Il faisait beau ce matin-là.
Du brouillard de la nuit, il ne subsistait plus qu'une brume diaphane que le soleil, étincelant au milieu d'un ciel sans nuage, avait tôt fait de dissiper.
Sa canne à la main, frappant en cadence les dalles du trottoir, le professeur Laugereau se dirigea vers la rue Freycinet.
Il ne se doutait pas qu'un événement d'une exceptionnelle gravité allait marquer cette promenade, et que sa vie en serait bouleversée ...
L'homme à qui s'adressaient ces propos (Nick Jordan) était un gaillard d'une trentaine d'années ; assez joli garçon, grand, mince, vêtu avec une recherche de bon aloi.
Au premier abord, son sourire aimable, sa réserve un peu ironique, son indolence et la limpidité de ses yeux verts où dansaient des paillettes dorées faisaient illusion.
On aurait pu se croire en présence d'un de ces play-boys qui n'ont d'autre soucis que de dépenser le mieux possible l'argent de papa, de courir les cocktails, les premières et les casinos ou de parader au volant d'une voiture grand-sport.
Mais ce n'était là qu'une impression passagère.
Il suffisait d'un examen plus attentif pour s'aviser que le dandy n'était pas né de la dernière rosée et pour déceler dans son regard clair cette expression assurée, hardie, implacable même, qui révèle l'habitude de la lutte et du danger....
Le timide a peur avant le danger, le lâche au milieu du danger, le courageux après le danger.
(J.P. Richter)
Un fonctionnaire d'Allemagne Orientale vient de fuir son pays dans des circonstances particulièrement dramatiques ...
A bord de "l'Anarchis", la fièvre montait.
Le bateau continuait de progresser très lentement, dans la direction indiquée par le scaphandrier.
Installés l'un près de l'autre près des instruments de contrôle, Nick et le chef de l'expédition regardaient tour à tour l'écran oscillographe, où se dessinait la courbe formée par les échos, et le vidéo de télévision qui, relié à la caméra, leur permettait de suivre pas à pas l'hallucinante plongée de Liscia dans les abysses ...
Nick Jordan n'ignorait pas, en acceptant de franchir le rideau de fer à la place d'un autre, qu'il s'exposait à des coups durs, mais il n'avait pas prévu que des tiers mystérieux se mettraient en travers de sa route pour l'empêcher d'accomplir sa mission et l'expédieraient à l'autre bout du monde, dans un univers de cauchemar et de mort, oublié à la fois de Dieu et des hommes....
Le ton était sarcastique.
On y discernait comme des linéaments d'irritation.
Joséphine, avec cet instinct infaillible qui guide les domestiques en de semblables circonstances, sentit venir l'orage.
Elle comprit que l'heure n'était pas aux facéties, ni même aux petits entretiens familiers ...
- Le Vieux aurait-il oublié que suis en vacances ?
- Pas le moins du monde. Monsieur Pierre jouit, grâce au ciel, d'une mémoire extraordinaire. Mais il s'est dit : "tel que je le connais, mon brave Jordan n'hésitera pas entre son devoir et quelques jours d'oisiveté sur la Côte d'Azur !" ...
- Excusez-moi de vous prendre au débotté, poursuivit-il, j'ai cru de mon devoir de vous alerter sans perdre une minute.
Vous avez eu de la visite, cher monsieur.
Hé, oui ! Quelqu'un a forcé votre porte ... Quelqu'un que je ne connais pas mais qui m'a laissé la plus mauvaise impression ...
Il était un peu plus de six heures du soir quand la camionnette 2 CV immatriculée 89 H 77 quitta la nationale 33 pour emprunter la chaussée d'intérêt local qui menait à la pension Janne-Herdouin....