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Critiques de Andrus Kivirähk (370)
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L'homme qui savait la langue des serpents

Cet auteur est juste incroyable !

C'est le deuxième ( et pas le dernier) roman que je lis de lui. Ses histoires sont incroyables et emmènent le lecteur dans un autre monde , un autre univers et pourtant il est d'une justesse sans nom.



A travers ses contes, ses légendes repris et transformés, on suit la rencontre entre le monde de la forêt et celui de la ville. La confrontation entre le magique , la religion... En fait, je crois que ces romans son emprunts d'une certaine philosophie, mais l'auteur tourne les choses de façon si magique ,si fantastique, que c'est lié a la mythologie qu'on aborde des sujets importants sans s'en rendre vraiment compte.

Je suis même sûre aujourd'hui qu'il faut plusieurs lectures de ce roman pour pouvoir en saisir tous les tenants et tous les aboutissants.



Et c'est sans oublié tout le côté humoristique qui donne une immense légereté à cette oeuvre



L'écriture de l'auteur est magique , prenante , envoutante et tellement juste. Je ne peux que recommander vivement la découverte d'un tel auteur
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Les groseilles de novembre

J'ai adoré ce roman de fantasy qui sort franchement des sentiers battus.

C'est un roman super original et surtout plein d'humour.



On oscille entre réalité et légendes urbaines.. une revisite qui a du bon car elle permet au lecteur d'en savoir plus sur ces croyances Estoniennes moyenâgeuses. C'est franchement truculent.

J'ai adoré le travail d'écriture qui est plaisant et surtout l'humour qui donne de la légèreté et de l'épaisseur au récit.

Et puis les personnages sont travaillés , que ce soit le seigneur, le serf, le démon, le diable ou le prêtre.. tout est juste parfait.



Un roman que je conseille plus que volontiers aux amateurs du genre, mais également à tout lecteur féru d'humour.
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L'homme qui savait la langue des serpents

Connaître et siffler les mots des serpents qui assujettissent les loups, les ours ou les élans, qui font des reptiles ses amis, en voilà un don linguistique ancestral qui facilite la vie sylvestre et mérite la transmission culturelle. Pourtant la forêt se déserte d'humains au profit des villages, où la modernité fanfaronne avec des faucilles, du pain ou des rouets, où Jésus-Christ est le must de la tendance branchée : «  Papa est d'une autre génération, les trucs des jeunes, ça le dépasse. C'est comme ça, il a fait son temps. Qu'est-ce qu'on pense de Jésus par chez nous ? Moi, je l'adore. J'ai son image au-dessus de mon lit. »

L'on est quelque part en Estonie, quelque part dans un monde médiéval en trompe-l'oeil de fable romanesque. Il y a Leemet le narrateur comme le dernier des Mohicans, l'on croise sur son chemin des anthropopithèques des cavernes un brin nostalgiques, un sage des esprits et des ondins pour le moins sanguinaire, un traditionaliste obscur aux contours à peine cachés de nationalisme. L'on rigole d'amours tendres et délicieux entre ours libidineux et filles nubiles, l'on médite sur les sirènes de la modernité et le poids des coutumes, l'on découvre le temps sacré de la Salamandre qui savait bouter hors de la forêt les hommes de fer. Et l'on frémit aux chocs des civilisations et son déchaînement de violence. Et puis « il n'y a plus personne dans la forêt ».



J'ai dévoré ce roman culte (450 pages) venant d'Estonie. Une sorte de mise en abyme de mondes qui disparaissent, avec une ironie mordante à nous montrer l'ancien comme nouveau, aux accents mirobolants teintés d'anachronisme, d'absurde, de drôlerie et de méditation sous-jacente sur la culture, la différence, le poids des traditions et l'attrait du moderne.

J'ai ri (beaucoup, surtout dans la première moitié), j'ai pas dormi, j'ai empathi (même avec un serpent), j'ai frémi. Et puis je l'ai fini (avec regrets).







« 



« Je l'ai rencontré dans la forêt. On ne se connait pas vraiment, on s'est vus qu'une fois ou deux. Je t'en prie maman, ne commence pas ! Je sais que tu ne supportes pas les ours, mais lui il est tout gentil, et puis il n'y a rien de sérieux entre nous, on se dit juste bonjour quand on se rencontre. »

« Salme, à ton âge on ne fréquente pas les ours ! » dit maman en tombant assise, l'air épouvanté, comme si un éclair venait de foudroyer le toit de notre cabane et de mettre le feu à son ménage.

« Il n'y a rien entre nous ! », répliqua Salme. « Tu entends ? On se dit juste bonjour. »

….

« Salme, les ours ça ne pense qu'à une chose ! »

« Ah oui, et à quoi ? »

« Tu le sais très bien ! Je t'interdis, tu m'entends, je t'interdis de revoir cet ours ! Ils sont beaux gosses et costauds, mais ils n'amènent que du malheur. »



 »
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Le papillon

Estonie, début XXe siècle,

Le jeune August Michelson, sacré luron et menteur de son état, travaille à Tallinn comme serrurier. Son destin bascule le jour où, au retour de l'usine, la calèche des patrons d'Estonia, une troupe de théâtre, passe à sa hauteur. Michelson le serrurier est désormais Michelson le comédien. Le théâtre, il l'a dans le sang et il lui servira de rempart aux tristes réalités de la vie ,"où les règles sont rigides comme les lois de Moise et tout est définitif ". Il y rencontre Erika, la femme de sa vie et une sacré bande de joyeux lurons, les acteurs, des personnages exquis avec lesquels il va faire les 400 coups.

C'est lui qui nous raconte ici l'histoire, la sienne et celle des deux papillons de sa vie, Erika et Estonia, alors qu'il est déjà mort.

Cette mise en scéne loufoque du départ, d'un narrateur d'outre-tombe, nous donne le ton de l'histoire, bien que la suite sera beaucoup moins joyeuse, car......bientôt éclatera la guerre.....



Le duo réalité/ fiction est ici aussi à l'affiche, et Michelson sans vergogne en abuse à sa guise avec nous lecteurs, profitant de sa vie d'acteur, -" Quelle différence y a-t-il au fond entre la vérité et le mensonge ? Pas la moindre-et qui pourrait le savoir mieux que moi, un comédien !" -. Qui sait, peut-être vaudrait-il mieux affronter la vie comme lui ?



