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Critiques de Andreas (166)
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Arq, Tome 1 : Ailleurs

C'est beau, c'est dense et prenant. Andreas, j'aime ses dessins, ses mises en page de ouf, et aussi l'étrangeté de ses histoires énigmatiques.

Je n'ai pas été déçue ici avec ces cinq personnages qui se trouvaient dans un même hôtel, qui sont soudain projetés sans rien y comprendre (et nous non plus) dans un autre univers, nommé Arq.

Superbe prologue où la créativité d'Andreas impressionne une fois de plus. Et qui donne très envie de découvrir la suite.
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Raffington Event détective

J'ai découvert il y a peu l'existence de cet album, alors que j'étais sur les traces d'autres albums d'Andreas. Comme j'ai lu Rork récemment (oui, découvrir Rork seulement en 2021, il n'y a pas de quoi faire la maligne, je ne vous le fais pas dire), je connaissais le personnage de Raffington Event, tout droit sorti de la série... Rork, évidemment. Et comme les premiers tomes d'Arq m'ont filé sous le nez à la bibliothèque municipale, je me suis rabattue sur cet album de courtes histoires, à l'origine publiées en 1984 (donc en plein milieu de la publication de Rork), et astucieusement rééditées en 2016 par Le Lombard. Le Lombard aurait d'ailleurs pu être plus explicite sur le contexte de publication, car rien n'indique qu'il s'agit d'une réédition (peut-être la première histoire est-elle d'ailleurs une nouveauté concoctée en 2016, je n'en sais trop rien). Et je ne saisis pas trop le but du Lombard avec la collection Signé, qui serait "la preuve de [l']engagement [des auteurs], de la sincérité de leur création", etc., etc.





Car il n'y a clairement pas de quoi s'extasier sur cet album. Andreas y reprend certaines thématiques - l'étrange, le surnaturel, le paranormal, l'ésotérisme - qui lui sont chères, mais de façon beaucoup plus légère que dans Rork, et même humoristique. Quant aux découpages (les amateurs d'Andreas savent que ses découpages sont la pierre d'angle de son oeuvre), ils sont parfois originaux, parfois beaucoup moins (pour Andreas, s'entend). Et les scénarios s'avèrent plutôt gentillets, avec une petite dose de yog-sototheries, comme les appelait Lovecraft (appelez-ça des lovecrafteries si vous voulez), mais sans prétention - ce qui semble une rareté dans le corpus des yog-sothoteries contemporaines. C'est léger (je me répète), et pour tout dire peu développé, avec des chutes qui se ressemblent à peu près toutes, donc l'ensemble est très moyennement captivant (pas du tout, en fait).





Raffington Event m'a tout l'air d'avoir été une petite bouffée d'air pour Andreas alors qu'il travaillait sur des projets plus exigeants. C'est à peu près sans intérêt si vous n'avez jamais lu Andreas, et si le Lombard l'a réédité, je gage que c'est uniquement pour les fans (et pour l'argent aussi, j'imagine). Mais même pour les amateurs d'Andreas, c'est parfaitement dispensable. Disons que ça vise plutôt un public de niche (peut-être en partie composé de collectionneurs). Public dont je ne fais pas partie. Par conséquent, je vais me mettre à Arq, à Capricorne si la bibliothèque municipale se décide à acheter la série - ce qui m'étonnerait -, et à relire Rork (mais combien de fois ai-je écrit écrit "Rork" dans cette critique qui n'est même pas celle de Rork ???)
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Arq, Tome 7 : Dorro Zengu

Arq est une BD bien déroutante et j’ai du mal à savoir ce que j’en pense.

Pour l’originalité, de l’univers comme du graphisme, de la complexité narrative, toujours surprenante, pas de lézard, Andreas sait y faire. Bon, peut-être un peu trop complexe par moment pour moi, hein.

Mais ce tome 7, Dorro Zengu, se lit tout seul, et avec plaisir. Arq est ici le personnage principal, et il me plaît bien. Il s’est évadé du centre de recherche White Dust, et bizarrement malgré la série de meurtres, et même si les flash-backs nous ramènent à l’horreur des expérimentations de Gilpatric, on respire mieux je trouve. Le fait d’être au côté de personnages beaucoup plus sympathiques y est sans doute pour beaucoup. Le fil de la succession des meurtres, et de la sorte d’enquête qui en découle, est plus classique aussi et du coup le chemin de la narration moins tortueux, moins chaotique. Les dessins s’éloignent moins des personnages pour se barrer dans des trucs bizarres et la couleur directe crée peut-être aussi une atmosphère un peu différente, dans laquelle je me suis sentie mieux.
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Capricorne, tome 1 : L'Objet

Je n’ai encore jamais été déçu par Andreas. Et ça ne va pas commencer avec cet album.



Ici débute l’histoire de Capricorne, cet enquêteur de l’étrange new-yorkais toujours en butte aux phénomènes surnaturels qu’il tâche de comprendre et de neutraliser si nécessaire. Capricorne était apparu dans la série Rork et Andreas a dû lui trouver du potentiel car il l’a lancé sur sa propre série qui compte 20 tomes (preuve aussi que le public a suivi).

Ce premier épisode nous ramène à ses débuts. Le décor : New York dans les années de la grande dépression. Il débarque de nuit, dans la neige. Il est averti par un avatar moderne et clochard des trois Parques qu’il ne doit surtout pas se présenter avec son ancien patronyme. Désormais, pour le monde, il est Capricorne.

Et il est immédiatement embarqué dans une étrange histoire mêlant des gangsters, un groupe occulte qui ressemble au Spectre de James Bond ou à Hydra de Marvel, un objet dangereusement pas naturel, et ses nouveaux amis : le fou de bibliothèque Astor, la pilote de dirigeable Ash, l’inspecteur Azakov et le libraire Holbrook Byble.



Ce que j’aime chez Andreas, c’est cette atmosphère de mystère inquiétant qui émane de chaque planche. Le moindre personnage – même le petit chat qui passe – semble en savoir plus long que le plus âgé des Académiciens. Bons ou mauvais, leur personnalité fruit d’une longue expérience illumine les cases. Pas besoin de dialogue ; certaines situations sont simplement montrées, et c’est frappant !

Il faut cependant s’adapter au style d‘Andreas, qui abuse des traits surtout sur les visages. Pour moi cela fait partie de sa signature et je n’imagine plus son dessin autrement. Mais cela peut décevoir.



Le début d’une longue aventure. Je lirai toute la série, je n’ai plus le choix ; Capricorne m’a coincé.

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Quintos

1937 . Quelque part sur les routes d'Espagne...

Un camion roule à tombeau ouvert , direction Quimera – aucun rapport avec la chanteuse , cherchez pas...

A son bord , huit républicains convaincus , bien que de nationalités diverses , fermement décidés à venir en aide à leurs camarades alors encerclés par les fascistes !

Seulement voilà , lorsqu'un missile rencontre un poids lourd , il est bien rare que ce dernier s'en sorte indemne ! Commence alors pour les survivants une longue marche parsemée d'embûches , périple les contraignant à se découvrir , se supporter et parfois même , se trahir...tout en priant pour ne pas devenir le prochain martyr d'une menace nationaliste omniprésente !



L'intérêt notoire : la période historique approchée .

Le gros point noir : le survol en mode furtif de ladite période .



Dessin soigné , encrage raccord , rien à y redire .

L'on y découvre un groupuscule mû par un même idéal présentant , cependant , des origines pour le moins hétéroclites . Qui combattra par idéalisme , qui par opportunisme , qui par fanatisme , qui par athlétisme...difficile , dans ces conditions , de mettre sous l'éteignoir des dissensions ne demandant qu'à éclater au grand jour !

Si la découverte historique atteint pleinement son objectif sans , hélas , véritablement développer , il en est tout autre concernant un schéma narratif pour le moins répétitif !

Un bon moment de lecture , au final , passé en déplorant un méchant manque d'ambition .



Quintos...Athos , Porthos...La légende est en marche...

http://www.youtube.com/watch?v=24WM3-6zfjc
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Capricorne, tome 3 : Deliah

Un épisode délicieux, agrémenté d’humour loufoque.



Ce n’est pas une remarque en l’air. Jusqu’ici Capricorne se voulait passablement sérieux alors qu’ici la dimension humoristique se déplie grâce au catalyseur que représente Deliah.

Cette jeune fille, rejeton d’un homme de pouvoir, a une idée fixe : elle veut acquérir un super pouvoir. Pour ce faire elle fait la tournée de tous les établissements de sorcellerie-parapsychologie-escroquerie ayant pignon sur rue.

Et à chaque fois c’est l’échec.

Voire… chaque tenancier-sorcier qui croit pouvoir profiter de la candeur de Deliah voit ses petits tours partir en vrille. C’est systématique et répétable.

Ce don, Deliah ne l’aurait-elle pas déjà.

Le cher papa de la jeune fille engage Capricorne pour la surveiller… et ça n’est pas une sinécure car elle n’écoute personne et suit son instinct.



Toujours cette superbe atmosphère de mystère et de complot dans laquelle baignent des personnages tapis dans l’ombre qui surveillent nos héros, et d’autres personnages tapis dans une ombre plus profonde qui surveillent les surveillants, et… etc.

Toujours ce jeu dynamique avec la forme des cases de BD.

Et cerise sur le gâteau : une guest star aux longs cheveux blancs fait une courte apparition.
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Quintos

1937, la guerre civile fait rage en Espagne. Les nationalistes et les républicains s'affrontent dans une lutte sans merci. Bien décidés à lutter contre le totalitarisme, un groupe de neuf miliciens est en route pour rejoindre Quiméra. Malheureusement, ils sont pris pour cible et leur camion explose, faisant deux morts. C'est donc à pied qu'ils vont devoir continuer leur chemin, sous une pluie de balles. Ayant réussi à se mettre à l'abri, ils reprennent la direction du village. Ce sont donc Ernst, l'allemand un peu mystérieux, Françoise, la française, Paul, le Belge, Henry l'anglais, Dolorès et Manuel deux espagnols et John l'américain qui aime à donner des ordres qui apprendront à faire connaissance le temps du trajet. Des personnalités et des idéaux s'affirment...





Traitant d'une période sombre de l'Histoire, avec la montée du fascisme, cet album sans jamais vraiment l'évoquer, survole ces évènements en nous montrant ces sept volontaires, tous très différents mais prêts à défendre leurs droits. Cette escapade sera un moyen de révéler les personnalités de chacun. Dommage que l'auteur n'ait peut-être pas assez approfondi le ressenti et les motivations. Mais cet album est vraiment plaisant à lire.

Au niveau graphique, Andreas nous présente un bien bel album au trait anguleux et aux couleurs chaudes et limpides. Avec un découpage et une mise en page assez remarquables, il nous offre de superbes planches.



Quintos... international...
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Capricorne, tome 4 : Le Cube numérique

Ah, enfin l’épisode que j’attendais.

Celui qui révèle enfin le personnage maléfique qui devient la Némésis de Capricorne, le maître absolu du mal, j’ai nommé Mordor Gott (avec un prénom pareil, pas de doute sur sa filiation hein).

Capricorne et lui sont liés par un destin commun autant que paradoxal ; pôles positifs et négatifs irréconciliables et inséparables. C’est Docteur Fatalis et les Quatre Fantastiques, les X-men et Magnéto, Spiderman et le Bouffon Vert.

Je le connais par le tome de la BD Rork ; héros qui se retrouve aux prises entre ces deux individus. D’où mon attente.



Évidemment, le Cube Numérique apparaît aussi, objet étrange et puissant qui semble vouloir contrôler les destinées des deux personnages. Encore un avatar pour l’auteur Andreas lui-même ?



Une histoire toujours aussi fascinante. Andreas ne m’a jamais déçu sur ce point.

J’ai encore un tome en stock. Après il faut que je parte à la pêche car on ne les trouve plus facilement, sauf en intégrale noir et blanc…

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Capricorne, tome 2 : Electricité

Deuxième épisode de Capricorne, que j’ai trouvé un peu moins intéressant que le premier.

De là à pouvoir vous expliquer pourquoi… il y a un ravin. Car on reste dans le même genre d’histoire ; il s’agit d’une suite directe au premier tome. Peut-être le plaisir de la découverte qui n’est plus là.



Cap vient d’emménager dans un building qui réserve bien des surprises (mais tout réserve tout le temps des surprises dans cette BD, on ne peut jamais se reposer sur une connaissance sans qu’elle soit remise en question). Les personnes bien informées parlent de ses bas-fonds comme les personnages de Lovecraft parlent des Anciens et des choses qui murmurent dans les ténèbres. Les mystères d’une antiquité dinosauresque dominent l’atmosphère mais des hommes bons ou mauvais essaient de s’y colleter – de les dominer pour les hommes mauvais – avec les moyens scientifiques des années 1930 (des moyens plutôt « gasoline punk » par rapport à l’époque d’ailleurs).

Tout finit dans une confrontation à la King Kong avec un dieu du fond des âges qui auraient pu faire carrière dans la pub du maïs Géant Vert.



Les cadrages m’épatent toujours autant. C’est un plaisir de voir comment Andreas organise ses cases. Souvent un dessin pleine pages qui sert de bureau à plusieurs cases plus petites placées aléatoirement. Ça participe au mystère. Et il n’en manque pas.



Le cliffhanger de fin donne la bave aux lèvres.

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Capricorne, tome 9 : Le Passage

Loin d'être un doute passager, la question a fini par me hanter…

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Ce tome fait suite à Capricorne, tome 8 : Tunnel (2003) qu'il faut avoir lu avant. Il est recommandé d'avoir commencé par le premier tome pour comprendre toutes les péripéties. Sa première parution date de 2003 et il compte 98 planches de bande dessinée. Il a été réalisé par Andreas Martens pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il a été réédité en noir & blanc dans Intégrale Capricorne - Tome 2 qui regroupe les tomes 6 à 9. Ce tome présente une pagination double avec deux épisodes successifs, Le passage suivi de Le fragment, séparé par un interlude de 8 pages.



