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Critiques de Almudena Grandes (209)
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Les secrets de Ciempozuelos

Un pays en thérapie.

Schizophrène ou paranoïaque ? La mystérieuse patiente de Ciempozuelos révèle aussi les secrets d'une Espagne écartelée dans les années 50 entre tyrannie fasciste et rêve de liberté avorté. Almudena Grandes se met une dernière fois au chevet de l'âme amputée de son pays et sa plume se fait éternelle. Qu'elle repose en paix.



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Les Patients du docteur Garcia

Le foisonnement d'informations et de personnages, salauds comme bonnes âmes, ne nous perd pas dans ce roman historique fleuve, où dans un style et une forme romanesque très maîtrisés, Almudena Grandes, à travers trois républicains ballottés par l'histoire, met l'accent sur les liens du franquisme et du nazisme. Franco qui, soutenu par Hitler dans sa lutte contre les républicains, après la Seconde Guerre mondiale aida des nazis à s'exiler en Argentine péroniste. Une aide et une protection, on le sait aujourd'hui, dont d'anciens criminels de guerre allemands bénéficièrent de la part d'autres puissances occidentales, comme les États-Unis qui n'hésitèrent pas à recruter parmi les anciens nazis des spécialistes de la lutte anti-communiste. C'était le début de la guerre froide et l'ennemi d'hier devenait un allié précieux contre l'URSS.



Même s’il y a quelques longueurs, la guerre d'Espagne racontée par Almudena Grandes est passionnante, l'auteure espagnole montrant toute la complexité des suites d'une guerre civile cruelle, avec à l'évidence une vision aboutie et internationale du franquisme...
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Le coeur glacé

Tout simplement fascinant… Le cœur glacé m’a "happée", j’ai vraiment adoré ! Je pourrai en rester là, vous dire que ce livre fait plus de mille pages mais que dès que vous le commencerez vous ne le lâcherez plus et que vous ne vous rappellerez même pas qu’il y en avait autant, que vous ne voudrez plus qu’il finisse… Le roman d’Almudena Grandes n’est pas un succès littéraire espagnol pour rien. Très bien écrit, il retrace une grande partie de l’Histoire contemporaine de l’Espagne. L'incursion de la fiction sur le terrain de la guerre civile espagnole est menée avec maestria.



Soit une fresque intense, captivante, qui commence par l'enterrement du patriarche Julio Carrion, mort à 83 ans d'une crise cardiaque, en 2005. Sa veuve et ses cinq enfants se retrouvent au cimetière. La présence discrète d'une inconnue trouble l'un des fils, Alvaro, prof de physique à l'université de Madrid, marié et père d'un petit Miguel. Cette vie tranquille va voler en éclats au contact de ladite inconnue, une certaine Raquel Fernandez Perea, jeune banquière de 35 ans, jolie, intelligente. Elle révèle à Alvaro quel lien inattendu l'unissait à son père. Malaise. Alvaro s'interroge. Qui était vraiment cet homme de tempérament aux origines modestes devenu richissime ? Comment avait-il fait fortune ? Impossible d'empêcher le passé de refaire surface. Un passé poisseux, qui empoisonne peu à peu le présent d'Alvaro et des siens, mais qui le précipite, contre toute attente, dans les bras de Raquel... Soit plus de 1000 pages où se croisent, se recroisent, chapitre après chapitre, une fois au passé, une fois au présent, une belle histoire d’amour, mais aussi celle de deux familles espagnoles intimement liées, deux familles qui ont chacune des secrets très lourds à porter. 1072 pages pour nous plonger dans "juste une histoire espagnole comme les autres". Une histoire étonnante et ambitieuse. Il aura fallu quatre ans de recherche à son auteur pour écrire cette extraordinaire saga familiale enkystée dans le XXième siècle et ses guerres.



Almudena Grandes noue une intrigue qui lui permet de retracer 70 ans d'histoire de l'Espagne à travers la vie des deux familles de bord opposé : les sombres périodes de la guerre civile, de la seconde guerre mondiale, de la dictature franquiste et l'après dictature.



A lire absolument pour connaître le destin de ces milliers de personnes qui se battirent pour leurs idées jusqu'à tout perdre y compris la vie, pour comprendre ce que cela signifia de continuer à vivre pour les exilés républicains de 1939, ce que signifia pour eux l'incompréhensible bienveillance des démocraties européennes vis à vis de Franco à la libération, ce qu'ils ressentirent lorsque, enfin de retour en Espagne, ils comprirent que tout avait été fait pour les oublier ... Les héros du roman vérifient à leurs dépends que la vérité et le devoir de mémoire, pourtant indispensables, engendrent aussi douleur et violence. Impossible de tout dire, tant le roman offre de thèmes de réflexion et de sentiments divers tout en nuance. Si on ne peut s'empêcher d'être souvent ému à la lecture, c'est que chaque détail est inspiré de "vraies vies" et il faut absolument lire la note, émouvante, en fin de roman où l'auteur remercie individuellement les espagnols qui ont accepté de témoigner avec beaucoup de dignité.



Ce roman est magnifique, tant par le souffle historique que l'écriture, tout est parfait. Ne vous laissez pas impressionner par ce pavé, ça en vaut vraiment la peine ! Bouleversant, poignant, il retentira longtemps en vous, tel un chant flamenco andalou : envoûtant. Ce livre se dévore comme une saga, avec ce petit supplément d'âme qui donne l'impression d'en sortir grandi.



Après une lecture aussi prenante, je me demande sur quoi je vais bien pouvoir enchaîner ... C'est le problème avec les "coups de coeur" !

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Les Patients du docteur Garcia

Nous faisons la connaissance de Guillermo en 1947, le jour de la messe des Rameaux, alors qu’il attend une jeune femme qui a beaucoup compté dans sa jeunesse Amparo, pour lui demander de l’aide alors qu’elle est pour Franco depuis le début, alors que le Docteur Guillermo Garcia était républicain. Il s’agit de sauver un ami proche. L’aidera-t-elle ? ainsi commence ce que l’auteure Almudena Grandes appelle « Mon histoire est celle de trois imposteurs. »



On assiste alors à un retour vers le passé et la guerre entre républicains et partisans de Franco, début des années trente.