C'est le théâtre qui m'attira comme un aimant à ce livre qui se révèle au final une magnifique surprise avec la découverte de la prose magique, pleine d'humour et truffée de symbols d' Andrus Kivirähk, dont je voudrais citer ici un passage sublime sur une première de Hamlet, - " A cet instant, pour toutes les personnes présentes, ce royaume de Danemark imaginaire était la seule réalité. L'irréel prenait vie. le nouvel Estonia avec ses fenêtres illuminées se dressait au coeur de la ville et répandait sa lumière féerique, déchirant la réalité quotidienne, comme un phare éclaire l'embarcation balayée par les vagues grises.

Un papillon.....-"



Un roman plein de vitalité et d'optimisme, où même la mort n'a pas de crédibilité, puisque les morts peuvent revenir quand ils veulent et reprendre du service....

Le Papillon / La Vie, éphémère, fragile, que " le temps met à mort sans pitié, mais qui renaît chaque printemps sur les près, car il a réussi, juste avant de disparaître , à déposer sa ponte, d'où naîtra une descendance si rigoureusement semblable à lui qu'on croirait que presque rien n'a changé".

Un livre dont chaque page, chaque ligne est un pur plaisir de lecture !

Un coup de coeur ? Oui, définitivement.





"Comme je le dis toujours, pourquoi commencer par le moins bon quand on peut choisir le meilleur ? L'ivresse tout de suite, et pour la gueule de bois on verra plus tard - tel est mon credo !"











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L'homme qui savait la langue des serpents

Il y a fort fort longtemps, les estoniens vivaient au coeur de la forêt en totale harmonie avec la nature. Et puis, de la mer, sont venus les chevaliers allemands et avec eux, la modernité et le christianisme. Eblouis par ces hommes de fer, convaincus par les moines, les estoniens ont peu à peu quitté les bois pour vivre dans des villages, cultiver la terre et adorer Jésus-christ.

Mais Leemet n'est pas de cette eau là! Certes, il est né au village mais suite à un incident malheureux mettant en scène un ours, un adultère et une décapitation, sa mère est retournée dans la forêt avec ses deux enfants. Leemet a donc grandi dans le respect des traditions ancestrales et surtout, il a appris la langue des serpents. L'apprentissage fut douloureux, il n'est pas donné à tout le monde de communiquer avec les vipères royales et de se faire obéir de tous les animaux. Mais Leemet a tenu bon, s'est musclé la langue et, brillant élève, a fini par maîtriser entièrement ce langage, sans se douter qu'il serait un jour le dernier homme à le parler...En attendant cette ère funeste, Leemet vit heureux dans cette forêt qu'il connait par coeur. Avec ses amis, Pärtel et Hiie, sans oublier Ints, le jeune vipèreau, ils parcourent les bois en tout sens, rendent visite au dernier couple d' anthropopithèques éleveurs de poux, se régalent de délicieux rôtis d'élans ou de chevreuils et parfois jettent un oeil au village, intrigués par ces hommes qui ont oublié la langue des serpents, courbent l'échine dans les champs et se nourrissent de pain et de soupe d'orge. Bien sûr, leurs filles ne manquent pas de charme mais s'installer au village ce serait abandonner la liberté d'aller à sa guise, renoncer au plaisir interdit d'observer les femmes se flagellant, nues, à la cime des arbres certaines nuits de pleine lune, oublier la légendaire salamandre qui dort, bien cachée, quelque part au fond des bois. Leemet n'est pas prêt à cela et même quand la forêt se dépeuple inexorablement, même quand son meilleur ami suit le mouvement, même quand sa soeur se met en ménage avec un ours faute d'homme à marier, même quand il se sent seul, même quand Ülgas, le sage étend sa néfaste influence aux derniers résistants, Leemet tient bon, convaincu que ceux qui sont attirés par les sirènes de la modernité ont perdu toute raison. Seul rescapé de l'exode, il vivra seul, dernier homme du peuple de la forêt, dernier gardien des traditions.





Que dire de cette fantastique épopée pour que le public français en fasse le succès littéraire qu'il connait déjà en Estonie? Peut-être que chacun y trouvera son compte...Les écolos découvriront une ode à la nature où l'on l'homme vit en symbiose avec le règne animal, ne prélevant que ce qui lui est nécessaire pour vivre. Les amateurs de fantastique pourront lire une histoire épique où un cul-de-jatte peut s'envoler dans les airs tel un oiseau, une salamandre peut repousser l'envahisseur si des milliers d'hommes lui en sifflent l'ordre. Les assoiffés de sang y trouveront le récit de batailles sanglantes, de morts atroces, de rites sacrificiels. Ceux qui aiment rire seront comblés par la tournure comique de certaines scènes, quand les femmes de la forêt s'offrent aux ours patauds, mignons et terriblement séducteurs, quand les villageois se pâment devant le crottin de cheval que les chevaliers sèment dans les champs tandis que les filles s'émerveillent du chant des moines auxquels on coupe "les choses" pour rendre leurs voix plus mélodieuses, quand tous vénèrent Jésus comme une idole. Les historiens en apprendront beaucoup sur la culture estonienne, ses mythes, ses légendes. Et tous aimeront Leemet, le dernier homme à pouvoir parler avec les serpents. Il a bien essayé de vivre au village mais n'a pas su s'y adapter. Même si le récit de la disparition inéluctable de son mode de vie prend parfois des accents tristes et tragiques, ce n'est pas pour autant une histoire larmoyante et nostalgique, c'est juste le constat que l'avancée de ce qu'on appelle le progrès est inéluctable mais que l'on peut choisir de s'y soustraire, en toute connaissance de cause, quitte à être le dernier.

Il y aurait encore tant à dire mais l'ultime conseil sera : Précipitez-vous sur ce livre hors du commun!!
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L'homme qui savait la langue des serpents

« Dans mon temps, c’était beaucoup mieux… » ou alors « C’est dépassé tout ça , ce n’est plus tendance ! » Quel que soit le camp que l’on défend avec fanatisme, on perd toujours quelque chose… C’est ce que nous apprend cette fable sur le changement, qui dénonce avec le même humour ceux qui s’accrochent absurdement au passé et ceux qui adoptent aveuglément les idées nouvelles venues d’ailleurs.