Le passage : Capricorne est parvenu à déchiffrer le rendez-vous mystérieux appelé Holy Minuit. C'est ainsi qu'il se retrouve allongé sur la toile d'un zeppelin en plein vol. il est persuadé que ce dirigeable transporte des personnages importants aux origines du Concept, cette organisation qui a envahi le monde, insaisissable, apparemment sans hiérarchie ni commandeur. Le Concept dont toute activité semble destinée à se terminer d'ici quelques semaines, le trente-et-un décembre. Toujours allongé sur la toile lisse, il rampe précautionneusement jusqu'à atteindre une bouche d'aération. Il n'a pas le choix, car il n'a pas la force d'aller jusqu'à une autre. Il ouvre la trappe et descend à l'échelle métallique verticale. Il se trouve sur les passerelles qui courent le long de la toile du zeppelin, entre les poutrelles métalliques sur lesquelles elle est tendue. Deux gardes viennent à passer. Il se cache et les écoute : un représentant de la police secrète est à bord. Il s’agit de Margaret Sandblast. Il continue à explorer le vaisseau et arrive dans une grande salle contenant trois cercueils oblongs. Soudain des pointes émergent de l'un d'eux.



Interlude : en 1909 quelque part dans une région rurale des États-Unis, Trent et son épouse Betty voient arriver une voiture vers leur ferme perdue au milieu des champs. Une fois arrivé devant leur porte, le conducteur se présente : Zander Kalt et sa femme Hilda. Puis un petit ballon atterrit en catastrophe à proximité, et il en sort un individu se présentant sous le nom d'Edmond.



Le fragment : le dirigeable est arrivé à sa destination avec à son bord des hommes d'équipage, et Samuel T. Growth personnage important du Concept, le docteur Milburn Sippenhaft, Joseph Jolly comptable du Concept, Mordor Gott, et Capricorne. Ce dernier a sauté pour ne pas se faire remarquer, et il se retrouve suspendu à un arbre accroché à une falaise verticale, dans une posture bien périlleuse. La souche lâche, et il parvient à se rattraper à une branche en-dessous. Il finit par perdre connaissance, mais sans lâcher prise. À l'intérieur du bâtiment perché sur un éperon rocheux, Mordor Gott découvre une complexe salle des machines. Il voit Joseph Jolly passer dans la cour en contrebas, et se dit que cet idiot va se faire repérer. Il est lui-même attaqué par un garde-robot.



Grosse surprise : l'auteur propose une double dose de Capricorne pour ce tome ! Par la force des choses, le lecteur reste avec la deuxième partie en tête en le refermant, mais il lui suffit de reparcourir les premières pages pour se souvenir du voyage tout en tension de la première partie. Il retrouve toutes les particularités narratives de l'artiste à commencer par des pages muettes, sans texte, ni mot, d'une clarté exemplaire : les planches 7, 9, 21, 23, 27, 28, 30, 32 pour Le passage, les planches 3, 4, 8, 11, 19, 28, 29, 30, 34, 45 pour Le fragment, et même deux planches pour l'interlude. Le lecteur se doute bien que Capricorne va s'inviter clandestinement au voyage de Samuel T. Growth, mais il ne sait pas quelle forme il va prendre. Il découvre un dessin en pleine page pour la planche 1 : le héros étendu sur une surface peu explicite. Il tourne la page et se retrouve face à un dessin en double page, qui lui coupe littéralement le souffle : une vue du dessus avec le dirigeable en premier plan, et la ville de Manhattan en dessous, pour laquelle Andreas ne s'est pas économisé, en représentant tous les gratte-ciels, énorme. C'est une constante dans cette série : l'artiste assure le spectacle pour le lecteur, soit avec des visions impressionnantes et mémorables, soit avec des constructions de page imaginatives. Au travers de cette petite centaine de pages, il est possible d'en citer de nombreuses.



L'œil du lecteur est également attiré par une autre caractéristique de la première partie : des pages ne comprenant que des cases avec une tête en train de parler. C'est une prise de risque car le dessinateur choisit d'utiliser des gros plans, c'est-à-dire de se priver de toute forme de langage corporel, à l'exception d'une inclinaison de tête et de l'expression du visage. Il y a trois planches (17, 18, 24) ainsi constituées, auxquelles il faut ajouter neuf demi-planches avec uniquement des cases comprenant un visage. Andreas dessine avec une manière bien à lui d'apporter une forme de simplification ou de caricature, mais sans aller vers une exagération de l'expressivité. Du coup, ces pages ne valent pas pour l'intensité émotionnelle qui s'affiche sur chaque visage, ou la nuance du sentiment exprimé, mais pour le contraste entre les différents interlocuteurs, par exemple la douceur du visage d'Ina Claire et la dureté de celui de Samuel T. Growth, ou encore le calme détaché du docteur Sippenhaft. De même, l'artiste ne s'attache pas à montrer comment évolue la prise d'ascendance sur la conversation, car il place chaque personnage au même plan. L'enjeu est plus de montrer la pluralité des points de vue, en fonction de la personnalité de chacun, de la raison de sa présence à ce moment-là. L'interlude présente la caractéristique d'avoir été reproduit à partir de dessins non encrés, ce qui leur donne une forme de douceur surannée, cohérente avec le fait que la séquence se déroule en 1909. Le fragment revient à des dessins très texturés, pour la pierre, la roche, la terre, les briques, la pluie. Comme à son habitude, l'artiste découpe ses planches en autant de cases qu'il estime adapté, d'un dessin en double page, à une page contenant 20 cases.



Le passage se déroule comme un huis-clos : les personnages se croisant ou s'évitant à l'intérieur du dirigeable, le caractère fini et fermé de cet environnement étant rappelé par la toile du ballon, et les poutrelles qui forment autant de figures géométriques qui s'imposent aux protagonistes comme des axes obligés. Andreas met en scène une dizaine de personnages : Capricorne, Mordor Gott, Joseph Jolly, Samuel T. Groth et son fils Cuthbert J. Growth, le capitaine Onslow, le docteur Milburn Sippenhaft, Margaret Sandblast, Thomas, Ina Claire, et plusieurs soldats anonymes. Chaque personnage est défini par son apparence, et un trait de personnalité majeure, le moteur de l'intrigue restant l'intrigue et non une étude de caractère ou un suspense d'ordre psychologique. Le scénariste gère les chassés-croisés avec élégance et plausibilité, intégrant des événements inattendus comme l'arrivée d'avions, ou le déclenchement d'un engin à pointes, objet récurrent dans la série. Il développe des composantes de la mythologie de la série, par exemple en expliquant ce que sont les mentors auxquels il a déjà été fait allusion, en révélant ce qui se trouve à l'intérieur d'un tel engin. Il s'amuse avec l'inspectrice peu commode de la police secrète du Concept, une femme de petite taille sans être naine, en surpoids qui rappelle la première version d'Amanda Waller, créée par John Ostrander & Luke McDonnell dans la version de 1987 de Suicide Squad. L'épilogue de cette première partie permet de comprendre le titre : Passage est le nom d'un personnage que le lecteur avait vu précédemment.



L'interlude s'avère fort sympathique, même si sur le moment le lecteur ne sait pas trop quoi en retenir, à partir une expérience de psychologie un peu cruelle. Il entame donc la seconde partie qui s'apparente à un chapitre à part entière de la série. Le dirigeable est arrivé à destination, et il suppose qu'il va suivre Capricorne dans une nouvelle étape menant aux instigateurs et aux dirigeant du Concept. Andreas met en œuvre les figures du genre aventure, totalement au service de sa propre histoire : situations périlleuses comme un individu accroché à une branche d'une falaise, combat contre un robot, nouvel individu mystérieux (Gordon Drake ?), un laboratoire technologique, des créatures de boue, des silhouettes encapuchonnées, trois vieux sages, une immense pierre gravée ronde à laquelle il manque un fragment, une évasion spectaculaire en ballon avec une petite nacelle, et une avalanche de révélations majeures. Le lecteur ne s'attendait pas à ces dernières, à leur concision et à leur originalité concernant le Concept, avec une forme d'inspiration tirée de l'expérience de Stanley Milgram (1933-1984), et une autre tout aussi majeure concernant l'identité de Capricorne. Il apprécie le rythme très différent de celui de la première partie et le retour à une narration visuelle riche en péripéties, ce qui contraste avec Le passage.



Le lecteur découvre un tome double d'une grande richesse à la fois sur le plan visuel, à la fois sur le plan de l'intrigue, passant d'un huis-clos tendu, à une aventure pleine de révélations, avec une narration visuelle toujours aussi variée. L'auteur résout un nombre significatif de mystères de premier plan de sa série, tout en continuant d'en nourrir d'autres, sur le principe du feuilleton. Un divertissement de haut vol.
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Capricorne, tome 4 : Le Cube numérique

Ces murs racontent une histoire.

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Ce tome fait suite à Capricorne, tome 3 : Deliah (1997) qu'il faut avoir lu avant. Sa première parution date de 1998 et il compte 46 planches de bande dessinée. Il a été réalisé par Andreas Martens pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il a été réédité en noir & blanc dans Intégrale Capricorne - Tome 1 qui regroupe les tomes 1 à 5.



Capricorne est en train de faire un cauchemar, éveillé puisqu'il ne dort plus. Il éprouve la sensation d'être un géant dans New York et de clamer son vrai nom à haute voix, différent à chaque fois : Jack Curtiss, William Erwin, Jacob Kurtzberg, Willis Rensie. Ash Grey le touche délicatement à l'épaule et il revient dans la réalité : il lui rappelle que s'il prononce son vrai nom à New York, cela provoquerait des catastrophes. Or il a oublié comment il s'appelle vraiment : il court donc le risque de dire son nom sans le savoir. Il se dit qu'il devrait quitter la ville pour quelque temps. Grey lui présente une personne qui l'attend : Miriam Ery, une jeune femme qui aimerait écrire ses aventures, comme celle du cimetière, des trois démons et tous ces gens bizarres. Avant que Capricorne ne puisse répondre comme il l'entend, l'inspecteur Azakov entre dans la pièce : il vient demander un coup de main dans une affaire plutôt périlleuse.



Peu de temps après, Azakov, Capricorne, Grey et Ery se retrouve dans un navire, sur une mer agitée. L'inspecteur de police explique qu'il était sur le point de démanteler l'organisation du Dispositif quand leur chef Jeremy a fait alliance avec un individu qui a tout restructuré. La présente affaire est donc un peu sa dernière chance. Il explique : un des meilleurs agents de la police, Albert Ranzig, surveille discrètement les agissements du Concept, sorte d'association militante. Cette organisation est assez active côté propagande : entre autres, ils recrutent tous les hommes de main disponibles. Or Ranzig les a informés que quelqu'un d'autre que le Concept cherchait des hommes pour une opération d'envergure. La police a pu remonter la filière jusqu'à un ancien chantier naval. Tous les indices démontraient qu'un bâtiment aux dimensions impressionnantes y avait été construit récemment. Mais la piste s'arrêtait là. Jusqu'à ce qu'ils reçoivent une photographie prise par un touriste à bord d'un paquebot, montrant un phénomène curieux. Le navire d'Azakov suit une ligne droite entre le chantier et l'endroit où la photographie a été prise. Alors qu'Azakov explique tout ça à Capricorne, Johnson, le radio du navire, les espionne. Il est surpris par le capitaine Durham qui lui enjoint de regagner son poste. Johnson obtempère et en profite pour adresser un message codé à un destinataire inconnu : les pêcheurs lancent le filet. Pendant ce temps-là New York, Astor se félicite de ne pas avoir eu à partir avec les autres, et il soigne ses livres dans la bibliothèque sans fin du 701 de la Septième avenue. Il voit passer un chat et il lui court après. Il parvient à une pièce qu'il n'avait pas encore explorée et dans laquelle un livre sur un présentoir émet un halo surnaturel.



C'est parti pour l'aventure et ça ne traîne pas : dès la planche 4, les personnages sont en pleine mer en route pour l'inconnu. Planche 9 : ils découvrent un phénomène lumineux inexplicable de grande ampleur au beau milieu de l'océan, et planche 12 se produit l'apparition d'un navire dont le gigantisme défit l'entendement. Le lecteur se délecte de mélange de phénomène mystérieux indicibles légèrement parfumés à la HP Lovecraft, et de voyage extraordinaire avec un zeste de jules Verne. Il constate également qu'il y a une once continuité car les explications de l'inspecteur en planche 5 font écho à celles d'Ash Grey en planche 33 du tome 1 également sur de mystérieuses lumières en plein océan. Et pour cause, dans les deux cas, il s'agit du lieu où l'Objet a été retrouvé. L'auteur développe une continuité à la fois lâche et serrée dans sa série. D'un côté, ce tome peut être lu pour lui-même, presque sans avoir lu les précédents. Dans ce cas-là seules deux ou trois pages restent muettes pour le lecteur : Astor dans sa bibliothèque, l'identité de Mordor Gott et son lien avec Capricorne. Pour le lecteur de la première heure, la continuité apparaît comme une évidence (l'Objet du premier tome), mais aussi comme devant être consolidée par des liens qu'il doit lui-même établir, car n'étant que sous-entendus. Ainsi, il lui appartient d'accoler le prénom de Jeremy avec son nom de famille pour relier cette ombre mystérieuse à un personnage récurrent. Il lui faut également faire l'effort de se rappeler de l'origine de Mordor Gott pour comprendre l'impression de Capricorne de déjà le connaître. La série est tout autant tentante car il en découvre un peu plus à chaque tome, que frustrante car il reste bien des choses à découvrir, comme le vrai nom de Capricorne.



D'ailleurs la page d'ouverture se présente comme un dessin en pleine page, avec un New York onirique vue avec une déformation Œil de chat, une planche très dense du fait du nombre de gratte-ciels, et également un hommage de l'auteur. En effet, Capricorne cite Jack Curtis (acteur, 1880-1956), William Erwin (acteur, 1914-2010), Jacob Kurtzberg (1917-1994, Jack Kirby), Willis Rensie (1917-2005, Will Eisner). Comme d'habitude, le lecteur absorbe les mises en page et les visuels qui sortent de l'ordinaire. Il y a bien sûrs des passages d'action à couper le souffle : le navire agité par les flots, le phénomène lumineux, l'apparition de l'aileron métallique géant, la première vision du bras pincé effilée (également un dessin en pleine page), la vision de la cité engloutie, et bien sûr le cube numérique lui-même. L'artiste ne se contente pas d'en mettre plein la vue dans des images révélations, la narration visuelle au fil de l'eau recèle également des moments mémorables. Dès la planche 2, il joue avec le contraste de rectangles noirs verticaux (des montants de porte et des cadres) et des rectangles blancs ou colorés, montrant que les êtres humains (avec des formes moins géométriques et quelques courbes) évoluent dans un espace très géométrique.



