Troisième live autour de l'anthologie Étrange Enfance avec Anaïs Cros, Pierre Brulhet et Mello von Mobius. Pour cette rencontre, nous aborderons le sujet des jouets, vengeurs ou protecteurs, du regard différent que nous posons sur eux enfant puis adulte.
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-Merci, Evrahl...murmura-t-il. Merci de m'avoir sauvé la vie une fois de plus. Et merci de connaître la valeur du silence...
Je lui rendis son sourire avec chaleur.
-Sachez que je serai là également si vous vous décidez à reconnaître la valeur de la parole, rétorquai-je malicieusement.

- Deux jours et ils feront demi-tour, chuchota-t-il. Mais il ne sera pas puni. Il s'en ira et il ne sera pas puni... Comme ceux qui ont allumé l'incendie... Ils ont tué tous ces gens et ils ne seront pas punis.
Il leva vers moi un regard plein de larmes et je l'attirai aussitôt dans mes bras. Il enfouit son visage dans mon épaule et éclata en sanglots. Je soupirai avec douleur.
- J'aimerais pouvoir te dire que ceux qui font du mal aux autres sont toujours punis, mais je ne veux pas te mentir, mon garçon. La vie n'est pas juste, les mauvais ne sont pas toujours punis et les bons récompensés. Tout ce qu'on peut faire, c'est essayer de limiter les dégâts et préserver ceux qu'on aime. Mais même ça on y arrive pas toujours...
Une vielle blessure se réveilla en moi et je joignis mes larmes à celles de Nartime. Nous pleurâmes ainsi un très long moment, serrés l'un contre l'autre, puis l'enfant me repoussa doucement et me regarda avec un désespoir lancinant.
- Si ce que vous dites est vrai, si rien n'est juste, murmura-t-il, à quoi ça sert de vivre ?
Je reniflai et essuyai mon visage humide.
- Je n'en sais rien, avouai-je. Mais parfois... Parfois, si on le veut vraiment, on peut arriver à changer même infiniment le cours du Destin, à faire qu'il y ait un tout petit peu moins de souffrance et un tout petit peu plus de bonheur... Rien que pour cela, ça vaut peut être la peine de vivre, non ?
-En effet, Naïas, déesse du hasard, semble avoir bien fait les choses. Mais il faut se méfier des tours de cette illusionniste. Il n'est pas de hasard qui n'ait de but. N'oublie jamais cela, mon ami.
Il n' y a rien de plus dangereux que la cruauté lorsque le bras qui la brandit est puissant.
- Je crois que je n'ai jamais été amoureux, coupa Franck avec agacement. Ni de Johanna, ni de personne.
- Même pas de votre femme ?
[...]
- Je n'en suis pas sûr.
- Pas sûr ? Comment pouvez-vous ne pas être sûr ? La tiédeur n'existe pas dans ce domaine, Franck, l'amour est une flamme qui brûle ou ne brûle pas. Avez-vous déjà vu une flamme qui brûle à moitié ? Ça n'aurait aucun sens. Certes on peut être confus dans les premiers temps, ne plus savoir si ce que l'on ressent est de l'amour ou du désir, mais au bout d'un moment on sait. Au bout d'un moment on ne confond plus la tendresse, l'affection et l'amour véritable.
“— Être en vie, c’est quelque chose de tellement extraordinaire. On pourrait considérer que ce n’est rien une vie humaine, juste un minuscule grain de sable dans le cosmos, une poussière absurde qui ne sert à rien, qui n’a aucun sens. Et pourtant… Pourtant il y a autant de richesse dans n’importe lequel de ces grains de sable que dans toute l’immensité de l’univers. Chaque être vivant, même le plus méprisable, est comme un miracle à lui tout seul, une concordance d’évènements, de forces et de volontés parfaitement unique et impossible à reproduire exactement.
Il faisait toujours le même rêve. Depuis toutes ces années, tous les jours, plusieurs fois par jour même, c’était ce rêve qui revenait le harceler, à la fois son unique plaisir et son plus pénible tourment. De temps en temps il songeait que cette illusion était peut-être la seule chose qui lui avait évité de devenir complètement fou, mais il n’était pas non plus tout à fait certain d’être encore sain d’esprit...
Au dernier instant, le jeune soldat retint la barque, les pieds dans l'eau. Il hésita quelques secondes, visiblement mal à l'aise. Le feu brûlait dans son dos et je distinguais mal son visage à contrejour, incapable d'y lire les sentiments qui l'habitaient. Enfin il se pencha vers moi et parla bas pour que les autres ne l'entendent pas.
— C'est vraiment à vomir ce qu'ils font aux nains… Et les elfes sont pas mieux que les hommes sur ce coup-là. J'ai honte de mes frères de race… Honte, oui ! Vous avez bien raison de quitter Lunargent…
Je le regardais sans comprendre, mais il poussait déjà la barque dans le courant, avant de tourner rapidement les talons, rappelé avec impatience par ses camarades. Je le suivis un instant des yeux, me demandant ce qu'il avait voulu dire, mais je n'avais pas de temps à perdre en réflexions stériles. Je me mis à ramer vigoureusement et...
— Listak, fis-je brusquement alors que nous traversions la place Royale. Il faut que je vous dise quelque chose. Il s'immobilisa aussitôt et tourna vers moi un regard dans lequel je crus discerner comme de l'espoir. Je n'avais pas prémédité cette intervention et je ne comprenais pas ce qui m'avait pris soudain. Un malaise m'envahit.
— Oui ? m'encouragea-t-il comme je demeurais silencieux.
Lui dire, tout lui dire, maintenant… Mais je n'en eus pas la force. Je grimaçai un sourire.
— Je voulais simplement vous dire que c'était un honneur de me trouver ici à vos côtés, marmonnai-je.
Et je me remis à marcher, ne sachant trop si c'était bien de la déception que j'avais cru lire dans ses yeux gris. Cependant, il me renvoya le compliment comme si de rien n'était et nous atteignîmes enfin Castelune.
- Vous avez peur de lui ?
- Pas vraiment, mais... Kieran est un être de feu. Il donne de la chaleur, de la lumière, il est bénéfique et je l'aime pour ça, mais en même temps... Il peut devenir incontrôlable et destructeur. Metzger n'est pas le premier à s'y bruler et certainement pas le dernier.