L’histoire raconte une Estonie d’autrefois, un pays où on vivait dans la forêt et où on parlait encore la langue des serpents. Mais des chevaliers venus d’ailleurs ont apporté l’agriculture et la vie dans les plaines et les villages et peu à peu, les créatures fantastiques sont disparues. On y retrouvait même des anthropopithèques qui voulaient vivre dans les arbres comme leurs ancêtres !



Les étrangers amènent de nouvelles religions et les croyances se heurtent. De nouveaux Dieux remplacent les anciens, avec des logiques parfois bizarres. L’auteur traite la chose avec beaucoup d’ironie. Par exemple, lorsque le héros s’étonne que des moines civilisés castrent les jeunes garçons pour qu’ils puissent mieux chanter et que des villageois disent vouloir participer à cette modernité…



Les tenants du passé glorifient la puissance d’autrefois et rêvent de revanche. N’est-ce pas absurde de vouloir massacrer des gens pour venger les torts des générations précédentes ?



Malgré son ton souvent léger, on peut aussi réagir aux émotions du dernier homme, un homme sur qui le malheur s’acharne, puisque ses amours disparaissent, puisque son entourage se fait massacrer et que tout contribue à ce qu’il ne puisse transmettre son savoir.



Voilà donc une fable de l’Estonie, mais qui rejoint bien d’autres sociétés qui sont écartelées entre les modes de retrouver « les vraies valeurs de nos ancêtres » et l’obsolescence planifiée du prêt-à-jeter moderne ? Ne peut-on pas ainsi discuter de la diète paléolithique sur Facebook ?



Pour ma part, je ne crois pas que le passé soit la voie de l’avenir… mais je n’en oublie pas pour autant la devise du Québec, « Je me souviens… »



*Pour un résumé voir plutôt la critique de Sandrine57. C'est tellement bien dit que je ne veux pas répéter. :-)
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L'homme qui savait la langue des serpents

Bien sûr, tout comme moi, vous détestez les serpents ! Et pourtant ! En ouvrant ce livre, vous n’imaginez pas l’aventure que vous allez vivre en leur compagnie.

Vous y rencontrerez Leemet, enfant au début du roman, héros profondément attachant et narrateur de ce qui s'avère être une véritable fable décalée dont chaque épisode fourmille d'inventions surprenantes.



Vous y croiserez des ours libidineux qui se tressent des couronnes de pissenlits pour séduire les femmes, de sages serpents incompris qui méprisent les âneries fanatiques des humains, , un grand-père increvable à la fureur jubilatoire qui se fabrique des ailes avec des os humains, une salamandre géante depuis trop longtemps endormie… Sans compter Leemet, héros follement attachant et terriblement seul face à la bêtise humaine qui refuse toutes les différences.



L'histoire parfaitement construite, parvient sans peine à jouer sur tous les registres, entre épique et burlesque, aussi bien capable d'émouvoir à l'extrême que d'arracher un sourire.

Drôle, touchant, philosophique, magique, parfois mélancolique, parfois tragique ce roman est une pépite, un livre qui ne ressemble à aucun autre et qui ne s’oublie pas.

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L'homme qui savait la langue des serpents

Savez-vous d’où viennent les légendes ? Moi, je commence à en avoir une petite idée et cette idée vient de ce roman formidable qui remonte l’histoire dans une Estonie médiévale. Un temps où habitants de la forêt et du village affrontent leurs idées d’évolution, un temps où l’ancien monde et le nouveau se côtoient et se jaugent. Un monde dans lequel Leemet, notre jeune héros, peine à trouver sa place, incapable de choisir pleinement ou l’un ou l’autre car il comprend que chaque monde recèle sa folie, ses outrages.



Un roman formidable qui soulève beaucoup de questions autour du progrès, du poids du passé, sans oublier non plus les questions autour de la religion et des croyances, de la parole des « détenteurs de la sagesse », de la liberté et de l’asservissement.



Et enfin un roman formidable car l’humour est toujours présent et l’épopée qu’il propose est pleine de truculence, digne des exploits de Pantugruel et de ses nombreux excès.



Et bien sûr il faut saluer l’imagination sans bornes de son auteur Andrus Kivirähk, une imagination qui permet aux hommes de dialoguer avec des serpents, d’avoir pour amis des anthropopithèques, de construire des sacs à vent pour voler, de prendre pour époux un ours... mais aussi hélas de faire la guerre et d’user et abuser de violence.



J’ai été pleinement satisfaite de cette lecture hors du temps, même si je suis sûre d’être passée à côté de références propres au folklore estonien, n’en connaissant pas les codes. Mais peu importe, je vous engage quand même à tenter l’expérience, le merveilleux est un pays extraordinaire.

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L'homme qui savait la langue des serpents

On pourrait croire que Roy Lewis ne s'est pas contenté de manger son père mais qu'il a également forniqué avec Milan Kundera pour que vienne au monde ce roman hilarant et désespéré.

Dans le livre de Lewis, "Back to the trees" était le slogan de pithécanthropes réacs; et, quelques millénaires plus tard, plus personne ne veut vivre dans la forêt. Il faut dire qu'au village ils ont des rouets et des fourches, autant dire des artefacts de la dernière modernité, et, franchement, se contenter de peaux de bêtes est par trop rustique, alors qu'on peut faire pas mieux en se donnant beaucoup plus de peine.

Kivirähk préfère clairement les chasseurs-cueilleurs aux sédentaires mais ne se prend pas pour autant pour Jéhovah. S'il semble raconter le monde d'avant la chute et placer son héros dans une forêt édénique où une même langue est partagée par tous, humains comme animaux, sa vision du péché n'est franchement pas catholique. Dans l'ancien comme dans dans le nouveau monde, chez les amateurs de pain ou les mangeurs de viande, la souffrance et le mal sont venus d'avoir cru à un autre monde, de ne pas s'être contenté de celui-ci. Haïr les serpents au nom de Jésus-Christ ou haïr les villageois pour obéir aux esprits de la forêt, c'est dans tous les cas faire entrer l'intolérance, le malheur et la haine.

