Alors, dans un instant aliéné, elle se laissa tomber sur les rails, légère comme un oiseau, caressant de ses ailes les bras de fer de son invité.
Recroquevillée dans une valise, les jambes pliées contre sa poitrine, Clémence avait cessé de pleurer. Elle avait compris que personne ne viendrait l'aider, que personne n'ouvrirait la sangle de la malle dans laquelle elle était enfermée.
Elle avait bien hurlé pendant de longues minutes, respirant une odeur rance d'humidité, priant de toutes ses forces pour se réveiller de ce terrible cauchemar. [...]
Elle gratta alors les parois de cuir épais et y laissa ses ongles, incrustés dans la peau de la valise prête à devenir son tombeau.
Au fond de son petit cœur d'enfant, elle savait qu'elle ne survivrait pas. Elle ne se souvenait pas de la façon dont elle avait fini là-dedans. Elle ne connaissait pas non plus la raison pour laquelle on lui avait fait subir tant de souffrances et pourquoi on avait dévidé de la reclure dans cette valise étriquée. Elle savait juste qu'on l'avait abandonnée ici, dans le sous-sol de cette maison.
"Le roman noir se brode, se surpique, se travaille comme de la dentelle. Il doit être delicatement confectionné pour conserver la beauté des mots dans la laideur des propos."
Amélie De Lima.
Tout ce qu'elle voulait, c'était vivre une existence normale, sans avoir à lutter contre ces chuchotements qu'elle seule pouvait percevoir.
" On lui a scalpé les cheveux à grands coups de ciseaux, comme vous pouvez vous-même le constater.
Il désigne d'un coup de menton, le crâne saccagé de l'adolescente, auréolé d'une énorme touffe de cheveux. "
Son père ne cessait de lui dire qu'il était con. Qu'après l'avoir vu toute sa vie derrière la vodka, il aurait dû apprendre à ne pas danser avec elle.
Au fond de son petit cœur d'enfant, elle savait qu'elle ne survivrait pas. Elle ne se souvenait pas de la façon dont elle avait fini là- dedans. Elle ne connaissait pas non plus la raison pour laquelle on lui avait fait subir tant de souffrances et pourquoi on avait décidé de la reclure dans cette valise étriquée.
Lorsque Clémence est née et qu'on l'a mise dans mes bras, je n'ai rien ressenti. Absolument rien, le néant. Ca peut paraître bizarre, n'est-ce pas ? J'avais cru que je pleurerais de joie en sentant son petit corps contre le mien, peau contre peau ; pourtant, je suis restée de marbre.
- On ne parle pas à table, je t’ai dit !
- Pardon papa, répondit-elle les yeux baissés.
- Je m’en fiche pas mal de ton pardon. Lève-toi.
- Mais papa…
- Écoute ton père Catherine.
- Lève-toi et place des mains sur le bord de la table.
- Papa…
- Tais-toi et fais ce que je te dis !
Dix coups de ceinture résonnèrent alors dans la salle à manger, durant 40 longues secondes, étouffés par les cris sourds d’une petite fille en pleurs
Estelle avait décidé de troquer son carré long ondulé contre une coupe à la garçonne. Elle ne supportait plus cette tignasse qu'il avait empoignée. Elle les aimait pourtant, ses cheveux ; comme on aime être un être cher, comme on aime un être cher, mais le souvenir de cette nuit-là était bien plus fort que l'amour qu'elle leur portait. Chaque fois qu'elle les brossait le matin, elle sentait les mains de l'homme les agripper derrière elle. Ce soir-là, ses cheveux devinrent une arme qui avait agi contre elle. Lorsqu'elle arriva au salon, de bon matin, elle fut prise en charge par Martin, un coiffeur recommandé par sa mère.
- Qu'est-ce qu'on fait ? lui avait-il demandé.
- On coupe tout.
- Comment ça, tout ?
-Tout, je veux tout couper. Faites-moi une coupe très courte, s'il vous plaît. Le coiffeur leva les yeux au ciel, se demandant ce qui pouvait bien lui passer par la tête pour désirer un tel changement.