Guillermo est un chirurgien reconnu et apprécié, qui sauve des vies, met en place avec un médecin canadien Norman Bethune, les premiers dons du sang. Il vit une histoire d’amour avec Amparo qu’il finira par épouser, car elle est enceinte, hyper catholique…



Pendant ce temps en Allemagne arrive au pouvoir le NSDAP avec ce cher Adolf qui met en place la politique qu’on connait, avec au passage une amourette avec une descendante de Wagner, son compositeur fétiche : Winifred Wagner … « À partir de ce jour, Winifred vit exclusivement pour Adolf Hitler. »



Hitler va aider son « ami » Franco bien-sûr, lui donnant avions, bombes, pour écraser Madrid et la révolution…



Guillermo est obligé de quitter l’hôpital et renoncer à la médecine et surtout changer d’identité, grâce à la complicité de son meilleur ami, diplomate républicain, Manuel Arroyo Benítez et devient Rafaël Cuesta Sanchez alias Rafa…



Pendant ce temps la guerre fait rage, certains Espagnols choisissent d’aller combattre aux côtés des nazis, se livrant aux exactions qu’on connaît : on rencontre Jan un jeune Flamand plus que séduit par les théories raciales : « exécuter des Juifs, cela n’est rien, car ils ont l’apparence des humains mais n’en sont pas » et son meilleur ami, un ancien boxeur tricheur, Adrian Gallardo. On les suit jusqu’à la défense du bunker à Berlin, où ils tiennent à résister jusqu’au 2 mai pour que les Russes ne puissent pas fêter leur victoire le premier mai !



Ils vont finir par rester en Allemagne, changeant d’identité aussi. Mais Adrian est recherché car il a commis des atrocités, donc criminel de guerre.



Le décor est planté. La chasse aux nazis commence, mais, Franco est là et tous ses partisans, notamment les bigotes à ses bottes vont tenter par tous les moyens d’empêcher les arrestations en distribuant des faux papiers bien en règles et des filières se mettent en place de façon magistrale il faut bien le reconnaître.



Manuel est également obligé de changer d’identité, plusieurs fois et finit par prendre celle Adrian Gallardo Ortéga en1947 puisque ce dernier est considéré comme criminel de guerre et porté disparu.



Les deux hommes resteront en contact et le « docteur Garcia » continuera à exercer ses talents de médecin sous le manteau, avec beaucoup de prudence…



Manuel est né dans une famille nombreuse et n’a jamais été aimé par ses parents, notamment par sa mère qui s’en débarrasse en le plaçant chez un prêtre qui va lui apprendre à lire et écrire, faire son éducation, lui permettant de faire des études, qui vont changer son destin. Il occupera des fonctions importantes à la Société des Nations en Suisse, durant la République.



Comme l’auteure le répète assez souvent dans le roman : « Manolo Arroyo Benítez avait toujours eu à la fois la poisse et beaucoup de chance. »



On va suivre, les réseaux qui se mettent en place. Bien-sûr l’Église catholique a les siens, mais l’auteure nous parle davantage des réseaux organisés par les civils, notamment celui de Clara Stauffer, (fille d’un brasseur de bière allemand et de mère madrilène), la manière dont les dignitaires nazis mais aussi les moins gradés, sont recevoir la nationalité espagnole, puis migrer vers l’Argentine de Perón qui leur réserve un accueil enthousiaste.



Almudena Grandes mêle la grande et la petite histoire de manière magistrale. Au début, j’ai eu du mal avec les noms espagnols à rallonge ;’ai pourtant l’habitude avec les noms portugais, mais les consonances sont différentes et surtout les personnages principaux changent d’identité ! et surtout il y a beaucoup de monde dans ce roman !



Je me suis rendu compte, après avoir lu une centaine de pages, qu’il y avait à la fin du livre, la liste des personnages réels ou fictifs, leurs différentes identités, ce que m’a beaucoup simplifié la vie.



Guillermo-Rafa à Madrid et Manolo-Adrian en Argentine, vont tenter, en risquant leur vie, de surveiller, tenir des registres de l’or nazi et surtout des œuvres d’art volés aux juifs, à la demande des autorités américaines. Hélas, l’ennemi a changé ! c’est la guerre froide, l’ennemi c’est Staline et pas Franco qui aura ainsi de beaux jours devant lui….



On va rencontrer ainsi, au fil des pages, des Républicains, qui se cachent sous d’autres identité, qui continuent à espérer la République, des gens sincères, des salauds de la pire espèce qui continueront à être protégés…



Tout en nous racontant l’Histoire de l’Espagne Franquiste, que je n’ai jamais étudiée de près car le Caudillo me déclenchait de l’urticaire (il est décédé en novembre 1975 !) et je reconnais que je me suis davantage intéressée à Salazar et sa clique et à la révolution des œillets au Portugal le 25 avril 1974 qu’à lui. Donc négligence réparée…



J’ai adoré ce livre passionnant à plus d’un titre, dans lequel l’auteure a fait un travail de recherche considérable pour étayer son raisonnement et rester au plus près de la réalité historique et je me suis aperçue que ce livre était en fait le quatrième d’une série consacrée à la guerre civile, qui en comporte encore deux autres.



Certains personnages semblent récurrents, mais cela ne gêne absolument de ne pas avoir lu les précédents, ce que je vais sûrement faire. Je proposerai le plan de l’œuvre dans une autre page de mon blog, afin de ne pas donner le tournis.



Un livre exceptionnel comme l’est d’ailleurs « La fabrique des Salauds » dont je vous ai tant rebattue les oreilles, fin 2019, et dont j’ai tourné la dernière page avec tristesse, tant je m’étais attachée à tous ces personnages. Bip-Bip! je deviens lyrique, il est temps que je termine cette chronique.



Un immense merci à NetGalley et aux éditions Lattès qui m’ont permis de découvrir une auteure géniale et une partie de sa fresque historique.



#LespatientsdudocteurGarcia #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Les trois mariages de Manolita

Quand la guerre civile espagnole s'achève, Manolita Perales Garcia n'a que 17 ans mais elle a déjà charge de famille. Son père a été fusillé, sa belle-mère est en prison, son frère Antonio est en fuite, il lui faut donc s'occuper de ses cadets, Isabel, Pilarin et les jumeaux Pablo et Juan. Pour le camp républicain, la guerre est perdue et la répression franquiste s'abat sur tous ceux qui ont soutenu la République. Manolita doit lutter pour sa survie et celle des siens, trouver à se loger, à se nourrir, tout en gardant sa dignité. Et, malgré elle, celle qu'on a toujours surnommée ''Mademoiselle Faut Pas Compter Sur Moi'' sent sa conscience politique se réveiller. Alors quand son frère, réfugié en plein Madrid dans un tablao de flamenco où officie la belle Eladia dont il est épris, la contacte pour soutenir la lutte, elle finit par accepter. De l'étranger sont arrivées des polycopieuses dont la notice est ésotérique. Afin de continuer à diffuser la propagande communiste, le mouvement a besoin d'un homme capable de les faire fonctionner. Et cet homme, c'est Silverio Aguado, malheureusement enfermé au Porlier, la grande prison de Madrid. A charge pour Manolita d'organiser un faux mariage avec ce jeune homme qu'elle connaît bien mais qui ne lui plaît pas du tout. Manolita sait tout de la prison pour avoir rendu visite à son père avant sa mort. Avec les épouses, les fiancées, les mères, les sœurs, elle recommence le long parcours qui mène au parloir. Solidaires, les femmes se soutiennent, se consolent, pleurent ceux qui, sans relâche, sont exécutés par le régime.