Et pourtant, le monde est tellement beau pour qui sait le regarder! On y trouve des ours sentimentaux (et libidineux), des poux géants (et empotés), des potes serpents (qui se révèlent être des filles), des pierres sucrées (et roboratives), des ancêtres cul-de-jatte (et implacables), des filles séduisantes (et mortelles) et même une salamandre impossible à réveiller...

Non, Kiviräkh ne pleure pas sur un passé mythifié: trop de monde a voulu quitter la forêt pour qu'elle soit un paradis. C'est d'être le dernier que se désole son héros Leemet. À qui parler quand on est désormais le seul à se souvenir? Comment échapper à la folie meurtrière dans une société acculturée, coupée de son passé?

Dès le début, on sait bien que cela va mal finir. Pas de deus ex machina. Pas d'illusions à avoir. Mais quand les mondes s'écroulent, il reste les livres; et celui-là est une merveille.
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L'homme qui savait la langue des serpents

Étonnant et très rafraîchissant, ce sont les premiers mots qui me viennent quand je pense à ce roman que j'ai lu début janvier. Cela faisait plusieurs années que j'avais ce roman dans ma PAL repéré grâce à plusieurs avis d'entre vous.



C'est finalement sous forme audio que j'ai découvert cette oeuvre et dès les premières minutes, j'ai compris qu'effectivement ce livre allait être bien différent de mes lectures habituelles. Non seulement je ne connais rien de la culture Estonienne et de son Histoire donc autant dire que niveau légende c'était pareil. Ce livre fut l'occasion d'en découvrir certaines.



On suit la vie d'un homme de son enfance jusqu'à la fin de sa vie. Une vie en marge de la société en développement, la vie d'un homme en retard sur son temps et qui n'arrive pas à se mettre à la page, à s'adapter à l'évolution de la société en restant coincé dans le passé. Ainsi Emmet vit dans la forêt et parle la langue des serpents. Une langue lui permettant de se faire obéir des animaux de la forêt. Une faculté bien utile pour se nourrir notamment, il suffit en effet d'ordonner à un chevreuil de venir à vous et se laisser faire afin de pouvoir l'égorger en toute tranquillité et sans effort. Les habitants, en revanche, quittent la forêt, oublient la langue des serpents et adoptent un mode de vie rurale agricole vivant de leur récoltes. de la même manière, ils abandonnent les croyances païennes de la forêt pour se convertir au christianisme.



On suit donc Emmett et ses évolutions au cours du temps, au début du roman la forêt est déjà bien vide et cela sera de pire en pire tout au long de la lecture. On voit l'incompréhension de l'enfant mêlé de fascination pour ce nouveau mode de vie, puis de l'adolescent et de l'adulte qui ne parvient pas à trouver sa place hors de la forêt et à ce qui lui semble être une régression plutôt qu'une évolution.



Le sujet du roman ne brille donc pas par son optimisme, au contraire au fil des pages c'est même un récit assez sombre que nous présente ici l'auteur. Si la première partie pose lentement mais sûrement ce cadre, la seconde moitié du roman offre un récit plus rythmé avec davantage d'action et des évènements assez tragiques. Cependant et c'est peut-être là l'un des plus grands tour de force de ce roman, ce n'est jamais lourd, l'auteur arrivant à mêlant passage comique, presque parfois même absurde avec pourtant un propos de fond assez sombre.



Du fait de la culture Estonienne, du ton très singulier de ce roman mêlant un fond assez sombre mais avec des passages assez drôles, ce conte fantastique s'avère très singulier et très différent de la fantasy que je lis habituellement. Par ailleurs est c'est là encore assez fort, l'auteur parvient à accrocher un large lectorat et notamment ceux qui ne connaissent pas l'Histoire de l'Estonie. La postface du récit dans ce cadre est très intéressante expliquant le caractère pastiche de ce récit mais qui ne peut être perçu qu'avec des connaissances relatives à l'Estonie. Cependant, même sans percevoir forcément cette double lecture possible, les thématiques abordées restent assez universelles et le tout suffisamment singulier pour accrocher le lecteur.



Hyper original et bien écrit, j'ai vraiment beaucoup apprécié l'écoute de ce roman aussi divertissant qu'il est intéressant. Si ce n'est pas encore fait et même si vous n'êtes pas particulièrement féru de SFFF, je ne peux que vous recommander de découvrir ce roman qui ne devrait pas vous laisser indifférent.



J'ai pour ma part très envie maintenant de découvrir Les groseilles de novembre du même auteur.

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Les groseilles de novembre

Un petit village estonien au mois de novembre. La météo n'est pas folichonne, ce ne sont que pluies glaciales, gelées et averses de neige. En bons estoniens qu'ils sont, les habitants ne se laissent pas abattre par les mauvaises conditions climatiques, d'autant que ventre affamé n'a pas froid aux oreilles. Il faut se sustenter et pour cela ils se livrent à leur sport favori : le vol, le cambriolage, l'extorsion, chez le voisin, chez l'ami proche, mais surtout au manoir où le garde-manger du baron allemand, l'infâme !, est continuellement pillé par les affamés. Les plus débrouillards chargent leur kratt de rapporter nourriture et bois de chauffage, les autres vont se servir eux-mêmes grâce à quelques ruses dont ils ont le secret. Dans cette ambiance de rapine généralisée, certains refusent obstinément tout ce qui vient du château, abhorrant ceux qui y vivent, ceux qui y travaillent et plus généralement tout ce qui vient d'Allemagne. D'autres se servent avec parcimonie, se contentant de subvenir à leurs besoins au quotidien. D'autres encore préfèrent amasser, jamais repus, toujours dans la peur de manquer. Les plus rusés ne se font pas prendre, les plus idiots prennent tout et n'importe quoi. Bien sûr, voler n'est pas très chrétien mais peut-on être honnête dans un pays où les démons se promènent aux yeux de tous, où le diable, ce Vieux-Païen, exige une âme en échange de chaque service, où les maladies prennent forme humaine pour se faufiler dans les chairs et tuer ?! Pourtant, là où ne poussent que haine, acrimonie, jalousie, mauvaise foi et cupidité, parfois fleurit l'amour, pur, désintéressé, mais sans espoir véritable.





