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Citations de André Pieyre de Mandiargues (85)


VARIANTE

Un jour
Le jour tournera comme une page
Et je saurai la vraie couleur du jour.

Un jour
Le jour s'ouvrira comme un œil
Et je verrai la vraie couleur du jour.
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Morat
[...]
Le chat est sur le toit il regarde le ciel
On croirait à le voir qu'il veut taire une chose
Qu'il connaîtrait et qui serait désespérante.

Vous n'aimiez rien au monde autant qu'un chat rayé
Un chat tigre et très doux qui vous fuit maintenant.

Ce gros chat beige et brun qui ne vient plus manger
Et qui reste étendu dans la neige du faîte
Comme par volonté de mourir avant vous.
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FLEUR DU JAPON


Fille en fièvre dans un drap d’eau
S’ouvre se ferme s’épanouit
Comme une fleur japonaise.

Le jeu simule une treille
Tout autour de la peau qui luit
Tout au long de la peau complice
Feuilles rouillées feuilles mortes
Sous la chute des soupirs.

Pétales vains papillonneries
Entre deux gouffres de sommeil
Les ailes dorées des caresses
Ne remuent que poussière
Leurs grâces caduques
Ne nous arrêteront plus.

Mais les eaux brunes du regard
Où dort le bruit de la mer
La terre fauve au fond des yeux
À la lisière de la personne
Aux bords glacés de l’être
Et de la nuit de tous les temps.

Perdre pied gagner l’air
Dans la nuit des bois de la mer.

Une autre vie à d’autres tempes
Dans le noir de toute la vie
Une autre vie obscurément
Sève ruisselant vers la rose
Glace qui casse au printemps
Tourterelles envolées
Dans la crasse d’un ciel de suie.

Puis le sang reflue en ce corps
Qui se croyait le cœur du monde.
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Quand au langage du poète
Les couleurs seront retirées,
Quand les noms même des fleurs
Ne diront rien à sa mémoire,

Cependant qu'en lui demeure
L'adorable mot noir
Renvoyé par le miroir blanc
De la page où il sut écrire.
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  Face à l'église Saint-Quiriace, croulante et
bancale, moussue, noirâtre, moisie, rongée par
le vent, la pluie, la grêle et le feu du ciel, la
maison de Mademoiselle Thérèse repeinte à
neuf de blanc et de jaune, brille dans cette gri-
saille universelle comme un tabernacle qui
abrite la gloire de Monsieur Mouton.
  Gros comme un petit dogue, Monsieur Mou-
ton, que sa fourrure épaisse fait paraître encore
plus gros qu'il n'est, a de très grands yeux
jaune d'or pailletés de cuivre. Son poil est
rouge vif, moucheté d'orangé, tigré de marron ;
quand il le secoue à la lumière c'est du feu sou-
dain, c'est un flux de métal incandescent.
« Mouton couleur d'Angélus » dit Mademoiselle
Thérèse qui pense au plat, décoré du tableau
de Millet, « Mouton coucher de soleil, Jésus, que
tu es rouge ce soir mon gros, il va pleuvoir
bien-sûr. »

p.35
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Une station
Tu es liée sur un îlot au milieu de la mer
Un lépreux te nourrit de ses mains pourries
A tes côtés un ours et un cerf sont liés
Tu es liée entre le cerf et l'ours
Et l'ours et le cerf t'ont dit pour te consoler
Que ce n'est là qu'une station.
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André Pieyre de Mandiargues
COUVRE-TERRE
  
  
  
  
Sur ton chapeau bleu-ciel
Aussi grand que le ciel
Toute nue comme une jeune fille
Pauvre qui va vers son premier amant
Jolie Mort
Souriante parce que tu l'as
Pas de quoi cacher tes dents blanches
Sais-tu seulement
Qu'une poupée d'ossements
Ne peut être nue pour un homme ?

Mais sous le drap de pierre
De sa chambre dernière
Tout homme t'épousera
Dès qu'il aura quitté
Ce faux semblant de nudité
Qui est notre masque précaire
Le tien le mien ô mon frère anonyme !