Bien qu'ayant pour héroïne, la courageuse Manolita, le dernier roman d'Almudena Grandes est un livre choral qui fait vivre un quartier populaire de Madrid et ses habitants, de jeunes communistes, syndicalistes, anarchistes ou juste sympathisants de ces mouvements; toute une galerie de personnages, de l'homosexuel à la danseuse de flamenco, du baron anarchiste au traître qui se rallie au franquisme. Sans misérabilisme mais avec force conviction, l'auteure raconte la terrible répression qui s'est abattue sur les vaincus et leurs enfants après la victoire du dictateur : condamnations à de lourdes peines de prison, exécutions sommaires, expulsions, licenciements, famine. Sous couvert de réconciliation nationale et de charité chrétienne, les filles les plus jeunes sont recueillies, à condition que la conduite de leurs mères soit exemplaire derrière les barreaux, par des institutions religieuses qui procèdent alors à un lavage de cerveau en règle. Les plus âgées, mauvaises graines irrécupérables, deviennent de la main-d'oeuvre gratuite pour les couvents où les sœurs les exploitent sans vergogne...

Malgré une abondance de personnages et des sauts dans le temps pas toujours évidents à appréhender, ce dernier roman d'Almudena Grandes est, comme de nombreux autres, un chant d'amour aux vaincus de la guerre civile et une plongée effarante dans l'Espagne de Franco, ce dictateur qui n'a eu de cesse de plier son peuple à sa volonté, aidé par le clergé, pendant que l'Europe regardait pudiquement ailleurs. Pourtant, Les trois mariages de Manolita n'est pas un livre sombre, on y retrouve la force de l'espoir, l'obstination des rouges à croire encore et toujours à une société plus juste. Vaincus, humiliés, décimés, ils restent debout et gardent en eux l'orgueil de ceux qui savent être du bon côté.

Pour écrire son roman, l'auteure s'est inspirée d'histoires vraies, de mémoires écrites par des républicains rescapés et de personnages réels, tels l'écrivain Antonio de Hoyos y Vinent, marquis, homosexuel et anarchiste ou Roberto Conesa, le traître jamais démasqué, passé de chef d'une cellule communiste à la police politique de Franco, célèbre entre autres pour avoir contribué à arrêter les ''Trece Rosas'', treize militantes des Jeunesses Socialistes, âgées de 18 à 29 ans et exécutées en 1939.

Tour à tour drôle, émouvant voire bouleversant, ce roman ne peut laisser indifférent. On rit, on pleure, on s'indigne aux côtés de Manolita qui ne voulait se mêler de rien et se retrouve au cœur de tout.

Almudena Grandes prouve encore une fois qu'elle est une Grande d'Espagne !



Un grand merci à Babelio et aux éditions JC Lattès.
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Vents contraires

Madrid – Rota. Un aller simple, deux destins tourmentés.

Qu’est-ce qui a poussé Juan Olmedo, médecin, célibataire, nanti de son frère handicapé mental et de sa nièce de onze ans, à quitter la capitale pour acheter une maison au bord de l’Atlantique, près de Cadix? Qu’est-ce qui a poussé Sara Gomez, comptable célibataire, à faire de même ? Le passé déchiré par des difficultés immenses, des amours difficiles à porter, et des drames.

Ces deux êtres n’en peuvent plus de vivre avec le poids du passé et décident de faire table rase pour recommencer une autre vie, qui elle-même sera bousculée par les vents contraires.

Car le passé ne se laisse pas oublier, les souvenirs hantent l’âme et les tripes.

Car les rencontres nouvelles transportent et questionnent.

A Rota, ils sont voisins et vont se lier d’amitié. Et Maribel, leur femme de ménage commune, mère célibataire d’un Andrés de onze ans, se greffe à son tour à leur petite communauté. Maribel qui, elle aussi, traine un lourd passé et un présent difficile...



Roman de l’amour feu et sang, roman de l’amitié intense, roman de la jalousie, roman de l’abîme que l’argent crée, roman de la famille experte en déchirures...C’est cela, « Les Vents contraires », que sont aussi le levant et le ponant, des personnages à part entière !



L’écriture somptueuse d’Almudena Grandes, tel un cyclone, m’a soulevée, enivrée et transbahutée sans ménagement d’une personne à l’autre, du passé au présent, d’un drame à un apaisement, au cœur de l’action mais surtout au plus profond des consciences, là où la boue se soulève et souille la surface.

Ma lecture a été traitée sans égards, oui, et c’est cela qui m’électrise et me passionne.

« Vents contraires », ou en espagnol, « Los aires difíciles », un roman exaltant qui fait chavirer ses héros et ses lecteurs.

Remarquable.

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Les secrets de Ciempozuelos

Ce roman et cette autrice que je découvre ont été pour moi une découverte. Les secrets de Ciempozuelos est le cinquième volume de la série « Épisodes d'une guerre interminable » mais il peut se lire indépendamment des précédents.

L’autrice nous plonge dans les années 50, sous la dictature de Franco, dans une Espagne verrouillée que la guerre civile a rendu schizophrène.

Dans cet imposant roman choral, se déroulent les récits de plusieurs protagonistes. Il y a Maria, aide-soignante à l’asile de Ciempozuelos. Cette jeune orpheline, peu considérée parce que pauvre et femme, a une analyse très fine des évènements. Elle voit chez ces malades mentaux des êtres humains qui ont besoin d’amour. Elle a su créer des liens affectifs particuliers avec une malade qui est aussi une meurtrière : Doña Aurora Rodriguez Carballeira qui avait défrayé la chronique lorsqu’elle avait tué sa fille Hildegart pendant son sommeil, expliquant qu’elle n’était pas réussie

« Hildegart était mon œuvre et je l’ai ratée…j’ai fait ce que fait un artiste qui comprend qu’il s’est trompé et détruit son œuvre pour recommencer de zéro ».

La voix particulière de cette femme infanticide parsème l’histoire de ses monologues délirants, nous faisant entrer dans le monde de la maladie mentale et c’est vertigineux.

