Aurane avait été instituteur stagiaire. Il s'était vu remercié de ses services pour quelques irrégularités. Lorsqu'un élève récitait une poésie jugée fameuse, Aurane exigeait que cet élève montât sur la table. Chaque semaine ce maître indigne consacrait aussi une heure de classe à exposer à ses élèves les questions pour lesquelles on n'avait pas de réponse et on n'en aurait sans doute jamais. C'était l'heure de l'ignorance. Bref, Aurane se contentait maintenant d'un métier plus modeste et occupait ses loisirs à faire des photos. Il photographiait n'importe quoi, n'importe comment, et il espérait un jour obtenir des vues tout à fait inhabituelles.
[André DHÔTEL, "Un jour viendra", Gallimard, 1969 (réédition Phébus coll. "libretto", 2003 ‒ page 96)]