Avec Marc Alexandre Oho Bambe, Nassuf Djailani, Olivier Adam, Bruno Doucey, Laura Lutard, Katerina Apostolopoulou, Sofía Karámpali Farhat & Murielle Szac
Accompagnés de Caroline Benz au piano
Prononcez le mot Frontières et vous aurez aussitôt deux types de représentations à l'esprit. La première renvoie à l'image des postes de douane, des bornes, des murs, des barbelés, des lignes de séparation entre États que l'on traverse parfois au risque de sa vie. L'autre nous entraîne dans la géographie symbolique de l'existence humaine : frontières entre les vivants et les morts, entre réel et imaginaire, entre soi et l'autre, sans oublier ces seuils que l'on franchit jusqu'à son dernier souffle. La poésie n'est pas étrangère à tout cela. Qu'elle naisse des conflits frontaliers, en Ukraine ou ailleurs, ou explore les confins de l'âme humaine, elle sait tenir ensemble ce qui divise. Géopolitique et géopoétique se mêlent dans cette anthologie où cent douze poètes, hommes et femmes en équilibre sur la ligne de partage des nombres, franchissent les frontières leurs papiers à la main.
112 poètes parmi lesquels :
Chawki Abdelamir, Olivier Adam, Maram al-Masri, Katerina Apostolopoulou, Margaret Atwood, Nawel Ben Kraïem, Tanella Boni, Katia Bouchoueva, Giorgio Caproni, Marianne Catzaras, Roja Chamankar, Mah Chong-gi, Laetitia Cuvelier, Louis-Philippe Dalembert, Najwan Darwish, Flora Aurima Devatine, Estelle Dumortier, Mireille Fargier-Caruso, Sabine Huynh, Imasango, Charles Juliet, Sofía Karámpali Farhat, Aurélia Lassaque, Bernard Lavilliers, Perrine le Querrec, Laura Lutard, Yvon le Men, Jidi Majia, Anna Malihon, Hala Mohammad, James Noël, Marc Alexandre Oho Bambe, Marie Pavlenko, Paola Pigani, Florentine Rey, Yannis Ritsos, Sapho, Jean-Pierre Siméon, Pierre Soletti, Fabienne Swiatly, Murielle Szac, Laura Tirandaz, André Velter, Anne Waldman, Eom Won-tae, Lubov Yakymtchouk, Ella Yevtouchenko
« Suis-je vraiment immortelle, le soleil s'en soucie-t-il, lorsque tu partiras me rendras-tu les mots ? Ne te dérobe pas, ne me fais pas croire que tu ne partiras pas : dans l'histoire tu pars, et l'histoire est sans pitié. »
Circé Poèmes d'argile , par Margaret Atwood
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Il avait tatoué sur son cœur
Le nom intraduisible
D’une femme de néant : Nada
Nada, ma nuit de rien
Nada, mon ombre fauve
Nada, pour le rire et le non
Il psalmodiait avec ivresse
Ce mantra de carbone
En souvenir de l'or
Nada, ô ma sultane
Nada, ma déchirure
Nada, pour la fin des fins
Sous son masque de cendre
Il suivait du regard
Une sombre déesse
Nada, au goût d'orage
Nada, de corps et d'esprit
Nada, qui efface tout
Nada, portée à l'infini
J'ai aimé dès le début le mot Winnipeg. Les mots ont des ailes ou n'en ont pas. Les mots rugueux restent collés au papier, à la table, à la terre. Le mot Winnipeg est ailé. Je l'ai vu s'envoler pour la première fois sur le quai d'un embarcadère, près de Bordeaux.
Le Winnipeg était un beau vieux bateau, auquel les sept mers et le temps avaient donné sa dignité. On peut affirmer qu'il n'avait jamais transporté à bord plus de soixante-dix à quatre-vingts personnes. Le reste avait été constitué par des cargaisons de cacao, de coprah, de sacs de café, de riz, par des chargements de minerais. Cette fois pourtant un affrètement plus important l'attendait : l'espoir.