Germàn, fils d’un psychiatre républicain, est exilé en Suisse. Il revient à Madrid alors qu’il est devenu un psychiatre spécialiste de la chlorpromazine, cette nouvelle molécule qui améliore l’état des malades schizophrènes. Il a, grâce à sa formation dans un pays calviniste, ce regard distancié et critique vis-à-vis du gouvernement et de la religion. Lorsqu’il arrive à l’asile de femmes de Ciempozuelos, il va être fasciné par Aurora l’infanticide qu’il avait croisée enfant.

L’asile psychiatrique, lieu fermé et surveillé, est le reflet de la dictature espagnole. L’Eugénisme se pratique sous couvert de médecine et on découvre le trafic de ces nourrissons enlevés à leur mère pour les donner à des couples méritants.



Almudena Grandes mêle admirablement l’histoire, la grande, aux destins chaotiques de ses personnages. Elle fait la part belle à la condition des femmes qui, sous le joug de la religion et des hommes, doivent être irréprochables. Elle aborde aussi le sujet de l’homosexualité, considérée comme une maladie et traitée comme telle.

Almudena Grandes fouille aussi les traumatismes de la seconde guerre mondiale à travers le destin tragique du fils de la famille Goldstein qui a fui l’Allemagne nazie pour se réfugier en Suisse.

Le dernier chapitre nous ouvre les coulisses de la genèse de ce roman puissant. Almudena Grandes cite toutes ses sources documentaires et en particulier celles concernant Aurora Rodriguez Carballeira qui a vraiment existé et que l’on a surnommé « La madré de Frankenstein »



L’écriture d’Almudena Grandes est fluide, ample et l’histoire se déroule avec clarté malgré de nombreux retours en arrière. La psychologie de ses personnages et l’observation, le décryptage social et politique font de ce récit un grand roman. J’ai été emportée par cette fresque, véritable kaléidoscope d’une époque dont on a encore beaucoup à apprendre.



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Le lecteur de Jules Verne

Andalousie, 1947.

La guerre d'Espagne s'est achevée dans le sang il y a déjà huit ans mais à Fuensante de Martos, petit village de la Sierra Sud de Jaén, elle n'est pas terminée. Les guérilleros républicains, réfugiés dans la montagne, continuent le combat, tandis qu'au village, leurs mères, leurs femmes, leurs enfants sont continuellement harcelés par la Garde civile. A neuf ans, Nino est le fils d'un garde civil et vit dans la maison-caserne du village. Nino et sa famille sont du bon côté de la loi mais quand, la nuit venue, il entend les cris des prisonniers torturés par les policiers, il ne peut s'empêcher de se poser des questions. Cela fait belle lurette qu'il ne croit plus les histoires de sa grande soeur Dulce qui lui raconte que le bruit des coups et des hurlements provient de la télévision de la caserne. Sa rencontre avec Pépé el Portugués va confirmer ses pires soupçons. L'homme vit seul dans un moulin abandonné, il ne se mêle de rien mais il sait tout sur tout. Avec lui, Nino découvre l'amitié, le plaisir des parties de pêche et les grandes conversations sur la course du monde. Pépé devient son modèle. C'est lui aussi qui l'introduit auprès des femmes de la ferme des Rubio, toutes mères, filles, femmes ou veuves de rouges. Il va admirer leur courage, leur rage de vivre et oublier les horreurs du monde qui l'entoure dans les romans de Jules Verne qui lui prête doña Elena. Grâce à ces héros de papier, Nino se fait ses propres idées et se forge la conviction que jamais il ne sera garde civil.



Almudena Grandes continue son cycle ‘'Episodes d'une guerre interminable'' mais cette fois du côté des vainqueurs.

Mais sont-ils réellement des vainqueurs ces gardes civils au salaire misérable, obligés d'obéir aux ordres, de procéder à des arrestations arbitraires, de torturer, de risquer leur vie dans la montagne et d'appliquer la ‘'loi des fuyards'' qui consistait à laisser partir un prisonnier pour le tuer d'une balle dans le dos en prétextant une tentative d'évasion. Pourtant, dans ce petit village andalou, les gardes civils sont de braves hommes, bons pères et bons maris quand ils s'installent le soir, à la table de la cuisine, avec sur les épaules le poids des exactions commises au nom des lois iniques promulguées par Franco.

Almudena Grandes nous prouve encore une fois que rien n'est tout noir ou tout blanc, qu'il y avait des traîtres chez les Républicains, des Rouges chez les gardes civils, que derrière la paix retrouvée se cachait une guerre larvée. Elle raconte un pays gangréné par le fascisme, la violence, la loi du plus fort, l'ambiance délétère de l'Espagne franquiste où les vainqueurs se pavanent sur les corps de leurs ennemis réduits à rien.

Roman d'apprentissage, le lecteur de Jules Verne a le souffle des romans d'aventures dont le petit Nino admire les héros. On y croise des femmes au caractère bien trempé, des hommes lâches ou courageux, des femmes loyales, des hommes fidèles, des hommes héroïques devenus légendaires, de braves gens qui font ce qu'ils peuvent pour survivre à tout ça et le petit Nino qui cherche la vérité, la justice et qui va apprendre à faire ses propres choix.

Avec cette série, Almudena Grandes a entrepris un immense travail de mémoire, ambitieux et nécessaire. Ce deuxième volet raconte les premières années de la dictature à travers le regard d'un enfant vif et attachant qui expérimente le courage, la lâcheté, les semi-vérités, les mensonges nécessaires, la fidélité à un idéal. de la belle ouvrage, comme d'habitude.

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Les Patients du docteur Garcia

Après guerre, le maintien l'Espagne de Franco, qui avait bénéficié du soutien sans fard de l'Allemagne nazie pour mener à bien l'extermination des Républicains, reste une exception qui ternit la victoire des Alliés.

Un des personnages du roman souligne « (…) la paix n'avait pas nuancé les couleurs du monde dans lequel il vivait. Tout continuait à être blanc ou noir, et dans ce contexte les partisans d'Hitler qui n'étaient pas jugés à Nuremberg pouvaient être blanchis, par un coup de baguette magique. »

Dans ce blanchiment, l'Espagne jouera un rôle majeur en mettant au services des anciens nazis ses réseaux en Amérique du Sud et plus particulièrement en Argentine.

Le roman d'Almudena Grandes fait vivre cette époque au travers de personnages qui ayant vécu la guerre d'Espagne, choisissent la clandestinité dans leur propre pays après la victoire de Franco.