                     (26 octobre 1981)
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A tout bien considérer, ne pourrait-on croire que c'est une sorte de chasse-neige ou de charrue dont l'on tient le guidon, et qu'en s'enfonçant comme un coin dans le paysage il crée sa propre piste ? La tentation à laquelle il faut résister est de prendre une direction oblique, pour creuser à travers les vaux et les monts de la belle Allemagne une tranchée qui directement aboutisse à la terrasse où va déjeuner Daniel. Rebecca s'est habituée à la vitesse; elle n'éprouve aucune difficulté à garder son allure, aucun malaise à être ainsi projetée. Un certain bien-être, au contraire, s'est affirmé dans son corps et dans sa conscience. Son équilibre est aussi solide que si elle était de fer ou de cuivre poli, et rivée, la gorge en pointe, à l'avant d'une locomotive. Pour le perdre, le voudrait-elle, elle devrait se donner du mal assurément. Les soins du pilotage sont réduits à peu: il suffit de se tenir ferme au guidon qui se tient droit tout seul, de serrer les cuisses sur le réservoir (le ventre d'ébène), de serrer les jambes et de maintenir à bout les commandes. Un enfant n'y faudrait pas. Quelle sérénité ! Rares sont les voitures qui vont dans la même direction que la sienne, et elles vont sagement, sans déboîter de la bande à lente allure. Quand elle est sur le point de rattraper l'une d'elles, il semble qu'au lieu d'aller celle-là vienne à sa rencontre, par l'arrière; c'est malaisément qu'on la distingue du décor latéral, dont tous les points semblent venir pareillement. La voie donc est libre devant Rebecca, comme si elle courait dans ce désert jalonné auquel elle a songé tout à l'heure. En se courbant, pour offrir moins de résistance, elle frôle des seins le tableau de bord à l'endroit de la clé, elle est monstrueusement accouplée à la machine, et le gros phare prolonge son corps ainsi que fait la tête du cheval en avant et au-dessous de celle du cavalier, à l'approche de l'obstacle à sauter. Telle position ne laisse pas à portée de sa vue le cadran du compteur, mais tant pis. Connaître exactement la vitesse à laquelle elle est lancée ne lui importe plus depuis qu'avec l'habitude elle a trouvé la paix et qu'elle se sent dans le vent brutal comme en l'air pur des cimes.
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André Pieyre de Mandiargues
LA PORTE TOURNANTE
  
  
  
  
La porte tourne,

J’y suis,

La porte a tourné,

Je n’y suis pas,

La porte me regarde
La porte se nettoie d’un coup de langue
La porte se gratte et s’endort,

La porte s’est raidie
Et ses yeux sont éteints,

J’attends
Cependant je sais bien
Que la porte a tourné
Pour la dernière fois.
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À Meret Oppenheim


Extrait 6

Te yeux m’ont cloué parmi ces belles semblables
Perclus de reflets au portail d’une glacière
Tout au fond de l’habituelle vallée
Qui me conte de loups et d’arbres
De cheveux saisis par les branches
Et d’yeux ouverts sous les frimas
En guise de pièges enfouis.

Mais niés par le simple écho de ton rire
Revenu je m’en souviens
Levé abrupt aux cimes du vent
Serpent de violettes autour de ma langue.

Qu’importe un réveil usé s’il dérange
Le ciel neuf où je contemple tes images
Qu’importe la fausseté du matin
Le joyeux renouveau des servitudes
Le charroi de l’ordure et le bruit misérable
De la pluie sur les hommes quotidiens
Qu’importe maintenant.
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LE PORT
  
  
  
  
Dites-moi le nom du port
Où vous êtes en souffrance.

Dites-moi le nom du vaisseau
Qui échoua devant un roc
Où quatre maures enchaînés
Sèment aux quatre coins des vents
La haine l'ennui le deuil et le délire.

Riez faites du bruit
Refusez la stupeur de ces places carrées
Vides sauf la statue d’un cheval sous un roi
Qui élève au soleil une épée toute noire
Et l'ombre de la statue
Qui abaisse une ombre d'épée vers des portiques sombres.

Ces maisons de briques sourdes
Éventées par tant de hardes
Ne vous ouvriront pas leurs portes

Où vous frappez violemment
Ni ces clairs palais de marbre
Fendus jusqu'au sol par la foudre
Marqués d'empreintes de mains rouges
Silencieux sous le fouet de midi
Ces caveaux scellés de plomb
Ces pieuses prisons souterraines
Où meurent vos reines.

Quelle que soit cette ville au nom problématique
Ses banlieues sont bornées de fossés et de bourbes
La fièvre et le mirage habitent ces marais.

Suivrez-vous la coureuse que du charbon dépare
Ou pare mieux que l’ocre et que le crayon gras
La sournoise qui fuit sans l'accord d’une œillade
Et que vous poursuivrez jusqu'au bout de ses forces ?

Caresseriez-vous l'enfant sale de suie
Qui va s'étendre entre des poissons morts
Pour être découverte ainsi qu'une Floride
Sur le sable irisé de pétrole et d’ordure
Au bord de l’eau tranquillement corrompue ?

Baiseriez-vous les pieds mortifiés par la route
Impurs mendiants poussiéreux et tendres
Précieux comme la cendre du pavot
Qui sert de passerelle au souverain oubli
Quand il prend le départ avec sa clientèle ?

Vous ne sauriez rien faire qui allège la nuit
Ni qui soulage la désolation
D'une plage veillée
Par les abois des chiens

Et la saison des orages est loin.
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André Pieyre de Mandiargues
L’INCENDIE
  
  
  
  
Qu’allais-tu donc chercher à travers l’incendie
Derrière des vapeurs à la splendeur baroque
Par le secret d’un escalier en loques
Étranglé de lierres écarlates ?

