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Citations de Amir Gutfreund (18)


« Vous parlez de Benny ou de Nissim ? demanda-t-elle. —On parle d’affaires d’hommes. —Ça me rappelle, Papa, qu’il existe une nouvelle sorte de mariage arrangé utilisant l’hypnose. Peut-être pourrions-nous envoyer Nissim ? —C’est quoi, ça, le mariage arrangé par hypnose ?! —On hypnotise la fiancée à vie pour qu’elle veuille de Nissim, gloussa-t-elle, tandis que ses seins ondulaient sous son tee-shirt. —Qu’est-ce qui ne va pas chez Nissim ? s’irrita Moshe Abadi. —Un homme avec une belle situation, lui vint en aide Mikhal. —Oui, répondit Moshe Abadi, surpris de sa collaboration. —Un homme sérieux qui ne pense qu’à épouser une femme respectable. —En effet ! —Un homme calme, avec un bel avenir, une tête bien remplie. Traditionaliste. De bonne famille. —Exactement. —Qui gagne bien sa vie, joue au Loto. Responsable. Et qui deviendra millionnaire. —Amen ! dit Moshe Abadi, tout attendri. —Un homme qui a de la graisse dans les oreilles et des poils même sur les joues. —Eh ! Qu’est-ce que tu… —Papa, écoute, je suis une femme, je sais ce que les femmes sont capables de supporter. Nissim, c’est une mission. Comme aller sur la Lune. —Qu’est-ce que… Tu n’as que quinze ans… Va vite te changer et mettre une tenue plus décente ! s’énerva Moshe Abadi.
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De toute son existence, Papa ne lut qu’un seul livre de la première à la dernière page, comme il n’acquit qu’un seul disque. Cette glorieuse période culturelle se déroula sur un laps de temps très court et durant la seule année 1975. Le disque était celui de Mike Brant. Quant au livre, il s’intitulait L’existence rationnelle, du prophète de l’égoïsme, le professeur Moshe Kroy. ......Nous n’avions pas de tourne-disques. Papa disposa le disque sur l’armoire du salon pour qu’il trône devant lui quand il serait assis dans son fauteuil. Mike Brant beau, vivant, observait Papa fatigué, à moitié mort. Lorsque Mike Brant fut inhumé à Haïfa, Papa partit de la chocolaterie au beau milieu de son service, annonçant aux Frères Zetski qu’il devait sortir, et se rendit ainsi à ses obsèques.
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J'étais fatigué, mais mes yeux ne quittaient pas un instant ce qui était en train de se passer alentour. De l'entrée A sortit Tsvika Gazlan en uniforme avec un grand sac. Dans le bloc d'en face, je vis le nouveau voisin bondir dans la cage d'escalier équipé lui aussi d'un ballot. Je continuai de jouer. Je ne connaissais pas encore le poème de Yehuda Amichai, " La mort dans la guerre commence par un jeune homme dévalant les escaliers ". Je regardai encore le nouveau voisin puis baissai la tête sur le baby-foot. Il serait tué au Sinaï, sur la route d'Akavish.
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Comment c’est à l’armée ? —Très bien ! —Tu es dans une unité d’élite ? —Oui… —L’unité de parachutistes ? Où on fait des choses ? —Oui… —Des choses… secrètes ? —Oui… —Veux-tu que je vienne te rendre visite à ta base ? —Me rendre visite à moi ? —Seulement le shabbat, quand tu ne sors pas. Je rends bien visite à Benny. —Benny, c’est ton frère. —Alors tu ne veux pas ? —Que ferons-nous si tu viens me voir ? —Que tu es bête ! Tu as les idées mal placées ! Je n’ai que treize ans ! Je viendrai te distraire, t’apporter des bonbons et te parler. Tu verras, je peux parler de tout, j’ai déjà treize ans.
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Des terroristes s'étaient emparés de la maison des enfants au kibboutz Misgav Am. Ils avaient tué le secrétaire de l'exploitation venu rendre visite à son bébé. Ils avaient retenu en otages bébés et enfants durant toute une nuit. Au petit jour, l'assaut avait été donné. Les terroristes avaient été liquidés. Ils avaient néanmoins eu le temps de supprimer un enfant, Eyal Glouska, trois ans. Quinze ans ont passé depuis et je me souviens encore de ce nom. Eyal Glouska, trois ans.
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Le soir, je parlai à Tohar*et à Moriah*de mon père. « Peut-être avez-vous entendu parler de lui. Israel Agasi… Il a une entreprise de fabrication de trampolines. En sautant, tu parviens à apercevoir le mont du Temple. —Qu’est-ce que tu inventes encore ! —Tu vois le mont du Temple et tu cesses alors de voir tout ce qui se trouve en bas, les Palestiniens, leurs terres…
* Tohar et Moriah deux jeunes colons des territoires occupés par Israël.
