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Critiques de Angélique Villeneuve (278)
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Les ciels furieux

°°° Rentrée littéraire 2023 # 32 °°°



« Au moment précis où, enfin, Henni s'apprête à s'enfuir au-dehors dans la neige, c'est le plus grand, le plus maigre des hommes entrés dans la maison qui arrache le dernier bébé du sein de Pessia et le soulève au-dessus de lui. le cri qui monte avec l'enfant emplit l'air de faisceaux, de fumées, de roches explosives. »



Ce sont les premières phrases. Quelque part en Europe de l'Est au début du XXème siècle nous dit la quatrième de couverture. Un pogrom ravage un shtetl, une communauté villageoise où sont contraints de vivre les juifs de l'empire russe, celui de Henni, fillette de huit ans. La violence est bien là, insupportable dans ce qu'elle imprime chez le lecteur, mais jamais le mot de « pogrom » n'est utilisé dans le roman, jamais le nom du lieu ou la date exacte, même si on pense fort au pogrom de Kichinev ( Bessarabie, actuelle Moldavie ) en 1903.



« Puis on entend un bruit, comme un coup, et voilà qu'apparaissent en nuée les chansons dont Henni a bercé le bébé, voilà les noms inventés tant de fois murmurés en secret. Ils flottent autour de l'étagère à thé, tous, et avec eux les baisers longs posés sur les paupières, les bars tendus, les tapotis de réconfort, les fouissements chauds au creux des poings minuscules refroidis par les courants d'air. A mesure qu'elle les avait donnés, ils s'étaient donc blottis dans la poitrine et sous les cheveux de l'enfant, tel un duvet posé sur un autre et sur un autre encore, jusqu'à bâtir le corps doux d'un oiseau à l'intérieur de lui. Les petits noms, les souffles, les gestes et les images qui l'ont rendue si fière, et puis aussi les mots. Ils sont ici juste après le bruit, tournoyant sous l'étagère à thé en une cendre plumeuse. Henni voit tout dans un miroitement de lumière, et juste après elle ne voit plus rien. »



Les Ciels furieux n'est pas un roman historique car c'est avant tout l'histoire de Henni et de sa fuite avec les rescapés de sa fratrie, vingt-quatre heures à hauteur d'enfant, d'une fillette qui n'a pas conscience de sa judéité, qui ne sait pas ce qu'est l'antisémitisme ou un pogrom, et qui ne comprend rien à ce déferlement de violence.



Henni est un personnage impossible à oublier tant Angélique Villeneuve est parvenue à nous immerger dans son esprit, son corps, son ressenti. Comme dans un conte, elle va devoir affronter des épreuves : des rencontres parfois hostiles, la faim et la soif, une déchirante solitude, des décisions à prendre.

Son seul atout est la force de l'imaginaire qu'a une enfant de son âge pour contrer la barbarie et l'insoutenable réalité. Sa fuite est entrecoupée des souvenirs du passé proche, lorsqu'elle vivait en paix avec ses parents, son grand frère, sa grande soeur Zelda son modèle absolu, et les trois bébés dont le « sien », Avrom, dont elle est chargé de s'occuper. Autant de rappels de vie et de son amour pour sa famille qui la poussent à avancer.



« Ce à quoi elle croit dur comme fer, en revanche, c'est au père plongé dans ses livres de comptes. A la mère. Aux bébés aussi, elle y croit, et pourtant dans sa tête le mot ne se dit pas. Elle voit seulement leurs visages tour à tour apeurés et rieurs, elle sent leur odeur, la densité mobile de leur corps, l'avidité de leurs figures. Les bébés sont une colonie d'animaux vivant depuis toujours à l'intérieur d'elle ou bien d'émanation de ses propres organes. »



Le texte est tragique, très rude par les faits racontés, mais il est percé de lumière car Henni est une petite fille de lumière et de vie. La plume très sensorielle de l'autrice est éblouissante, virtuose même. Malgré tout ce que traverse Henni, plusieurs passages sont bouleversants de poésie comme lorsque la fillette a recours à un jeu avec ses doigts, chacun représentant un des membres de sa famille, neuf avec la grand-mère, plus le dixième qui se révélera lors de son parcours.



Une proposition littéraire d'une rare force.
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La belle lumière

Quelle lecture extraordinairement enrichissante ! Angélique Villeneuve, découverte lors de Correspondances de Manosque 2020, m’avait étonné puis ému avec la présentation de son nouveau roman : La belle lumière.

Alors qu’Helen Keller est devenue mondialement célèbre, première femme aveugle et sourde à obtenir un diplôme universitaire, il fallait du courage et du cœur pour oser remonter dans le temps et écrire sur sa mère, Kate Keller, née Adams.

Comme elle l’explique dans la postface, Angélique Villeneuve n’avait que très peu d’éléments sur cette femme qu’elle a su faire magnifiquement revivre. Un point commun les réunit cependant : avoir traversé de bien rudes épreuves.

Après un premier chapitre où Kate, enceinte de son deuxième enfant, cherche Helen, sa fille, cachée dans la masse des rhododendrons sauvages, en 1886, voilà Kate qui, à 22 ans, doit apprendre à vivre en Alabama. Sans trop savoir pourquoi, elle a accepté d’épouser Arthur Keller, veuf, de vingt ans son aîné. Ils habitent à Tuscumbia, dans ce sud des États-Unis encore profondément marqué par les années d’esclavage et la guerre de Sécession (1861 – 1865). D’ailleurs, tout au long du livre, l’autrice montre bien la vie de ces anciens esclaves noirs toujours au service des riches propriétaires blancs et subissant un racisme des plus violents.