Quel vœu te fit pousser une porte brûlante
Sainte face de feu et de cendre
À la limite d’un monde morne
Sournoiserie silence délabrement ?

Devant toi ce n’est plus maintenant
Que diamants et rubis qui jouent dans la poussière
Que plâtres retombés sur des carreaux de marbre
Avec des statues blanches des armes
Des mains de verre des vases pleins de larmes
Des nègres de velours et des roses passées
Au bas de murs caducs.

Il vient une dame éclatante et funèbre
Tôt apparue tôt disparue tôt reparue
Plus tôt encore nue
Qui est comme l’ombre d’une désolation.

Nue saignante et noire
Une flammèche en ses cheveux défaits
Rouge comme un œillet qui crèverait la suie.

Foulant aux pieds les pierres
L’or et l’argent le fracas du cristal
Indifférente à l’opulence ou à la ruine
Dans la beauté d’une heure catastrophique.

Et tu la trouveras peut-être bonne actrice
La géante qui s’étend avec tranquillité
Sur le pavement comme sous un couteau
Tandis qu’alentour explose et se disperse
Le luxe fou de son théâtre de toujours
Que mille langues engloutissent.
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André Pieyre de Mandiargues
AKI
  
  
  
  
Tu écris avec ton lait
Sur la page bleue du ciel
Où se lève le soleil
De ton magnifique pays
Jeune poétesse Aki.
Et sans entendre leur sens
Je bois tes belles écritures
Comme si tu donnais le sein
Au vieux poète que je suis
Dans un élan de charité
Ou de tendre cruauté
Pareil à cela que l'on conte
Des dames de l'ancien Japon
Pas moins libres que toi-même
Mais dont les folies se couvraient
D'un éventail papillonnant
Autour d'un masque souriant
Qui ressemblait à ton visage
Lisse et clair sous la frange brune.

                  (24 mars 1980)
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La grâce de ses épaules est pure.
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Le masochisme est une expérience mystique.
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ÈVE LUCIFUGE


Elle est massivement présente
Elle est la plus vivante et la plus noire
Au milieu de cette foule consumée
Entre tous ces hommes pauvrement recueillis
Ces femmes sauvages ces enfants mornes
Unis à l'ombre d'un théâtre froid
Où ils sont venus voir d'autres hommes
Mourir
D'autres femmes d'autres enfants
Mourir encore.

Ses cheveux ont l'éclat de la peau
Ses yeux brillent comme des scarabées
Ses genoux remuent une lave élémentaire
Qui roule sur la peluche cramoisie
L'or éteint les taches de charbon
Le crin bestial jailli hors du fauteuil
Au contact habituel de ses jambes.

p.74

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Oui, mais le vent tourne. Il est très net que l'on assiste, depuis quelque temps et dans tous les pays, à un bouleversement complet du goût. Peut-être sommes-nous devenus plus libres, plus courageux, peut-être aimons-nous qu'on nous dérange dans la quiétude ou qu'on nous fasse peur… Je ne sais pas. Ce dont je suis sûr est que je suis, pour ma part, heureux de cette saute de l'air, et que je voudrais, si cela n'est pas hors de ma capacité, ouvrir tout grand les fenêtres pour la mieux recevoir et pour favoriser son train. Tant pis s'il y a de la casse !
(Autoportrait)
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L'amour n'est pas une chose commune sur laquelle on peut broder ... et il faut l'offrir et l'accepter, le donner et le recevoir, avec cet esprit de dépouillement et de simple feu qui est le meilleur moyen pour arriver à l'intimité des âmes et des corps.

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La fenêtre du wagon



Ce matin comme un orvet d’éclats
Courent les toits sous le soleil agile
Rouges et gris jeu d’habitations
Aux pions de bétail et de fumée
La terre toute flétrie d’écailles
Se hâte vers des champs marqués de bornes
De croix de pierre debout au premier jour
Pour le deuil d’une beauté sauvage
Prodigue hier en fraises des taillis
En prunelle encore en framboises de haies.

Quelques mûres ont séché sur les ronces
Et partout pousse le germe des tristes hommes.
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Pourquoi parlé-je d'elle au passé ? C'est parce qu'elle a cessé d'exister pour moi, ou que j'ai cessé d'être pour elle, simplement, et vous auriez tort de chercher des raisons subtiles à ce qui est un phénomène aussi naturel que la bourrasque ou que l'accalmie. Des pierres, parfois, à cause du gel ou d'une chaleur excessive ou sans motif, se fendent, des molécules qui se touchaient ou qui voisinaient sont séparées par la cassure, isolées dans de petits mondes qui iront chaun son chemin dans le grand univers et désormais seront aliénés l'un de l'autre de la façon la plus totale et la plus irrémédiable.

Page 154
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