Vidéo de Andrzej Szczypiorski
Mais le dernier jour de sa vie fut comme le miroir et le raccourci de toute sa destinée, depuis son enfance (...)
C'est pourquoi sa mort, contre un mur de Varsovie, fut très belle et très noble. Il pardonna d'abord à ses assassins, car il savait qu'ils étaient eux aussi voués à la mort et que la mort ne rachèterait pas leur infamie. Il pardonna à tous les hommes et au monde entier, qu'il jugeait mal fait et contraire au dessein de Dieu, puisque Celui-ci voulait un monde où chacun serait libre, indépendamment de sa race, de son mode de vie, de sa nationalité, de la forme de son nez, de ses idées et de sa pointure.
Au printemps de l'an 1458, la ville d'Arras fut frappée par la peste et par la famine. En un mois, près d'un cinquième de la population périt.
Au mois d'octobre 1461, pour des raisons demeurées obscures, éclata la fameuse Vauderie d'Arras. Les juifs y furent horriblement persécutés, les sorcières pourchassées ; il y eut des procès pour de prétendues hérésies, une explosion soudaine du pillage et du crime. Après trois semaines, le calme revint.
Plus tard, David, l'évêque d'Utrecht, bâtard du prince bourguignon Philippe le Bon, annula tous les procès en sorcellerie et bénit Arras.
Tels sont les événements qui constituent ce récit.
A.Szczypiorski
vauderie = sabbat des sorciers
C’était une femme très belle, une blonde claire aux yeux bleus, au nez droit, fin, délicatement ciselé, à la bouche un peu ironique. Elle avait trente-six ans et possédait un bon capital en bijoux et en dollars or.
(...)
Il est vrai qu’à tout moment Stuckler se levait et regardait attentivement ses oreilles, mais il retournait aussitôt à son bureau. Elle avait entendu parler de ces sottises sur les oreilles des femmes juives.
D'ailleurs, David montra bientôt à la ville sa bienveillance: en vertu de son pouvoir épiscopal, il remit ses péchés à la femme exécutée, la libérant ainsi de l'enfer. Je me rappelle la nuit où Albert apprit cette décision de l'évêque.
- Voilà qui lui ressemble bien, déclara t il. Le meilleur ami de Notre-Seigneur Dieu ! Je vois d'ici ce qui se passe dans le ciel. On fait savoir à Dieu que l'évêque d'Utrecht a libéré cette femme de ses péchés. Dans les salles du paradis, c'est l'agitation, le trouble, l'inquiétude. Dieu le Père est tout malheureux. Quelle maladresse! se dit-Il, laisser passer une chose pareille. L'évêque d'Utrecht doit être mécontent. Retirez cette femme de l'enfer au plus vite et transférez-la dans les flammes du purgatoire. C'est ce que font les anges avec diligence et l'un d'eux s'empresse d'apporter à Gand l'humble message informant l'évêque que tout a été fait selon son bon vouloir. Mais quoi ! L'ange est prié d'attendre parce que Son Éminence est justement occupée, par un banquet ou une courtisane... Sots ! Sots ! Sots ! Ils s'imaginent que Dieu est leur subordonné ou leur associé ou encore partie opposée. Mais L'ont ils déjà vu ? Ont-ils déjà parlé avec Lui ?
- Père Albert, dis-je alors. Il y a des principes qui règlent notre vie et notre salut. Il relève du pouvoir de l'évêque d'agir au nom de Dieu; et même s'il est difficile de discerner des accords passés dans ce sens, il faut tout de même penser que les cieux attendent des prêtres des décisions conformes aux décisions de l'Église
Albert m'interrompit.
- Les enseignements de l'Église ne proviennent que partiellement de Dieu; ils sont partiellement l'œuvre des hommes.
- C'est vrai, père. Mais n'oublions pas que sans la grâce particulière de la Révélation, L' Église n'aurait pas été capable d'établir ces principes...
- Là, c'est une autre question, grogna Albert. Et je ne désire pas partager avec toi mes idées sur ce point.
En vérité, il parlait comme un hérétique. Mais c'était sans importance, car il était de ceux qui ont le privilège de pouvoir se frotter à l'hérésie. Il vivait trop près de Dieu pour que le doute ne vienne germer dans son cœur.