« L'homme que tu as connu n'existe plus ; il avait alors plein de choses à perdre, et beaucoup de raisons de vivre. »

Les patients du docteur Garcia est une saga qui nous emporte des années 20 jusqu'à la fin du XXème siècle en Espagne en Argentine, aux USA mais aussi en Allemagne, en France et en Suisse et nous fait vivre les désillusions d'un groupe de Républicains espagnols, dont certains ont exercé des responsabilités pendant la guerre civile, qui ont choisi de continuer la lutte officiellement à l'étranger pour certains, en Espagne dans la clandestinité pour d'autres.

Aussi juste et fondé soit leur combat, il se heurte au principe de réalité qui prévaut après 1945, celui qui est imposé par la Guerre Froide et par la division du monde en deux blocs.

Peu à peu, les portes se ferment, même du côté des USA où un temps le support des démocrates semblait pourtant acquis :

« Tu n'es pas stupide, Sal (…) Seul un imbécile refuserait de comprendre que faire tomber Franco c'est favoriser les intérêts des Russes en Europe. »

Il ne reste aux personnages que leurs désillusions

« Les crimes de guerre n'ont pas suffi, n'est-ce pas ? Des millions de morts innocents, des centaines d'assassins impunis qui se baladent dans le monde tranquillement, grâce à la protection de Franco et à l'hospitalité de Peron. Mais finalement , c'est quoi ? Rien, un détail de l'histoire, un accident… » 

Le roman alterne entre le regard forcément fantasmé des personnages et l'apport de faits réels comme celui-ci, qui fait froid dans le dos :

« (…) quarante-huit heures après le coup d'Etat, le 26 mars 1976, William P. Rogers, ex-secrétaire d'Etat du président Richard Nixon, déclare : « Je crois que nous devons nous attendre à une bonne dose de répression, probablement beaucoup de sang versé, très bientôt, en Argentine. Je crois qu'ils vont devoir bien chercher, non seulement les terroristes, mais aussi les dissidents des syndicats et de leur propre parti. »

Almudena Grandes marie à merveille l'histoire et la trajectoire des personnages qu'elles impacte. Les individus sont les jouets de décisions qui les dépassent et leur force de conviction sera de peu d'aide pour infléchir le cours des événements. Lorsqu'ils imaginent y être parvenus ce n'est que pour constater qu'il n'en est rien.

Alors, agir ou rester spectateur, est un choix cornélien dont chaque individu est le maître sans savoir ni pouvoir préjuger des conséquences que cela peut avoir.

Laissons la conclusion aux deux principaux personnages :

« Nous étions deux blaireaux, et notre vie n'avait pas été un film hollywoodien, mais seuls les vivants peuvent se soûler la gueule. »
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Le Coeur glacé, tome 1

Petite déception...

J'attendais beaucoup de cette saga qui s'étend sur une septantaine d'années à partir du début de la guerre civile espagnole.

J'espérais m'attacher aux personnages de chacune des deux familles mises en scène et comprendre un peu mieux les mentalités qui se sont téléscopées pendant la dictature de Franco.

Malheureusement, malgré un récit bien étayé et un style recherché, j'ai fini par me perdre dans un imbroglio de faits.

Une chronologie non respectée qui fait des aller-retour entre les différentes époques, et une multitude de personnages de générations différentes qui, de surcroît, partagent souvent les mêmes prénoms, sont autant d'éléments prêtant à confusion.

Beaucoup de longueurs aussi, de phrases répétitives qui, même si elles sont très travaillées dans un style plus que correct, donnent une impression de lourdeur parfois pénible.

Et pourtant, il était intéressannt d'opposer une famille républicaine à une famille pro-facho et de voir l'évolution des relations entre elles où, bien sûr, se mêlent des histoires d'amour compliquées.

Si le propos historique est fidèlement relaté, l'intérêt se noie dans la multitude des destins narrés.

J'ai donc du abandonner, victime d'un effort de concentration excessif.

Quand on sait que ce premier tome fait 700 pages (j'ai tenu jusqu'à la page 435) et le second autant, il est impossible de rester captivé si les personnages nous sont indifférents.

Dommage...
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Vents contraires

Une femme de cinquante-trois ans s'enfuit de Madrid et s'installe en Andalousie dans le quartier cossu d'un village côtier. En face de chez elle, s'installent un homme de trente-neuf ans, avec sa nièce et son frère, frappé d'un handicap mental. Ils viennent également de Madrid. Se pose la question immédiate, pourquoi cet homme, médecin hors pair, a-t-il également tout quitter à Madrid pour venir travailler dans un hôpital de province loin de chez lui ? Se greffent vite à eux, une jeune femme de ménage dont le fils va se lier d'amitié avec la nièce du médecin.



Almudena Grandes nous offre, comme à l'accoutumée, une histoire au long souffle, neuf cents pages, où elle nous parle d'amitiés indéfectibles, d'amours qui collent à la peau, surtout lorsqu'ils sont inavouables, histoire de rancunes, de peurs, où les personnages jouent leur va-tout pour surnager à leur passé, ce passé qui gangrène l'Espagne entre nantis et ceux qui ont tout perdu ou à peu près avec la victoire de Franco et, sans doute, qui y ont laissé leur dignité.



Un très beau moment de lecture, malgré quelques longueurs. Mais qui donne envie d'aller encore plus loin à la découverte de ce que cette auteure a imaginé comme autres scénarios.

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Les trois mariages de Manolita

Première incursion dans l'univers de cette auteure, et certainement pas la dernière.



Moi qui ne suis absolument pas friande des briques, je me suis surprise à me laisser envoûter par cette masse de plus de sept cents pages, qui décrit l'après-guerre civile pour les vaincus. L'horreur de la dictature franquiste en toile de fond permanente, le lecteur ne peut que succomber à l'empathie avec laquelle les protagonistes de cette histoire nous sont présentés.



Comme je lis beaucoup d'oeuvres espagnoles contemporaines, où la guerre civile est omniprésente, je pensais beaucoup en connaître et c'est pourtant des pans entiers de cette histoire que j'ai découverts.



Une très belle fresque, emplie d'un souffle de liberté inéluctable ! J'ai beaucoup aimé.



Et si ce livre fait partie d'un ouvrage plus grand, il peut véritablement être lu de manière indépendante.
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los besos en el pan

+++++++ DES BAISERS SUR LE PAIN +++++++



Ce dernier ouvrage d'Almudena Grandes, n'est pas encore traduit en Français, mais cela ne saurait tarder. En effet, les éditeurs d'aucun pays occidental ne peuvent ignorer une nouvelle oeuvre de cette grande dame de la littérature espagnole contemporaine. J'ai traduit le titre dans le sens de la version italienne ("I baci sul pane"), car en ma langue, le Néerlandais, le titre de cette oeuvre est devenu tout différent "Petits héros" (Kleine helden).

À ne pas confondre avec le livre de Nobel Maar "Karka, le baiser du pain".