Février 1882, Helen, son bébé, est victime d’une très forte fièvre qui dure dix jours. Scarlatine, typhoïde… on n’a jamais su exactement. Alors que le médecin annonce sa mort prochaine, elle guérit mais elle reste aveugle, sourde et muette.

Avec beaucoup d’imagination et de délicatesse, Angélique Villeneuve m’a plongé dans le quotidien de cette famille et sa domesticité. Elle décrit toutes les tentatives pour essayer de guérir l’enfant et les échecs.

Kate, en mère admirable, supporte tout ainsi que son entourage. Helen touche tout, dévaste tout, ne respecte rien, agit souvent avec violence. Les conseilleurs parlent d’asile, poussent les parents à se débarrasser de cette enfant qui accumule les catastrophes.

Kate a une relation fusionnelle avec sa fille qui accepte mal la naissance d’une petite sœur, Mildred, alors qu’elle va avoir 7 ans. Heureusement, Kate a lu Voyage en Amérique de Charles Dickens où il parle d’une institution, à Boston, où vivent normalement des enfants sourds-muets.

Malgré l’éloignement, 1800 km, arrive Miss Sullivan, envoyée par l’Institut Perkins de Boston. C’est le début d’une bataille fantastique qu’il faut vraiment lire car elle est racontée avec tellement de force et de douceur, permettant de comprendre comment la petite Helen a commencé à apprendre l’amour et l’obéissance. Petit à petit, grâce à Ann Sullivan, elle signe avec ses doigts et s’approprie son environnement jusqu’au jour où, déchirement terrible, Kate doit accepter de laisser partir sa fille pour Boston, seule condition pour progresser encore…

Roman doux et violent à la fois, La belle lumière constitue un élément essentiel à la compréhension des familles vivant de pareilles épreuves. Il permet d’appréhender tout l’amour infini dont doivent faire preuve parents et proches pour permettre à leurs enfants d’atteindre la belle lumière.



Pour moi, ce livre est un énorme coup de cœur !


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La belle lumière

La majorité des gens ont entendu parler un jour ou l’autre de Helen Keller. Ces quelques mots pour la présenter : Elle est née en 1880 et est devenue sourde, aveugle et muette après de fortes fièvres à l’âge de 19 mois. Cette enfant farouche et considérée comme idiote par beaucoup, Ann Sullivan, jeune éducatrice parviendra à la mener jusqu’à la lumière du langage et elle deviendra notamment la première personne handicapée à obtenir un diplôme universitaire.

Des films, livres et une BD relatent son parcours. Mais Angélique Villeneuve, elle, a voulu s’intéresser à la mère d’Helen, Kate Adams Keller, cette mère aujourd’hui repoussée dans l’ombre et sans qui, pourtant, Helen n’aurait sans doute jamais pu accéder au miracle de la connaissance. Angélique Villeneuve, se sentant assez proche de Kate, pour avoir elle aussi subi de terribles épreuves a dû prendre quelques libertés pour imaginer les pensées, les sentiments, la douleur de cette femme et les tourments qu’elle a pu endurer. Cependant, tout repose sur des faits réels.

Pour cela, l’auteure s’est glissée dans la peau de son personnage, au plus proche de son cœur et nous offre un livre remarquable et bouleversant.

Nous assistons tout d’abord à cet immense bonheur qu’est la naissance de cette enfant pour Kate qui, pour suivre son mari, un veuf de vingt ans plus âgé qu’elle, a dû abandonner sa famille et venir s’installer à Tuscumba, cette petite ville du nord de l’Alabama.

Mais la fillette est soudain victime de terribles fièvres dont elle sortira aveugle, sourde et muette, malgré tous les soins prodigués. Kate est ravagée par la douleur mais ne s’avoue pas vaincue et tente toutes les solutions possibles pour la sauver. En vain. Même son frère Fred lui conseille l’asile.

En dernier recours, c’est un livre de Charles Dickens, Voyage en Amérique, qui la mettra sur la voix de l’Institution des Aveugles à Boston. Elle sera alors mise en relation avec Ann Sullivan.

Prête à tout pour sauver sa fille et lui donner une chance de communiquer, elle acceptera en 1888, malgré le déchirement et une séparation quasi inhumaine, de laisser partir Helen avec Ann pour rejoindre l’Institution Perkins à Boston. L’auteure décrit admirablement cette méthode nouvelle de la langue des doigts et ce qu’a été la difficulté pour Helen d’arriver d’abord à se maîtriser, puis apprendre à obéir pour ensuite apprendre à communiquer et ensuite ce désir intense d’apprendre toujours plus.

Le portrait que fait l’écrivaine de cette mère dépeint une femme déchirée, rongée par la culpabilité mais dont l’amour pour sa fille est sans bornes. Avec une écriture sensuelle, viscérale et tellement sensible, Angélique Villeneuve, nous donne à vivre sa solitude, son amour de la nature, des roses, ses doutes, ses colères, cet amour fusionnel entre elle et sa fille, sa force de caractère et sa combativité sans faille.

Cette vie se déroule dans un contexte historique spécial, à la fin du 19e siècle, dans ce Sud des États-Unis, encore marqué par la guerre de Sécession et les tensions raciales.

Avec Kate, nous traversons donc une période sombre et la force de l’auteure est de nous faire découvrir, en fin de roman, comme un cadeau en quelque sorte : La belle lumière.

J’ai pu assister, en septembre dernier, aux Correspondances de Manosque, à la présentation de ce livre par son auteure et l’émotion transperçait fortement dans ses mots lorsqu’elle parlait de cette mère qu’avait été Kate et nous disait être encore habitée par son personnage, ce qui était très perceptible dans ses propos.