Dans la planche 67, il réalise une vue plongeante des rayonnages de la bibliothèque chargés d'une centaine de bibelots tous différentes dans une case de la hauteur de la page sur la gauche de la page, avec des cases en drapeau sur la droite, montrant les déplacements d'Astor. La planche suivante reprend ce principe d'une case de la hauteur de la page, cette fois-ci sur la droite, et de cases correspondantes sur la gauche, avec en plus des inserts. Le dessinateur continue de faire œuvre de variété dans les mises en page, avec une utilisation toujours pertinente des cases de la hauteur de la page, sans jamais donner l'impression de transformer ces cases en un stratagème pour dessiner moins. Dans ce tome, il met en œuvre à plusieurs reprises des ombres chinoises. Il y a bien sûr la silhouette du mystérieux Jeremy responsable de l'organisation secrète du dispositif, mais aussi la silhouette du gigantesque navire et de sa partie émergée, ainsi que des pinces. Pour le navire, ce choix graphique traduit l'immensité du navire qui rend impossible sa perception dans son entièreté. Le lecteur note également des cases qui se répondent : pas des cases à l'identique, mais des cases similaires ou de même thème. Par exemple, le dessin en pleine page de la cité engloutie (planche 20) répond au dessin en pleine page de New York en planche 1.



Dans ce quatrième tome, Andreas utilise la trame très classique d'une aventure vers l'inconnu, avec une part d'exploration, et une part d'anticipation. Alors même que la personnalité des protagonistes reste peu développée, le lecteur se sent accroché par la découverte et par l'action. L'auteur fait preuve d'une solide inventivité avec le navire aileron gigantesque et le cube numérique qui se trouve sous l'eau. Les séquences d'action piochent dans les situations classiques, et elles sont exécutées avec assez de personnalité pour sortir des clichés prêts à l'emploi. Andreas utilise à nouveau le principe d'un récit dans le récit, avec des hauts reliefs sur un mur racontant une histoire antique, comme il l'avait fait dans le tome 2 avec la construction cyclopéenne en sous-sol du gratte-ciel du 701 de la Septième avenue. Là encore l'utilisation de cases de la hauteur de la page met en avant un élément qui domine les autres : le cube numérique en haut de case, en position élevée par rapport aux humains en bas de case. Puis le récit passe par une phase d'affrontement très personnels entre Capricorne et Mordor Gott, impliquant plus le lecteur qui s'identifie tout naturellement avec le héros. Les trois interludes consacrés à Astor s'avèrent très intrigants, annonçant des développements à venir dans les tomes suivants, dans la logique d'une histoire à suivre sur le long terme.



Bien sûr, il se crée un phénomène d'accoutumance (peut-être pas de dépendance quand même) dans une série au long cours, et le lecteur retrouve avec plaisir la familiarité d'un univers qu'il a appris à connaître. Ce phénomène fonctionne à plein pour ce quatrième tome, accentué par les révélations savamment distillées par l'auteur. Il y a aussi et avant tout une aventure originale qui rend hommage explicitement et implicitement à des auteurs renommés du genre, avec une narration visuelle dense et travaillée, le tout réalisé par un conteur de haut niveau.
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Capricorne, Tome 16 : Vu de près

Il est peut-être temps que vous en sachiez un peu plus.

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Ce tome fait suite à Capricorne, tome 15 : New York (2011) qu'il faut avoir lu avant. Il est recommandé d'avoir commencé par le premier tome pour comprendre toutes les péripéties. Sa première parution date de 2012 et il compte 46 planches de bande dessinée. Il a été réalisé par Andreas Martens pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il a été réédité en noir & blanc dans Intégrale Capricorne - Tome 4 qui regroupe les tomes 15 à 20, c’est-à-dire le quatrième et dernier cycle.



Capricorne est de retour à New York, et New York est de retour à son état normal, réparée et entière. Apparemment les choses ont repris leur cours. Tout est redevenu normal. Les machines fonctionnent. Les lignes de communication sont rétablies. Tout va bien. Apparemment. Mais vu de près ? Des détails. Pas tout à fait à leur place. Pas tout à fait dans l’ordre. Pas tout à fait. Comme des petits malaises. Pas un grand malaise, mais des petits, ici et là. Capricorne a des choses pas faciles à dire à Ash. À Astor. Et à Fay. Pour réunir les deux moitiés de New York, il a passé un marché avec Dahmaloch. Ce dernier a respecté son engagement. À lui Capricorne maintenant d’honorer le sien. Il ignore combien de temps il sera absent. Ou même s’il reviendra du tout. Ce qui l’a obligé de se trouver un remplaçant. Il annonce cette nouvelle à Astor qui le prend très mal. Il craint que son maître ne se fasse duper par une entourloupe de Dahmaloch. Ash Grey et le Passager se font face. Elle est toujours sous le choc des actions qu’elle a accomplies. Il lui indique qu’elle n’a rien à se reprocher : elle l’a fait pour lui sauver la vie. Elle répond qu’elle a besoin de retourner chez ses amis, ce qu’il comprend et accepte bien volontiers.



Fay O’Mara a apporté à Rhinestone, les clichés qu’elle a pris de New York avant sa restauration à son état antérieur. Il les prend bien volontiers. Elle fait remarquer qu’elle n’a pas été payée, en pointant un pistolet vers lui. Il repart sans les photographies et se fait conduire directement chez un individu aux mains abimées. Il lui propose de louer ses services de tueur à gages pour abattre le Passager. Son interlocuteur décline l’offre. Rhinestone sait ce qu’il lui reste à faire. Astor et le chat sont seuls dans le salon. Il parle à l’animal, lui demandant s’il l’entend aussi. Comme un cliquetis. Pas la première fois qu’il le remarque. Ash Grey entre dans la pièce. Il lui dit que Capricorne l’attend avec impatience dans son bureau. Elle y pénètre et ils se serrent fort dans les bras. Elle se confie à lui. C’est la première fois depuis des mois qu’elle se sent en sécurité. Elle sait qu’elle a changé. Elle a tué des gens. Certes en se défendant. Elle ne comprend pas ce qui lui arrive. Elle et Capricorne ont vécu des tellement de choses ensemble et toujours elle en est sortie entière et même plus forte. Et puis elle a rencontré le Passager. En quelques mois, elle change, elle s’effondre. Pour elle Capricorne donne, le Passager prend. Elle demande à Capricorne de lui promettre qu’il ne partira plus jamais.



Dans la première planche, une contreplongée en gros plan du visage de Capricorne, le personnage principal se fait la remarque que vu de près des détails ne sont pas tout à fait à leur place, pas tout à fait dans l’ordre. Le lecteur ne s’attend pas à ce que cette notion de vu de près s’applique à la narration visuelle. À l’exception des planches 19 à 21, les pages ne comprennent que des gros plans, et même plus majoritairement des très gros plans, la plupart sur des visages, des portions de visage. C’est un pari osé à double titre. D’abord, cela limite singulièrement les possibilités de la narration visuelle. Par exemple, toute la place dans la case étant occupée par une portion de visage, le lecteur ne peut pas regarder les personnages se déplacer, ou accomplir une action, entrer ou sortir d’un lieu, changer d’environnement. Ses informations passent la plupart du temps par les dialogues, à l’exception de quelques gros plans sur des mains, parfois même un pied, ou un objet. Ensuite, les dessins d’Andreas ne relèvent pas d’un registre photoréaliste, mais d’un équilibre entre simplification des formes et exagérations des physionomies, ce qu’il accentue encore ici avec des très gros plans, ou des angles de vue très inclinés. À quelques reprises, il s’amuse avec ces déformations jusqu’à aboutir à un dessin abstrait ne devenant figuratif que par son lien avec la case précédente ou la suivante, qui permet de situer la portion de visage dessinée. Du fait de ces deux caractéristiques, la narration visuelle perd une grande partie de ses atouts spectaculaires, de sa mise en scène, de l’intelligence des prises de vue.



Ce choix de très gros plans conduit à privilégier les dialogues, permettant d’alterner d’un personnage à un autre, sans avoir à montrer des actions ou des déplacements. Cela commence avec un échange entre Capricorne et Astor. L’artiste fait preuve d’une étonnante diversité dans les plans de prise de vue : alternance de champ et de contrechamp, mais aussi mouvement de caméra autour de la tête du personnage toujours en très, très gros plan, contreplongée accentuée jusqu’à donner l’impression que le visage tient dans une surface plane. Puis c’est une discussion entre Fay O’Mara et le riche homme d’affaire Rhinestone : des gros plans de photographies de gratte-ciels dont il manque une partie des étages, gros plan sur la main tenant le cigare, gros plan sur un pistolet, la prise de vue s’avère fort différente de celle de la première séquence. Puis Rhinestone va rencontrer le tueur à gage : gros plans sur la tête du chauffeur, sur la roue de la voiture, sur le phare de la voiture, sur un verre d’alcool. Retour à Astor et son chat, à Capricorne et Ash Grey, et retour à ces très gros plans avec des mèches de cheveux tout en angles vifs. Par la suite, la séquence consacrée aux souvenirs du Capitaine Oliver Durham et de Gordon Drake vient ramener une narration visuelle traditionnelle au milieu de l’ouvrage, avec une dimension spectaculaire qui ressort d’autant plus. Puis l’artiste revient aux gros plans avec une volonté de diversité : gros plans sur des mains, une étonnante course-poursuite en gros plans qui fonctionne grâce à la l’utilisation d’une partie des gouttières pour figurer différentes rues, la planche 35 qui raconte les gestes d’une personne avec un fort contraste entre noir & blanc, la planche 40 montrant Ash s’approchant de son avion, la planche 43 qui se compose de cases noires, de cases blanches et cases avec des cercles concentriques. Enfin, Andreas réalise cinq planches muettes toujours aussi facile à lire et à comprendre.



Sous réserve qu’il ne se crispe pas sur ce choix narratif visuel très singulier d’utiliser des gros plans et des très gros plans, le lecteur savoure le plaisir de retrouver les personnages et de progresser dans l’intrigue. Il continue d’être présent dans l’intimité très digne de Capricorne et Astor, le premier ayant accepté sa propension à se montrer honnête et altruiste, à tenir ses promesses, le second résigné à cet état fait et lui en tenant rigueur malgré lui, parce qu’ayant peur de perdre son ami du fait de son sens du devoir. Il souffre en voyant Ash Grey continuer à perdre pied, sa confiance en elle ayant été détruite, tout en étant consciente de ce qui lui arrive. Elle s’est rendu compte que dans sa relation Capricorne donne, alors que le Passager prend. Pour autant, elle ne sait pas comment faire évoluer sa relation avec ce dernier. Le Passager apparaît alors comme un individu animé de mauvaises intentions, un manipulateur égocentré. Le lecteur apprécie la ressource dont fait preuve Fay O’Mara. Il fait connaissance avec plaisir de madame Pinkra Core, la seconde propriétaire du 701 Seventh Avenue à New York, dont le propriétaire est maintenant Capricorne. Il éprouve plus ou moins d’émotion à revoir la mère putative de Capricorne.



L’auteur commence avec une gentille attention pour son lecteur : Capricorne synthétise la situation dans sa tête, rappelant ce qui s’est passé dans le tome précédent, avec un renvoi en bas de page audit tome. Par la suite, les personnages évoquent des événements de tomes passés, le numéro du tome correspondant étant indiqué en bas de page ou en bas de case. Sont ainsi référencés les tomes 5, 9, 13, 14 et 15. Le lecteur perçoit également comme des échos, des phrases qui répondent à d’autres. Ainsi il comprend qu’après la réunification de New York, Gordon Drake s’est retrouvé au milieu de Central Park, sans savoir comment, exactement comme Capricorne y est apparu dans le premier tome de la série. Lorsqu’il évoque ses souvenirs avec le capitaine Duncan Onslow, Gordon Drake expose à son interlocuteur, sa conviction que le soi-disant destin n’existe pas sinon en tant que solution facile à laquelle doit s’opposer tout être désireux de vivre selon ses propres choix. Cela fait écho à Growth dans le tome précédent déclarant qu’il est maître de sa vie, qu’il le veuille ou non, une conviction très proche de celle des Mentors. Lors d’une séance de spiritisme, Capricorne voit apparaître le mot Terminus, en écho à Wattman Worm prononçant ce même terme après la réunification de New York dans le tome précédent. En outre, le lecteur en apprend plus sur la première apparition des pierres de l’apocalypse et sur la genèse de l’organisation des Mentors. Sans oublier le retour de deux personnages bien mystérieux. En prime, Astor pose à Capricorne des questions fondamentales. Où était-il avant de venir à New York ? Qu’est-il venu faire ici ? Pourquoi et surtout comment le fait d’avoir prononcé son nom a pu déclencher les bouleversements qu’ils viennent de vivre ? Le lecteur prend chacune de ces interrogations comme une promesse de réponse de la part de l’auteur.



Andreas poursuit son intrigue au long court avec une narration visuelle toujours aussi inventive. Pour cet album, il raconte son histoire avec presque exclusivement des gros plans, ce qui est une contrainte très forte pour un récit où le spectaculaire constitue une part importante. Sous réserve de ne pas être rétif à ce choix, le lecteur se rend compte que l’artiste fait preuve de son inventivité habituelle pour la narration visuelle. Il retrouve avec plaisir le trio de personnages principaux, chacun attendrissant à leur manière. Il s’immerge dans les mystères qui se dévoilent progressivement et les schémas qui commencent à apparaître.
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Capricorne, tome 11 : Patrick

Dans une image, chacun voit ce qu'il veut.

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Ce tome fait suite à Capricorne, tome 10 : Les Chinois (2005) qu'il faut avoir lu avant. Il est recommandé d'avoir commencé par le premier tome pour comprendre toutes les péripéties. Sa première parution date de 2006 et il compte 46 planches de bande dessinée. Il a été réalisé par Andreas Martens pour le scénario et les dessins, et par Isabelle Cochet pour les couleurs. Il a été réédité en noir & blanc dans Intégrale Capricorne - Tome 3 qui regroupe les tomes 10 à 14, c'est-à-dire le troisième cycle.