Quoiqu'il en soit, je présume que le baiser sur le pain constitue une vieille coutume méridionale. Par contre, je me souviens que lorsque j'étais tout petit, j'ai souvent observé ma grand-mère faire avec son grand couteau le signe de la croix sur le dos d'un pain frais, avant de l'entamer.



Le journal "El País" a trouvé une belle formule pour décrire ce roman : "Ce que Thomas Piketty dit avec des chiffres, Almudena Grandes le dit avec des mots".



En effet, l'auteure nous emmène dans les vieux quartiers populaires de Madrid et nous présente ses protagonistes et leurs problèmes d'ordre économique dans un monde changeant très vite, trop vite : de moins en moins d'emplois, des cliniques privatisées, des centres de santé qui ferment leurs portes, des retraites en baisse etc.



Ainsi, il y a Marisa qui a travaillé dur pendant 30 ans comme rédactrice d'une chaîne de télévision publique, qui se voit licenciée du jour au lendemain à cause d'une rationalisation décidée en haut lieu. Et Amalia qui se voit confrontée dans son salon de coiffure à la concurrence déloyale d'un salon chinois, le "Manicure Shanghaï", qui ouvre ses portes de l'autre côté de la rue et où les jeunes Chinoises pratiquent des prix en dessous des tarifs normaux. Puis, il y a grand-mère Martina, 80 ans, qui en a ras-le-bol d'entendre des mauvaises nouvelles et décide début septembre de décorer son sapin de Noël pour alléger l'atmosphère maussade environnante.



Le début de l'ouvrage requiert une certaine concentration de la part du lecteur à cause du grand nombre de protagonistes. Rien que la famille Martinez Salgado compte 12 membres. Ce qui n'empêche pas Almudena Grandes à les présenter de façon persuasive, en petits traits éloquents. N'en demeure qu'il faut rester vigilant pour ne point confondre les Martina, Marita, Marisa et Marianna. Heureusement, que María Gracía se distingue comme étant la seule qui s'exprime avec un accent vénézuélien. Et le chat de José Martinez, dont le nom "Tigre" , quoique peu original (un de mes 7 félins a aussi été baptisé Tigre pour des raisons évidentes), ne risque pas d'être confondu avec une autre de ses créations.



Outre l'art de rendre vivant ses créations et personnages fictifs, l'auteure dispose d'autres solides qualités, parmi lesquelles il convient de souligner la richesse de sa langue, je crois en tout premier lieu, et son habileté dans l'évocation de situations et contextes. Ses vues sur les périodes vraiment difficiles de l'histoire de son pays ne laissent aucun doute sur son orientation politique. Ainsi, elle mentionne "les 37 années de dictature barbare" du régime de Franco, qui "ont suivies une guerre maudite qu'il avait lui-même commencé.".



Le premier ouvrage que j'ai lu d'Almudena Grandes portait le charmant titre : "Le lecteur de Jules Verne", qui m'a tout de suite convaincu. Plus tard ont suivi : "Le coeur glacé", "Malena c'est un nom de tango" et "Inès et la joie". Tous des livres qui m'ont plu. L'un un peu plus que l'autre certes, mais aucune déception à signaler.



Pour le titre un tantinet étrange de l'ouvrage, c'est Almudena Grandes qui nous offre finalement la clé : à l'époque, lorsque la grande pauvreté régnait en Espagne, si un morceau de pain tombait sur le sol, la tradition voulait que l'enfant qui se trouvait dans les parages, était supposé le ramasser et lui donner un bisou avant de le remettre dans le panier. Sur la couverture de l'édition originale, on voit la photo d'une petite victime de cette tradition particulière.



Par ailleurs, l'auteure a dédié ce roman à ses enfants "qui n'ont jamais donné des baisers sur le pain".

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Vents contraires

Aujourd’hui, je t’emmène dans le Sud, là où le vent danse dans tous les sens, et là où les andalouses dansent le flamenco. Rota, cité balnéaire de la province de Cadix. Sara Gomez Moralez, jeune quinquagénaire célibataire et fortunée, s’y installe. Elle est derrière sa fenêtre, et observe ces vents qu’elle ne comprend pas encore, des vents contraires à rendre fou les mouettes – et les cœurs des hommes ? Et dire qu’il faudra organiser sa nouvelle vie en fonction de ces vents. Mais avant, bien les comprendre, bien faire la distinction entre le ponant qui virevolte de l’Ouest, cinglant et le levant qui souffle de l’Est, doux et chaud. Quand le froid souffle sur le chaud, les cœurs changent d’humeur et transforment l’âme dans la baie de Cadix.



Elle observe les vents et voit arriver dans la maison voisine, Juan Olmedo, célibataire aussi et chirurgien réputé, accompagné de son frère handicapé mental et de sa nièce Tamara. De quoi troubler sa tranquillité. De quoi surtout intriguer cette femme, un peu trop seule, sur la plage lorsque le soleil se couche et que la saison estivale s’achève.



Entre les deux maisons voisines, un va-et-vient incessant, avec Maribel, femme de ménage, cuisinière, bonne à tout faire, travaillant pour l’une et l’autre, avec son fils Andrès qui deviendra rapidement le bon camarade pour la jeune Tamara. Un rôle important pour relier ces deux univers, solitaires et mystérieux. D’autant plus que de statut de femme de ménage, elle deviendra amante de Juan et confidente de Sara.



Sur 889 pages – je sais cela peut paraître long, effrayant, éreintant, mais finalement c’est juste émouvant et passionnant, je suis, par de nombreux flashbacks, les amours, les secrets, les mensonges et les non-dits de ces trois personnages. Car chaque être possède en lui ses propres blessures, ses échecs, ses haines et ses peurs. De quoi mettre en émoi devant ces passés obscurs et devant les plaisirs charnelles d’un homme et de sa femme de ménage.
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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Le coeur glacé

Un roman-fleuve qui emporte, colossal et captivant. Almudena Grandes nous fait pénétrer au coeur de la vie de deux familles espagnoles, les Carrion et les Fernandez, dont on partage les espoirs, les déchirements et les souffrances, les amours et les haines, les trahisons et les deuils. Tous vont être entraînés dans le flot mouvementé et tragique de l’histoire espagnole de l’avènement de la 1ère République en 1931 puis la victoire du front populaire espagnol en 1936, suivi du soulèvement des carlistes et phalangistes qui mène à la guerre civile de 1936 à 1939, pour aboutir à la soumission de l’Espagne sous la dictature franquiste. 
La fin de la dictature, en permettant le retour des exilés, fera rejaillir le poids du passé sur les enfants et petits-enfants qui, de soupçons en questionnements, vont rompre le silence et mettre au jour des liens et des facettes de leurs parents qu’ils n’imaginaient pas.

