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3.79/5 (sur 28 notes)

Nationalité : Allemagne
Né(e) à : Hambourg , 1962
Biographie :

Ecrivain allemand, Andras Becker vit en France depuis 1990. Après une carrière commerciale, il se tourne vers le dessin et l’écriture.

Source : éditeur
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Le mardi 13 novembre 2018, la librairie Charybde (129 rue de Charenton 75012 Paris - www.charybde.fr ) avait la joie d'accueillir Andreas Becker, Denis Lavant et Brigitte Mougin pour une lecture exceptionnelle d'extraits de "L'effrayable", de "Nébuleuses" et de "Les invécus", les trois romans d'Andreas Becker tout récemment réédités aux éditions d'En Bas.

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Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
Dans les temps j'ai eu-t-été une petite fille, une toute petite Allasse.
Je m'appelassais Angélique.
Avec mes tresses brunâtres aux reflets roux ou rougeauds, orangé cendre et pourpre dégoût, je m'inscrissais en faux, ça pour sûr, oh oui, ça pour sûr, jurassé-crachoté sur la tombe de ma mère. Ça métastait bien égalière, complètementalement égalière, je m'en fichassais et m'en foutassais pour tout vous disiser, au point d'éjacujouir de mes vérivanités à moi. Je faisassais plutôt trop de lettres, de la lettrerie comme je me disisais, et je faisassais plutôt trop de poids, de la kiloterie. Plutôt de trop que de pas assez, jurasse, crachoté dans ma figure. Et comme j'aimassais donner dans le trop de lettrerie c'était à dégommer toute espèce d'esprit ; encore et encore, encore plus ; et plus encore, je me leurrais : je n'aimassais point, je n'avas-sais jamaissu ce que cela voulassait dire : aimasser.
Je me faisassais appelasser Angélique, ça pour sûr.
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Ça dure rarement longtemps quand on se voir trop beau. À peine quatre ans comme l’intervallerie entre deux Jeux Olympiques, mais bon, c’est déjà pas si mal que ça quand on s’attaque au monde entier comme un foldingue, ça laisse le temps d’exterminer quelques millions de juifs, d’homosexuels et autres communistes, ça laisse le temps de repeindre toutes les femmes en blond et de les transformer en machines utérinales, ça laisse le temps d’envoyer toute une populace au front et d’en faire des barbares, le temps de gueuler trop fort, de s’arrachalasser le bras droit, de violasser quelques millions de Russériennes et de brûler leurs maisons, ça laisse le temps de virer tout un monde en enfer, de faire de nous des nazillons, de faire des nous des plus-bas-que-terre, de faire des nous des destructeurs de générations de vie. Et s’il y a ne chose qu’on ne peut pas nous reprocher c’est de ne pas nous être appliqués, ça au moins nous savons le faire, nous avons à fond détruit, avec méthode et sang-froid.
Mais en face, ils ne sont pas plus couillons que ça, ils ont juste besoin de temps pour s’organiser, c’est l’été quarante-trois maintenant.
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Dans les temps j’ai eu-t-été une petite fille, une toute petite fillasse.
Je m’appelassais Angélique.
Avec mes tresses brunâtres aux reflets roux ou rougeauds, orangé cendre et pourpre dégoût, je m’inscrissais en faux, ça pour sûr, oh oui, ça pour sûr, jurassé-crachoté sur la tombe de ma mère. Ça métastait bien égalière, complètement égalière, je m’en fichassais et m’en foutassais pour tout vous disiser, au point d’éjacujouir de mes vérivanités à moi. Je faisassais plutôt trop de lettres, de la lettrerie comme je me disisais, et je faisassais plutôt trop de poids, de la kiloterie. Plutôt de trop que de pas assez, jurassé, crachoté dans ma figure. Et comme j’aimassais donner dans le trop de lettrerie c’était à dégommer toute espèce d’esprit ; encore et encore, encore plus ; et plus encore, je me leurrais : je n’aimassais point, je n’avassais jamaissu ce que cela voulassait dire : aimasser.
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Des ambulances passaient. Une infirmière fumait sous le clin d’oeil d’un médecin urgentiste, un petit soleil jaunasse perçait les nuages de novembre. Sur les affiches publicitaires s’exposait une bouteille de vin rosé bien frais entouré d’une famille heureuse. À côté, trois mètres sur quatre, les publicitaires misaient sur le sérieux des travailleurs dans une distillerie. Le bonheur écossais du whisky. Le père de famille au cognac. La fête, les jeunes, les bières aromatisées et extra-intenses, se saouler au plus vite et s’amuser, vive la jeunesse. Les belles femmes, les beaux mecs, le champagne. L’âme russe, la vodka. Le carnaval, le Campari. Tout était bon à consommer, prévenait le ministre. A consommer. Avant d’ajouter l’excuse fallacieuse : avec modération. Toujours les mêmes slogans, les mêmes mots : famille, plaisir, légèreté, joie.
