Citations de André Velter (375)
LA FIANCÉE BLEUE
à René Char
La solitude court les chemins du monde
pour mettre un météore aux mains des solitaires
Chant lointain
de faim et d'amitié,
souffle aventureux
qui lit quelque bonne aventure
dans les paumes du vent
Une brûlure court la ligne des glaces
pour léguer un prodige à nos têtes brûlées
Chant plutôt que cantique
errance sans pèlerinage,
que naissent sous les portiques
des nuées des mystères
oracles lumineux de matins éphémères
p.85-87
MANTRA DE TCHENRÉZIGS
OM
Appelle le souffle,
le silence éclatant,
le rythme né au-delà des origines,
appelle le souffle.
MANI
Cherche la voie,
l’élixir, le diamant,
l’esprit de la matière,
cherche la voie.
PADMÉ
Contemple la vision,
le réel qui s’éveille,
l’espace du cœur,
contemple la vision.
HÛM
Découvre l’unité,
le mouvement du même
en tous ses corps dilapidé,
découvre l’unité.
HRÎH
Réalise l’échappée,
dans le royaume vide
où l’âme est lumière,
réalise l’échappée.
Je sais de façon certaine
que l'amour extrême
n'a jamais trahi personne.
jaufré Rudel
Le sonnet printanier est habituellement confié aux débutant; il s'appelle sonnet "gnan gnan" dans l'argot du métier. (Georges Auriol -Manufacture de sonnets-
Tu n'étais plus Marie-Madeleine. Tu n'étais plus qu'un corps d'oubli extrait de ton corps ancien. Une commotion fervente. Une pure volupté. Et un défi sacré.
Les vivants appellent ça le temps du deuil, c'est une mort pire que la mort, une défaite à petit feu, un retour à la norme du commun des mortels. J'ai trop mal, et d'une souffrance trop inhumaine, pour solder mon orgueil et mendier un pacte de survie.
Il n'est aucune échappée par-delà ton départ, aucune lézarde dans la commotion. Tout apparaît tragique et sans raison, tragique et sans illusion, tragique et sans lendemain. Comment vas-tu me convaincre de survivre tandis que j'étouffe chaque fois que je respire?
Pour une cantate:
Un vers de Pavese a troué ma mémoire:
Verrà la morte e avrà i tuoi occhi...
Oui mon amour, que la mort vienne
puisqu'elle aurait tes yeux...
Entre saturne et le néant suprême
Quoi
Sans y comprendre plus que de raison
C'est quelque chose d'exponentiel
Mais qui n'appartient pas aux mathématiques
C'est quelque chose d'axiomatique
Mais qui défie la logique
C'est quelque chose d'hyperbolique
Mais qui échappe à la géométrie
C'est quelque chose de tangentiel
Mais qui s'éloigne des équations du ciel
C'est un instant des origines
Qui fait silence sur sa déflagration
C'est une preuve par l'émotion
Que l'infini existe en nous
p.55
Entre saturne et le néant suprême
À l'angle
Cela vient de plus loin et c'est heureux
Tenant à distance la nuit que j'ai connue
Le vent jusqu'au vif des nuages
Les voix dans le feuillage qui se sont perdues
Je pense à tout et c'est un peu une moisson d'étoiles
Dans un champ soudain mis à nu
Je pense à tout et c'est un cavalier qui frappe à la fenêtre
D'un coup d'éperon sans être descendu
Il sourit comme au déboulé d'une douce apocalypse
Mais ne dit pas ce qu'il a vu
Le ciel est ainsi la proie d'une harmonie
Ni gaie ni triste et c'est voulu
Pour qu'un autre soleil se lève
à l'angle d'une terre inconnue
p.48
Entre saturne et le néant suprême
Postulat
Multiplié par lui-même
L'infini réalise
La quadrature des univers
p.47
Navigations
Et l´inconnue parla
Comme on parle aux navires
Dans les ports orgueilleux
Que les départs déchirent
Léo Ferré /L'inconnue de Londres *
p.105
* Voir et écouter si vous le souhaitez Léo Ferré /L'inconnue de Londres :
Léo Ferré - L'inconnue de Londres - YouTube
https://www.youtube.com/watch?v=ySOuIHyy_lA
Messagères
Comme l'oiseleur du temps
Je capture au matin
Les paroles qui ont encore des ailes
Avant de les libérer aussitôt
Pour qu'elles s'en aillent messagères
Par le champ des nébuleuses
Où Guillaume Apollinaire
N'en finit pas de rêver
À ce réel sans limite
Qui mène plus loin que les rêves
p.53
Je m’accroche à des mots en boucle
Dont la musique est une ivresse
Aimer d'un amour sans limite
Aimer d'un amour sans espoir
Aimer dire et redire que je t'aime
Aimer ainsi comme l'amour aime
Me laisse un destin d'assonances
Martelées jusqu'au délire
Tu ne te demandes pas combien de temps il te reste à labourer l'arène du monde,
A entrer et sortir de piste en ayant fait un tour de trop.