La belle lumière est une fiction basée sur la réalité, très documentée, à la fois pleine de force et pleine de sensibilité que je recommande chaleureusement !


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Un territoire

Je ne connaissais pas cette auteure française. Son écriture est à part, elle écrit de manière feutrée, comme sur du coton. Oui une écriture ouatée, presque sourde, où il faut deviner car rien ne m’a semblé clair dans ce territoire. Il y a Elle, elle qui vit dans le cagibis de la cuisine, et eux le Garçon et la Fille. Personne n’est nommé. On sait juste que les enfants ne la supportent plus, qu’elle doit se calfeutrer dans son terrier. Elle n’a d’utilité que pour préparer les repas, nettoyer la maison, repasser le linge. Elle est invisible. Séquestrée presque dans sa propre maison. Pour survivre, elle fait preuve de grande imagination, s’attelle à accorder aux objets une place humaine, puisqu’il ne reste plus qu’eux qui veulent encore d’elle. Elle range ses broutilles dans son cagibis, essentielles pour Elle car elles lui tiennent compagnie, embellissent son quotidien. Il y a aussi le chat qui se montre aimant à son égard. Peu de choses qui ensemble forment un territoire. Son territoire. Là, elle peut aussi se laisser aller aux souvenirs. Tout n’a pas toujours été noir pour elle. Il y a eu des jours heureux.



C’est un huit-clos. Pas de dialogue. Une histoire que j’ai trouvée triste et silencieuse. Pourquoi est-elle là, qu’est il arrivé à l’amour... J’aurai aimé quelques lignes plus claires, plus évocatrices, j’aurai aimé être bouleversée ou révoltée. Je suis juste perplexe et dubitative car en conclusion, c’est bien l’histoire d’un territoire dont il est question.
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Les ciels furieux



Henni a 8 ans et sa vie bascule brutalement avec une fuite éperdue devant un drame qui frappe sa famille, drame qu’elle ne comprend pas.

Angélique Villeneuve qui m’avait déjà régalé avec La belle lumière, m’emmène cette fois, sous Les ciels furieux, dans un village d’un pays de l’est de l’Europe. Des brigands surgissent subitement dans la maison de cette famille juive tranquille. Comme le note l’autrice, la mère « couve ou se remet de ses couvaisons », cela signifie qu’elle enchaîne les grossesses et qu’elle nourrit ses bébés avant de les confier aux plus grands.

Zelda, justement, a presque trois ans de plus que Henni et elle compte beaucoup pour sa petite sœur. À 11 ans, elle s’occupe déjà de Iossif et de Kolia, deux jolis nourrissons. Quant à Henni, la voilà toute fière de se voir confier Avrom dès qu’il a fini de téter.

Saupoudré de nombreux termes en yiddish, le récit de cette fuite dans la neige et des souvenirs ayant marqué le début de la vie de Henni m’ont profondément ému. Si Henni et Zelda ont réussi à fuir l’horreur, il y a aussi Lev, le grand frère qui vit déjà sa vie et n’a pas les meilleures fréquentations.

Pour résister au froid, tenter de conserver un peu de confiance dans la vie, Henni a trouvé un moyen original en donnant à chacun de ses doigts le nom d’un membre de sa famille. Dans les moments difficiles, elle peut ainsi se raccrocher à une personne qui lui est chère.

Pendant cette fuite qui occupe vingt-quatre heures de la vie de Henni, les souvenirs affluent et cela permet de faire plus ample connaissance avec elle, avec sa famille et avec ses voisins.

J’apprends, par exemple, que son père, Arie Sapojnik, est un homme bon qui n’est pas craint par ses enfants. Par contre, la mère est soit indifférente, soit impériale…

Au cours de ma lecture, j’ai souffert du froid avec Henni dans la briquèterie, tremblé de peur lorsqu’elle entend des hommes approcher ou voit des femmes venir piller une maison déjà visitée par des brigands.

Angélique Villeneuve, contant, de son écriture toujours délicieuse et soignée, une histoire qui paraît simple, montre un vrai sens du suspense. Elle sait aussi rendre avec beaucoup de délicatesse les pensées qui agitent l’esprit de Henni car celle-ci est à la fois tourmentée et confiante.

Angélique Villeneuve que j’avais écoutée présenter Les ciels furieux aux Correspondances de Manosque 2023, m’avait donné envie de la lire à nouveau et ce fut une lecture émouvante durant laquelle inquiétude et douleur se sont mêlées, sans négliger quelques touches de poésie.

De plus, comme Henni ne manque pas d’imagination, l’autrice livre quelques scènes assez énigmatiques donnant une touche d’irréel au roman alors qu’elle a le mérite de mettre en évidence des drames, des pogroms qui ont trop souvent bouleversé des familles entières. La plupart du temps, les criminels agissaient en toute impunité avec, souvent, un pouvoir qui favorisait leurs agissements.

Enfin, attaché aux pas de Henni sous Les ciels furieux et de sa lutte pour la vie, j’aimerais tant lire la suite… Peut-être qu’Angélique Villeneuve…


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Les Fleurs d'hiver

Attention pépite ! J'avais déjà fortement apprécié le style d'Angélique Villeneuve dans Grand Paradis mais là, je dois dire que je me suis pris une claque magistrale. Vous savez, c'est ce livre que l'on referme en disant "waouh !" ; ce livre qui a fait une telle impression que l'on est obligé de lire un petit roman léger derrière car tout nous paraît fade, sans saveur littéraire.