Bien sûr, Les groseilles de novembre n'est pas aussi profond et émouvant que L'homme qui savait la langue des serpents mais on aurait tort de le dédaigner pour autant. Ces petites chroniques villageoises, piquantes et burlesques, nous entraînent dans le folklore estonien, un peu à la manière des Racontars de Jorn Riel au Groenland. Inspiré par les contes traditionnels et porté par son imagination débordante, Andrus Kivirähk nous emmène dans un village reculé où la magie est au service d'habitants peu sympathiques, avares et envieux, seulement guidés par l'appât du gain. Cette clique rêve de pièces d'or, de garde-manger pleins à craquer et tout cela sans se fatiguer. Rusés, ils pactisent avec le diable mais toujours à leur avantage, sachant berner ce vieux fourbe trop naïf.

Dans cet univers peuplé de vaches de mer, de loups-garous et de maintes créatures diaboliques, il faut laisser sa raison de côté et retrouver son âme d'enfant. D'ailleurs, ne sont-ils pas de grands enfants ces estoniens qui se bricolent un kratt de bric et de broc, qui creusent la terre à la recherche d'un trésor, qui soignent la malaria à grands coups de vodka ? S'il y en a à qui l'âge a apporté un peu de sagesse, la plupart préfère se laisser aller à la paresse et à la facilité. On ne voudrait pas les fréquenter sur le long terme mais il est bien plaisant de passer le mois de novembre en leur compagnie, trente jours de pur délire et de fantaisie. Après le peuple des forêts, Andrus Kivirähk s'intéresse à la paysannerie, roublarde et débrouillarde, toujours en rébellion contre le seigneur local, tardivement convertie au christianisme, ayant adopté Jésus-Christ sans délaisser les anciennes croyances.

Kivirähk n'innove pas, mais ne déçoit pas non plus, et réussit encore une fois à nous emporter dans une belle aventure littéraire. A découvrir !





Un grand merci à toi Mollymoon pour le partage.
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L'homme qui savait la langue des serpents

Édition Le Tripode – Littératures - Arts - OVNIS



Extrait de la Postface de Jean-Pierre Minaudier, traducteur de L'homme qui savait la langue des serpents :



C'est comme un pamphlet et non comme un simple conte fantastique que le roman de Kivirähk a été accueilli en Estonie. Cette dimension pamphlétaire n'a pas surpris le public estonien, même si elle était absente des précédents romans de Kivirähk : il intervient régulièrement dans les journaux sur des sujets politiques ou de société. Elle n'a pas non plus vraiment fait scandale, car les Estoniens sont tolérants et ont un sens aigu de l'autodérision, et parce que depuis quelques années des essayistes, comme Andreï Hvostov, et des historiens, comme Ea Jansen, disent à leur manière ce que Kivirähk exprime sur le mode romanesque.



Quatrième de couverture



Empreint de réalisme magique et d'un souffle inspiré des sagas islandaises, L'homme qui savait la langue des serpents révèle l'humour et l'imagination délirante d'Andrus Kivirähk.



Le roman qui connaît un immense succès depuis sa parution en 2007 en Estonie, retrace dans une époque médiévale réinventée la vie d'un homme qui, habitant dans la forêt, voit le monde de ses ancêtres disparaître et la modernité l'emporter.



Grand Prix de L'Imaginaire 2014



Challenge Atout prix 2017 – Grand Prix de L'Imaginaire 2014



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L'homme qui savait la langue des serpents

A la vue de cette superbe couverture représentant une sorte de reptile ailé, je n'ai pu résister à son charme ancien qui m'a rappelée les planches Deyrolle tant aimées de mon enfance.

« L'homme qui savait la langue des serpents » est un roman étonnant, mystérieux, qui m'a transportée dans un monde fascinant et étrange, peuplé d'animaux extraordinaires. Dans mes rêves éveillés, j'ai vu la légendaire Salamandre protégeant les rivages et affrontant des navires qui venaient piller les côtes estoniennes, un pou géant de compagnie, des ours qui séduisaient les jeunes filles,...



Entre récit fantastique et vieux mythes, roman picaresque et conte épique, règne un univers enchanteur où le réalisme magique côtoie l'histoire, le folklore, la culture et le paganisme. Ce roman est incontestablement insolite et extravagant, accentué peut-être par notre manque de connaissances et de références culturelles et historiques sur l'Estonie.



*

Le roman d'Andrus Kivirähk est un voyage passionnant qui nous plonge dans les forêts de l'Estonie médiévale à la rencontre des derniers peuples païens.



Avant l'invasion de chevaliers teutoniques venus de Germanie, les estoniens vivaient en harmonie dans la forêt, parlaient encore la langue des serpents, élevaient des louves laitières, se déplaçaient à dos de loup et hibernaient en hiver.

Mais depuis, leur monde et leur mode de vie sont en sursis. Petit à petit, les familles quittent la forêt, attirées par la vie plus facile dans les villages, et oublient leurs coutumes ancestrales. Elles apprennent l'allemand, se convertissent au christianisme et adoptent des noms bibliques.



« le monde change, il y a des choses qui sombrent dans l'oubli, d'autres émergent. »



Andrus Kivirähk est un auteur talentueux, qui a su créer un univers fascinant et original saupoudré de merveilleux et de fantaisie débridée. Toutefois, la dernière partie du récit devient un peu plus sombre et plus violente.



*

L'histoire n'est pas linéaire, elle se déroule en empruntant des sinuosités, suivant les différents habitants de la forêt tout au long de leur vie. L'auteur ne s'est pas focalisé totalement sur le personnage principal, il a aussi réussi à donner vie à de nombreux personnages inoubliables.



Le jeune Leemet, le narrateur, est le dernier de son peuple à connaître la langue ancestrale des serpents, celle qui lui permet de communiquer avec les serpents et les animaux de la forêt. Son récit se teinte souvent de mélancolie et de nostalgie, car si la Salamandre endormie ne se réveille pas, son peuple va s'éteindre.

Sa personnalité complexe, avec ses failles et ses imperfections, sa curiosité, ses doutes et ses interrogations le rend profondément humain et d'autant plus attachant. A travers le parcours de notre jeune héros, on ressent le changement profond qui s'opère dans sa vie : attiré par le nouveau mode de vie des étrangers et respectueux de l'ancienne culture, on voit se dessiner dans son esprit une envie de compromis.



