Milan, 2015, p. 127]
- Je suis là, Mamie, dis-je d'une toute petite voix.
- Oui, c'est vrai. Tu es comme Teddy.
- Tu m'as déjà dit ça hier.
- Ah bon?
- Tu ne parles jamais de lui. Et là, tu as prononcé son nom deux jours de suite.
- Si tu le dis..., murmure Mamie. Je pense de plus en plus à lui. C'est étrange, non? Plus on vieillit, plus on pense au passé. Va savoir pourquoi...
- Parce que le passé augmente un peu plus chaque jour.
Mamie s'esclaffe.
- Toi, alors !
Les mauvaises herbes ne sont que des fleurs qui poussent au mauvais endroit.
- Mais ça ne chasse pas la peur, hein ? Si on savait d'où ça vient, on pourrait peut-être y remédier.
Impeccable. A condition que je présente mes pensées comme imaginaires, ils prennent l'affaire au sérieux. (p.262)
- Si c'est trop personnel, dites-moi, mais... c'est comment de ne pas beaucoup voir vos enfants ?
Il me regarde droit dans les yeux.
- C'est un peu comme mourir. C'est mes mômes, et pourtant ils ne vivront plus jamais avec moi. Ils font des choses dans lesquelles je n'ai aucune place. Ils se créent des souvenirs que je ne partagerai jamais. ça me tue. Oui. ça me tue. (p.145-146)
- C'est comme ça depuis que tu es petit. Chaque fois que tu as un problème, tu te réfugies dans ton monde. Nous pouvons te parler, moi, les autres, tu ne nous entends pas. Depuis ce nouvel emménagement, ça a empiré. (p.116)
Par la fenêtre, je regarde le trou dans le mur de l'étable. ça serait plutôt sympa, en fait, s'il y avait réellement un fantôme. Au moins, j'aurais quelqu'un à qui parler. Et Jacky, ou le mystérieux garçon avec qui j'ai discuté, a toujours semblé gentil. Bizarre, peut-être, mais qui ne serait pas bizarre, en grandissant dans un bled perdu avec un père sinoque et tous ces chiens ? D'ailleurs, en quoi la bizarrerie est-elle un problème ? Des tas de gens me trouvent bizarre. Jacky se sent seul, c'est tout. On a beaucoup de choses en commun, lui et moi. (p.108)
- Cameron, ces terreurs que tu as, ce n'est pas ta faute. C'est à cause de ton père. Chaque fois qu'on déménage, les cauchemars reprennent. Mais ils se calmeront. Ils se sont toujours calmés. Ce sera pareil cette fois. Penses-y. (p.66)
Même quand on discute sur Skype, je me sens seul : tout ce qu'on se dit est faux. Rien que des mensonges pour donner l'impression qu'on ressent des choses qu'on n'éprouve pas. Je comprends très bien qu'on veuille éviter d'inquiéter papi et mamie, et je comprends qu'ils veuillent nous éviter de penser qu'ils s'inquiètent. Mais ne pas être sincères n'aboutit qu'à augmenter notre inquiétude. Quand on dissimule tout, comment savoir ce qui est vrai ? Impossible. (p.15)
Il - lui- le type dans la voiture : papa. (p.10)
Les arbres sont comme les gens. On est vivants, puis on est des souvenirs, puis on s'évanouit.
Qu'est-ce qui rôde là-bas dans le noir, qui tourne autour de la maison pendant qu'on dort ? Qu'est-ce qui peut bien rôder là-dehors ?
"Ken est un chouette type. Avant, je n'ai jamais eu l'expérience d'un vrai papa. Un vrai papa, c'est quelqu'un qui aime votre maman et la respecte, et qui se soucie de vous plus que tout au monde."
"Maintenant que ses secrets sont révélés, il est peut-être heureux de rester dans la clairière avec les chiens. Les secrets sont tellement lourds. Une fois qu'on ne les porte plus, on se sent léger comme l'air."
"Je m'en doutais ; n'empêche, c'est un poids en moins. Rien de tel que les certitudes pour avoir l'esprit tranquille."
"D'accord, peut-être qu'il a cafouillé, et peut-être que je ne sais pas tout. Mais tout le monde cagouille, non ? J'ai cafouillé, c'est sûr. Maman aussi, je parie. Ou bien maman est Dieu. En tout cas, elle fait comme si."
"Quand Jacky a fait ces dessins, la plupart de ces arbres n'existaient pas ; ceux qui sont tombés se dressaient, bien vigoureux, et ceux qui pourrissaient à l'époque ont disparu depuis longtemps, sans rien qui montre leur présence passée. Les arbres sont comme les gens. On est vivants, puis on est des souvenirs, puis on s'évanouit."