Quelque part dans la campagne, les arbres et l'herbe sont bien verts. Patrick est en train de fleurir une tombe. Rectangle noir. Il dépose un bouquet et un pot de fleurs sur la tombe de son frère Erik. Puis il va ranger son arrosoir dans sa carriole qu'il tire pour rentrer chez lui. Une fois entré, il entend une voix faible le héler. Il s'approche du lit où est allongé Capricorne et il lui remonte le drap, tout en constatant avec satisfaction qu'il est réveillé. Il se présente et lui explique qu'il l'a trouvé sur la route à quelques kilomètres d'ici. Quelqu'un a tiré sur capricorne : la balle a traversé son épaule. Il n'y a pas eu trop de dégâts, mais il a perdu pas mal de sang. Pour l'instant, il a surtout besoin de reprendre des forces. Patrick va lui préparer un bouillon chaud. Son hôte parvient à se présenter : Brent Parris. Patrick sort, et le convalescent ferme les yeux.



Le soir, Patrick est de retour avec le bouillon chaud qu'il fait avaler à Brent en le lui donnant à la cuillère. Il lui demande ce qu'il s'est passé. le blessé répond qu'il croyait connaître les gens, mais qu'il s'est trompé sur toute la ligne. Il avait débarqué dans un hameau où régnait une sale ambiance. Il n'a pas voulu intervenir, mais dans les rares relations qu'il a eues avec ces gens, il s'y est très mal pris. Il ne sait pas juger son prochain, et avec les enfants il est lamentable. D'où le trou dans son épaule. Sa propre bêtise ! Brent a conscience qu'il se vidait de son sang sur la route et qu'il allait devoir affronter la mort. Seule sa perte de conscience l'a sauvé de la peur panique qui l'envahissait, la peur de mourir seul. Patrick l'a écouté, et il lui suggère de dormir un peu, en sortant de la chambre. Brent ferme les yeux. Il rêve d'une silhouette avec une tête enflammée qui pointe un index vers lui. le matin, il est réveillé par Patrick qui lui apporte un petit déjeuner chaud, au lit. Brent commence à raconter son rêve bizarre, mais sa voix vient à s'éteindre. Il la retrouve rapidement, et son hôte suppose que c'est peut-être une conséquence de l'accident. Brent propose que Patrick parle de lui. Ce dernier répond que ça fait quelques années que les gens ont du mal à le supporter, et que lui ne les supporte plus du tout. Alors il est venu s'installer ici, un peu à l'écart. Il continue : l'imperméable de Brent est fichu. Il en a vidé les poches avant de le jeter. Il en tend le contenu au convalescent : des cartes et des feuillets avec l'histoire que Miriam Ery avait écrite. Il se dit qu'il pourra la lire pour recouvrer ses souvenirs. Enfin, il peut se lever et aller jusqu'au salon. Il remarque des peluches sur le canapé.



Deuxième tome consacré à une nouvelle étape sur le long retour de Capricorne vers New York. Après le drame de l'histoire précédente, le lecteur ne sait pas trop à quoi s'attendre. Il comprend rapidement qu'il s'agit de la phase de convalescence du héros, après s'être fait tirer dessus par un enfant. Il va donc séjourner quelque temps dans cette maison, avec Patrick pour unique compagnie. Deuxième histoire de type drame, encore plus intimiste que le précédent puisque tout se déroule entre Patrick et Brent Parris. le lecteur se retrouve très loin des récits d'aventure du premier et du deuxième cycle. Dans un premier temps, il s'amuse même à relever les remarques qui relèvent d'un constat introspectif, ou sur la maturité de l'individu. Cette remarque de Capricorne qui croyait les connaître les gens et qui a fait l'expérience qu'il s'est trompé sur toute la ligne, qu'il ne sait pas juger son prochain. S'il est sensible à ce genre de remarques, il en relève d'autres comme : tôt ou tard, on doit s'avouer ses défauts. C'est quand on prend conscience de nos limites et de celles imposées par la société, et qu'on les assume, qu'on devient adulte. Mais gare à ceux qui perdent jusqu'au dernier fragment de leur âme d'enfant. Dans une image, chacun voit ce qu'il veut. C'est en perdant nos parents que nous cessons d'être des enfants. Etc. Les deux personnages ne sont pas en train de faire un point sur le développement personnel : il ne s'agit pas pour eux de se résigner, ils sont dans la phase d'acceptation. Ils ont appris à se connaître.



S'il lit ce tome dans l'intégrale en noir & blanc, le lecteur regrette de ne pas pouvoir profiter de la couleur, tout en appréciant le fort contraste entre noir & blanc. Il se souvient également peut-être de l'introduction d'Antoine Maurel qui évoquait les défis graphiques que le créateur s'impose. Ça commence par ce rectangle noir qui est à cheval par-dessus une partie des cases deux et trois de la page qui en compte quatre, chacune de la largeur de la page. Il se souvient que l'artiste lui avait déjà fait un coup semblable avec un chat dans le tome Capricorne, tome 5 : le Secret (2000). Dans ce tome, le dispositif est similaire, utilisé avec parcimonie, amenant à la révélation du dessin complet, qui apporte de la profondeur à ces cinq images superposées aux cases à l'horizontale, à de nombreuses pages d'intervalle. le lecteur constate rapidement que l'artiste s'est fixé comme défi de n'utiliser que des cases de la largeur de la page, entre quatre et neuf par page, avec l'exception d'un dessin en pleine page en planche 24. Cette contrainte qu'il s'impose présente un degré élevé, avec le défi d'imaginer des prises de vue qui tirent profit de ces cases en écran très large. de temps à autre, l'artiste se contente d'un élément dessiné en milieu de case, ou bien d'un côté ou de l'autre, sur fond blanc ou sur fond noir, laissant le reste de la case vide de toute information visuelle. Ces cases sont conçues pour obtenir un effet vis-à-vis du personnage ou de son action. L'artiste introduit de la variété à deux autres reprises : un dessin en pleine page en planche 6 qui est découpé en cinq bandes de quatre cases de taille identique, et en planche 37 un dessin occupant toute la page sauf la bande inférieure, artificiellement découpé en six cases de la largeur de la page.



À l'exception de la planche découpée en vingt cases et de celle avec un dessin en pleine page, le créateur s'en tient à son dispositif de cases de la largeur de la page. le lecteur constate que le niveau de détails descriptifs est élevé, presque au même niveau que le tome précédent. Andreas fait en sorte d'ancrer son tête-à-tête dans une réalité concrète et palpable. Il n'y a que lors de la discussion de nuit que le noir vient remplacer les arrière-plans, pour créer une atmosphère propice aux confidences, et aussi aux regrets, à la tristesse. le dessinateur en profite pour passer en mode gravure avec des lignes parallèles serrées, évoquant également un peu le travail de Bernie Wrightson. de fait, lorsque l'effet de cases de la largeur de la page est intégré par le lecteur, il en vient à l'oublier, la qualité de la narration visuelle reprenant le dessus. L'auteur resserre encore sa mise en scène avec cette discussion en tête-à-tête dans la pénombre nocturne, avec juste un feu de cheminé. Pendant vingt pages, Patrick et Brent se parlent doucement, avec des souvenirs, des silences. le premier fait la lecture au second, le récit écrit par Miriam Ery, puis il se lance dans des confidences. Alors que la représentation des émotions dans le tome précédent n'était pas entièrement convaincante, ici l'artiste trouve le juste équilibre entre sa façon de simplifier les traits de visage et une forme de sobriété dans la direction d'acteurs. Alors même que la scène est statique et incite le lecteur à se concentrer sur l'histoire dans l'histoire, celle lue par Patrick, il se rend compte qu'il observe également ces deux hommes assis dans leur fauteuil avec une forme de tendresse, un peu plus forte que de la simple empathie.



Le dialogue mêle ce texte imbibé de la mythologie de la série, et l'émotion qui étreint de plus en plus Patrick qui le lit. D'un côté, il est ravi que Brent Parris explicite ce qu'est un Capricorne : un individu lié à la ville de New York, qu'il protège à sa façon. Il apprend la raison pour laquelle Dahmaloch se sent lié à Capricorne. Il note dans un coin les deux nouveaux personnages de la mythologie : le corsaire Preston Theroux et Tom Flanagan. Dans le même temps, il voit l'effet que cette histoire produit sur Patrick qui la lit. Il est touché par l'émotion qui s'empare de lui. Après coup, il se rend compte que ce passage montre un personnage ému par une histoire dans l'histoire, comme lui lecteur est ému en lisant l'histoire de Patrick, une élégante mise en abîme. Il est également touché par les moments pendant lesquels Brent perd sa voix : comme si s'exprimer devient une épreuve impossible à surmonter, ou comme si une force supérieure lui impose le silence. Il voit aussi deux hommes qui ne sont pas dans l'action, qui ne se connaissent pas, dont l'un malade est le débiteur de l'autre qui l'héberge et le soigne. Deux hommes calmes et posés qui ont conscience de leur propre malaise et du malaise de l'autre, qui prennent du recul, sans savoir comment débloquer leur situation de souffrance émotionnelle, sans savoir comment aider l'autre, ou au moins le soutenir. Il reste quelques phrases un peu gauches, mais le processus mis en scène bénéficie d'une sensibilité honnête et juste qui emporte l'empathie du lecteur.



Dans un premier temps, le lecteur comprend qu'il s'agit d'une autre étape sur le chemin du retour de Capricorne, un autre drame. Puis il constate le défi visuel : raconter une histoire avec uniquement des cases de la largeur de la page. L'artiste est assez aguerri pour tirer profit de cette contrainte qu'il s'impose lui-même, avec une variété de plans que le lecteur n'aurait pas cru possible. Il ne pensait pas que l'album serait constitué pour moitié d'une discussion au coin du feu entre les deux personnages. Il se laisse prendre au jeu, et ressent que le créateur a réussi son pari : l'un et l'autre sont conscients de leurs défauts, et ils parviennent à communiquer sur un plan émotionnel, à passer d'une phase de résignation à une phase d'acceptation. du grand art.
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Capricorne, tome 8 : Tunnel

Dans une guerre, il n'y a que deux vérités : la souffrance des victimes, et la comptabilité.

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Ce tome fait suite à Capricorne, tome 7 : Le Dragon bleu (2002) qu'il faut avoir lu avant. Sa première parution date de 2003 et il compte 46 planches de bande dessinée. Il a été réalisé par Andreas Martens pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il a été réédité en noir & blanc dans Intégrale Capricorne - Tome 2 qui regroupe les tomes 6 à 9, dont le récit Le Fragment.



Prologue en 1626 sur l'île qui deviendra Manhattan, un amérindien dénommé Capricorne est en train de s'adresser à un petit groupe, prophétisant que l'homme rouge sortira des souterrains qui sont devant eux, inattendu et foudroyant comme le feu qui tombe du ciel, le tomahawk à la main, l'arc bandé, pour ravager la colonie. Les jours de l'homme blanc sont comptés ! Les autres ont sorti un homme après avoir creusé un tunnel dans la grotte, et celui-ci déclare qu'il y a vu sa vie, et autre chose. Capricorne estime que le plus sage serait de céder l'île au gouverneur de la Nouvelle Amsterdam. Quelques jours ou semaines dans le futur, Miriam Ery est assise devant sa machine à écrire, elle contemple un carnet dont des pages ont été arrachées, et elle se met à écrire. Depuis le début de la guerre du Concept, la publication de ses romans relatant les aventures de Capricorne s'est interrompue. Mais elle se sent obligée à poursuivre la chronique, au moins jusqu'au départ précipité de son personnage principal. En outre, elle doit consigner par écrit l'étrange incident la concernant, dont le souvenir semble vouloir s'estomper de sa mémoire. Tout commença une nuit du mois d'août…



Au temps présent, une berline file dans les rues de Manhattan la nuit. Son conducteur doit s'arrêter car un barrage de policiers le somme de stopper. Le conducteur tend un laissez-passer prioritaire, mais les soldats lui intiment de sortir, ainsi que Samuel T. Growth, son passager. Une fois qu'ils ont été extirpés du véhicule et un peu éloignés, un soldat jette une grenade dans la voiture qui explose. Ils repartent en jeep avec leur prisonnier. À côté de la carcasse du véhicule, une plaque d'égout se soulève. Et une main récupère la sacoche du général portant le logo du Concept. Isaak, un clochard, la met dans sa cariole qu'il tire derrière lui dans les égouts. Un nouveau groupe de réfugiés rejoint les rebelles ayant établi leur camp dans les égouts. Parmi eux se trouvent Fay O'Mara, une jeune femme, et Hiram Szbrinowski, un géologue. Ils sont bien accueillis par la communauté, par Ash Grey en particulier. L'homme encapuchonné récupère la sacoche des mains du clochard. Il se dirige avec vers Capricorne pour lui montrer les documents, alors que celui-ci est en train de faire connaissance avec Fay O'Mara. Il ouvre la sacoche et y trouve un document adressé à Samuel T. Growth de rejoindre le triangle, pas de mention de date ou de lieu, juste un code : Holy Minuit. Miriam Ery fouille à son tour ce qu'a ramené Isaak et elle y trouve une paire de gants qu'elle essaye.



L'affrontement incroyablement spectaculaire du tome précédent n'a pas mis fin comme par enchantement, au régime totalitaire du Concept. Le lecteur replonge donc dans cette dystopie semblant se dérouler au milieu du vingtième siècle. Il est entendu que Capricorne est le héros de ce récit d'aventure : il est donc forcément opposé à la dictature, d'autant plus qu'il a été torturé dans un camp de détention. Pour autant, le scénariste ne choisit pas de l'en faire triompher en deux temps et trois mouvements, avec l'aide d'une poignée de rebelles. L'objectif est de parvenir jusqu'au centre d'analyse de ce mystérieux mouvement pour s'emparer de documents révélateurs. Là encore, pas de solution miracle : installés dans les égouts, les rebelles s'arment de pelles et de pioches pour creuser un tunnel. Ils se doutent bien que leur entreprise présente peu de chances d'aboutir puisque l'île de Manhattan est faite d'une solide roche. Conformément aux conventions du récit d'aventure, une opportunité inespérée va se présenter à eux. Mais ce n'est pas tout… En parallèle de cette entreprise, un haut responsable du Concept a été enlevé par un dénommé Joseph, analyste pour le Concept, et une poignée d'hommes armés.