Le lecteur est tenu en haleine de bout en bout, car Almudena Grandes parvient à nouer une intrigue qui, au fil des retours en arrière, ne se dévoile que très progressivement et fait s’imbriquer tous ces destins qui se croisent comme les pièces éparpillées d’un puzzle dont on finit par trouver la place.

Ainsi d’Alvaro, fils de Julio Carrion riche homme d’affaires madrilène, qui va découvrir la complexe et trouble personnalité de son père à la faveur de sa rencontre avec Raquel Fernandez Perea, mystérieuse jeune femme, présence troublante, entrevue au cimetière lors de l’enterrement de ce père dont il dit et répète plusieurs fois qu’« il avait été un homme beaucoup plus extraordinaire que nous, ses enfants, ne l’étions devenus».

Et pourtant...l’image lumineuse du séducteur et du magicien va se fissurer. La passion qui naîtra entre Alvaro et Raquel, fille et petite fille de républicains exilés en France, va faire basculer la vie d’Alvaro en la bouleversant de fond en comble. Car... «...de nombreuses années s’écoulèrent, avec leur cortège de changements, mais Raquel Fernandez Perea ne cessa jamais de regarder le ciel. Et elle n’oublia jamais le nom de l’homme qui avait fait pleurer son grand-père.»

Une fois entamé, j’ai été prise dans les rets de ce roman historique riche de grands moments d’émotion et de nombreux personnages très attachants. J’ai essayé de freiner, de faire quelques poses en sachant qu’une fois arrivée au bout d’un tel livre j’allais en être triste et me sentir vide et désoeuvrée mais j’y suis revenue très vite et j’y reviendrai sans doute encore.

Car la note de l’auteur, en fin de volume, intitulée «De l’autre côté de la glace», ne fait que renforcer l’intérêt passionné pour cette lecture où la réalité l’emporte sur la fiction..... A l’épigramme extrait d’un poème de Antonio Machado, mort d'épuisement à Collioure en février 1939, «Petit espagnol qui vient au monde/ Que Dieu te préserve,/ Une des deux Espagnes saura te glacer le coeur» répond une déclaration, toujours d’Antonio Machado, en décembre 1938, placée à la fin «... pour les stratèges, pour les politiques, pour les historiens, tout est clair : nous avons perdu la guerre. Mais sur le plan humain, je n’en suis pas si sûr... Nous l’avons peut-être gagnée.»

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Les secrets de Ciempozuelos

L'avantage de regarder Netflix est de découvrir des films et des séries inspirés d'auteurs qui me sont inconnus.

Le déclic est venu avec " Les patients du docteur Garcia" où je suis ressortie enthousiasmée par les personnages dans une Espagne très troublée.

Almudena Grandes s'est consacrée à l'histoire de son pays afin de donner une vision de la guerre civile espagnole et du régime répressif de Franco.



Dans "Les secrets de Ciempozuelos" nous sommes dans un asile pour femmes où le docteur Vélasquez s'occupe des paranoïaques telle Aurora Rodriguez Carballeina.

Revenu dans son pays après un séjour en Suisse il découvre les fractures sociales qui sont les plaies béantes que le régime inflige. Il tente pourtant de lutter mais la solitude l'envahit malgré ses amis et ses conquêtes.

Résolu à soigner ses patientes avec un médicament révolutionnaire, le sort des malades s'améliore considérablement. Pourtant son programme va devoir s'interrompre; les autorités de santé désapprouvant la chlorpromazine.

Autour de ce portrait d'un homme plein d'empathie envers ses malades gravitent des femmes de tous milieux.

Maria Castejon, l'aide-soignante issue d'un milieu très modeste se retrouve piégée par un docteur sans scrupule.

Aurora, femme très cultivée, internée depuis vingt ans vit une paranoïa destructrice. Elle se donne pour mission d'engendrer l'homme de demain, l'être parfait. Sa propre fille n'étant pas à la hauteur, elle la supprime car non conforme au chef-d'oeuvre qu'elle veut créer. D'où le titre du roman en espagnol "la Madre de Frankenstein".

Dans cet univers féminin, les religieuses qui dirigent l'établissement ont de grands pouvoirs que soeur Anselma utilise au nom de l'Eglise catholique.

Beaucoup de personnages entrent en scène pour refléter une société corrompue où le silence est de rigueur, les interdits légions, la liberté d'expression inexistante et l'eugénisme, une voie de purification: une ère d'obscurantisme fasciste.

C'est donc dans cette dictature franquiste cléricale que les femmes des années 1950 se trouvent dans des situations victimaires n'ayant aucune prise sur leur avenir.

De la boniche à l'intellectuelle, leur sort est lié aux machistes, aux cathos qui volent les enfants d'internées, aux lâches qui n'assument pas leur paternité.



La finesse psychologique des héros m'a emportée vers la souffrance de ces femmes impuissantes et malheureuses même si certaines tentent de se révolter.



Dans ce contexte d'un peuple déchiré entre les Républicains et les Franquistes, j'ai trouvé ce roman excellent, éclairant sur l'idéologie nationale de l'époque où les homosexuels sont soignés par des électrochocs, où le sexe est encadré de péchés, où l'internement est arbitraire.

Point de salut. Les salauds brisent des vies de femmes en suivant l'ornière sociale de leur naissance. D'ailleurs Vallejo nommé "le Mengele espagnol" pensait que les vaincus étaient des déficients mentaux et les femmes des êtres inférieurs biologiquement.



J'ai pris mon temps pour lire ce dernier livre de l'auteure décédée en 2021.

500 pages pour dénoncer des horreurs, pour peindre des portraits hallucinants de bonté comme la famille Goldstein ou de cruauté représenté par le père Armenteros.

Un livre pour "la mémoire de femmes privées de liberté".

Un livre qui m'a d'autant plu touché lorsque je pense au sort de ma grand-mère, fille- mère dans les années 1940. Une vie de paria, de misère et de honte.

Alors comment ne pas ressentir le mal-être de tous ces secrets de femmes?

Nous avons depuis bien avancé avec les féministes pour trouver notre place dans la société occidentale. Malheureusement le bonheur des femmes n'est pas la préoccupation de certains pays opprimant leurs mères, leurs soeurs, leurs épouses.

Un roman éclairant "'comme un phare".







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Le coeur glacé

Très bien traduit de l'espagnol par Marianne Millon



En exergue:

L’une des deux Espagnes

Saura te glacer le cœur

(Antonio Machado)



1936/1939 : cette courte période a changé la vie de toute une génération espagnole et influé grandement sur les suivantes jusqu'à aujourd'hui. La guerre civile espagnole est le fond historique de ce très long roman ( plus de 1000 pages), à travers le récit du destin de deux familles. Cela commence par un enterrement, celui de Julio Carrion Gonzalez.

