À l'occasion du festival "Quai du Polar" 2023 à Lyon, Andrée A. Michaud vous présente son ouvrage "Proies" aux éditions Rivages-Noir.
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Note de musique : © mollat
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Les filles étaient dangereuses, il l'avait toujours dit. Elles vous aguichaient avec leurs longues jambes, leurs longs bras bronzés, leurs petites simagrées de poupées stupides, et vous mettaient knock-out en vous tordant les couilles à la première occasion.
Mon père avait posé une main sur mon épaule. Ça va, punaise ? Il me donnait ce surnom dans les moments graves, punaise. J'aurais pu m'en offusquer, mais je savais que la punaise qu'il voyait en moi n'avait rien à voir avec la bestiole. Il s'agissait d'une punaise pas vraiment punaise, qui ne sentait pas le diable et savait grimper aux arbres. Punaise n'était qu'un synonyme de la puce, pas tellement plus flatteur, si on y pense bien, qu'un mot gonflé d'affection, et rien ne me faisait plus plaisir que de l'entendre m'appeler ainsi. Tant qu'il m'appellerait punaise, je saurais qu'il m'aimait.
La mort de Zaza Mulligan, comme toute autre mort, ne parviendrait pas à étouffer éternellement le rire des survivants. La vie se réorganiserait autour de cette absence et tous, sauf les proches et les flics de son espèce [Michaud], incapables de repousser les fantômes, oublieraient que dans l'espace occupé par l'absence, se tenait autrefois une jeune fille. Il devait en être ainsi, le jeu n'autorisait pas la participation des disparus.
Je n'ai rien oublié des forêt de Bondrée, d'un vert à ce point pénétrant qu'il me semble aujourd'hui issu de la seule luminosité du rêve. Et pourtant, rien n'est plus réel que ces forêts où coule encore le sang des renards roux, rien n'est plus vrai que ces eaux douces dans lesquelles je me suis baignée longtemps après la mort de Pierre Landry, dont le passage au cœur des bois continuait de hanter les lieux.

On croit toujours que ça n'arrive qu'aux autres, ces histoires d'horreur. On compatit avec les parents éplorés quand on voit le visage d'un gamin ou d'une gamine reproduit dans le journal ou placardé sur un mur, mais on n'imagine pas que ce visage puisse un jour être celui de notre enfant. Si cette idée nous traverse l'esprit, on la repousse immédiatement en se disant que ça ne peut pas se produire, qu'on est là pour protéger le petit, la petite, que rien ne peut l'atteindre tant qu'on monte la garde. On plaint les pauvres types qui se promènent avec la photo de première communion de leur fillette (…). On plaint les femmes aux yeux cernés abruties par les somnifères, les antidépresseurs, le gros gin caché dans l'armoire de la cuisine (…) mais on n'arrive pas à s'associer réellement à leur détresse. Ce type de fatalité ne frappe que ceux dont le destin est programmé pour le malheur et on ne fait pas partie de ces gens. C'est ce qu'on croit.
Le mal ne pouvait survenir d’un être isolé. Il venait toujours du nombre et du surnombre, de l’accumulation des haines avec le nombre, de la proximité de trop de destins orchestrant férocement leur accomplissement.
(p.161)
Il ... se demandait comment on vieillit, si on s’enlaidit lorsqu’on a personne à qui confier sa peur de mourir ou d’arrêter de bander, personne devant qui on peut cracher la bile qui vous bloque les mâchoires si elle reste dedans
(p. 132)
Il faisait tournoyer au fond de son verre la petite goutte d'alcool qui avait échappé à notre cul sec, en suivant le sens de la rotation de la terre, puis il changeait de direction, prenait le temps à rebours et recommençait. Peut- être se disait- il que si le verre pivotait assez longtemps vers l'arrière, il pourrait remonter vers le passé et obliger la terre à replier ses nuits les unes après les autres. Il aurait pourtant dû savoir qu'il ne faut pas davantage plier la nuit que le jour, qu'il faut au contraire courir et retenir ses cris, que c' est l'unique façon de sauver sa peau.
N’importe qui sait que la mort tache, qu’elle laisse des marques partout où elle passe, de grosses traces sales qui nous font trébucher....
(p. 234)
ils n'avaient que vingt ans quand mon frère Bob est né, vingt-trois quand je suis arrivée à mon tour, vingt-huit lorsque Millie s'est pointée et, s'ils n'étaient pas pour autant devenus vieux, leur vision du bonheur s'était rétrécie, elle avait pris la forme d'une véranda et d'un jardin fou où poussaient pêle-mêle le persil et les glaïeuls.