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Citation de Jacopo


LORSQUE VIENDRA LE SOIR - Émilie Arnal
Que de fois le bonheur, sans détourner la tête,
Sans me voir, sans m' entendre, est passé près de moi,
Je n'ai pas dit le mot par lequel on arrête
L'inconnu dont le pas fait naître tant d'émoi.

Je n'ai pas su crier : « Venez ! Mon âme est pleine
De parfums répandus pour recevoir les dieux !
Venez ! Le réséda, la rose, la verveine
Ont laissé sur mes doigts leurs sucs délicieux ! »

Je n'ai pas su vous tendre au bord de la fontaine
La cruche dont le soir avait bleui le grès ;
Ma fierté me gardait, toute grave et lointaine.
Dans l'ombre que posaient sur moi les longs cyprès.

Et je n'ai pas tissé la guirlande légère
Des fleurs de volupté dont l'arôme est si doux
Que, pour les respirer, retournant en arrière.
Vous m'en auriez laissée enchaîner vos genoux.

Car je voulais vous conquérir sans artifice.
Je vous gardais mon front, mes lèvres et mes yeux ;
Comme un lis pur ouvrant au soleil son calice
Je vous offrais mon coeur, fier et mystérieux.

Je voulais qu'en mes mains toutes chaudes et pleines
De caresses, de dons, se posât votre main.
Car mon amour avait, pour apaiser vos peines,
Plus de fraîcheur que l'eau des sources du chemin.

J'étais là ce matin à l'heure radieuse
Où se lève l'aurore ardente sur la mer,
Et le couchant, avec son ciel de scabieuse.
Secouera sur mon front les vents au souffle amer.

Alors je connaîtrai, l'âme tremblante et lasse,
L'angoisse d'être seule et triste, et de m' asseoir
Sur le bord de la route et de suivre la trace
De mon rêve, fuyant sur les ailes du soir.

Je resterai, les bras fermés, les lèvres closes ;
Je saurai la cruelle et poignante douceur
De voir, sans les cueillir, mourir toutes les roses.
Et de pleurer sur moi, sur moi qui fus leur soeur.

Je laisserai tomber le voile noir de l'ombre
Sur mes mains, sur ma joue et sur mes cheveux lourds ;-
Ma robe blanche aura des reflets d'un bleu sombre
Pour le deuil de mon coeur qui n'attend rien des jours.

J'écouterai la nuit m' apprendre le silence,
Le stoïque dédain des caprices du sort;
Je m'envelopperai de calme indifférence
Pour regarder venir la vieillesse et la mort.

Puis je me lèverai dans le matin tranquille;
Personne ne lira la douleur dans mes yeux
Lorsque je reprendrai le chemin de la ville.
Emportant le secret des choses et des cieux.

J'irai vers les cités tristes où le mensonge
Obscurcit le visage auguste du devoir;
Les mains pleines des fleurs de l'amour et du songe,
Au seuil gris des maisons je sèmerai l'espoir.

Un peu d'espoir, un peu de joie ou de tendresse
Pour les coeurs douloureux que la vie a meurtris !
Je leur dirai : « Je suis votre soeur de détresse ;
J'ai pleuré comme vous avant d'avoir compris.

« Mais à présent j'ai lu dans mon âme, et pour elle
J'accepte de souffrir, seule en l'obscurité;
Je tourne mon regard vers l'aurore éternelle ;
J'aime, et mon coeur est lourd de sa félicité.

« J'aime la solitude aux lumineux silences,
Et l'espace infini des grands horizons clairs;
J'aime la vie avec ses hautes espérances,
Et le rythme puissant de ses profondes mers.

« J'aime la rêverie aux beaux yeux de caresse,
Et j'aime à voir, tandis que ma douleur s'endort,
Dans les plaines du ciel où se perd ma détresse
Les étoiles briller comme des lames d'or,

« J'aime la paix qui vient, émouvante et divine.
Se poser sur mon coeur, las des travaux du jour,
Et l'âpre sentiment qui remplit ma poitrine,
Plus pur que le désir et plus fort que l'amour.

« Comme un parfum amer et doux de roses sèches
Souvent monte vers moi le regret du bonheur;
Mais je sais un jardin où, près des sources fraîches,
Ne se fane jamais le lis de la douleur ! »
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