Auquel assiste bien sûr sa famille, mais aussi Raquel, que personne ne connaît. Ou plutôt ne reconnaît. Car ce n’est pas vraiment une inconnue.

Cette famille Gonzales, elle l’a déjà vue une fois, avec son grand-père. Rentré en Espagne d' un long exil en France après la mort de Franco. Et après cette visite, c’est la seule et unique fois qu’elle l'avait vu pleurer ce grand-père. Après, elle n’en avait plus entendu parler, car les histoires espagnoles, il vaut mieux ne pas trop en parler pour ne pas se glacer le cœur.



A travers une multitude de petites histoires ( qui sont, l’auteur l’explique dans le chapitre situé à la fin, tout à fait historiquement vraies) , Almudena Grandes raconte dans un désordre chronologique qui perd le lecteur un peu au début ( heureusement qu’il y a un arbre généalogique!) les engagements, les guerres au sein des mêmes familles, les drames, les atrocités de cette guerre, mais aussi la malhonnête et l’opportunisme de certains.

C’est très bien construit et tout à fait passionnant, du moins toute la partie historique. Moi qui adore découvrir l’histoire par le biais de récits de destins individuels, je ne peux pas cacher le plaisir pris à cette lecture.Même si c’est quelquefois un peu long, mélo,et laborieux essentiellement dans l’histoire passionnelle entre Alvaro,un des fils de Julio, et Raquel.

Mais comme le récit est bien mené, les révélations successives font qu’une fois commencé, il est difficile d’arrêter de tourner les pages pour savoir enfin ce qui s’est réellement passé!



La partie historique,donc, mais également ce qui est le vrai thème de ce roman, l’influence de l’histoire sur la vie actuelle dans les familles espagnoles. Ceux qui veulent tout savoir et ceux qui ne veulent rien savoir. Lourd à porter, dans une histoire nationale, une guerre civile..



Très bon moment de lecture.



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Le coeur glacé

Coup de foudre !

Voilà un roman qui m'a empêchée de dormir plusieurs nuits durant (il est gros !) et que j'ai dévoré avec frénésie, espérant comme dans tous les chefs-d'oeuvre que ça ne se termine jamais...



Pour Raquel, Alvaro quitte son épouse et son fils.



Mais cette passion prend un tour déchirant lorsque les origines de chacun apparaissent au grand jour. Elle, est descendante de républicains exilés en France, lui, fils d’un odieux opportuniste qui a bâti sa fortune sous Franco.



Divine ballade espagnole, fresque magistrale d’un pays encore hanté par les décennies franquistes. On y redécouvre avec effroi les horreurs et les tourments commis et subis dans les deux camps autour d'une histoire d'amour déchirante, écrite (et traduite) dans une langue magnifique et documentée de façon irréprochable.



Almudena Grandes maîtrise avec brio un sujet difficile, une tragédie qui a divisé l'Espagne pendant de longues décennies et y introduit un souffle romanesque absolument irrésistible : bouleversant, passionnant, tout simplement exceptionnel !!!

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Inès et la joie

Quel souffle ! Quelle énergie !



J'ai retrouvé dans ce livre de Almudena Grandes la même impétuosité et force de conviction que dans le premier livre que j'avais lu, Les trois mariages de Manolita. Le style d'Almudena Grandes est à l'image de la personnalité de cette femme que j'ai eu l'occasion de rencontrer dans un festival littéraire à Bruxelles il y a quelques mois.



Elle nous raconte un autre épisode de la guerre d'Espagne, à travers l'histoire d'amour de Inés et de Gálan, celle du rôle du parti communiste espagnol et de la répression de celui-ci par le franquisme.



Toutefois, personne me connaissant, ne sera étonné si je vous dis que sur les 760 pages qui composent ce livre, il y a des longueurs et que j'aurais bien supprimé deux cents pages au moins.



En fait, Almudena Grandes a voulu nous donner trop de détails historiques, mais ce qui m'a déçu le plus, c'est qu'après que la Passionaria, Dolores Ibárruri Gómez, chef du parti communiste espagnol, se soit réfugiée à Moscou avec son amant, accueillis par Staline, Almudena Grandes ne nous dit rien des hésitations ou des doutes qui ont dû forcément jaillir dans l'esprit des troupes communistes à l'annonce de ce qui se passait dans les camps staliniens et qui était aussi connu que les horreurs hitlériennes. Ceci d'autant plus que l'histoire se termine bien après la disparition de Franco. L'auteure se focalise sur l'Espagne, qui se révélera également un terroir de tromperies pour la base du parti, mais j'aurais aimé davantage.



Cela reste un très bon roman, qui se lit sans discontinuer une fois commencé.
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Le coeur glacé

Le Coeur glacé, qui est l'histoire de deux familles espagnoles du régime de Franco à nos jours, est un livre à la fois passionnant et éprouvant. Éprouvant parce qu'il m'a fallu du temps pour rentrer vraiment dedans, d'une part parce que j'ai eu beaucoup de mal à situer les personnages des deux familles (heureusement du reste qu'il y a deux arbres généalogiques au début), et d'autre part parce que les allers et retours entre le présent et le passé m'égaraient passablement. Et puis ce livre est long, et Grandes donne parfois l'impression de noyer le poisson, alors que l'histoire est déjà fort compliquée. Mais ce livre est en même temps absolument passionnant , parce qu'il situe une époque à travers des vies qui en ont été témoins, et qu'il décrit des vies dans le contexte d'une époque qui seul permet de comprendre et de juger, avec le recul qui est celui du romancier, ou de l'historien. Ce texte est à la fois saga, témoignage et documentaire sur ce qu'ont vécu les espagnols, émigrés ou non, pendant et après la guerre civile, sur les trahisons, les amitiés, les rancunes, les vengeances et finalement la réconciliation au coeur d'une belle et douloureuse histoire d'amour. Tout y est passé au crible et aucun sentiment n'échappe à Grandes, dont l'écriture, percutante, analyse avec acuité chaque situation, chaque personnage. Roméo et Juliette de deux familles ennemies, Alvaro et Raquel, les deux amants, sont encore plusieurs décennies après, victimes d'un passé très lourd, qui, comme l'aile du papillon continue de provoquer tempêtes et remous, remords et rancoeurs. Pas plus que l'Europe n'est ressortie indemne du nazisme, l'Espagne ne l'a été du franquisme, et Grandes démontre avec brio les ravages d'une guerre fratricide. Un très grand roman.
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