« Les désagréments, c'est comme la pluie : un jour ils vont nous tomber dessus, mais il n'y a pas de raison de s'en soucier tant que le soleil brille. Et puis, la pluie, on peut s'en protéger, et beaucoup de choses qui semblent fort laides vues de loin ne sont pas si terribles que ça quand on s'en approche. »



Il dépeint un monde en profonde mutation : le poids des anciennes traditions et des rites sacrés face la modernité, un mode de vie de chasseurs-cueilleurs face à l'agriculture et l'élevage, la nature face à la culture, le paganisme face à la religion chrétienne.

Ce qui est extrêmement bien réussi, c'est la façon dont Leemet prend conscience de l'irrationalité et de l'absurdité du fanatisme religieux des deux sociétés.



« Il y en a qui croient aux génies et fréquentent les bois sacrés, et puis d'autres qui croient en Jésus et qui vont à l'église. C'est juste une question de mode. Il n'y a rien d'utile à tirer de tous ces dieux, c'est comme des broches ou des perles, c'est pour faire joli. »



*

De nombreux personnages, délicieusement croqués, à la fois hauts en couleur, loufoques et charismatiques, mettent une ambiance pleine de folie et d'extravagance : une jeune vipère royale, le grand-père de Leemet qui se bat comme un enragé avec ses crocs venimeux, le mystérieux personnage de Meeme, Tambet le sorcier du bois sacré, un couple d'anthropopithèques, Nounours l'amoureux transi de Salme.



« Nounours, c'était ce gros plantigrade avec qui ma soeur s'était mise en ménage depuis déjà cinq ans. Je me rappelais très bien comment elle avait quitté notre foyer – pour maman, naturellement, c'était une grande honte et un terrible malheur, car depuis sa triste expérience de jeunesse elle ne pouvait pas voir les ours, même en peinture. Bien sûr, il y avait belle lurette que nous savions que l'un d'entre eux tournait autour de Salme, mais maman faisait tout ce qu'elle pouvait pour tenir sa fille à l'écart du grand brun. À vrai dire, elle ne pouvait pas grand-chose. Salme traînait tout son saoul dans la forêt, et son galant traînait là où il fallait ; dans ces conditions, évidemment, leurs chemins se croisaient sans arrêt dans les fourrés. Il est très difficile à une jeune fille de se garder d'un ours : c'est si grand, si doux, si mignon, et ce museau qui sent le miel. Maman guerroya tant qu'elle put, mais le soir, quand ma soeur rentrait, ses vêtements étaient toujours couverts de poils. »



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Dans une langue fluide et ensorcelante, Andrus Kivirähk explore avec profondeur et subtilité, la perte de l'identité culturelle et sociale, la confrontation entre traditions ancestrales et modernité. Il offre également des réflexions très intéressantes sur la famille, la guerre, l'amour, la condition de la femme et la liberté.



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L'écriture d'Andrus Kivirähk est magnifique, poétique, colorée, légère, vivante, teintée d'humour, d'ironie et de sarcasme. Par la beauté des paysages, par la richesse incroyable du monde imaginé par l'auteur, par les émotions transmises, cette lecture est vraiment immersive.

Mais l'auteur n'hésite pas à emprunter des chemins plus tragiques, jonglant habilement avec la brutalité, la naïveté ou la stupidité des hommes, jouant ainsi avec nos émotions.



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En résumé, "L'homme qui savait la langue des serpents" a un charme très particulier. Il a réussi à me séduire grâce à son atmosphère déjantée, son inventivité, ses personnages burlesques à la limite de la caricature, son monde riche et fascinant, son atmosphère entre mythologie et Histoire.



"L'homme qui savait la langue des serpents" fait partie de ces romans rares, qui sortent de l'ordinaire. Il ne plaira peut-être pas à tout le monde, mais si vous souhaitez lire un roman atypique, il sera peut-être votre prochain coup de coeur, tout comme moi.
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Les groseilles de novembre

C’est donc ça un OLNI (Objet Littéraire Non Identifié) ? Un roman qui vous percute l’esprit d’une façon explosive ? Ça ne ressemble en rien de ce que j’ai lu précédemment mais j’ai vraiment adoré. Ça nous vient d’Estonie, de petites histoires d’automne (de novembre, plus précisément). Du premier au dernier jour du mois de novembre, l’auteur nous fait découvrir un petit village de la contrée des kratts. Dans ce village, il y a un manoir où vivent des barons et sa cohorte de personnel et les autres pauvres paysans qui n’ont d’autres moyens pour survivre que de voler leurs voisins (surtout le plus riche). Mais c’est encore mieux si c’est le kratt, créature fabriquée à partir de matériel divers, qui s’occupe des tâches les plus ingrates…

Ce roman ne manque d’humour et d’imagination ! Les différentes légendes urbaines sont passées en revue et Kivirahk présente des personnages haut en couleur comme Sander, le granger ou le couple de vieux qui cherche le bon moyen de faire fortune ou encore celui qui a la bonne idée de tomber amoureux de la fille du manoir… Des histoires qui se croisent et décroisent en avançant doucement dans le mois et gagnent en puissance dans ses scènes du foklore estonien. La roublardise est reine chez ces villageois mais heureusement, car les créatures diaboliques ont du répondant. Attention car les contes n’ont pas toujours une happy end…

Parait-il qu’il y a d’autres romans d’Andrus Kivirahk encore meilleurs ? Génial !! (La couverture de l’édition française est vraiment très belle !)

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Les groseilles de novembre

Dans un petit village d’Estonie, dans un passé incertain, plus ou moins lointain, une poignée d’habitants détraqués attendent l’hiver et fuient l’ennui (et la misère) avec leurs kratts. Il s’agit de créatures que l’on fabriquait avec des riens et qui, après un pacte avec le diable, s’animaient pour aider leurs maitres dans leurs travaux domestiques. Cela inclut aller voler chez les voisins… Bref, on peut les comparer à des sortes de lutins, d’elfes de maison à la pinocchio. Apparemment, le folklore local est rempli de ces objets. Ainsi, Andrus Kivirähk, avec son roman Les groseilles de novembre, nous présente un univers loufoque et original.



