Amélie Derose

C’était marrant, maintenant je disais toujours « coucher avec une fille », mais avec Élise je pensais toujours à « faire l’amour ».
Dans tous les cas, je ne pouvais pas faire l’amour avec elle et puis la laisser après. Nous nous étions dit que l’on essayerait de continuer notre relation à distance, de nous voir quand on pouvait, de se parler et de s’écrire. Mais cela n’avait simplement pas fonctionné. Il n’y avait jamais assez d’argent chez moi pour que je puisse me payer un billet pour aller la voir, ses parents étaient trop stricts pour qu’elle leur en parle. Je n’arrivais plus à faire des Skype sur mon PC, car mon père l’avait vendu dans mon dos dès qu’il lui avait manqué un peu d’argent. On s’appelait sur nos portables de temps en temps, mais on n’avait plus beaucoup de sujets de conversation, et la distance nous rendait trop polis, trop timides. Sans qu’il y ait une grande discussion, les coups de fils étaient juste devenus de plus en plus espacés, et de plus en plus courts. Je sentais la distance s’installer dans notre relation aussi clairement que la distance physique qui nous séparait. Plus pour elle que pour moi, je devais prendre une décision.

Plusieurs fois je me pose la question de rompre avec Élise, mais je ne peux pas. Pas maintenant. Il arrivera peut-être un moment où je serai obligé de le faire, mais je me demande si cela est vraiment une fatalité… Peut-être qu’il y a moyen de faire autrement, je n’en sais rien. Mais quoiqu’il arrive, je ne peux pas arrêter de la voir pour le moment, c’est plus fort que moi.

J’ai déjà tué dans ma ‘carrière’ dans le gang, mais jamais des personnes innocentes comme ce monsieur, qui essaie juste de gagner sa vie, en travaillant pour la justice. Je frotte mes yeux et passe ma main dans mes cheveux, bloqué sur le coin de la rue pas loin de l’allée. Une grande partie de moi veut juste rentrer à mon appartement de location et oublier ce qui vient de se passer. Ou plutôt appeler MS et lui dire que j’ai agi ‘de manière rapprochée’, comme il avait dit. « De manière rapprochée et personnelle », même. J’ai eu le sang chaud, et ce n’est pas mon style, mais rien dans cette mission ne se passe comme d’habitude.
Mais alors que je vais quitter les lieux, je vois Élise… Si son père est mort, par ma main, et sans que je fasse quoique ce soit… Même si elle ne saura jamais qui l’a fait, moi je saurais. Il se trouve que c’est trop tard, mais il faut au moins que j’essaye. Je pars vers la place en courant, et heureusement je vois une cabine téléphonique.

Mes yeux rivés sur les siens, je la pénètre tout doucement, rentrant centimètre par centimètre, regardant son visage crispé de plaisir et sa bouche entrouverte. Puis, je fais une pause et je l’embrasse, avant de commencer à bouger avec un rythme lent, accélérant petit à petit, nous emmenant tous les deux vers l’apogée, mais m’arrêtant juste à temps à chaque fois pour nous laisser nous calmer, avant de recommencer à bouger, un peu plus brusquement chaque fois. J’ai tellement envie de jouir, et je vois qu’elle aussi, je veux lui donner encore plus de plaisir, mais cette fois avec mes aller-retours s’accélérant je sens que nous sommes tous les deux allés trop loin, je sens les spasmes de son orgasme et je ne peux plus me retenir, ça vient, je lâche tout, je me vide, en grognant son nom, ses ongles enfoncés dans mon dos, la douleur aigüe accentuant mon plaisir.

C’est quand même agréable de sortir de la capitale, et de respirer cet air marin. Je me demande par où je vais commencer pour la suite, quand je vois un groupe de femmes passer devant la terrasse où je suis assis. C’est Julia que je reconnais en premier, avec ses cheveux rouge-flamme, la meilleure amie d’Élise. Avant de pouvoir y réfléchir plus, j’aperçois aussitôt la femme à côté d’elle, et même si je m’y étais préparé, je ressens tout de même un choc.
Élise.
Ses cheveux sont légèrement plus clairs qu’avant, elle se fait certainement des mèches maintenant, et son visage est en quelque sorte plus doux qu’avant, ses traits moins nets, mais ses yeux… J’aurais reconnu ces yeux n’importe où, deux pierres d’onyx, légèrement en forme d’amande, et tellement expressifs. Elle rit, s’accrochant à Julia, et ses yeux scintillent.