Avec une écriture ciselée, un ton intimiste, poétique parfois, la romancière nous livre ici un épisode douloureux, conséquence de la Première Guerre Mondiale : le retour au domicile des gueules cassées. Elle ose montrer le quotidien, étaler les ressentis que l'on se gardait bien de montrer car trop honteux. La famille se devait d'être exemplaire envers ces hommes qui avaient combattu pour la Patrie. Pourtant, bien souvent, face à celui qui ne ressemblait plus à l'homme parti quelques années auparavant, qui n'avait plus aucune similitude avec le faciès d'un être humain d'ailleurs, le cercle familial éprouvait de la crainte, du dégoût, allant même jusqu'à préférer la disparition du soldat. Puis venait l'apprivoisement... apprivoisement d'un visage, d'un corps pour l'un, d'un individu pour les proches.



Ce qui me marque d'autant plus, c'est le fait que la beauté des mots met en relief la laideur, la noirceur du vécu des personnages. J'aime beaucoup ce genre et ces auteurs pas suffisamment connus à mon goût. Un grand bravo pour ce petit chef-d'œuvre !
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La belle lumière

Née en 1880 en Alabama, Helen Keller perd la vue et l’audition à moins de deux ans, suite à une congestion cérébrale. Privée de moyens de communication et couvée par sa mère, Kate, qui lui passe tous ses caprices, l’enfant sans langage grandit comme un petit animal indomptable et passe bientôt pour une folle violente. Désespérée quant à l’avenir de sa fille, Kate fait appel à Anne Sullivan, éducatrice dans une école pour aveugles. En lui enseignant le braille et la langue des signes, la jeune femme transformera Helen qui, par sa brillante carrière d’auteur et de militante politique, sera la première à prouver au monde la capacité des personnes sourdes à communiquer et à trouver leur place dans la société.





Les célèbres Helen Keller et Anna Sullivan ont fait l’objet de maints ouvrages, et même de films. L’auteur a choisi de se glisser dans la peau de Kate, la mère, pour imaginer son ressenti à partir des faits réels connus. Après avoir failli perdre sa fille face à la maladie, voilà que peu à peu cette femme doit faire le deuil de l’avenir de son enfant, à mesure que le handicap s’avère sans recours malgré toutes les tentatives entreprises. Culpabilisée dans son rôle maternel, écorchée par la stigmatisation et le rejet, Kate se retrouve seule et démunie dans un quotidien devenu un enfer, et dans sa recherche désespérée d’un avenir pour sa fille quand tous l’ont déjà condamnée à l’asile psychiatrique. L’on frémit au passage du sort de toutes ces personnes sourdes qui, faute de langage et de moyens de communication, se sont retrouvées bloquées dans leur développement et considérées déficientes mentales.





Angélique Villeneuve recrée à merveille le contexte historique et l’atmosphère de cette demeure du sud des Etats-Unis qui n’a pas encore digéré la victoire des Yankees et l’abolition de l’esclavage. Ce n’est qu’ébranlée par son drame maternel que Kate finit par s’ouvrir au sort des plus faibles et à réaliser l’insupportable intolérance des blancs de son milieu...





Portée par une écriture fluide et sensible, cette fiction construite autour de personnages réels est une formidable leçon d’amour maternel et un lumineux plaidoyer pour l’acceptation de la différence. Coup de coeur.


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Un territoire

Voici un roman atypique et magistral. L'histoire aurait pu être somme toute banale, ou du moins déjà vue : une femme maltraitée par deux enfants dans sa propre maison. Pourtant, il n'en est rien ici et on a l'impression de découvrir le thème de la maltraitance pour la première fois. Il faut dire que celui-ci est masqué par les pensées de cette femme sans nom, sans identité, qui pourrait très bien être la représentante de toutes celles qui subissent. Pourtant, il n'y a pas de place pour le pathos car ce personnage a une grandeur d'âme, une bonté forçant le respect. On entre dans l'intime et dans l'intimité de cette malentendante, un peu pataude, que l'on devine désignée comme l'arriérée de la famille.



Elle se focalise sur une chose : le sang, fil conducteur du roman. Celui de la vie, celui de la mort... il s'écoule dans ce roman comme dans les veines, faisant souvent office de décor. L'atmosphère devient glauque, on est oppressé, on étouffe. Pourquoi a t-on envahi le territoire de cette femme, ce cagibi dans lequel personne ne vient si ce n'est nous, lecteurs ? Ce territoire dans lequel elle entasse tout un tas de choses futiles à nos yeux mais hautement symboliques aux siens...



Angélique Villeneuve a pour habitude de nous emmener dans des huis-clos dans lesquels on pénètre à pas feutrés. Encore une fois, elle réussit la prouesse de transcender un sujet en sondant le tréfonds de l'âme. C'est fort, très fort !
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La belle lumière

Après avoir épousé, presque à contrecœur, Arthur, un capitaine de 20 ans plus vieux qu'elle, Kate quitte la maison familiale pour s'installer à Tuscumbia, dans l'Alabama. Dans le cottage, elle doit cohabiter avec sa belle-sœur et les deux garçons de son mari. Elle est également perdue face à ses devoirs de maîtresse de maison qui lui imposent de gérer les réceptions, l'élaboration des menus, la direction des domestiques, la récolte des légumes et certainement les bébés à venir. La jeune femme peine à s'épanouir dans son mariage. Heureusement, l'arrivée d'un enfant la comble de joie. Si les premiers mois se passent bien et qu'elle entretient une relation fusionnelle avec Helen, une fièvre féroce s'empare de l'enfant, alors âgée d'à peine 2 ans. Une fièvre qui dure malgré tous les médecins appelés à son chevet. Lorsque Helen guérit enfin, Kate se rend très vite compte que sa fille ne réagit plus à la lumière... avant de ne plus réagir aux sons...