Ces kratts sont assez particuliers mais, assez souvent et surprenamment, les habitants leur volent la vedette. Il y a Kareel qui, pensant faire fuir la peste et la maladie avec une haleine d’alcool, boit et boit à n’en plus tenir debout. Son valet, pour qui toutes les excuses étaient bonnes pour s’éloigner de son travail, n’ose plus aller à la taverne de peur de tomber sur son maitre. Et il est tellement crédule qu’on peut lui faire manger du savon en le passant pour du pain parfumé… Il y a aussi ce vieux couple de radins, Imbi et Ärni, à qui l’on joue des tours. Sans oublier Oskar, Liina, Reïn et tous les autres. Cette galerie de personnages colorés est bidonnants.



Si l’univers et les personnages sont impressionnants, toutefois, il vint un moment où je me demandais où Andrus Kivirähk voulait m’amener. Après tout, ces personnages restent les mêmes du début à la fin. Chacun a ses petits désirs et subit des revers, mais aucun n’est plus important que l’autre et, au final, à part nous faire rire, ils ont peu accompli. Et pourtant, ça peut suffire. En fait, ça a suffi. J’en suis venu à la conclusion que l’auteur ne voulait m’amener nulle part, il s’est follement amusé en présentant à ses lecteurs une image romancée de son pays (de jadis) et de son folklore tiré des légendes païennes millénaires. Un joli divertissement.
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L'homme qui savait la langue des serpents

Une fois n'est pas coutume, j'ai entamé la lecture de ce roman sans avoir consulté la moindre critique au préalable. Je savais donc très peu de choses à son sujet, hormis qu'il était précédé d'une réputation flatteuse (Grand Prix de l'Imaginaire en 2014 notamment) et que ses ingrédients principaux devaient fatalement provoquer notre rencontre un jour ou l'autre : Europe de l'Est médiévale et Imaginaire sur fond d'opposition entre paganisme et christianisme, comment résister ? Si je suis entré dans l'univers d'Andrus Kivirähk avec une certaine circonspection, j'en ressors littéralement enchanté. "L'homme qui savait la langue des serpents" est assurément l'une de mes plus belles découvertes de cette année, le type de lecture dont on sait qu'elle restera longtemps en mémoire.



Le roman est impossible à résumer, d'ailleurs l'entreprise serait assez vaine. Pour se faire une idée, il suffit de savoir qu'on y croise, entre autres, un couple d'éleveurs de poux dont le plus beau spécimen atteint la taille d'un chevreuil ; des ours libidineux recherchant la compagnie des femmes humaines jusqu'à se mettre en ménage avec elles ; un grand-père cul-de-jatte doté de crocs venimeux ; un gigantesque poisson à longue barbe dormant depuis des siècles au fond des mers ; des hordes de loups que l'on chevauche pour aller guerroyer contre les "hommes de fer" envahissant l'Estonie ; une mythique Salamandre cachée sous terre ; et bien sûr des serpents avec lesquels certaines personnes ont le pouvoir de parler... Le récit prend tour à tour des allures de fable, de conte philosophique, de saga nordique, de roman picaresque. L'écriture d'Andrus Kivirähk est pleine d'inventivité, de facétie, d'humour, ce qui n'empêche pas une bonne dose de noirceur, de violence et de cruauté. Et si les péripéties sont nombreuses tout au long de ces 450 pages, il ne faut pas forcément s'attendre à une succession d'événements très spectaculaires. Quitter sa forêt pour aller au village et goûter à ces étranges mets nommés "pain" et "vin", c'est déjà toute une aventure !



Il faut saluer le travail du traducteur, qui nous propose une postface d'un grand intérêt. Jean-Pierre Minaudier ne surinterprète pas le texte de manière pédante comme c'est souvent le cas dans ce genre d'exercice. Au contraire, il nous donne quelques clefs de compréhension fort bienvenues, liées au contexte historique et culturel de l'Estonie, tout en insistant sur l'une des idées essentielles développées dans le roman : si son narrateur est un homme de la forêt confronté à la disparition de son mode de vie traditionnel, Andrus Kivirähk ne cède pas pour autant à un discours rétrograde de type "c'était mieux avant". La course effrénée au prétendu progrès, l'imitation des modes venues de l'étranger (Jésus-Christ l'idole des jeunes !) sont des lubies ridicules, mais ceux qui s'accrochent de toute force à un passé révolu ne valent guère mieux. Païens et chrétiens, réactionnaires et progressistes, sont finalement renvoyés dos à dos.



"L'homme qui savait la langue des serpents" a été publié en français par un éditeur généraliste et son auteur ne vient pas montrer sa trogne chaque printemps aux Imaginales, pourtant on a bel et bien affaire à un authentique roman de fantasy. Il est à recommander chaudement aux habitués du genre, qui y retrouveront la magie et l'émerveillement qu'ils recherchent dans leurs lectures (avec en prime un dépaysement bien supérieur à la production anglo-saxonne courante) mais aussi à tous ceux qui ont de lourds a priori envers la fantasy : non, celle-ci ne se limite pas à l'image préconçue que vous en avez... Quant aux critiques de grands journaux, si prompts d'ordinaire à toiser avec dédain les "littératures de genre" mais dont l'enthousiasme s'affiche cette fois en quatrième de couverture : félicitations, vous avez lu et aimé un roman de fantasy, et parler de "réalisme magique" n'y changera rien !
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Les groseilles de novembre

Fantastique et misère de paysans du moyen-âge.



Un village estonien où les habitants ont recours à des Kraats qui vont voler de la nourriture chez les voisins et surtout au manoir du riche propriétaire. Des kraats? Ce sont des créatures faites de rebuts assemblés par le paysan, mais auxquels le diable donne une âme en échange de celle du paysan. Mais peut-être y a-t-il une ruse pour échapper au « Vieux-Païen »…



Chaque chapitre raconte une journée de novembre où on doit utiliser des ruses pour échapper à la Peste ou empêcher la maladie d’entrer! Et il y a des groseilles pour tromper le Diable…



Du côté de l’étrange, on ne rencontre pas que des kraats, il y a aussi des suces-lait, des pélunoirs, des loups-garous, une sorcière ainsi que des sacs et des onguents magiques!



