André Héléna : Rencontre dans la nuit
Dans le parc de Bagatelle,
Olivier BARROT présente le livre de
André Héléna "Rencontre dans la nuit" paru aux éditions Poche/Florent MASSOT. Après avoir brossé un rapide
portrait de ce forçat de la plume (200 polars),
Olivier BARROT situe l'
action du livre dans le Paris Pigalle qui met en scène des pickpockets.
Les femmes, c'est toutes les mêmes, la curiosité les mène autant que le sexe. Et même, des fois, chez elles le sexe, c'est de la curiosité.
Je voulais jadis écrire des romans dans lesquels de belles personnes, bien détachées de la réalité, se débattaient avec élégance dans des problèmes inexistants. Mais je me suis rendu compte que la vie, en réalité, n'était qu'un fait-divers et que l'Homme, toujours en quelque instant de son existence, rencontre le gendarme.

Postface de Léo Malet
Je passais l'autre jour devant la Comédie des Champs-Elysées, où l'on rendait hommage à Marcel L'Herbier. On célébrait le centenaire de sa naissance en projetant L'Inhumaine, un film peut-être un peu dépassé maintenant mais considéré à l'époque comme un chef-d'oeuvre... Marcel L'Herbier, qu'à une certaine époque j'appelais Marcel L'Herboriste- en l'honneur justement de nombreux navets dont il a parsemé le paysage cinématographique français-, était capable du meilleur comme du pire. Mon ami Héléna était lui aussi capable du meilleur et du pire. Plus souvent du pire malheureusement. Parce qu'il était poussé par le besoin et aussi parce qu'il avait une très grande -trop grande - facilité. Il a été victime de cette aisance et en même temps de la mauvaise réputation de ses éditeurs. Car il faut bien l'avouer: à part Ditis, qui a été le seul éditeur digne de ce nom qu'il ait rencontré, les autres ne valaient pas tripette. Mais quand Héléna a rencontré Ditis, il était trop tard, le mal était fait...
D'ici là, il pouvait s'en passer des choses! C'est un métier dans lequel on reçoit plus facilement une bastos chaude dans le buffet qu'un bouquet de tulipes.
Elle portait un imperméable clair et un béret noir.
Ses cheveux pâles descendaient sur ses épaules et frangeaient son front. On aurait dit qu'elle arrivait de l'autre bout de la vie.
Elle portait en elle le mystère de ces êtres qu'on rencontre à ces heures-là dans les bars bruyants et pauvres, ces bars ouverts aux malchanceux, dans lesquels les misérables essayent de retrouver des êtres qui leur ressemblent et qui ne leur reprocheront pas leur détresse.
Je me suis aperçu alors que la littérature policière n'était une littérature inférieure que pour deux catégories de gens : ceux qui ne savent pas écrire et ceux qui ne savent pas lire. Il y a autant de puissance dramatique dans l'existence quotidienne de l'homme qui a tué, qui a été poussé par le destin, les circonstances, jeté vivant dans l'enfer, que dans toute l'histoire des Atrides. Qui donc n'a jamais senti en lui remuer Cain?
La première chose qu'on fait, quand on sort de taule, c'est de foncer au bistrot.
- Voilà un mec, une fille lui fait un turbin, ça y est, il descend tout le monde. Il aurait déquillé Pétain, s'il s'était trouvé là.
- Ce n'est pas ce qu'il aurait fait de plus mal, grommela Jimmy.
- Ta gueule, répondit le flic. Et tout ça pour une paire de fesses, continua-t-il. Comme si tous les derrières ne se ressemblaient pas.
Mon pétard avait poussé tout seul entre mes doigts, comme une fleur malsaine.
C'est possible, répondis-je, mais moi, je connais les filles qu'il fréquente, son frangin, précisément. J'ai vu des photos. Elle n'a pas besoin d'avoir peur. Il a dû les choisir au Musée de l'Homme, dans la salle des anthropoïdes, ses poules. Il a des goûts de l'homme primitif.