Entremêlé au fil narratif principal, celui de Capricorne, le lecteur découvre des éléments surnaturels qui viennent enrichir et étendre la mythologie de la série. Cette dimension est présente dès le premier tome, et elle continue à se développer. La page d'introduction établit qu'il y a déjà eu un individu s'appelant Capricorne par le passé, au dix-septième siècle, et que déjà à l'époque, il y avait des choses mystérieuses dans le sous-sol de Manhattan. De plus, il est fait référence directement aux trois vieilles femmes du premier tome, vraisemblablement les Moires, et aux cartes du destin qu'elles ont confiées à Capricorne. Les gants de Jefferson Granitt refont leur apparition, avec leur capacité de transmettre un savoir venu d'une autre personne, ce qui donne lieu à la rédaction de plusieurs pages en écriture automatique, par Miriam Ery. Sans oublier la créature qui se manifeste de manière spectaculaire, dérangée de son sommeil par l'ouverture du tunnel qu'avaient obturé les Amérindiens. Andeas fait référence à des événements des tomes précédents qu'il explicite : le 4 dans lequel Astor avait trouvé un livre fantôme, le 6 dans lequel Capricorne avalait e médicament du docteur Sippenhaft. Comme à son habitude, il ne rappelle pas le nom de tous les personnages dans ce tome. Certes ils disposent tous d'une apparence remarquable et mémorable, mais dans ce cas-ci, un trombinoscope aurait été le bienvenu.



Visuellement, l'album commence calmement avec une première page comprenant 10 cases, pour une narration posée et claire. Dans la deuxième planche, le lecteur découvre une case occupant les deux tiers de la page, une vue de dessus montrant Miriam Ery en train de contempler sa machine à écrire, avec l'entrelac géométrique des poutres en premier plan, et une vue détaillée de l'aménagement de son grand salon - salle à manger : la table basse, la table servant de bureau, la table pour dîner, le canapé, les coussins, les tapis, les plantes vertes, une tenture, une étagère avec des livres, etc. Régulièrement, le lecteur reste épaté par une case spectaculaire, par son niveau de détail ou par ce qu'elle montre. Cela commence donc avec l'aménagement d'une très grande pièce. Ça continue dès la page suivante avec une berline qui fonce à tombereau ouvert dans les rues de Manhattan, la suite des façades de gratte-ciels étant courbée pour montrer l'effet de vitesse. Par la suite, le lecteur ralentit sciemment sa lecture, voire effectue une pause pour savourer une case, ou un dessin sur deux planches : l'explosion de la berline sous l'effet de la grenade, à nouveau une vue de dessus cette fois-ci dans les égouts avec l'entrelac des tuyauteries en premier plan, la grande galerie dans laquelle se trouvent les rebelles dans un dessin en pleine page, un autre dessin en pleine page avec les vrilles de la créature qui traversent la tête de chaque personne présente, la découverte de la grande salle dans un niveau en sous-sol avec tous les bureaux identiques et totalement désertée, ou encore le visage fermé et intransigeant avec un soupçon de mépris de Samuel T. Growth.



Avec ces images fortes et mémorables, le lecteur constate le degré d'implication de l'artiste, qu'il retrouve également dans plusieurs séquences. Comme dans d'autres tomes, Andreas laisse la place aux dessins de raconter l'histoire avec des pages silencieuses, c’est-à-dire totalement dépourvues de texte ou de mot. Il en va ainsi des planches 13, 14, 18, 23, 24, 27, 30, 31, 32, 33, 42, soit 11 pages sur 46. Il ne s'agit pas d'une belle image pour en mettre plein la vue, mais d'une narration racontant un événement, une action, tous parfaitement compréhensibles, que ce soit la créature qui se retire après avoir laissé quelque chose dans l'esprit de chaque rebelle présent, ou ce qui se passe dans leur tête. Durant les planches 30 & 31, le lecteur assiste aux pensées de 5 personnages principaux, dans une mise en page bien trouvée : 3 colonnes de 8 cases par page, la lecture se faisant alors colonne par colonne de haut en bas. Alors que Samuel T. Growth est détenu par Joseph Jolly et ses acolytes, le Concept dépêche l'agent spécial la Solution pour le retrouver .il s'agit d'un homme en armure de combat moderne qui avance sans mot dire, d'autant plus terrifiant que chaque page qui lui est consacrée est muette.



En entamant ce tome, le lecteur ne sait donc pas trop quelle direction va prendre le récit. Il comprend que la rébellion continue avec ses moyens humains limités. Il constate que les mystères continuent de se développer : les gants et l'écriture automatique, une nouvelle créature sous Manhattan, le retrait des affaires du Concept dans cet immeuble, la date fatidique du 31 décembre, etc. La page d'ouverture ajoute encore à la notion de destin, rappelée ensuite par les cartes des Moires. Capricorne reste un héros envers et contre tout. La Solution se montre moins impitoyable que prévu. Cette série continue d'être une grande aventure, avec de superbes planches, et une trame donnant à la fois la sensation d'être tentaculaire et que de nouveaux éléments ne cessent d'apparaître de manière arbitraire, en fonction de l'inspiration du moment de l'auteur, mais qu'ils s'imbriquent tous parfaitement, comme si tout était déjà bien prévu dans un plan à long terme. Le lecteur se laisse emmener par l'aventure mystérieuse et spectaculaire, la savourant au premier degré.
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Capricorne, tome 12

Sans parole

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Ce tome fait suite à Capricorne, tome 11 : Patrick (2006) qu'il faut avoir lu avant. Il est recommandé d'avoir commencé par le premier tome pour comprendre toutes les péripéties. Sa première parution date de 2007 et il compte 54 planches de bande dessinée. Il a été réalisé par Andreas Martens pour le scénario et les dessins, et par Isabelle Cochet pour les couleurs. Il a été réédité en noir & blanc dans Intégrale Capricorne - Tome 3 qui regroupe les tomes 10 à 14, c’est-à-dire le troisième cycle.



Dans des vêtements adaptés au grand froid, Capricorne a marché sur un tapis de neige vierge, et il s’est arrêté pour contempler la faille qui se trouve devant lui. Quelques petits morceaux se détachent doucement de la paroi pour tomber dans le vide. Il décide de continuer à marcher en longeant le précipice. Il lève la tête et voit quelques petits morceaux de neige tomber de la pente. Il avance tranquillement, sans se rendre compte qu’il est observé par un homme dans un grand manteau avec un couvre-chef dont les deux rubans flottent au vent. Celui-ci n’a pas conscience qu’il est également observé à la jumelle par un individu en parka. Capricorne observe le ciel, puis l’étendue devant lui. Il y a un passage difficile à négocier, avec des crevasses à franchir, et la nuit vient bientôt tomber. Il décide de s’arrêter là et de passer la nuit à l’abri dans une anfractuosité. Il se réveille un fois le soleil levé, et il commence par sauter sur la plateforme un peu plus basse, puis sur une autre, et il parvient ainsi à franchir la crevasse. Il a ainsi rejoint les traces de pas dans la neige qu’il avait repérées. Il marche en les suivant. Il découvre l’empreinte d’un corps humain qui est tombé dans la neige.



Capricorne continue d’avancer en suivant les traces de pas. Il dépasse une autre empreinte de corps humain et enfin découvre l’individu en question inconscient dans la neige, allongé sur le ventre, une bouteille vide à côté. Capricorne entend un bruit, il se retourne d’un mouvement vif. Une quinzaine de personnes habillées de la même manière que celui étendu, se trouvent derrière lui. L’un d’eux s’avance et lui intime le silence, car des fragments de neige continuent de tomber. Capricorne place son doigt devant sa bouche pour indiquer qu’il a compris. L’homme pointe ensuite l’individu à terre ; Capricorne répond en pointant du doigt la bouteille comme étant la cause de la chute de l’homme. Par geste, le chef l’accuse d’avoir donné la bouteille : de la même manière l’accusé montre son sac du doigt pour indiquer qu’il n’en est rien. Le chef prend la bouteille et ordonne, toujours par geste, à ses hommes de prendre celui inconscient et de l’emmener. Au loin, l’individu avec les jumelles a tout observé. Le petit groupe arrive au campement, et tout le monde regarde l’étranger avec curiosité. Les enfants ne tardent pas à vaincre leur timidité pour s’approcher, et examiner ce que contient son sac. Deux adultes proposent de partager un verre. Capricorne se rend compte que cette boisson devait être alcoolisée. Il reçoit un avion jouet dans la figure.



Dans le tome précédent, l’auteur s’était fixé comme défi de raconter son histoire quasi exclusivement avec des cases de la largeur de la page. Il ne faut pas longtemps au lecteur pour comprendre la nature du défi de ce tome : raconter une histoire sans utiliser un seul mot, aucun dialogue, aucun cartouche de texte. De fait il est un peu pris au dépourvu par cette couverture vierge : aucun dessin, et en y repensant pas de titre non plus. Ce blanc correspond au blanc de la neige, et également à l’absence, en particulier l’absence de texte. Ensuite, il se rend compte que le narrateur a réalisé un album d’une pagination plus importante que d’habitude : 54 planches, au lieu de 46 d’habitude. Cela se comprend aisément : l’absence de mot engendre un besoin de plus de pages pour pouvoir raconter une histoire aussi consistante, d’autant que le dessinateur n’abandonne pas pour autant ses compositions de planches sophistiquées. Tout commence avec un dessin en pleine page rendant compte de la neige vierge, mais aussi de la paroi de glace qui s’effrite par endroit. Le lecteur remarque la savante composition des planches 2 & 3, avec la silhouette de Capricorne qui marche selon une diagonale de bas en haut à gauche, ce qui donne l’impression qu’il arrive en haut de la page de droite. Planches 6 & 7, elles se composent chacune de trois bandes, avec plusieurs cases pour celle du haut et pour celle du bas, et une case de la largeur de la page pour la médiane, créant ainsi une continuité de la page de gauche à celle de droite. Planche 12 & 13, c’est un groupe de quatre marcheurs qui se dirige vers la droite en page de gauche, qui semble aller à la rencontre d’eux-mêmes revenant de leur destination et se dirigeant vers la gauche sur la page de droite.



Le lecteur assiste à deux duels au bâton de la page 20 à la page 27, dans une suite de mouvements, de coups portés, de parades, facile à suivre, cohérente sur le positionnement respectif des combattants, avec un enchaînement de coups portés logique. Planche 30, il remarque une structure de page avec uniquement des cases de la hauteur de la page, et planche 37, uniquement des cases de la largeur de la page. À chaque fois, il ne s’agit pas pour l’artiste d’épater la galerie, mais de concevoir la meilleure structure de planche pour raconter la scène. Le lecteur ressent bien que ça lecture est plus rapide que dans une bande dessinée traditionnelle avec des phylactères, toutefois les pages ne se tournent pas à toute allure pour une lecture de dix minutes. Il ne s’agit pas d’un vain exercice de style, avec une intrigue prétexte. Andreas raconte une histoire conséquente avec la progression de Capricorne, son accueil dans une communauté, la découverte d’une étrange capsule dans la neige, les duels et le départ de Capricorne, auxquels il faut encore ajouter la menace de la deuxième silhouette du début du récit. La narration visuelle s’avère claire, immédiatement compréhensible, d’une bonne densité d’informations ce qui induit un rythme de lecture posé, et non un tournage de pages frénétique.



Troisième étape sur le chemin du retour pour Capricorne. Il a quitté la campagne bucolique du tome 10, et le cottage confortable du tome 11. Il est accueilli dans une nouvelle communauté qui vit dans cet environnement montagneux recouvert de neige. Le lecteur n’en apprend pas beaucoup sur elle, si ce n’est qu’elle accueille les étrangers, et qu’elle a ritualisé les duels au bâton. Capricorne est l’étranger dans cette communauté, accepté sans hostilité, partageant un verre d’alcool, suscitant la curiosité des enfants, accompagnant l’un ou l’autre pour constater le risque lié à l’effritement de la glace, la présence de l’étrange capsule, participant à un duel, et revenant pour faire cesser une situation de danger. Le lecteur retrouve trois éléments lui rappelant les deux premiers cycles de la série : le visage de Mordor Gott s’affichant dans le ciel comme une vision, Capricorne à nouveau victime d’un malaise inexpliqué, en planche 36, comme il l’a été dans les deux tomes précédents. Le troisième correspond à cette capsule qui rappelle les fuyards du Concept. Puis il y a cet artefact en forme d’étoile qui est convoité par le deuxième poursuivant. Le lecteur se doute que ce nouvel élément aura une incidence significative dans les suites des aventures du héros. En attendant…



En attendant, il s’agit d’une nouvelle histoire complète en un tome dont la narration visuelle est captivante. Un étranger établit un contact avec une communauté s’interdisant de recourir à la parole, et faisant le moins de bruit possible pour ne pas risquer de déclencher une avalanche catastrophique. Ses membres ne prononcent pas une parole, même leurs bâtons sont recouverts de tissu pour étouffer le bruit de leur utilisation. L’absence de mots n’empêche pas une forme basique de communication, d’échanges par le biais de gestes dont le sens semble être universel. Le lecteur observe : la force du nombre qui parle d’elle-même quand Capricorne se retourne et constate la présence d’une quinzaine de personnes derrière lui, Capricorne se justifiant dans le fait qu’il n’est pour rien dans la perte de conscience de l’homme allongé au sol, la curiosité des femmes, des hommes et des enfants voyant les leurs revenir avec un étranger, le soulagement du père voyant ses enfants sortir indemnes d’une avalanche, l’autorité du chef imposant le combat à Capricorne, l’entrain des enfants imitant les gestes de Capricorne, etc. Le lecteur comprend bien que Capricorne doit s’adapter à ces interactions muettes, que cette communauté a su s’adapter à son environnement en proscrivant la parole. Pour autant, le sens de cette étape dans le chemin du retour du héros vers New York n’apparaît de manière évidente, même s’il y a comme un rappel de l’aphonie de Capricorne survenue dans le tome précédent.