Mais c’est aussi des histoires d’humains certains rusés, d’autres stupides, la cupidité des uns, la rancœur envers le maître, les amours impossibles, le courage et la générosité des autres, dans une société isolée où il n’est pas toujours facile de manger à sa faim.



Un audacieux mélange de fables et de folie dans lequel il faut embarquer sans chercher à comprendre…

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Le papillon

Ce roman est né d'une enquête sur la création du théâtre estonien au début du siècle dernier.

Kivirähk trouva dans son étude une source d'inspiration pour son premier roman.



Et quelle inspiration ! je retrouve dans ce texte ce qui m'avait plu dans ses deux autres romans publiés en français : "L'homme qui savait la langue des serpents" et "Les groseilles de novembre" (mon préféré).



Légèreté, prose vivante et joyeuse, petites touches de magie ou de fantastique, tout ceci est présent dans ce premier roman où l'auteur évoque la carrière théâtrale d'un ouvrier serrurier, ses rencontres, ses espoirs.



Tout n'est certes pas gai dans ce roman, mais les desseins du chagrin et la mort sont déjoués par la plume alerte de l'auteur.



Court livre, mais condensé de talent !



Merci à Babelio et au Tripode pour l'envoi de ce livre.
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Le papillon

Shakespeare a dit « All the world's a stage ! » et Andrus Kivirähk , inversant la perspective, affirme que le théâtre est une bulle de rêve, de fiction et de résistance dans ce monde de brutes.



L'ultime citadelle de la liberté, de la fantaisie et de la joie dans un monde de cruauté, de violence et de raison triste.



Je viens de refermer – trop vite, hélas ! mais comment résister ?- le Papillon d'Andrus Kivirähk, dont les ailes diaprées n'ont pas fini de voleter dans mon esprit.



Quelle liberté dans le ton, dans les ruptures assumées avec la chronologie - le narrateur est mort, n'a-t-il pas, dès lors, tous les droits ?- !!



Quelle jolie fable, poétique, légère , si éclairante dans ses moralités suggérées- pas de lourds messages, jamais, on volète aimablement d'une vérité à un mensonge, et les deux sont aussi justes, aussi révélateurs- !!



Quel mélange savoureux de légendes et d'Histoire !



Quelle triste gaieté et quelle douce tristesse !



Ce papillon est à épingler dans toutes les bibliothèques. Oh ! pardon, il faudrait non pas l'épingler mais lui garder son vol léger, ses ailes de fées, ses couleurs paradisiaques !



J'ai littéralement adoré ce roman, cet auteur, son originalité et sa profondeur, derrière sa liberté impertinente !



Juste avant la première guerre et juste après la seconde, August Michelson, (auto-rebaptisé Mihklisoo, pendant la brève parenthèse républicaine où l'Estonie était débarrassée du grand frère russe), nous raconte, dans le plus grand désordre et dans le mélange le plus éhonté de joyeux mensonges et de tristes vérités- il est mort, paix à ses cendres !- l'histoire d'un petit théâtre, l'Estonia, qui se trouve une âme, par le plus grand des hasards, et devient dès lors l'aventure héroïque de toute une troupe, de tout un public, de toute une ville (la ville de Talinn).



Malgré la violence du monde extérieur, qui ne pénètre plus dans ses murs depuis que la passion de la fiction et la magie du mensonge l'animent, malgré la présence, sous ses murs et à sa porte, d'un grand loup gris au regard féroce qui ne ménage pas ses efforts ni ses crocs pour attaquer et décimer la vaillante troupe.



Malgré la fragilité de son éphémère talisman.



Celui-ci a un nom : Erika, c'est elle, le papillon, l'âme de l'Estonia. Sa baraka, sa chance insolente et fugace. C'est elle le grand amour d'August Michelson.



C'est la petite flamme qui brûle dans tous les vrais théâtres.



Tant qu'elle danse avec August, petit lutin timide, tant qu'elle volète d'une fleur à l'autre, butinant tout le suc de la vie, rien à craindre ! le loup gris n'a qu'à bien se tenir ! Mais parfois les valses changent de tempo, et les danseuses, bien malgré elles, de partenaires,..



La musique devient alors un pas de deux avec la mort et l'espoir s'envole, se fait la malle, au milieu des décors de papiers et des robes de princesses…



Vite, vite, si vous aimez la poésie, et surtout le théâtre , si vous adorez découvrir un ton, un pays, un esprit à nul autre pareil, partez à la chasse au papillon, comme dans la chanson de Brassens , et revenez-en le coeur tout bouleversé, tout chaviré de bonheur et de chagrin !



En refermant le livre, je me suis demandé, aussi, si chaque vrai théâtre n'avait pas son papillon..



Gérard Philippe ou Jean Vilar pour l'ancien TNP.



Et, plus près de nous, ne voyons- nous pas battre encore les grandes ailes vibrantes de Peter Brook ou celles si colorées d'Ariane Mnouchkine, ces vieux papillons toujours vivaces, toujours volants ?



Mais jusques à quand ?



Et que deviendront, après eux, les Bouffes du Nord ? le théâtre du Soleil ?





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L'homme qui savait la langue des serpents

Voilà un livre de 470 pages dévoré en quelques soirée. Quelle imagination, quel talent.



Je ne connaissais pas cet auteur et j'ai deux de ses romans dans ma bibliothèque depuis des années. J'avais été attirée par la couverture, le titre et les recommandations de mon libraire. Et puis ils étaient restés bien au chaud dans ma bibliothèque. Finalement ce titre qui m'avait d'abord attiré, finissait par me répulser...



En début de semaine, je décidais de passer le cap. Et bien m'en a pris car ce livre est vraiment passionnant. Je m'étonne qu'aucun film n'ai été tiré de ce roman car c'est une belle épopée. La seule remarque négative est peut être que la dernière partie est franchement sanguinolente sur des pages et des pages.



Cette épopée qui permet une satire des religions, des nostalgiques des temps anciens et des adulateurs du monde moderne mis sur le même plan est vraiment très réussie. Car si le sujet est grave, il y a également plusieurs moments drôles.



je me réjouis de lire le second livre qui est dans ma bibliothèque de cet auteur.



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