Ce n'est pas tant le portrait d'Helen Keller que tout le monde connaît (auteure et conférencière qui fut la première personne aveugle et sourde à être agrégée d'une licence en lettres, grâce notamment à Ann Sullivan) mais bien celui de sa mère, Kate, qu'Angélique Villeneuve a tenté de dépeindre, avec finalement le peu d'éléments qu'elle a réussi à trouver. Solidement basé sur des faits réels, avec quelques libertés prises, comme le souligne l'auteure dans la postface, ce roman met en lumière toute la force, le courage, la ténacité et l'amour de cette jeune mère pour que son enfant s'épanouisse au mieux et vive le plus normalement possible. Tout cela malgré les doutes, les découragements, les obstacles et le peu de soutien de son entourage mais aussi une certaine forme de jalousie envers Ann Sullivan qui s'accaparera Helen et lui substituera en quelque sorte son rôle de mère. Tout en finesse, s'imprégnant parfaitement des émotions et des sentiments de Kate Keller, Angélique Villeneuve rend un bel hommage à celle qui, parfois le cœur meurtri, aura permis à son enfant de découvrir sa propre lumière...
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Nuit de septembre

Par une nuit de septembre, il s'est donné la mort. Pendu à la poutre de sa chambre...

Par un matin de septembre, s'inquiétant de ne pas le voir descendre, de n'entendre aucun bruit à l'étage, ils ont découvert son corps.

Quand il faut prévenir ses sœurs et leurs petits amis, quand il faut se rendre aux pompes funèbres, supporter les interrogatoires des pompiers et des policiers, Angélique s'y tient. Avec son mari. Sans verser une seule larme... On lui dit que c'est normal. Que c'est le choc.

Mais après ? Comment vivre la vie après cela ? Est-elle toujours sa mère ? A-t-elle toujours trois enfants ?



C'est avec beaucoup d'émotions que l'on referme ce témoignage. Les mots nous manquent. Tout comme Angélique Villeneuve à qui il manque ce mot qui n'existe pas. Elle, que voilà désormais "orpheline de fils". Comment surmonter l'après en son absence ? Les regards ? Les mots que certains évitent ? Les toutes premières fois qui vont durer au moins une année ? Et c'est avec une extrême pudeur, tout en retenue, que l'auteure met des mots sur ses maux. Des mots doux, tendres, aimants, vibrants pour celui qui n'est plus là physiquement mais qu'elle ressent au plus profond d'elle-même. Avec une incroyable justesse, une infinie douceur, une élégante poésie, Angélique Villeneuve raconte la douleur, le chagrin, le manque parfois, la vie après...

Grâce à elle, Octave revit sous sa plume. Elle qui l'a rendu plus que jamais vivant, beau, grand. On le devine, on le ressent. Dans les mots. Entre les lignes.

Poignant...
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Les Fleurs d'hiver

Ouvrière fleuriste en chambre, Jeanne est tout affairée à son travail, sa chaise collée au poêle qui, pourtant, ne dégage que très peu de chaleur. Sa fille, Léo, joue seule, dans son coin, chantonnant parfois. Habituées qu'elles sont à n'être plus que deux dans ce petit appartement, elles ne font pas attention, surtout Jeanne, au bruit des pas dans l'escalier. Aussi lorsqu'elle détourne la tête, elle reste assise, ne réalisant pas que c'est Bien Toussaint qui se tient sur le pas de la porte. Elle le trouve grandi, beau dans son uniforme. Étranger aussi. Le voilà de retour son homme blessé dans les tranchées puis soigné au Val-de-Grâce. Silencieux et le visage à moitié caché par un morceau de tissu.... Et si la fin de la guerre est toute proche, c'est un nouveau combat qui attend Jeanne et Toussaint...



D'une extrême délicatesse, Angélique Villeneuve fait éclore, avec beaucoup de pudeur et de sensibilité, ces Fleurs d'hiver... Si la guerre aura épargné la vie de Toussaint, c'est tout de même un autre homme qui revient chez lui, après des mois de convalescence. Un homme meurtri, blessé dans son cœur et dans sa chair. Un homme que Jeanne devra apprendre à approcher, à coups d'effleurements, de tâtonnements fragiles, de regards rassurants et de patience, mais aussi à (ré)apprivoiser et à aimer autrement. D'un amour qui, on l'espère, réussira à panser ses blessures. D'une plume délicate et sensible, ce roman dépeint avec finesse la vie des ces femmes séparées de leur mari ou de leur fils, l'attente d'une lettre, l'absence qui, chaque jour, ronge un peu plus l'espoir.

C'est tout en douceur que l'on referme la porte de cet appartement, espérant de tout cœur que la vie, aussi fragile soit-elle, renaîtra pour ces deux âmes blessées...
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La belle lumière

Un titre lumineux pour un roman qui ne l’est pas moins !





Angélique Villeneuve se penche sur le destin hors norme de la célèbre Helen Keller, aveugle, sourde et muette et qui, malgré ce lourd handicap deviendra universitaire !



C’est en 1882 alors qu’elle a à peine 2 ans , que l’enfant perd la vue et l’ouïe, autant dire les capacités de s’exprimer par le langage, atteinte à cette période de la vie où tout se met en place. La fillette devient une sauvageonne, indisciplinée, réagissant avec ce qui lui reste de capacités sensorielles pour explorer le monde, les odeurs et les sensations orales, dussent-elles se manifester par des morsures. C’est la persévérance d’Ann Sullivan, une éducatrice qui deviendra une véritable amie, qu’Helen apprendra à se socialiser et deviendra l’auteur et la militante que l’on connaît.