Bientôt, je pourrai faire ce que je voudrai, refaire ma vie, ici, ou à Paris, peu importe. Avec Élise, c’est tout ce qui compte. Je me mets à prier de tout mon cœur qu’elle ait raison sur ce qui va se passer, parce que sinon l’avenir pour nous sera foutu, avec moi en prison. Je ne la laisserai jamais m’attendre, vivre sa vie pour des visites, m’écrire des lettres, être comme une ‘veuve’, je ne lui ruinerai jamais sa vie comme ça.



Perpétuité.


Voilà le temps que MS, mon ancien patron et mentor, va passer en prison. Lors de l’annonce de sa peine, Élise tombe dans mes bras, me serrant si fort que j’en ai mal. Je baisse la tête et passe ma main sur mon visage. Quant à moi, je prends 18 mois avec sursis, grâce à Élise. Je vais enfin être libre de mon passé et libre pour construire mon avenir.

Le gang, Romain, MS, sans eux je ne suis rien, ils sont tout pour moi, ils l’ont été depuis toujours. Et ils ont des attentes vis-à-vis de moi, j’ai un devoir envers eux. Pour l’instant je ne peux pas me permettre de rêver. Peut-être, qu’une fois cette mission terminée, je regarderais comment sortir du gang, comment faire quelque chose d’autre de ma vie, pourquoi pas revenir dans le sud, refaire ma vie avec Élise. Ou au moins mettre toutes les chances de notre côté cette fois-ci. Résolu, avec un vrai plan et une vraie détermination, je me sens plus calme, moins à la merci des demandes de tout le monde. Je décide de sortir en ville, histoire d’essayer de trouver un cadeau pour Élise.

Le plus souvent, on va se balader dehors, au parc ou encore mieux sur la plage, surtout avec les beaux jours de printemps qui arrivent, ou dans un café, ou chez lui s’il n’y a personne. Mais on voulait voir ce nouveau film qui était sorti, et c’était rare que l’on trouve des films que l’on aime tous les deux. En fait, nous n’avons pas grand-chose en commun, mais qu’est-ce qu’on s’aime. Rien qu’à penser à le voir me donne des frissons. C’est vrai que je l’ai croisé ce matin dans les couloirs du lycée, mais ce n’est pas pareil qu’être seul avec lui. Mon cœur bat si fort, que je dois faire un grand effort pour sortir mes livres et me mettre à travailler à mon bureau.

Et résolu. C’est fini, les conneries. Si je ne veux pas mourir dans un coma éthylique, ou pire encore, ne pas mourir mais trainer des années dans cet état de zombie, plus souvent ivre que dessoulé, à faire du mal à ceux que j’aime et surtout à moi-même, il faut que je change. Je me dirige d’un pas déterminé dans la cuisine, et sans me laisser le temps de changer d’avis, je saisis la nouvelle bouteille de whiskey, une bouteille pleine que j’avais prévu pour l’après-midi, je l’ouvre et je la verse dans l’évier. Ensuite je range la cuisine, les bouteilles vides que j’ai laissé partout dans le salon, j’ouvre les fenêtres et je fais le ménage.

J’ai une érection, en fait j’ai eu le sexe dur depuis que l’on s’est embrassé, et ça me fait presque mal, tellement j’ai envie qu’elle le prenne dans sa main, sa bouche, quelque part, pour me soulager. Comme si elle lisait dans mes pensées, elle passe sa main dessus, à travers mon jean et je grogne de plaisir, de soulagement. Mais ce n’est pas assez, et tout à coup elle est assise à califourchon sur moi, et je l’embrasse encore et encore, caressant ses hanches et ses fesses à travers son jean, je passe ma bouche de sa bouche à ses seins à son cou, et j’en veux plus.