À l'occasion du festival "Quai du Polar" 2023 à Lyon, Andrée A. Michaud vous présente son ouvrage "Proies" aux éditions Rivages-Noir.
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Note de musique : © mollat
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Appuyé sur l'aile droite de sa voiture, une Volvo d'une quinzaine d'années dont il avait en partie refait la mécanique, Lavoie les avait regardés s'éloigner, trois adolescents dont le soleil matinal allongeait les ombres, trois corps animés de cette force brute qui vous donne l'illusion que vous pouvez déplacer des montagnes et que l'éternité vous est promise. Il avait aussi connu ça, ainsi qu'il avait connu les désenchantements qui s'ensuivent, et il était heureux que sa fille ne se doute pas à quel point l'éternité pouvait sembler longue.
Mon père avait posé une main sur mon épaule. Ça va, punaise ? Il me donnait ce surnom dans les moments graves, punaise. J'aurais pu m'en offusquer, mais je savais que la punaise qu'il voyait en moi n'avait rien à voir avec la bestiole. Il s'agissait d'une punaise pas vraiment punaise, qui ne sentait pas le diable et savait grimper aux arbres. Punaise n'était qu'un synonyme de la puce, pas tellement plus flatteur, si on y pense bien, qu'un mot gonflé d'affection, et rien ne me faisait plus plaisir que de l'entendre m'appeler ainsi. Tant qu'il m'appellerait punaise, je saurais qu'il m'aimait.
On croit toujours que ça n'arrive qu'aux autres, ces histoires d'horreur. On compatit avec les parents éplorés quand on voit le visage d'un gamin ou d'une gamine reproduit dans le journal ou placardé sur un mur, mais on n'imagine pas que ce visage puisse un jour être celui de notre enfant. Si cette idée nous traverse l'esprit, on la repousse immédiatement en se disant que ça ne peut pas se produire, qu'on est là pour protéger le petit, la petite, que rien ne peut l'atteindre tant qu'on monte la garde. On plaint les pauvres types qui se promènent avec la photo de première communion de leur fillette (…). On plaint les femmes aux yeux cernés abruties par les somnifères, les antidépresseurs, le gros gin caché dans l'armoire de la cuisine (…) mais on n'arrive pas à s'associer réellement à leur détresse. Ce type de fatalité ne frappe que ceux dont le destin est programmé pour le malheur et on ne fait pas partie de ces gens. C'est ce qu'on croit.
Maheut était assez intelligent pour comprendre que la mort inadmissible de cette enfant, seize, câlisse, presque sa fille, venait d'éveiller en lui l'infinie tristesse des pères aux mains inutiles.
Le mal ne pouvait survenir d’un être isolé. Il venait toujours du nombre et du surnombre, de l’accumulation des haines avec le nombre, de la proximité de trop de destins orchestrant férocement leur accomplissement.
(p.161)
La mort de Zaza Mulligan, comme toute autre mort, ne parviendrait pas à étouffer éternellement le rire des survivants. La vie se réorganiserait autour de cette absence et tous, sauf les proches et les flics de son espèce [Michaud], incapables de repousser les fantômes, oublieraient que dans l'espace occupé par l'absence, se tenait autrefois une jeune fille. Il devait en être ainsi, le jeu n'autorisait pas la participation des disparus.
Je n'ai rien oublié des forêt de Bondrée, d'un vert à ce point pénétrant qu'il me semble aujourd'hui issu de la seule luminosité du rêve. Et pourtant, rien n'est plus réel que ces forêts où coule encore le sang des renards roux, rien n'est plus vrai que ces eaux douces dans lesquelles je me suis baignée longtemps après la mort de Pierre Landry, dont le passage au cœur des bois continuait de hanter les lieux.
Puisque j'étais vivant et pas encore totalement cinglé, j'avais pris mes jambes à mon cou, inconscient que la bête que je tentais de semer avait fait son nid dans mes entrailles, que l'homme est un putain de cheval de Troie transportant dans ses tripes tout ce dont il a besoin pour s'auto-détruire et s'empoisonner la vie.
MARDI 18 AOÛT,
Le mardi 18 août d'une année dont on se souviendrait plus tard comme d'une année de deuil et de stupéfaction,trois adolescents de Rivière - Brûlée,un village perdu parmi les collines,avaient quittés la maison familiale sitôt après le déjeuner,aussi excités que s'ils partaient escalader l'Everest,pour aller camper près de la rivière qui avait donné son nom à leur localité,un cours d'eau ayant depuis longtemps oublié les feux qui avaient ravagé ses rives à l'époque où la région ne comptait que quelques âmes.(Page 11).
Il ... se demandait comment on vieillit, si on s’enlaidit lorsqu’on a personne à qui confier sa peur de mourir ou d’arrêter de bander, personne devant qui on peut cracher la bile qui vous bloque les mâchoires si elle reste dedans
(p. 132)