Son histoire a déjà été contée dans Miracle en Alabama, pièce de théâtre puis film et l’originalité du roman d’Angélique Villeneuve est de replacer du point de vue de la mère de l’enfant, en étau entre un amour fusionnel et une incapacité de contraindre pour faire grandir. D’autant que cette mère est une jeune fille de vingt ans, épouse en seconde noce d’un homme beaucoup plus âgé qu’elle, héritant ainsi de grands enfants, dans un ménage où il ne lui est pas facile de trouver sa place.



Le roman est également replacé dans son contexte historique, en cette fin de dix-neuvième siècle , avec des connaissances médicales balbutiantes et on mesure la chance, pour la jeune handicapée de bénéficier d’une méthode nouvelle et efficace pour la sortir de son isolement sensoriel. Une part de chance, mais aussi l’obstination de la mère, qui essaye tout ce que est possible et de l’éducatrice, dont le pari n’était pas gagné d’avance.



Transcrite avec une grande sensibilité et une évocation omniprésente du sensoriel, l’histoire séduit par sa délicatesse et son humanité.


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Les ciels furieux

Au début du vingtième siècle, la petite Henni se réjouit de la charge récente qui lui incombe : elle a un bébé à elle. Autrement dit, on lui confie la garde de son dernier petit frère, comme sa soeur aînée a pu avant elle avoir la charge de deux enfants dans ce foyer juif au coeur d’un ghetto. L’amour qui lie cette famille reste assombri d’une menace permanente. Malgré la bienveillance et l’optimisme du père, l’intranquilité est sous jacente.

Viendra le moment de l’intrusion, dont il est assez difficile d’établir les faits. On sait cependant qu’Henni passera une nuit d’angoisse et de froid dans une briqueterie non loin de là, en compagnie de son frère et de sa soeur.



L’enfant reviendra au village, tentant de comprendre ce qui s’est passé.



Le roman se lit à travers les yeux et les pensées d’Henni, sans pour autant reproduire la vision naïve d’un enfant. Il en résulte un flou sur les faits et il est difficile de comprendre le raisonnement de la fillette. Le récit s’abrite derrière une très belle écriture, mais met à distance ce qui devrait atteindre nos émotions, puisque l’on comprend entre les lignes que personne n’a survécu au massacre.



J‘avais beaucoup aimé La belle lumière. J’ai toujours une grande admiration pour le style même si je n’ai pas été complètement conquise cette fois.



210 pages Le passage 24 août 2023


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Les Fleurs d'hiver

S’il est des sujets dont je ne suis pas fan et que j’évite volontairement ce sont bien ceux qui tournent autour des périodes 1914 - 1918 et 1939 – 1945.

A part le terrible « Cris » de Laurent Gaudé, j’ai toujours esquivé ces récits qui malheureusement ne servent d’aucune leçon à l’homme qui continue au quotidien ses massacres, ses humiliations et autres commémorations de ses horreurs. Pour se souvenir de quoi nous sommes capables, regarder le présent est bien assez éprouvant. Bref…

Pourquoi alors avoir accepté le prêt de Marie mosaïque92 que je remercie vivement?

Tout simplement parce que ce n’est pas un livre sur la guerre. Les gueules cassées, ce n’est plus la guerre, ce sont les conséquences.

Toussaint est l’une d’entre elles qui rentre au foyer après des mois de reconstruction faciale au Val de Grâce. Retrouver une femme et une fille qu’il n’a qu’à peine connu, avec un handicap lourd à porter risque d’être compliqué.

Angélique Villeneuve nous fait entrer dans la peau de Jeanne, cette femme victime elle aussi de la guerre comme l’ont été toutes celles ayant perdu un fils, un mari ou un père. Elle tient tête aux jours mauvais pour et par Léonie, sa fille. Par l’amitié et la solidarité avec ses voisines aussi, toutes plus ou moins dans le même cas. Sauf que Jeanne sait qu’elle va retrouver Toussaint, qu’il est vivant. Blessé mais vivant, ce n’est qu’une question de temps et le temps est venu.

Comment reprendre une relation après une si longue absence ? Comment faire quand les vécus ont apporté des traumatismes différents dont l’autre ne peut appréhender la profondeur ? Comment réagir quand le temps pris à la vie risque de faire d’un couple deux étrangers ?

« Les Fleurs d’Hiver », c’est l’histoire d’une reconstruction. Après le bruit des bombes, c’est une ode au silence. La communication est privée de mots, de bruit, du vacarme des cœurs. Les tourments de l’âme vont se libérer par les gestes, dans un regard. Les peurs et autres inquiétudes n’ont qu’une seule issue, une complicité retrouvée, peu à peu, il faut se ré-apprivoiser.

J’ai beaucoup aimé l’écriture d’Angélique Villeneuve, presque apaisante pour un sujet compliqué.

C’est un magnifique portrait de femme. Un livre sur la guerre ? Non, un livre sur l’Amour.

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Les Fleurs d'hiver

On les appelait les gueules cassés, mais ce n'était pas qu'une simple image. Fin 1916, Toussaint Caillet a été atteint à la face par un éclat d'obus à Verdun, sur le Chemin des Dames. La blessure est vilaine. Il est rapatrié au Val-de-Grâce où il y sera soigné durant plusieurs mois, presque jusqu'à la fin de la guerre.

À Paris, sa femme Jeanne est fleuriste, travaille à domicile, ses petites mains ouvrières s'agitent dans des compositions florales inouïes et colorées.

Pendant quatre ans, Jeanne affronte la solitude et l'absence de Toussaint, comme tant d'autres femmes. Il y a les couleurs des fleurs parmi la noirceur de l'attente et de la guerre au loin.

Elle savait depuis peu qu'il était au Val-de-Grâce, mais lui ne voulait pas qu'elle vienne le voir.

