Il recule une seconde et me sourit comme s'il était l'homme le plus heureux du monde. Son expression de joie presque enfantine fait exploser mon cœur d'un amour infini.
Sans crier gare, il me prend dans ses bras et me soulève de terre. Mon petit cri de surprise se transforme en gémissement quand il prend possession de ma bouche pour m'embrasser comme s'il voulait me dévorer. Je lui rend son baiser avec la même passion et la même euphorie, bien qu'au fond de moi, je sois morte de peur.
Puis je gagne la salle de bains, prends une douche brûlante de quelques minutes et enfile laborieusement de délicats sous-vêtements ainsi qu’une jolie robe sexy. Comme on prépare un cadavre pour le rendre présentable, je me coiffe et me maquille : eye-liner et mascara pour agrandir mon regard morne, fard à joues pour donner un peu de couleur à ma peau livide, rouge à lèvres carmin pour égayer mon visage fantomatique. Un nuage de Chanel N° 5, parfum acheté par mon mari dont je ne supporte pas l’odeur, et me voilà prête. Il ne me reste plus qu’à chausser une paire d’escarpins.
Ainsi déguisée je ressemble à une pute. Une pute, ou plutôt une poupée gonflable. Un objet sans vie que l’on frappe ou que l’on baise, au choix, quand l’envie nous en prend. Un réceptacle à coups et à foutre.
Ses immenses yeux noirs semblent si triste que je ne peux m'empêcher de la serrer dans mes bras. Deux personnes blessées, détruites, peuvent-elles se reconstruire ensemble? S'épauler, se soutenir afin de ne plus être bancales?
Dans cette pièce glaciale qui sera ma chambre d'ici deux semaines,les yeux ouverts sur l'obscurité épaisse et froide, j'attend que les larmes se tarissent. Mais rien n'y fait, elles continuent de rouler sur l'oreiller, détrempant le coton égyptien hors de prix. Je pleure de me dire que ma vie n'aurait pas dû ce passer comme sa et n'être qu'une succession d'épreuves et de sacrifices. Mais surtout, je pleure de comprendre pourquoi, tout à coup, je ne supporte plus ce qui auparavant me semblait acceptable.
- Je préfère les femmes mûres aux gamines insupportables dans votre genre. Elles, au moins, ont l'expérience des hommes et ne se prennent pas pour des reines juste parce qu'elles ont un joli cul.
Respire, Emelyne, respire.
- Vous êtes serieux là?
Il sourit ce con.