Un bien étrange album. Une réussite en termes de narration visuelle silencieuse : des pages inventives, immédiatement compréhensibles qui ne restent pas qu’au niveau de l’action. Une histoire linéaire avec plusieurs morceaux de bravoure. Des interactions avec une communauté silencieuse. Un questionnement sur la façon d’interagir et de communiquer sans l’usage du langage parlé, et en même temps un doute sur le sens à donner à cette étape dans le voyage de retour du héros.
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Capricorne, tome 18 : Zarkan

Ne détruisons pas sans comprendre.

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Ce tome fait suite à Capricorne, tome 17 : Les cavaliers (2013) qu'il faut avoir lu avant. Il est recommandé d'avoir commencé par le premier tome pour comprendre toutes les péripéties. Sa première parution date de 2014 et il compte 46 planches de bande dessinée. Il a été réalisé par Andreas Martens pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il a été réédité en noir & blanc dans Intégrale Capricorne - Tome 4 qui regroupe les tomes 15 à 20, c’est-à-dire le quatrième et dernier cycle.



Quelque part dans un bâtiment en pierre avec des piliers et des arches, l’homme aux mains tatouées rappelle à Ira Zeus que ce dernier est mort et qu’il lui doit son retour à la vie. Zeus accepte d’honorer les termes du marché qu’il a passé avec lui. Un de ses hommes de main entre pour l’informer qu’ils sont partis en voiture. Il est temps pour Zeus de se mettre à l’œuvre. Capricorne conduit un peu vite au goût de Astor. Le premier indique au libraire qu’il devrait essayer de se montrer optimiste : ça facilite la vie. Lui-même ne doutait pas qu’il s’en sortirait quand il a accepté le marché de Dahmaloch. Il explique ensuite ce qu’il lui est arrivé. L’homme aux mains tatouées l’a touché, et a disparu. Capricorne s’est retrouvé piégé dans une autre dimension, à l’apparence géométrique : impossible de s’orienter. Il était désarçonné d’avoir libéré l’homme aux mains tatouées et non Dahmaloch, sans pour autant éprouver l’impression d’une trahison. Il préfère savoir un guérisseur dans sa ville plutôt qu’un diable. En supposant qu’il soit bien allé à New York.



C’est ainsi que Capricorne s’est retrouvé chez le Passager. Tout s’est passé si vite : Ash qui refusait son identité et son aide, l’homme mystérieux qui l’entraînait dans une des machines, et un instant plus tard ils apparaissaient dans une petite rue. Capricorne se demande pour quelle raison l’homme aux mains tatouées a ressuscité Ira Zeus, et quels sont les individus qui les suivent en voiture. Ils arrivent à l’asile de New York pour les malades mentaux. Ils rendent visite à Gordon Drake prostré dans un état proche de la catalepsie, avec une marque brûlée sur son visage. Capricorne souhaiterait lui parler seul à seul, mais l’infirmier s’y oppose. Il s’adresse à Drake pour lui dire se présenter et dire son nom Capricorne. Contre toute attente, le malade réagit en répétant ce mot : Capricorne. L’aide-soignant se rue dans le couloir pour aller chercher un médecin. Drake ne prononce que quelques mots en finissant par dire : Xenon. Un médecin arrive et ouvre la chemise du malade mettant à nu un magnifique tatouage de dragon sur son torse. En son for intérieur, Capricorne se souvient : leur élément ne l’est pas. Il repart en voiture avec Astor qui lui demande ce qu’est Xénon. Il répond : une entité qu’il rencontre dans ses rêves, Ash pensant que c’est son moi profond, mais il en doute. La discussion continue : la pierre sous leur gratte-ciel, Hedon Core premier propriétaire de l’immeuble, les trois sorcières ayant appelé les cavaliers…



Les choses reviennent dans l’ordre : Capricorne reprend sa place en tant que personnage principal et il mène l’enquête. Il est présent dans quarante planches sur un total de quarante-six, et il a repris l’initiative. Le lecteur se rend compte qu’il était quasiment absent du tome précédent, et peu proactif dans les deux tomes encore avant. D’une certaine manière, c’est le retour à une bande dessinée d’aventures plus classique dans sa forme, avec un personnage principal qui est clairement le héros et le moteur de l’action. Pour autant pas de scène de haute voltige, tout juste une bagarre très rapide en deux pages en guise de violence physique. De même, la narration visuelle est conçue pour être au service de l’intrigue, sans séquence construite pour amener une case ou d’une page spectaculaire. Pour autant, le lecteur remarque l’effet psychédélique avec les motifs géométriques courbes pour la dimension dans laquelle se retrouve Capricorne. En planche 2, il note également l’habileté avec laquelle le dessinateur compose sa planche pour parvenir à un sens de lecture en zigzag : de gauche à droite pour la bande supérieure, puis la voiture passe à la bande du dessous qui se lit alors tout naturellement de droite à gauche dans la direction dans laquelle avance le véhicule qui est ensuite représenté de l’autre côté pour reprendre une lecture de gauche à droite. Puis il passe à nouveau sur la bande du dessous pour une lecture de droite à gauche, et une dernière bande de gauche à droite. Il réitère cet exploit de faire lire en S en planche vingt-trois avec un dispositif un peu différent, mais tout aussi fluide.



De fait, Astor & Capricorne parcourent pas mal de kilomètres en voiture, ouvrant ainsi le paysage, et Andreas semble grand plaisir à voyager ainsi en se montrant inventif dans ses plans. Il y a donc cette planche deux à la construction osée (faire lire le lecteur de droite à gauche, une bande sur deux) et réussie. Puis en planche quatre, deux cases de la largeur de la page donnent une vision panoramique. En planche 8, l’artiste utilise à nouveau des planches de la largeur de la page, mais cette fois-ci en gros plan sur la calandre, sur l’arrière de la tête de Capricorne et de Astor. En planche dix-neuf, la voiture traverse un bois, des arbres avec un tronc assez fin, faisant une impression de rayures verticales irrégulières. En planche vingt-deux, une nouvelle case de la largeur de la page, occupant les deux cinquièmes de la hauteur, et à l’intérieur le ciel occupe les trois quarts de la hauteur, avec une superbe masse nuageuse. Enfin, en planche vingt-huit, un autre magnifique effet : huit cases contigües tout en hauteur, chacune avec un arrière-plan différent, et la voiture dessinée d’un seul tenant tout du long, dans la partie inférieure, pour rendre compte des paysages traversés, formidable. Au fil des séquences, le lecteur perçoit des mises en pages ou des cases remarquables même s’il n’y prête pas particulière attention : la séquence de souvenir de Ron Dominic dans les planches dix et onze, avec deux bandes de quatre cases de dimension identique par page. Le fouillis très dense dans la cachette de Mordor Gott. Les souvenirs de Brent Parris en sept cases de la largeur de la page, composant la planche vingt-et-un. La vue du dessus en plongée inclinée dans le repère du Passager en planche trente. En planche trente-quatre, une machine à l’identique de celle montrée par Vortex dans le tome 14. Une séquence de voyage dans le passé dans les planches trente-huit à quarante, avec un rendu très différent. La planche quarante-cinq : dépourvue de mots, composée de neuf cases de taille identique.



Même quand il ne semble pas y toucher, Andreas compose des planches et des séquences visuellement remarquables, entièrement asservies à la narration, sans attirer l’attention du lecteur dessus. Zarkan… Zarkan ? Ah, oui, un personnage n’étant pas apparu depuis le tome 5… Où il faisait quoi déjà ? Cela fait maintenant deux tomes que le scénariste en appelle à la mémoire du lecteur et son implication. Celui-ci lui accorde bien volontiers car il se replonge avec délice dans cette suite d’aventures originales et bien construites, mystérieuses et fascinantes (et puis le personnage principal est de retour, ayant repris l’initiative). Il retrouve les éléments qui s’apparentent à des conventions de genre : un personnage dont on ne sait pas grand-chose aux intentions dont on sait encore moins de choses (l’homme aux mains tatouées), quelques coïncidences providentielles (le souvenir d’une cachette de Mordor Gott, justement celle qui contient les cubes), le dossier de Brent Parris qui contient des informations providentielles, Zarkan prêt à partir à l’aventure avec Capricorne & Astor, un voyage dans le passé qui mène pile-poil à un moment clé et révélateur. Cela fait partie des artifices de ce type de récit, et l’auteur en a fait usage depuis le début de la série : le lecteur s’y attend, ça fait partie du contrat tacite entre lui et le scénariste.



Difficile de croire que Andreas va parvenir à tout résoudre en seulement deux tomes après celui-ci. Ceci ne constitue toutefois pas une raison pour bouder son plaisir à la lecture de ce tome. Zarkan n’est pas le seul personnage à revenir au cœur du récit après une longue absence, et l’autre est encore plus intriguant. Quel contentement de revenir sur Ron Dominic et sa résignation à assumer le rôle de la Solution, un passage très émouvant. Il y a une forme de satisfaction peu commune à voir Capricorne expliquer à Astor le rôle de Sippenhaft dans le phénomène qui a conduit à la séparation en deux de New York. Découvrir le rôle de Brent Parris dans les pierres mystiques constitue également une véritable récompense, en soi une petite pièce de puzzle supplémentaire, mais elle se connecte avec plusieurs autres et leur donne du sens. Il n’y a que les boîtes avec un nom de personnage qui semble un peu gros comme artifice narratif. Encore que Andreas ait prouvé à de multiples reprises qu’il sait donner de la consistance et de la profondeur à des éléments qui peuvent paraître parachutés. En fait, le charme narratif agit avec une telle élégance naturelle que le lecteur accepte même de lui pardonner que madame Pinkra Core n’apparaissent pas dans ce tome.



D’un côté, le lecteur peut craindre d’être largué dans ce tome 18 après tellement de mystères, de péripéties, de révélations et de retournements de situation. D’un autre côté, le plaisir de lecture s’installe dès les trois premières pages, et finalement peu importe s’il ne se souvient pas de tout : il profite de la narration visuelle discrètement originale et dense, et de l’intrigue toujours surprenante, se nourrissant des conventions du genre qu’elle met à son service. S’il se souvient de tout, son plaisir s’en trouve décuplé de voir les nouvelles pièces du puzzle s’emboîter tout naturellement et donner du sens à celles contigües.
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Capricorne, tome 10 : Les Chinois

Les histoires de famille, ce n’est jamais simple.

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Ce tome fait suite à Capricorne, tome 9 : Le Passage (2003) qu'il faut avoir lu avant. Il est recommandé d'avoir commencé par le premier tome pour comprendre toutes les péripéties. Sa première parution date de 2005 et il compte 46 planches de bande dessinée. Il a été réalisé par Andreas Martens pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il a été réédité en noir & blanc dans Intégrale Capricorne - Tome 3 qui regroupe les tomes 10 à 14.



Le château de l’empire du Concept s’est effondré. Capricorne s’en retourne chez lui, à New York. Mais plus aucun téléphone, aucun télégraphe et aucun appareil se servant des ondes électroniques hertziennes ne fonctionne. Il ne peut contacter ni Ash, ni Astor à New York : il est devenu impossible d’envoyer un message d’un point à un autre sans s’y rendre en personne. À pied. Il a décidé de rejoindre la côte atlantique afin d’y prendre un bateau qui le ramènera chez lui. Le voyage est long, très long, et une fois de plus il va falloir qu’il trouve un abri pour la nuit. Tout à coup, un coup de feu retentit dans cette zone agricole légèrement arborée. Capricorne monte une petite pente pour aller saluer l’homme qui vient de tirer : Konrad Duroux, grand-père de la famille. Celui-ci lui indique qu’il surveille que les Chinois n’approchent pas et qu’il fait feu chaque fois qu’il en aperçoit un. Capricorne se le tient pour dit et continue sa route. Il arrive à la ferme de la famille Galluron où il est accueilli par le père Simon, son épouse Monique et leur fille Flore. Ils lui offrent le repas du soir et lui proposent de dormir dans la chambre d’ami.



Pendant que Monique nourrit la jeune Flore, Simon et Capricorne font faire un tour dehors à la nuit tombante. Le mari lui explique que ça fait deux ans qu’ils se sont installés là, pour élever sa fille. Il écrit des articles pour des magazines, mais depuis la débâcle, c’est l’incertitude totale. Ici ce serait le calme plat s’il n’y avait pas le vieux Duroux et ses Chinois, quelqu’un qui tire des coups de feu de temps à autre, ayant blessé Christophe Duroux il y a quelques mois. Simon rentre dans la maison, pendant que son invité reste un peu dehors. Il va se promener et arrive non loin de la ferme des Duroux, regardant les fenêtres éclairées par les lumières. Dans sa mansarde éclairée, Christophe discute avec Trocadéro qui lui dit de guérir, et qui lui promet de revenir le lendemain. Capricorne fait demi-tour et retourne à la ferme des Galluron. Dans une autre maison en contrebas de la colline qu’il descend, une vielle femme avec un fichu l’observe dans la pénombre. Le soleil rayonne : Capricorne s’est levé et il s’étire au soleil. Il part se promener. Entendant le bruit d’un moteur, il se retourne et s’écarte vivement, pour se mettre hors de la trajectoire d’un tracteur fonçant à toute allure, conduit par Luc Duroux. Son père Henri Duroux arrive à pied, une fourche sur l’épaule et il salue l’étranger en lui demandant s’il va rester longtemps. Il reprend son chemin pour rentre, ayant entendu l’appel de son épouse Louise.