Puis un jour Toussaint revient, c'est le bord de l'hiver 1918, ce long hiver qui commence. Il revient avec le silence, sans les mots, sans les gestes. Sa silhouette courbée, trapue enfouie derrière une capucine, silhouette mutique qui fait peur, impressionne autant Jeanne que sa fille. Il est là de nouveau mais il tient ses êtres chers à distance.

Toussaint a encore le bruit des bombes dans sa tête, la boue des tranchées, le froid, la peur, quelque chose qui glisse sur sa peau longtemps après.

Quel gâchis la guerre ! Pour les hommes qui la font... Pour les femmes qui les attendent... Plus rien ne sera comme avant...

C'est un héros triste, silencieux, taiseux, un homme avec un trou dans ce visage dissimulé.

Sa fille Léonie dit qu'elle a deux papas, celui sur la photo accrochée au mur du salon et l'autre revenu de la guerre dont elle ne voit pas le visage.

Jeanne voudrait dénouer le bandeau du visage de Toussaint, mais il ne veut pas, non c'est trop tôt...

Après quatre ans de guerre et de séparation, il faut s'apprivoiser désormais. La guerre n'est plus l'ennemi, c'est autre chose, c'est le silence d'un visage vissé derrière un masque, un bandeau, un mur entre deux êtres qui s'aiment. Se réapprivoiser, reconstruire l'édifice de l'amour, peu à peu, pas à pas.

Les fleurs d'hiver est un roman court d'Angélique Villeneuve, ma première incursion dans l'univers de cette auteure, que je trouve sensible et délicat. Ce texte est aussi pour moi une rencontre touchée par la grâce, une écriture ciselée, intimiste, des mots poétiques à peine chuchotés. C'est une écriture qui penche vers le vivant, vers la vie, vers les fleurs, vers l'amour tout simplement. Ces fleurs d'hiver couturent les pages de ce livre comme un chemin, pansent les blessures, tandis que les gestes de tous les jours, de petites mains ouvrières leur redonnent forme et vie...

Ce roman est pour moi une rencontre avec une auteure, un véritable coup de coeur.

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Les Fleurs d'hiver

Jeanne et Toussaint forment un jeune couple au début des années 1910: lui est ouvrier dans la chaussure, elle est fleuriste. Août 1914 déchire leur quotidien, Toussaint part au front,Jeanne se retrouve seule, à élever leur petite fille Léonie. Aprés quatre ans de guerre, dont deux passées à l'hôpital du Val de Grâce , service "des gueules cassées"et un message adressé à Jeanne: "Je veux que tu viennes pas....", clair, sans appel,douloureux pour elle, et son portrait en soldat,accroché sur le mur qu'elle ne pouvait plus regarder, Toussaint retourne enfin chez lui...

L'homme que Jeanne retrouve est changé, retiré en lui- même, muet, le visage partiellement dissimulé sous un bandeau....

Le couple doit vivre dorénavant en cohabitation avec un nouvel élément : le silence, celui de Toussaint, défiguré et traumatisé par la guerre...

Aprés l'absence et ses douleurs, La peur et les privations durant quatre ans,commence pour Jeanne , un combat , une rude bataille contre cet ennemi invisible afin de renouer les liens perdus: un chemin infiniment plus cruel que les privations, à parcourir ensemble et séparément....L'auteure explore l'indicible avec une sensibilité à fleur de peau, elle nous plonge dans la vie de ces êtres meurtris, détruits dans leur propre corps, le silence et les non- dits de Toussaint, le bandeau, une barrière insurmontable derrière laquelle il cache sa souffrance et sa peur d'affronter les autres..... A l'aide d'une plume ciselée et subtile, riche de métaphores visuelles et sonores, un regard sensible, et retenu, tendre et émouvant, Angélique Villeneuve nous donne aussi , sans pathos, de maniére poétique,un aperçu de la société française d'aprés guerre entre commémorations, célébrations des héros, traumatismes des soldats revenus du front, dureté des conditions de vie et immense solidarité entre les gens humbles.

Au final,un beau roman féminin, pudique ,fin et délicat.

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Les Fleurs d'hiver

Je ne sais plus laquelle de mes amies « Babéliotes » m’a donné l’envie, dans une critique enthousiaste, de lire ce petit bijou, mais je ne l’en remercierai jamais assez et j’espère à mon tour transmettre ce plaisir de lecture au plus grand nombre.

1914, Mobilisation générale, Toussaint, jeune père de famille, part au front.

Jeanne, son épouse et Léonie, sa fille, l’attendront.

1918, après des mois de convalescence, Toussaint, grièvement blessé est de retour.

Vous trouverez sans doute que mon résumé est bien succinct, mais pas la peine d’en dire plus…

En 150 pages, Angélique Villeneuve fait vibrer chaque corde sensible de son lecteur.

On vit le quotidien de ses personnages au ralenti.

Chaque pas, chaque geste, chaque regard, chaque sentiment, chaque émotion sont ressentis.

On est dans la maison avec Jeanne, on est Jeanne. C’est à travers ses yeux et ses pensées que l’on vit cette histoire.



J’ai du mal à trouver les mots pour retranscrire les sentiments qui m’ont animé tout au long de ma lecture. Je voudrais simplement dire combien j’ai été touché par ce récit, par sa lenteur, par un style particulier ou l’auteur sort parfois d’une narration classique. (Ah ! le chapitre où s’alternent fabrication d’une fleur et reconstitution d’un visage, quelle idée de génie…).

Mais, là où l’auteure est au sommet, c’est dans le suspens qu’elle met, le temps qu’elle prend, pour faire découvrir à Jeanne, et au lecteur donc, le visage abimé de Toussaint.