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Nous savions qu'elle chantait sur Salonique, sa ville. Presque dans chaque chanson, nous l'entendions la nommer. Lorsque sa voix commençait à sourdre des tréfonds de la maison, de derrière les volets, le petit public des bohémiens gémissait à l'unisson, y comprit les Turcs. Saloniqui mi ciudad, es une photografia vieja, chantait tante Batia, la même rengaine, indéfiniment, tel un coureur solitaire dans un stade, un tour puis encore un autre tour, sa chanson attirant les souvenirs de toutes les fenêtres, de Varsovie, de Bagdad, de Fez... Les têtes dans l'herbe se soulevaient pour saisir sa voix qui flottait dans l'air, Saloniqui mi ciudad, es une photografia vieja, de madré isbalta y hermosa...
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A quatre ans, pendant la cérémonie de l'allumage des bougies de Hanoucca, tandis que tout le monde entonnait Ma'oz tsour, il s'était approché des mèches, qu'il avait éteintes ensuite en soufflant dessus comme s'il s'était agi de bougies d'anniversaire; puis il avait fermé les yeux et exprimé un voeu. A six ans, il s'était perdu sur la plage et, de la guérite du maître-nageur, un porte-voix avait annoncé: 'Un petit garçon très gros portant un maillot de bain noir et qui ne se souvient plus de son nom a été retrouvé!". Moshe Abadi, rouge de honte, s'était approché en catimini pour venir le chercher. Chaque année , d'autres histoires venaient s'ajouter, mais aucune ne laissait présager que Nissim Abadi s'érigerait un jour en prophète.
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Je soupçonne que les anges préposés au palais de la poésie, de crainte que je ne chante éveillé ce que je chante en rêve, me fassent oublier ce que je chante la nuit, car mes congénères n’auraient pu supporter la douleur d'une telle perte, s'ils l'eussent entendu. Pour me consoler de m’ avoir privé de cette expression musicale et orale, ils m'ont prodigué la faculté d'écrire. Telle aurait été en réalité mon épitaphe.
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Le film égyptien du vendredi soir montrait des danseuses le nombril à l'air, de belles filles se pâmant d'amour, des femmes accablées de tristesse, des veuves à l'inégalable beauté, des femmes qui sautillaient, des femmes spirituelles, des femmes mystérieuses, des femmes de mauvaise vie qui riaient fort. Elles inoculaient dans mon bas-ventre quelque chose qui aspirait à jaillir et asperger le monde de ses gouttes. Dans chaque film, j'étais attiré par le personnage vedette de l'ingénieur, toujours jeune, rasé de près, la moustache soignée, et le seul à avoir le pouvoir de facilement côtoyer ces femmes. L'ingénieur agissait à sa guise. Je voulais lui ressembler, jouir de son pouvoir. Telle fut ma première volonté virile- être ingénieur.
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Mais dans le miroir, je continuais de voir de grandes oreilles, des yeux saillants, des joues rebondies. Très, très loin de Mike Brant. Je regardais le poster sur le mur et je voulais être comme lui, exactement. Il était beau. Il était au hit-parade, non seulement en Israël, mais également en France. Il avait chanté à l'Olympia à Paris. Papa pâlissait d'émotion: "Moshe Brant, fils de rescapés de la Shoah !..." Il était certain de connaître Fichel Brant, le père de Mike, qui travaillait pour la municipalité de Haïfa. "Il y a un certain Fichel, employé...Combien sont-ils avec un nom pareil à travailler à la mairie?!" La première fois que j'entendis à la radio Mike Brant chanter Laisse-moi t'aimer, je me sentis tout bizarre. Je ne savais pas encore qu'il venait de Haïfa, qu'il était des nôtres, que si lui pouvait, alors moi aussi! Sa voix claire, articulant chaque syllabe en français, me remuait les tripes. Je ne comprenais pas les paroles, mais je savais qu'au-delà des champs, s'élevait un monde immense. Et, dès l'instant où ma bar-mitsva s'acheva avec l'acquisition de mon magnétophone- petit et rudimentaire, mais bien à moi- le français de Mike Brant me porta aux nues tel un dragon céleste. Tsion me construisit un amplificateur et j'acquis de grands baffles pour diffuser à l'envi Laisse-moi t'aimer, afin que le dragon s'envole de la fenêtre jusqu'au soleil, voire au-delà.
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«  Chez nous, on ne jetait pas les vêtements . Si un manteau avait une manche déchirée , on en faisait une veste , si un col se déchirait , on ajoutait une pièce. Même un vulgaire tee- shirt. Et quoi qu’il en soit , les morceaux de tissu colorés font toujours l’affaire, Tous nos vêtements en étaient recouverts.
