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Vous voulez une comédie à l'humour absurde et piquant ? Connaissez-vous ce petit bijou qui met en scène un écrivain fauché et un pingouin ?
« le Pingouin », d'Andreï Kourkov. C'est à lire en poche chez Liana Levi.
Quand on vit longtemps dans un endroit, on a toujours plus de famille en terre qu’en bonne santé à côté de soi.
Tous les bruits discrets, qui ne suscitent pas l'agacement ni ne font se retourner, deviennent au bout du compte des éléments du silence. Il en était autrefois du silence de la paix. Il en était devenu ainsi du silence de la guerre, où le fracas des armes avaient évincé les bruits de la nature, mais à force de lassitude, était devenu coutumier, s'était comme glissé lui aussi sous les ailes du silence, avait cessé d'attirer l'attention sur lui.
Une vie tranquille à l'abri du besoin. Savourant l'été le bourdonnement des abeilles, et l'hiver le calme et le silence, la blancheur des champs couverts de neige et l'immobilité du ciel gris. Il aurait pu ainsi le reste de sa vie, mais le sort en avait décidé autrement. Quelque chose s'était brisé dans le pays, s'était brisé à Kiev, là où il y avait toujours un truc qui n'allait pas. S'était brisé, et de telle manière que de douloureuses fissures s'étaient propagées par tout le pays, comme dans du verre, et que de ces fissures du sang avait coulé. Une guerre avait éclaté, dont la cause pour Sergueïtch, depuis trois ans déjà, restait brumeuse.
La peur, c’est chose invisible, ténue, multiforme. Comme un virus ou une bactérie. On peut l’inspirer en même temps que l’air, ou bien l’avaler par accident en buvant de l’eau ou de l’alcool, ou encore en être contaminé par les oreilles, par l’ouïe, et la voir alors de ses yeux si clairement que son reflet vous reste imprimé sur la rétine même alors qu’elle s’est déjà évanouie.
Le silence, c’est vrai est une chose capricieuse, phénomène sonore personnel, chaque individu l’ajuste, l’adapte à sa mesure. Autrefois, le silence pour Sergueïtch était le même que pour les autres. Le bourdonnement d’un avion dans le ciel ou le chant d’un grillon s’introduisant la nuit par le vasistas en faisait facilement partie. Tous les bruits discrets, qui ne suscitent pas d’agacement ni ne font se retourner, deviennent au bout du compte des éléments du silence. Il en était ainsi autrefois du silence de la paix. Il en était devenu ainsi du silence de la guerre, où le fracas des armes avait évincé les bruits de la nature, mais à force de lassitude, était devenu coutumier, s’était comme glissé lui aussi sous les ailes du silence, avait cessé d’attirer l’attention sur lui.
Rendue fragile par les rayons du soleil, la fine membrane du sommeil se déchira sans nulle difficulté, le faisant entrer dans un nouveau jour comme un poussin sorti de l’œuf.
Vos Tatars, là, on va les expulser, déclara la vendeuse,…..On va sûrement les forcer à retourner dans leurs ouzbekistans. Ils auraient mieux fait d’y rester bien tranquilles plutôt que de revenir ici…
– Mais c’est leur terre, objecta timidement Sergueïtch.
– Leur terre ? C’est la meilleure ! s’indigna la femme benoîtement. Elle est russe et chrétienne, et ça depuis la nuit des temps ! Bien avant les Tatars, les Russes ont apporté de Turquie le christianisme ici. À Chersonèse. Il n’y avait alors aucun musulman. Ce sont les Turcs qui plus tard les ont envoyés en même temps que l’islam. Poutine, quand il est venu, a raconté lui-même tout ça : ici, on est en sainte terre russe.
- Bon, moi, je ne connais pas l’histoire. Les choses peuvent s’être passées de mille façons.
– Les choses se sont passées comme Poutine l’a dit, insista la vendeuse. Poutine ne me ment pas.
( parlant de la Crimée )
Il songea que c’était une drôle d’époque pour un enfant, un drôle de pays, une drôle d’existence, qu’on n’avait pas même envie de chercher à comprendre ; juste survivre, pas plus… [Ukraine ; 1995-1996]
Le froid força Sergueï Sergueïtch à se lever vers trois heures du matin. Le poêle-cheminée bricolé de ses mains d'après un croquis relevé dans la revue "Datcha bien aimée", avec porte vitrée et deux plaques de cuisson circulaires, ne dispensait plus aucune chaleur. Les sceaux de fer blanc, posés à côté, étaient vides. L'obscurité régnant, il avait plongé la main dans le plus proche, et ses doigts n'avaient rencontré que des miettes de charbon.
(incipit)
C’était ainsi, chaque fois qu’il se trouvait dans sa maison, il ne pouvait s’empêcher de penser à elle. Il faut dire qu’elle donnait matière à penser. Elle offrait des sujets de réflexion simples et accessibles. Une femme offre toujours plus de sujets de réflexion qu’un homme.