nos vies menacées sont à jamais solaires
Surtout ne pas ressembler aux poètes qui se prennent pour des poètes
Mais s'engouffrer dans la vie de la poésie
En traversant la poésie de la vie
au nom de la poésie à vivre
il ne gardait que l'impossible en vue
En la saison d'absence
(Rituel)
Il n'est pas de fleurs
pas de pierres
pas de ciels
où je ne t'ai cherchée
Il n'est pas d'océans
pas de déserts
pas d'horizons
où je ne t'ai rêvée
Il n'est pas de villes
pas de cercles
pas de limbes
dont je ne t'ai délivrée
Fille de l'éclair
et du temps balafré
tu signes avec du sable
les gouffres de la nuit
Nous avons marché
si légers sur des ombres
qu'il reste à peine trace
de nos pattes d'oiseau
La feuille
est une fenêtre close
qui chaque jour voit le jour
où monstrueusement tu n'es pas
Combien en ai-je écrit
de ces versets du vide
qui chantent le néant
avant que tu y sois ?
A la croisée des mondes
je veux être qui sait
le guetteur de ton pas
ou l'écho de ta voix
Dans le ciel ce qui passe
ne passe pas pour moi
le chemin des nuages blancs
ne monte que vers toi
Derrière les persiennes
tu ne dors ni ne veilles
tu t'effaces et je rôde
en la saison d'absence
Sur le mur les entailles
n'appellent nulle échappée
nulle remise de peine :
je ne les compte pas
Chaque jour en silence
au couteau de l'aube
au poignard de midi
je redis que je t'aime
Chaque nuit désinvestie
de sommeil et de songe
je jette à la trappe comme à la mer
des poèmes d'amour
Étoiles et cendres mêlées
le tourbillon qui se lève
devient migration froide
tourmente de tourments
A mains nues je vais
protéger ce qui s'évade
escorter encore moins
que la buée de ton départ
C'est presque rien en vérité
une nuée d'éphémères
déjà noyées
au fond d'un puits
On a remis la grille en place
il n'y a pas à supplier
j'ai vu le lieu face à face
où l'avenir n'aura pas lieu
De partout naissent des signes
que faire de ces prophéties
qui n'enchantent que la chair
d'une promesse saignée à blanc ?
Autour d'un éventail
un vol de papillons
une ronde innocente
à force d'être cruelle
Soupirs et pleurs
spectres semés à la volée
j'ai peuplé l'hébétude
de tournesols qui n'existent pas
Par-delà l'espace et le temps
contre toute raison et tout sens
il est plus de vingt vaisseaux ruinés
qui semblent en partance
Est-ce un regard ou une barque ?
Qui peut voyager dans tes yeux ?
Descendre un fleuve de terre
en se croyant passager ?
Par-delà notre amour massacré
j'invente un amour insensé
où il se peut que sans honte
je vive dans ta lumière
(P124)
Les vivants appellent ça le temps du deuil, c'est une mort pire que la mort, une défaite à petit feu, un retour à la norme du commun des mortels. J'ai trop mal, et d'une souffrance trop inhumaine, pour solder mon orgueil et mendier un pacte de survie.
Il n'est aucune échappée par-delà ton départ, aucune lézarde dans la commotion. Tout apparaît tragique et sans raison, tragique et sans illusion, tragique et sans lendemain. Comment vas-tu me convaincre de survivre tandis que j'étouffe chaque fois que je respire ?
J'ai pour te bâtir un tombeau
des mots du soleil et des rêves,
rien qui appartienne au poids du monde,
rien qui t'impose une mort enchaînée,
rien qui ralentisse ta course plus haut
que tous les sommets.
Tu vois je t'invente
un tombeau sans dorure,
sans marbre ni couronne, je t'élève
moins qu'une stèle perdue dans le désert,
je t'offre un souffle de sable et de vent,
tombeau d'oiseau migrateur,
tombeau de papillon bleu,
tombeau de cerf-volant.
Au plain-chant de l'univers
tu es le rire de la pure lumière,
la joie sans ombre qui donne
et donne encore présence à l'impossible,
comme ce poisson que tu léguais au ciel
ou ces fleurs que tu acceptaient pour toi seule
d'éclore sous la lune.
Alors depuis les ténèbres où je suis,
moi le quasi-mécréant je te crie
que s'il est une autre Jérusalem,
tu es ma femme céleste.
(P11)