Dans l’introduction du tome trois de l’intégrale, Antoine Maurel indique que l’auteur n’avait qu’une idée générale du chemin du retour de son héros, après l’écroulement du Concept, et qu’il a découvert la nature de chaque étape au fur et à mesure de leur écriture. Cela ne se ressent pas à la lecture, mis à part le fait qu’il s’agit d’une histoire complète en un tome, un drame au sein de deux familles, sans beaucoup de lien avec les deux cycles précédents. Capricorne évoque la chute du Concept, les conséquences sur la société, et sa volonté de retourner à New York pour retrouver ses deux amis Astor et Ash Gray qui n’apparaissent pas dans ces pages, ni aucun autre personnage récurrent… sauf peut-être une. Il est victime d’un malaise dans un champ, le couchant par terre, peut-être de même nature que d’autres malaises précédents, ou peut-être pas. Le récit s’apparente donc à la présence d’un étranger dans une toute petite communauté, trois personnes pour la famille Galluron, sept pour la famille Duroux, et deux personnages secondaires. Le lecteur relève vite des détails qui clochent, dont sourd un malaise impalpable : cette histoire fantasque de Chinois, la déliquescence de la société en particulier de la technologie après la chute du Concept, Konrad portant son fusil en continu, l’hostilité sourde des Duroux face à l’étranger, Trocadéro un individu anthropomorphe avec une tête de chat. Drame familial ? Drame fantastique ? Secret caché ? Impossible de savoir d’entrée de jeu, mais quelque chose ne va pas.



Le lecteur se retrouve donc la position de Capricorne : arriver dans un endroit inconnu, sans rien en savoir, rencontrer des personnes et établir un contact amical ou désagréable, observer les réactions des uns et des autres pour se faire une idée, essayer de capter une partie des non-dits. Les dessins dégagent une impression générale un peu décalée : une représentation détaillée, mais empreinte d’une forme de légère exagération ou simplification dans les visages, dans les silhouettes, dans les habits. D’un côté, l’artiste réalise des dessins descriptifs plutôt de nature réaliste ; de l’autre un détail par-ci, un autre par-là sortent la description d’un domaine de type photographique : la chevelure et la barbe noir ébène indécoiffable de Capricorne, les traits un peu trop épais pour les rides de Konrad Duroux, la coiffure rigide de Monique, les rayures géométriques de la chemise de Konrad qui ne suivent pas les plis, la tête trop grosse, ses yeux trop ronds et l’absence d’épaule du jeune enfant Momo, ainsi que son pull trop grand et sa salopette trop large, la bouche trop large de Robert, une expression enfantine passant sur le visage d’un adulte, les orthèses trop rudimentaires et sans possibilité de suivre le mouvement de la rotule de Christophe, etc. Ce ne sont que des détails qui n’obèrent en rien la qualité de la narration, toutefois ils attirent assez l’œil pour que la tonalité de la narration ne soit pas celle d’un mélodrame réaliste.



Dans son introduction, Antoine Maurel relève le fait que l’auteur s’est donné des défis de narration visuelle pour les tomes 10 à 14, plus formels que pour les précédents. Le lecteur est à l’aguet, sans trouver de mise en forme unificatrice. Il prend plaisir à trois pages dépourvues de texte, et deux sans phylactères uniquement avec le texte d’une lettre dans des cartouches entre les différentes bandes, sans lien de cause à effet entre les deux. Pour autant, il remarque également plusieurs effets de mise en page taillés sur mesure pour raconter visuellement une séquence, un moment. Cela commence par l’usage de cases de la largeur de la page pour mettre en valeur le paysage ouvert de la campagne. La planche deux commence par une case de la hauteur de la page, avec la petite silhouette de Konrad, deux cinquièmes de la hauteur étant occupés par le sol (terre et arbuste), le reste par le ciel. Le reste de cette planche se compose de douze cases (trois bandes de quatre cases) pour la discussion tendue entre Capricorne et Konrad. Il utilise cette disposition d’une case verticale sur la gauche également planche 23 pour une discussion entre Christophe et Trocadéro, cette fois-ci avec six cases les unes au-dessus des autres sur la partie droite. En planche 4, le lecteur remarque une bande de cinq cases en plan fixe sur la lucarne de la chambre de Christophe, une autre bande en plan fixe de cinq cases en planche 7 mais se terminant avec une sixième en gros plan. En planche 9, un autre plan fixe sur Christophe dans son lit, de trois cases de la largeur de la page parmi d’autres cases. En planche 15, dix cases, dont sept en plan fixe sur Simon recroquevillé dans son bureau.



Il n’y a donc pas une méthode de type découpage systématique dans plusieurs planches, mais une variété qui donne une saveur particulière à chaque séquence. L’artiste n’attire pas l’attention dessus, mais une demi-douzaine de découpages sont assez particuliers pour que le lecteur en ait conscience. Ainsi, en planche 17, il ne peut pas rater l’effet d’une page en gaufrier de trois bandes de trois cases de taille identique alors que Capricorne à terre plié en deux par la douleur se retrouve sous la menace d’un revolver tenu par Momo, un enfant d’une demi-douzaine d’années. Il ressent une forme de léger écho en planche 39 : trois bandes de cinq cases de taille identique, dont deux soudées. Il prend le temps de parcourir les deux pages muettes racontant la promenade nocturne de Monique, avec des cases saisissantes en ombre chinoise, et une chevelure avec un encrage minutieux à la Bernie Wrightson.



Andreas apporte un soin particulier à aller dans un niveau de détails élevé dans ses descriptions : un engin agricole, la forme très particulière du tracteur, les différents bâtiments de la ferme des Duroux, les ustensiles dans la cuisine de cette famille, les affaires de Christophe dans sa chambre, les affaires de Simon dans son bureau, le relief et les végétaux dans la campagne, les ustensiles dans la grande salle de la demeure d’Élisabeth, les tuiles de la toiture des Galluron. Ce niveau de détail donne une consistance concrète à l’histoire, un ancrage réel venant contrebalancer les quelques effets sur les personnages. La nature du récit repose sur la présence de l’étranger subodorant peu à peu des drames sous-jacents. Sa simple présence suffit pour rompre le fragile équilibre comme le battement d’aile de papillon. Capricorne ne joue pas le rôle d’un héros, mais simplement d’un élément extérieur dans une situation en équilibre instable. Le lecteur peut anticiper la nature du malaise et l’individu responsable. Il se retrouve un peu déstabilisé de voir que Capricorne n’a pas beaucoup d’influence sur les événements. Il se prend d‘amitié pour Christophe immobilisé dans son lit depuis sept mois, pour Simon mal dans sa peau sans savoir pourquoi, pour son épouse attentionnée sans être servile. Il prend Momo en pitié malgré sa cruauté envers le chat. Il se rend compte trop tard de l’impossibilité de retour à un état antérieur apaisé.



Après l’histoire de grande ampleur consacrée au Concept, le lecteur se demande bien dans quelle direction va aller la série. Il a une totale confiance dans l’auteur, et il se laisse mener par lui, profitant immédiatement de la narration visuelle variée et précise. Sans attente précise, il regarde Capricorne faire connaissance avec les membres des deux familles, discuter, sans pouvoir imaginer les méandres du drame qu’il ne peut que vaguement ressentir. L’auteur passe donc d’un complot planétaire à un drame familial d’une noirceur que le lecteur ne peut pas anticiper. Il sème des petites phrases révélatrices dans les dialogues qui annoncent les révélations sur le passé, chose dont le lecteur prend conscience après coup. Un épisode en décalage des précédents, une épreuve inattendue pour Capricorne, avec une légère de touche de fantastique qui peut être rationnalisée comme la manifestation de l’inconscient de deux personnages. Une histoire dramatique dont la narration visuelle tient à distance de certains personnages, alors que les situations et les dialogues engendrent l’empathie du lecteur pour d’autres.
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Capricorne, tome 1 : L'Objet

Rien ne se répète !

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Ce tome est le premier d'une série indépendante de toute autre. Il a été réalisé par Andreas Martens pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il a été publié pour la première fois en 1997. Il compte 46 planches de bande dessinée. Cette série est achevée et compte 20 tomes, publiés de 1997 à 2017, regroupés en 4 cycles : 5 tomes pour le premier, 4 dont un double pour le deuxième, 5 pour le troisième et 6 pour le quatrième. Le personnage principal était déjà apparu dans la série Rork du même auteur, en 8 albums de 1978 à 1993. La présente aventure se déroule avant l'apparition dans Rork. La série a été rééditée en une intégrale de 4 tomes, en noir & blanc, à commencer par Capricorne - Intégrale 1.



Un individu dans une combinaison qui le couvre de la tête aux pieds, avec un casque et des lunettes fuit pour échapper à des poursuivants. Il monte à une longue échelle et parvient à franchir le sas et à le refermer. Les soldats sont pris d'effroi en découvrant ce qui les attend au sommet de l'échelle. Un homme seul avec un valisette à la main marche dans la neige de Central Park. Il s'approche de trois vieilles femmes assises autour d'un feu de bois sur lequel est posé un chaudron. Elles lui intiment de s'approcher pour se réchauffer, et prendre un bol de soupe. L'homme s'assoit et demande qui sont tous ces gens. Elles répondent : ce sont les déçus, les rejetés, les laissés-pour-compte de ces temps difficiles, ils nagent à contre-courant, ce sont les expatriés du Soleil et de la Lune, du ciel et de la lumière. Ils vivent dans les égouts et tous les autres passages creusés à travers les siècles par les hommes qui peuplaient des lieux avant. Elles lui indiquent que dorénavant il s'appelle Capricorne. Elles lui font tirer six cartes du destin et explicitent leur sens. Méfie-toi des trois ! Gare aux six carrés ! Tu es l'un, mais tu n'en es qu'un ! Un dieu mourra pour toi ! Rien ne se répète ! Leur élément ne l'est pas ! Elles s'en vont dans les égouts avec les autres laissés-pour-compte.



Capricorne se lève à son tour et reprend sa valisette, ainsi que le morceau de papier déposé à côté. Il sort du parc, se dirige vers une librairie et s'adresse à son propriétaire Byble pour lui demander son chemin. Celui-ci le fait entrer dans son magasin en lui indiquant que l'adresse qu'il chercher est assez loin à pied et qu'il va demander à son employé Astor de l'emmener à la station la plus proche. Par la vitrine, les trois hommes voient un dirigeable s'écraser dans le parc et s'embraser Monsieur Byble ne pouvant pas courir, Capricorne et Astor s'élancent. Il découvre le dirigeable posé sur le dos, et grimpent dans la cabine de pilotage : personne. Ils redescendent. Capricorne a cru percevoir quelque chose, mais non rien. Une fois en bas, un chat avec un collier s'approche d'Astor qui la prend dans ses bras, mais elle en saute aussitôt pour s'éloigner vers les arbres. Ils lui courent après et découvrent l'entrée d'un tunnel, peut-être une ancienne mine. Ils ressortent. La chatte s'est éloignée et s'est approchée d'une boîte brillante. Effrayée, elle s'en éloigne, alors qu'une chatte en tout point semblable, sauf pour son pelage uni et brillant, en sort. Capricorne et Astor sont de retour à la librairie et constatent qu'elle est la proie des flammes. Capricorne se précipite dans le magasin et en ressort avec monsieur Byble dans les bras. Les pompiers sont arrivés et une ambulance prend le brûlé en charge. Astor se lamente sur ses précieux livres incinérés.



La première page comporte neuf cases à la disposition originale : une première colonne avec 3 cases à lire de haut en bas, puis une mince case de la hauteur de la page, et enfin 3 bandes, 2 de 2 cases, et une n'en comportant qu'une seule. Un mystérieux individu (homme ou femme ?) à l'identité inconnue fuit des poursuivants, avec un paquet sous le bras, et leur échappe. À quoi cela correspond-il ? Quelles informations doit en retenir le lecteur ? Impossible à savoir avant de nombreuses pages, car le mystère est épais. Dans cette aventure, le lecteur va aller de mystère en mystère, tous intrigants. Qu'est-ce qui lie le fuyard de la planche 1, avec l'arrivée de Capricorne dans la planche 2 ? Quel est ce mystérieux Objet qui semble servir de McGuffin ? Comment va s'accomplir la prophétie des trois vieilles femmes qui ne sont pas les moires ? Qui est vraiment le peuple des égouts ? Quelle est l'histoire personnelle d'Astor ? Quels sont les objectifs de l'organisation appelée le Dispositif ? Quel est le lien qui unit Ash Grey et John Byble ? Comment l'inspecteur Azakof a survécu à une balle tirée en pleine poitrine ? Le lecteur a plongé dans une bande dessinée d'aventures opposant des méchants à des gentils, avec un héros clairement identifié (il donne son nom à la série) et deux autres personnages dont il fait la connaissance et qui vont devenir ses compagnons d'aventure.



Régulièrement, le lecteur est frappé par la composition d'une page qui sort de la structure classique en bandes. Il en est ainsi de la première planche avec la case de la hauteur de la page qui met en évidence la grande longueur de l'échelle à barreaux. La deuxième planche est composée sous la forme d'un dessine en pleine page, avec 5 cases en insert, les unes au-dessus des autres, montrant Capricorne faire son apparition, comme s'il sortait de la nuit pour apparaître par contraste sur le blanc de la neige. Planche 15, le dessinateur montre un affrontement physique avec une case sans bordure dans laquelle Capricorne et ses ennemis sont représentés dans 3 moments différents. Planche 19, il joue sur le motif des rectangles et de barreaux qui répondent aux rectangles des cases, et de la barre blanche séparant les cases. Il utilise régulièrement une case de la largeur de la page, souvent sans bordure avec un fond blanc sans décor pour couper la page en deux. Planche 40, le lecteur retrouve une case de la hauteur de la page avec une échelle à barreaux qui répond à celle de la planche 1. Andreas utilise à nouveau une case de la hauteur de la page pour mettre en avant la taille du gratte-ciel dont Capricorne devient propriétaire, au 701 Seventh Avenue, à New York. Il réalise régulièrement des planches muettes, sans phylactère ni cartouche de texte, pour les scènes d'action : elles sont au nombre de 7 dans cet album.



Le lecteur fait la connaissance de plusieurs personnages en ce début de série. Capricorne est un bel homme élancé, dans son costume noir, avec chemise blanche et une cravate noire également. Il a un nez aquilin et son visage est marqué de rides, ce qui lui donne un air de trentenaire, et peut-être de quadragénaire. Astor est un individu nettement plus petit, au moins d'une tête par rapport à Capricorne, également vêtu d'un costume et portant de grosses bésicles rondes, accessoire indispensable au rat de bibliothèque qu'il est. Ash Grey porte le pantalon dans la scène d'action et une jupe dans le civil. La forme de sa tête est assez singulière, très ronde. Le profil psychologique de ces trois personnages principaux n'est pas très étoffé. Capricorne est un homme d'action, doué au combat à main nue, et capable de percevoir un signe surnaturel pour une occurrence. On n'en apprend pas plus sur lui. Astor est défini comme étant passionné et amoureux des livres et puis ça s'arrête là. Par comparaison, on en apprend un peu plus sur Ash Grey par le biais de ses liens familiaux et de son métier, ainsi que par sa relation avec John Byble. L'intérêt du récit ne réside donc pas dans la personnalité des protagonistes.