Les directeurs de pub dans les départements marketing lisaient les mêmes études que les addictologues, les mêmes livres feel good, les mêmes guides de banalisation pseudo-psychologique pour ne former qu’un seul brouhaha autour du nouveau mot maître des tiroirs-caisses : le bonheur, ah, le bonheur ! Le bonheur, le bonheur qui réglait tout, qui était la solution comme l’alcool était avant tout une solution, une aide, avant que le buveur ne tombe dans le piège. Il fallait acheter, il fallait payer, il fallait être heureux consommateur, à tout prix. Le bonheur toujours, le bonheur d’un verre, sur une terrasse, entre amis, le bonheur du vin du Sud, du whisky d’Écosse, du cognac de France, le bonheur de la bière belge, le bonheur d’une Prune, d’une Mirabelle, du champagne de chez nous, le bonheur des moines de la Chartreuse, le cava des plages de Barcelone, le rhum des Caraïbes.
Savaient-ils seulement ce que ça faisait dans mon corps, savaient-ils ce que ça vrille sans cesse dans le cerveau troué d’un alcoolique ? Oui, ils savaient, ils savaient très bien, et ils comptaient sur nous. C’était nous, leurs meilleurs clients. Les petits comptables du malheur alcoolique avaient bien étudié la question.
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Hommes et femmes violés devenant tous petite fille. Toute petite fille, oh, petite fillasse, sans aucune défense, non, si cassable, à la peauté transparente, à jamais culpable dans l’âme d’avoir eu-t-été.
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Et pouis qu’il nous est resté – fallait pas piper aux comiteux que c’était un des autres – on en avait rien à cirer comment qu’il pelotait pas le farançais – nous non plus on donnait pas dans la prononciassiation avec nos dents dans la thoraxerie – Max, sa gueule en abîmé était comme les nôtres – qu’il souffrait autrement en allemanesque ça non plus on pouvait pas l’affirmater – on finassait par se ressembler entre nous à viande vive – on accrochait pas de médailles sur la chair brute…
Dans des circonstances assez nébuleuses qu’il avait sauté, qu’il bafouillait de son farançais bien à lui – qu’il prétextendait dans ses grands jours que lui aussi que ç’avait été mission spéciale – c’était concurrencement avalanché entre eux avec Jacques – qu’il avait été envoyé par les boches la nuit – il se gênait pas lui de dire les boches – de gueuler sales boches dans tous les recoins de l’asile – boche qu’il était après tout un peu plus que moi, Georges de Blanchemarie, d’Jura moimien…
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Dedans ce vécu abrouptissant des Dœtchelandais, les forsythias fleurissaient une fois an, au trop court princetemps, pour s’abandonner dans un dès-lors fatigué et pétrir dans des bourrasques salées et sous les grains d’une pluie déprimante. Et puisé, il y avait les porcs, et les patates, les carottes et les blés, les orges et les malts, les mariages et les enterrements, il y avait les lalacolles et les pièces d’or trébuchantes, et pis voilà, qu’on n’en parle plus. C’était des vies de silence, des vies de trahidition, des vies vécues en défaut, des vies d’éruptions fiévreuses de leur perversité enselevie qu’il fallait à tout prix museler dans les platitudes de leurs paroles.
Et avec ça, les Dœtchelandais avaient construit des villes, et dans ces villes, ils avaient posé des vies comme à la tombola des naissances. Ils s’enqueulaient aux quartiers chauds devant les écrans noirs des sexe-ô-shops. Par l’engoulûment des pièces de cinq dœtchemarks dans la fente prévue à cet effet, les mascoulains prosternants du Nord y bouscoulaient vers un cul pornohontographique. Dans les cabines des table-dances, annahalant au rythme du poignet, surchargeant veines et artères ils se masturbataient si fort qu’ils faisaient s’ébranler tout un quartier de bric et de broc, de baraquements en carton-pâte, tout un bidonville de dépravanation et de tapinage et qui portait le nom de Saint-Paul. Ils suffoquaient la langue enflée, emboutonnaient les peaux autour du nez et des bouchures et congestionnaient tout fluide de leurs corps gras dans une constipation d’abominables. Leurs yeux sortaient des crânes à force d’hypertension, de suppression d’emploi et de relations commerciales au plus haut niveau.
