- Oui, ils en ont marre d'être jetés les uns contre les autres, de souffrir, de s'entre-tuer, de multiplier les deuils, d'accumuler les ruines... et tout cela, pourquoi ?... On ne sait pas... Personne n'est capable de donner une explication.
Ou, du moins, personne, ou presque, n'ose donner la seule qui vaille: à savoir qu'une infime minorité composée de financiers, de métallurgistes, de marchands de munitions, de canons, de mitrailleuses et autres ordures, minorité constituant d'ailleurs une manière de consortium international (tout ce joli monde est associé !) a besoin, pour que ses affaires marchent, que, de temps en temps, il y ait ce qu'ils appellent une petite saignée !
Comme ils disposent de sommes considérables, qu'ils ont à leur solde: des journaux, des agences télégraphiques et, dans chaque pays, des surpatriotes toujours prêts, sinon à ce battre, car ceux-là ne s'y collent jamais, du moins à accuser le voisin de tous les crimes, ils s'emparent de chaque incident, l'amplifient, le gonflent, en créent au besoin, bref, font tout ce qu'il faut pour que ces conflits armés éclatent.
Eh bien, une fois encore, les pays d'Europe en ont marre. La petite expérience de 1914-1918 et ce qui s'en est suivi les a renseignés sur les beautés de la guerre et de ses conséquences.
Ils ne marchent plus, ils ne marcheront plus. A la voix du canon d'alarme, ils répondront, se rappelant la légende de Willette: "Ta gueule, sale outil."
Au demeurant, gaz, virus, germes, poisons, explosifs, c'est tout un à mes yeux. Ce n'est pas tel ou tel moyen qu'on emploie pour donner la mort qui me paraît monstrueux, c'est le fait qu'on la donne.
Je m'indigne, me révolte, et me désespère à la pensée qu'en période de paix l'humanité qui, pourtant, a encore tant à faire pour améliorer sa condition morale, physique, matérielle, consacre une partie de son intelligence, de son activité, de sa richesse, à préparer la guerre et que, lorsque celle-ci éclate, des millions d'hommes soient occupés à tuer, à détruire, à saccager !
Que m'importe la façon dont ils s'y prennent ? Que m'importe qu'ils brandissent le fer, propagent l'incendie ou répandent l'épidémie ? Dans tous les cas, ils me paraissent aussi déments, aussi criminels, aussi vils. En quoi, je vous le demande, un capitaine d'autrefois qui faisait passer au fil de l'épée toute la population d'une ville dont il venait de se rendre maître était-il moins méprisable que le chimiste et le biologiste d'aujourd'hui qui préparent dans leurs laboratoires leurs petits tubes ?
Y a-t-il donc des moyens nobles de conduire une action ignoble ? Et de toutes les actions, la guerre n'est-elle pas la plus ignoble qui se puisse concevoir ?
Au cours d'un de ses voyages en Amérique, Marc a vu lyncher un nègre. Les Américains, si pleins de libéralisme, savent s'y prendre: On l'avait attaché à un poteau, empaqueté dans de l'étoupe, arrosé de goudron, de pétrole, puis allumé. Dieu ! que la vie est douce au Texas.
Les faux-cols mous se rangent à la lettre H du Larousse ;
ça leur donne le pli.