Très vite, le lecteur se retrouve pris dans une intrigue qu'il subodore être de grande ampleur et dépassant le cadre de ce premier tome : c'est le cas. Les pages comptent régulièrement une dizaine de cases, et le scénariste ne décompresse pas son intrigue. Outre l'introduction des personnages, et la mise en place d'une partie des forces en présence, l'auteur développe la dynamique du récit : retrouver l'Objet, dans des aventures hautes couleurs. Dans ce récit presque compressé, le lecteur assiste à de nombreuses séquences de haut vol narratif : les vieilles femmes fixant le statut de Capricorne autour d'un feu dans la neige de Central Park, le crash du zeppelin, une course-poursuite entre une voiture et une moto empruntant le tunnel Holland ou le tunnel Lincoln, avec une belle page muette à l'exception d'un phylactère, la découverte de la bibliothèque dans l'immeuble du chef Cole, le déploiement des hommes en combinaison Hazmat, la découverte de la gigantesque installation secrète souterraine, le minuscule hydravion qui passe au-dessus de la Statue de la Liberté, etc. C'est une aventure échevelée, avec une structure rigoureuse, certains éléments se répondant à plusieurs pages d'intervalle, soit visuels, soit narratifs. Andreas manie les conventions du genre avec une grande maîtrise pour un récit divertissant et des plus intrigants.



En 1997, Andreas Martens a déjà une carrière d'une vingtaine d'années derrière lui. Il lance une série au long cours qu'il envisage à l'échelle d'une vingtaine de tomes et c'est bien ce qu'il adviendra. Le lecteur actuel sait donc qu'il va se lancer dans un long récit dont ce premier tome n'est que le début. Il découvre une intrigue qui capte tout de suite son attention, fonctionnant sur des mystères et des course-poursuites, avec des personnages peu développés, et une narration visuelle encore un peu corsetée, mais déjà personnelle. Arrivé à la fin de ce premier tome, il a hâte de découvrir la suite, un signe qui ne trompe pas sur la qualité de ce divertissement.
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Rork - Intégrale 2

J'ai été ravi de retrouver Rork, disparu de la circulation depuis trop longtemps. Ce héros énigmatique et flegmatique a des points commun avec le docteur Strange de Marvel: il a fait profession d'aider le commun à se dépatouiller des problèmes paranormaux qui l'assaille; sa culture des phénomènes étranges, des secrets enfouis, des monde parallèles, est immense, et il peut voyager entre les dimensions.

Mais il faut vite arrêter les analogies. Andreas crée des univers originaux et des personnages pour les habiter qui ne le sont pas moins. Chaque caractère semble habité d'une personnalité confondante fruit de la longue expérience de celui qui a survécu à d'infinies difficultés. Je dis "semble" car on les suit dans l'action mais leur psychologie nous est la plupart du temps cachée. Andreas propose peu d'explications en général il préfère faire régner une atmosphère de mystère non résolu et laisser place à l'interprétation.

Dans ce second et dernier volume de l'intégrale, Rork résout des intrigues complexes quoique secondaires à chaque épisodes en même temps qu'il accumule les éléments du fil rouge et prend rendez-vous avec chaque second rôle (Sy-Ra, Capricorne, le double de Rork,...) pour la confrontation finale. L'ennemi se dévoile dans les dernières pages seulement et la confrontation avec la ligue des héros occasionne des pertes.

La conclusion, comme je le disais plus haut, laisse place à l'interprétation. Pour ma part je pense qu'Andreas permet aux héros de l'histoire de se rendre compte qu'ils ne sont que des personnages de BD, dirigés et contrôlés par un auteur-démiurge sans état d'âme. Comme Frankenstein, les personnages se rebellent contre leur créateur qui apparaît enfin sous l'avatar de Dahmaloch pour confronter son héros, lui signifier qu'il n'a pas le choix, c'est Dahmaloch/Andreas qui tient le stylo. Rork prend son ultime décision: il se saborde et saborde ainsi l'Univers d'Andreas, reprenant sa liberté et son envol dans le pays imaginaire, loin de tout démiurge humain.
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Capricorne, tome 19 : Terminus

Les dictatures sont fragiles. Les démocraties aussi. La sagesse réside dans l’individu.

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Ce tome fait suite à Capricorne, tome 18 : Zarkan (2014) qu'il faut avoir lu avant. Il est recommandé d'avoir commencé par le premier tome pour comprendre toutes les péripéties. Sa première parution date de 2015 et il compte 46 planches de bande dessinée. Il a été réalisé par Andreas Martens pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il a été réédité en noir & blanc dans Intégrale Capricorne - Tome 4 qui regroupe les tomes 15 à 20, c’est-à-dire le quatrième et dernier cycle.



Quelque part sur le globe, l’homme aux mains tatouées termine sa chute volontaire depuis un avion en s’enfonçant dans l’océan. Il descend jusqu’à se retrouver au-dessus du fond marin, avec cette matière incandescente. Il entend la voix de Dahmaloch lui indiquant qu’il est las de l’attendre, las d’être. L’homme aux mains tatouées s’enfonce complètement dans cette matière étrange. Dans le spacieux salon luxueux du 701 Seventh avenue, Astor et Zarkan dialoguent, chacun dans une langue différente incompréhensible. Fay O’Mara explique à Capricorne qu’ils ont entamé un dialogue cérébral. Astor accède à sa bibliothèque mentale afin d’en trouver des correspondances avec les formules que Zarkan puise dans son propre vaste savoir. C’est fascinant. Elle serait bien incapable de noter ce qu’ils disent. Elle essaye de décrire la scène du mieux possible, car elle n’a jamais vu quelque chose de comparable. Capricorne se déclare curieux de connaître le résultat de leur conversation. Dans les fonds marins, Dahmaloch dit que bientôt il n’existera plus, ni l’homme aux mains tatouées : ils ne feront plus qu’un comme avant.



Il y a bien longtemps de ça, un prêtre muni d’une dague, dans un temple : il s’avance vers un creuset dans une table de pierre et il abat la lame dans une matière incandescente. Quelque part il se forme un cube parcouru de figures géométriques. Un volcan entre en éruption. Un fou furieux fanatique a séparé Dahmaloch et l’homme aux mains tatouées, faisant du premier un être démoniaque et du second un simple humain. Astor et Zarkan sont arrivés au terme de leur discussion ésotérique. Ils relatent leurs conclusions à Fay O’Mara et Capricorne. Ils ont analysé les notes que Zarkan a prises chez le passager, et les ont comparées avec certains grimoires dans la bibliothèque d’Astor. C’est inquiétant ! Les machines du Passager, dont il a volé les composants dans un vaisseau intersidéral échoué, ces machines font partie d’un ensemble plus vaste. Un système complexe qui devait servir à guider le vaisseau à travers le cosmos, soit à franchir des portes, réelles ou mystiques. Ou les deux, ou alors aucune de ces fonctions, mais quelque chose d’encore plus subtil qu’il leur est impossible à imaginer. Plus étrange encore : les pierres d’apocalypse jouent un rôle actif dans cette structure compliquée. Ils savent qu’elles ouvrent des passages vers d’autres dimensions.



Avant dernier tome de la série : il est temps que les révélations pleuvent, que les dernières pièces du puzzle donnent un sens à toutes celles qui les entourent, aux motifs qu’elles forment, et qu’une résolution claire se profile nettement. C’est exactement ça : cela devenait apparent dans le tome précédent et ça l’est tout autant dans celui-ci. L’auteur ne change rien à sa manière de raconter : des aventures, avec des personnages hauts en couleur occupant le devant de la scène. Capricorne et Astor progressent dans leur enquête, trouvant un indice significatif après l’autre, et bénéficient des déductions de personnages secondaires comme Zarkan et Astor, ainsi que du travail accompli précédemment par Fay O’Mara. D’un côté le lecteur suit ces héros, de l’autre des séquences en alternance montrent tout d’abord l’esprit de Dahmaloch et l’homme aux mains tatouées, puis le Passager toujours aussi plein de ressources. Chaque scène apporte un élément nouveau qui vient s’emboîter parfaitement. Ainsi le lecteur apprend ce qu’il advient finalement de Dahmaloch et de l’homme aux mains tatouées, mais aussi comment ils sont apparus, lors de la scène avec le prêtre et sa dague. La discussion sibylline entre Zarkan et Astor aboutit à un exposé très vivant d’une page mêlant rappels sur des faits passés, et nouvel éclairage grâce à une connaissance ou une information complémentaire. Du grand art. En fait, en terminant la dernière page, le lecteur a du mal à croire qu’il en a appris autant en un seul tome, qu’il ne reste plus qu’un épilogue.



Revoir l’action au ralenti : tout commence sous l’océan, comme dans ce passage hallucinant du tome quatre, en continuité avec l’expédition du tome dix-sept. Dès la première planche, le lecteur découvre un découpage de planche qui refuse les automatismes plan-plan : deux cases de la hauteur de la page pour attester de la durée de la descente de l’homme aux mains tatouées dans les profondeurs, puis trois cases triangulaires en éventail pour montrer que la chute se ralentit jusqu’à ce que l’individu se stabilise et enfin deux cases en hauteur pour pénétrer dans la matière incandescente. Dans ce tome, l’artiste ne s’impose pas une contrainte systématique, comme les très gros plans du tome seize, il repasse dans un mode où chaque page est construite en fonction des événements de la séquence. Même sans effort conscient, le lecteur ressent l’effet narratif correspondant. Des cases de la largeur de la page en planche 6, alors que Astor et Zarkan complètent les phrases de l’un et l’autre d’un bout à l’autre de la case. Des cases de plus en plus petites dans la partie supérieure gauche de la planche 11 pour montrer la progression de plus en plus précautionneuse au sein du bâtiment des Mentors. Plus loin, une structure entremêlant des cases montrant les pièces du quartier général du Passager, et d’autres ne montrant que ses yeux pour indiquer qu’il examine chaque recoin à la recherche d’indices sur ses visiteurs indésirables. Un cadrage de plus en plus proche sur le Passager, alors qu’il progresse dans un couloir de plus en plus étroit. Une succession de cinq cases en décalées en planche 23, des très gros plans sur le visage du Passager à des moments différents de sa vie, à la fois pour indiquer qu’il s’agit du même individu, à la fois pour mettre en lumière ses changements. Une case hallucinante occupant les deux tiers de la planche 27 avec une vue plongeant selon un angle incliné montrant Astor et Zarkan au milieu d’un tourbillon d’inscriptions dans une langue inconnue formant comme un mur cylindrique. Un plan fixe en planche 45, montrant plusieurs cartes du destin se consumer en tombant par terre.



Comme dans le tome précédent, le lecteur espère ne pas être perdu en cours de route, et comme dans le tome précédent, tout se passe bien. D’un côté, le scénariste fait référence à des éléments de tomes passés, et même de ceux de la série Rork ; d’un autre côté, chaque élément présente des particularités qui permettent de le replacer et de s’en souvenir facilement. Par exemple, il n’éprouve aucune difficulté à reconnaître Duncan Onslow et Gordon Drake. Il en va de même pour Holbrook Byble, personnage pourtant laissé de côté à la fin du premier cycle qui s’arrête au tome cinq. Après la vie de Brent Parris dans le tome précédent, c’est au tour de celle du Passager dont les derniers événements encore inconnus sont racontés. La relation entre Dahmaloch et l’homme aux mains tatouées est confirmée et dite de manière explicite : ainsi donc, c’était ça. Le Passager ne maîtrise pas la technologie extraterrestre qu’il a cannibalisée : c’était sous-jacent dans le tome précédent, c’est maintenant patent. Ainsi donc voici comment le Passager a instrumentalisé Brent Parris. D’une certaine manière, ces révélations distillées tout au long de ce tome enjoignent le lecteur à une se montrer participatif, à formuler par lui-même la conséquence de ce qui est dit, ou à faire la démarche en sens inverse pour rétablir le lien de cause à effet avec un événement antérieur. Une fois dans cet état d’esprit, il est entièrement à la merci du narrateur pour la révélation monumentale en planches 40 & 41. Son cerveau est lancé et il continue dans la foulée : énorme et imparable.



Comme avec le tome précédent, le lecteur est complètement investi dans l’aventure et dans l’intrigue, sans arrière-pensée quant à un éventuel deuxième niveau de lecture, encore moins un troisième. Après coup, il peut se livrer à des supputations sur des liens avec l’expérience d’une réalité normale et quotidienne, même s’ils n’apparaissent pas de manière évidente. L’auteur a réussi ce pari peu évident d’une histoire au premier degré, satisfaisante pour elle-même. Il est possible de voir dans le dialogue initial d’Astor et Zakan dans deux langues différentes, la force de la communication entre deux personnes travaillant de concert, de voir dans l’acte du prêtre la bêtise de l’individu qui ne comprend pas ce qu’il fait, dans le coût du don de guérison de l’homme aux mains tatouées une métaphore de l’investissement nécessaire pour former un médecin, dans l’étroitesse des passages à franchir entre deux murs, le fait que la vie de l’individu est toute tracée et qu’il n’a d’autre choix que celui d’avancer. Ce dernier point étant d’autant plus savoureux quand Capricorne met les trois vielles femmes, peut-être les Nornes, des personnes sensées connaître le futur, à la porte de la librairie de Byble. Mais qu’importe…



Terminus : le titre est clair, et cela fait plusieurs tomes qu’un personnage, différent à chaque fois, prononce ce mot comme une prophétie, une annonce. La narration est impeccable, que ce soit sur le plan visuel, ou sur le plan de la structure du récit. Andreas pose quelques pièces supplémentaires du puzzle et les autres déjà présentes autour prennent tout leur sens. Le lecteur jouit de l’histoire au premier degré, comme un enfant, sans arrière-pensée, tout à son plaisir. Et il reste un tome… Et le chat dans tout ça ?
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