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Elle avait vu le médecin, lui avait dit l’eau dans le ventre, l’eau dans les jambes, le lui avait dit, la bouteille de whisky par jour. C’était ça, depuis des années. Maintenant, ça, elle n’en avait plus besoin, c’était condamné. Le foie, c’était irréversible, le ventre bombé, les varices, les hématomes, les saignements. Les reins foutus, les artères bouchées.
Le cœur est bon, c’est ça le drame. Ç’avait dit ça, le médecin. Ça faisait lui rester trois mois. Jusqu’à Noël. Elle, ça elle ne savait pas que ça lui faisait rester trois mois, c’était pas ça qu’avait de l’importance. Autour d’elle, l’important il n’y en avait plus. C’était pas non plus qu’on puisse dire qu’elle attendait. Non, c’était autre chose. C’était autre chose comme rien. Mais elle, ce qu’on ne peut pas dire d’elle c’est que c’était rien. Elle était là encore comme pas là, mais elle était là. C’était elle encore comme d’un corps. Il y avait ça encore en elle qu’on ne sait nommer autrement que ça.
Mais de ça, elle ne manifestait rien. Elle écoutait quand on lui parlait. On lui disait de se lever. Ça il faudrait se le dire toujours, on lui disait de se lever. C’est ça, oui, qu’elle écoutait. Elle ne se levait pas. Elle n’avait pour ce qu’elle écoutait qu’un sourire. Elle, ce qu’elle faisait qu’elle se levait quand elle était seule, c’était la bouteille de whisky. Elle la cachait entre les casseroles. Elle se mettait à genoux, elle buvait une gorgée, elle se couchait. Ce n’était plus qu’elle en avait besoin, c’était par presque comme de l’amour.
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À Pâlebourg on mourait toujours seul. Pâlebourg, la mort ça ne s’y disait pas, pas dans une ville qui avait connu des milliers de cadavres en quelques heures de bombardement. Pâlebourg, ça vivait de son port, de ses putes, de ses banques et assurances. De ça, on était fiers jusqu’à l’écoeurement. C’était qu’on avait reconstruit une ville comme un quartier d’affaires. Les immeubles portaient leurs façades clinquantes comme des forteresses, des larges autoroutes urbaines permettaient le drainage en voitures. Il y avait des ascenseurs et des trahisons de bureau, il y avait là, comme des carrières de l’argent et du pouvoir. C’était ça qu’on appelait une ville.
Autour, dans les faubourgs sans nom, ronronnaient les femmes. C’était dans ces campagnes vides que se déroulaient leurs vies vides. Les plus courageuses d’entre elles mouraient d’alcool. C’était des morts lentes, atroces qui se produisaient là, entre les caisses des supermarchés et à la sortie de l’école. Pour que ça meure propre, on avait dressé des haies autour des jardins. La pluie battante c’était ça comme des rideaux devant les fenêtres, sinon on les bouchait avec des plantes vertes. La vue, c’était ça qu’on ne voulait pas voir, surtout pas, comme les mots qu’il ne fallait pas prononcer, les sentiments qu’il ne fallait pas avoir. Les sentiments, c’était ça qui était remplacé par les briques rouges des pavillons, c’était les briques rouges qui contenaient les morts.
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Je m’appelle Jeanne. Jeanne Saint-Georges. J’aime l’alcool, j’ai toujours aimé l’alcool, je l’aime d’un respect prudent et de loin, de très loin. J’avoue, je n’ai rien à cacher, je n’ai plus rien à cacher, c’est terminé. Oui, je l’aime, l’alcool, je l’aime mais sans passion, et pourtant, quand il me fait un clin d’œil, je me dis que je retournerais bien dans ses bras. Je n’ai pas oublié les heures de folie que nous avons partagées, je n’ai pas oublié l’amour que nous avons fait, je n’ai pas oublié les caresses, je n’ai pas oublié nos disputes, nos luttes, je n’ai pas oublié la fin douloureuse.
Je n’ai rien oublié. Rien. Alcool Mon Amour. Oui, c’était ça, pendant des années, et maintenant, c’est fini. Les vieilles amours, un moment donné, c’est bon, on tire un trait, et on est soi-même étonnée que ce soit fini et que la vie soit belle. On y pense, parfois avec un peu de nostalgie, et on passe à autre chose. Je ne bois plus depuis, attends cocotte, faut compter, depuis deux ans, dix mois et vingt-trois jours. Nous nous aimons platoniquement, l’alcool et moi, d’un amour chaste et fané comme des vieux amants qui se retrouvent et se demandent ce qu’il y avait de si passionnant entre eux.
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