WINNIPEG
Pablo NERUDA - Né pour naître, Réflexions depuis l'Ile Noire
Il pleut sur Darjeeling, il pleut. Sur les chemins qui conduisent aux monastères, sur les grandes dalles des escaliers, sur les buissons bleu marine, il pleut sur les travailleuses du thé qui pincent la première feuille chaque jour, les stupas, les fidèles qui leur tournent autour dans le sens des aiguilles d'une montre en lançant de la main droite la rotation des moulins à prières, il pleut sur les fanions des temples et les buffles. L'instant d'après, l'averse cesse, les nuages, violemment, s'écartent et les grands pics neigeux apparaissent, rois du monde. Himalayas ! Le bleu du ciel suffoque de clarté.
DARJEELING
Catherine CLÉMENT - Les derniers jours de la déesse
UNE EXPÉRIENCE DU SOUFFLE
(pour Muriel Boccara)
Le tir à l'arc est une expérience du souffle et de l'âme, de l'œil et du vide.
Toute cible touche au cœur comme si la visée découvrait l'origine.
Il y a dans ce jeu une absence de but, de moyens, de manœuvres, une immobilité bleue où se crée la lumière intérieure.
Ni alarme du temps, ni percée de l'espace, la flèche vit un envol hors départ et sans fin,
l'éveil soudain d'une infinie liberté.
Je cherche
L’autre monde sur terre
Et sur terre, mon écho.
Imaginez que Paris, dans trente siècles, devienne un désert ; qu'il n'en subsiste plus rien que les ruines de quelques monuments et un petit village bâti avec de la terre. Trois mille ans se sont écoulés. Des voyageurs remontant la Seine comme nous remontons le Nil, vont à la recherche du Paris d'autrefois. Ils trouvent à leur gauche, sur la rive droite du fleuve, les vestiges du Louvre, les colonnes de la Bourse à demi enterrées sous les détritus de la cité antique ; puis, en aval, à quelque distance, une colonnade à moitié renversée, un temple dont le comble aura disparu, et en descendant plus loin, les piédroits, encore debout, de l'Arc de Triomphe. [...]
Voilà qui peut donner une idée de la situation géographique de l'ancienne Thèbes sur le Nil. À la place du Louvre, mettez Louqsor. À l'Arc de Triomphe serait Karnak.
LOUQSOR
Charles Blanc - Voyage de la Haute Égypte ( 1876 )
J'ai pour te bâtir un tombeau
des mots du soleil et des rêves,
rien qui appartienne au poids du monde
rien qui t'impose une mort enchaînée,
rien qui ralentisse ta course plus haut
que tous les sommets.
Tu vois je t'invente
un tombeau sans dorure,
sans marbre ni couronne, je t'élève
moins qu'une stèle perdue dans le désert,
je t'offre un souffle de sable et de vent,
tombeau d'oiseau migrateur,
tombeau de papillon bleu,
tombeau de cerf-volant.
Alors depuis les ténèbres où je suis,
moi le quasi-mécréant je te crie
que s'il est une autre Jérusalem,
tu es ma femme céleste..
Où que tu sois, je t’aime
Pour te rejoindre
nul parcours sur la terre,
il y faut l’ascension
de la montagne immense
qui me déchire le cœur.
Là tout est vertical
de l’abîme du sang
aux mille soleils de l’âme,
une épée de lumière
et pas un seul sentier.
Est-ce mon amour
au souffle fragile,
à la fougue patiente
et légère, qui va ouvrir
la septième voie?
Amour sauvage que tu voudrais
libre du chasseur et de la proie,
amour qui inventait l’amour
sans un appui sans une corde,
amour absolu, tout à toi.
Les jours passent et rien ne passe
Mon amour mon amour mon amour
Je n’ai rien cédé au temps.
Viens que je t’emporte
Viens sans autre escorte
Que le feu de ma bouche
Ey un battement d’aile.
Ton corps n’a plus de frontière
Mon amour mon amour mon amour
Il est une errance fertile.
Viens à toutes forces
Détruire l’ordre qui veut
Eteindre nos secrets,
Défaire nos destinées.
Sur le qui-vive et sans peur
Mon amour mon amour mon amour
Notre chant durera autant que la lumière.
Quelque tendresse que j’y mette, et même une fervente douceur, je me heurte sans cesse à ta présence désincarnée, à ta présence qui force les prodiges, déchaîne les images. multiplie les éclats.
Comment croire que tu me guettes, que tu m’escortes, que tu te joues d’un réel qui sans toi serait moins qu’une chimère? Comment céder à ce miracle de toi qui peuples les rues de tournesols, pose un papillon sur mon épaule et fait merveille à contre-mort?