Parce que le sujet du livre, c’est la guerre, bien sûr, la Première Guerre mondiale, comment elle est vécue, par ceux qui attendent, par ceux qui combattent, et comment on en revient, ou pas….

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La belle lumière

Angélique Villeneuve est une auteure que j’apprécie énormément. J’ai adoré « Les fleurs d’hiver », « Nuit de septembre » et « Maria ». Totalement. Inconditionnellement. C’est une auteure qui sait trouver les mots pour parler de l’âme et du corps blessés.

Aussi quand j’ai commencé ce livre et que l’enthousiasme ne fut pas immédiat, je me suis dit : mais que m’arrive-t-il ? Oui à moi. Pas à Angélique Villeneuve. Pas à l’auteure qui sait si bien combler les manques, les absences, les vides. Ces mots sont toujours si pleins, si bien choisis pour comprendre, pour accepter... Et la nature si présente pour adoucir les peines et calmer les angoisses.

Alors ? Alors j’ai posé le livre et l’ai repris quelques jours plus tard pour ne plus le quitter. Il faut pouvoir abandonner ses propres clichés (et ce ne sont pas quelques aller-retour dans le temps qui allaient me perdre) pour porter attention aux autres. Et là j’ai entendu la longue plainte de cette mère. Une longue plainte muette, sourde et aveugle à tout ce qui n’était pas sa fille, son Helen.

J’ai senti les peurs, les angoisses devant l’innommable, j’ai écouté tous les souhaits non formulés pour que revienne la vie d’avant, les reproches formulés par l’entourage, j’ai vu les regards moqueurs ou ahuris face au handicap. Mais j’ai surtout compris l’incommensurable amour de cette mère pour sa fille qui a sacrifié son lien du sang, sa peau, son coeur pour qu’Helen puisse apprendre, vivre et s’épanouir sans elle.



Vous connaissez tous l’histoire d’Helen Keller et son parcours incroyable : cette petite fille aveugle, sourde et muette qui est devenue une universitaire de renommée internationale. Mais connaissez-vous celle de Kate Keller, sa mère ?

C’est cette histoire là que vous conte Angélique Villeneuve. C’est à partir de trois fois rien que l’auteure a commencé à broder la vie de Kate et c’est sans doute les épreuves qu’elles ont traversées qui ont permis de tisser ce lien et de créer ce patchwork d’instantanés qui rendent cet ouvrage si délicat et si animal en même temps.





Je remercie infiniment l’auteure pour cette lecture si pleine de vie et d’amour ainsi que Babelio et les éditions Le Passage pour ce très beau cadeau.

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Les Fleurs d'hiver

La sensibilité d'Angelique Villeneuve vous agrippe dès les premières pages. Vous savez alors que vous allez vivre intensément auprès de Jeanne et sa petite fille Leo. Si dans un premier temps, elles sont seules, Toussaint, le mari de Jeanne et le père de Leo, rentre de la guerre après avoir été gravement blessé et passé un temps de reconstruction au Val de Grâce.

Le retour n'est pas simple. Comment peut-il l'être après avoir été défiguré par les atrocités de la guerre.

Toussaint revient donc meurtri, blessé à l'intérieur comme à l'extérieur. Il se cache avec un bandage qui lui le visage et se tait.

Jeanne va, avec beaucoup d'amour, de respect, tenter de réapprendre à vivre à trois. Son approche est tendre,, extrêmement douce. C'est une sorte d'apprivoisement. Progressivement quelques petits gestes, quelques petits signes...

Cette histoire d'amour n'est pas celle que l'on rêve mais c'est une vraie histoire d'amour qui a des chances, cette fois, de ne pas terminer mal.
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Les Fleurs d'hiver

« Toussaint est revenu. »

La guerre de 14-18 n’est pas encore achevée que le soldat Toussaint réintègre de manière inopinée le foyer conjugal auprès de sa femme Jeanne et de sa fille Léonine.



« Il a poussé le battant mais reste sur le palier, bien droit, dans l’obscurité. Alors Jeanne, subitement, lève la tête, les yeux encore trempés du rouge des dahlias. Si on le leur demandait, maintenant, à l’un et à l’autre, il est probable qu’ils ne sauraient pas. Ce qui s’est passé. Ce qu’ils ont pensé, ressenti, à ce moment-là. Peut-être que ça, oui, elle l’aurait dit, Toussaint est grandi. Puisque sans réfléchir, bêtement, elle s’est dit, qu’il avait poussé, pendant la guerre, que cet homme qu’on lui rendait, après des années de noir, prenait tout le large et le haut de la porte. » (Chapitre 2)



C’est principalement à travers le regard de Jeanne, l’épouse, que nous allons découvrir peu à peu toutes les implications de ce retour inespéré et si fragile.



C’est une belle histoire remplie de délicatesse mais je ne suis parvenue à m’y immerger que par intermittence. Le va-et-vient des souvenirs m’a paru trop découpé, pas assez naturel, principalement au début. Cela s’estompe cependant relativement rapidement, à mesure que le passé rejoint le présent. C’est sans doute le style qui m’a le plus dérangée avec ces phrases sèches, saccadées, qui surviennent parfois comme un hoquet. Pour autant, il se dégage paradoxalement une infinie douceur et une tendresse presque sensuelle. Pour un peu, je dirais que c’est une écriture qui s’écoute plus qu’elle ne se ressent. S’il y a quelques passages très forts, chargés d’une sensibilité à fleur de peau (et d’hiver !) ainsi que des tournures que j’ai beaucoup aimées, il y a également d’autres passages où je suis restée complètement détachée.

Une lecture inégale donc, mais néanmoins une magnifique histoire de retrouvailles et de réacclimatation d’un couple au quotidien, enveloppée de silences, de regards et de gestes.

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