Nous avions l’air d’être déguisées chaque jour, comme si nous allions au spectacle de fin d’année ,
Tu comprends ?
Cela nous a transformées en fillettes attentives et prudentes :que rien ne s’abîme ou se déchire » .....
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Il arrivait toujours des choses étranges à Guidon. Que ce fût par déveine ou malheureux concours de circonstances. Il était devenu temporairement sourd après l’explosion d’une bonbonne de gaz dans l’Institut pour enfants sourds où il s’était porté volontaire ; une année plus tard, devenu bénévole au Club des aveugles, il s’était aspergé malencontreusement d’insecticide et avait failli perdre la vue. Après ce dernier incident, Papa formula la devise qui devait coller à la peau de Guidon le reste de son existence : « Ce n’est pas grave, ça peut arriver à tout le monde… » Pour ajouter : « Mais ça n’arrive qu’à toi. »
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Tu as survécu, car tu étais le premier.
Tu as survécu, car tu étais le dernier.
Car tu étais seul. Car il y avait des gens.
Car c’était à gauche. Car c’était à droite.
Car tombait la pluie. Car tombait l’ombre.
Car le temps était ensoleillé.

Par bonheur il y avait une forêt.
Par bonheur il n’y avait pas d’arbres.
Par bonheur un rail, un crochet, une poutre,
un frein,
un chambranle, un tournant, un millimètre,
une seconde.
Par bonheur, le rasoir flottait sur l’eau.

Parce que, car, pourtant, malgré.
Que se serait-il passé si la main, le pied,
A un pas, un cheveu
Du concours de circonstances.



WISLAVA SZYMBORSKA
« Tout hasard »
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À la première bougie de Hanoukkah, Papa avait pour habitude de rappeler à la cantonade : « Aujourd’hui, ç’aurait été son anniversaire » ; à l’approche de Pourim, le 7 Adar, jour du Souvenir pour les soldats sans sépulture, il se rendait aux commémorations officielles.
Lors du Seder de la Pâque, Papa attendait Élie comme le Messie , et, le jour du Souvenir pour les soldats tombés au champ d’honneur, il partait retrouver les camarades de brigade, de position et de prison d’Élie, puis rentrait et allait s’enfermer dans sa chambre.
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Chacun dans le quartier avait deux passés : "Pendant la guerre" et "Avant la guerre." Le présent et l'avenir étaient relégués au second plan. Chacun connaissait les histoires de tout le monde. Éclaircies peu à peu élucidées en profondeur. Les gens vivaient avec. Rien n'avait été perdu, rien n'avait vieilli. Lorsque mourait le dépositaire d'une histoire, elle se perpétuait sans lui, et s'appuyait sur d'autres, à droite, à gauche, poursuivant son chemin, en rangs. Comme dans les camps - cinq par cinq, les faibles soutenus par les forts, en avant marche !
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"Frère de lui-même" allait enfin être élucidé.
"Frère de lui-même" - c'était si simple.
Lorsqu'il naquit, il avait un frère, un vrai jumeau. Seule leur mère savait distinguer ses deux perles de bonheur. Dans un abri, après une rafle à Gorlitsa, seize adultes et deux enfants étaient restés silencieux deux jours durant, sous terre. Gershon et Hatskel, âgés d'un an et demi avaient été drogués avec des somnifères pour qu'ils ne pleurent pas, qu'ils n'éveillent pas l'attention. Mais les Allemands n'avaient pas eu besoin de pleurs. Quelqu'un les avaient dénoncés.
.../...
Juste avant d'accéder à la lumière pour être fusillée, leur mère avait jeté les jumeaux dans une citerne vide.
Inanimés, ils y étaient restés un temps infini.
.../...
Lorsque l'un d'eux se mit à pleurer, quelqu'un entendit les sanglots et se faufila jusqu'à la cachette. Il trouva un jumeau en larmes mais en vie, et un autre mort.
Personne ne sut lequel des deux était resté vivant. Gershon ou Hatskel.
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.../...
Dans les livres défilaient Auschwitz et Buchenwald, Treblinka et Maidanek. Gravés pour l'éternité dans un système solaire dont la carte se dessinait peu à peu. Les questions brûlantes partaient désormais dans deux directions. Non plus seulement : "Papa, que t'est-il arrivé lors de la rafle de Bochnia ? ", mais aussi que faisait le commandant du camp de Magdeburg avec son chien aux prisonniers ? ". Non plus seulement : "Pourquoi le mari d'Adalé Gronner est-il allé se plaindre à un général nazi du trop entreprenant commandant du ghetto ? ", mais encore "quelle différence y avait-il entre le camp proprement dit de Bergen-Belsen et le camp de transit ? ". A notre âge toutes ces questions nous dépassaient. Nous collections les étoiles, les comètes ; plus tard nous en comprendrions l'ordonnancement.
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