Interview radio du 15 novembre 2016.
Il a la réputation dêtre cruel et sans pitié. Avec les fausses valeurs, assurément, ce qui devient une qualité rare. Et puis pour paraphraser Oscar Wilde, nous pourrions ajouter que la mauvaise réputation est un mythe inventé par les envieux pour expliquer le mystérieux attrait de certaines personnes. Ou pour en citer un autre quêtre la cible des sots constitue un plaisir de fin gourmet.
Angelo Rinaldi ressemble de plus en plus à un enfant tout heureux davoir fait une bonne farce ou, selon le mot de la Comtesse de Ségur, à un bon petit diable. Pour un Angelo, avouez que la chose est amusante. Mais quand je lai vu passer une tête à la librairie Tschann, vendredi soir, pour nous dire un petit bonjour à Felicity Lott et moi, pour notre dédicace, je me suis dit que lorsque la générosité se mêle au talent, il ny a rien de plus beau.
Voici son programme :
4 morceaux classiques :
- Debussy, Images : Poissons dor, par Philippe Cassard
- Schubert, Lied Le pâtre sur le rocher, par Felicity Lott et lensemble Nash
- Verdi, Nabuco : Va pensiero par le choeur et lorchestre de la scala de Milan, direction C. Abbado
- Schubert, La Belle Meunière: Des Baches Wiegenlied par Jonas Kaufmann et Helmut Deutsch
3 madeleines :
- Milva, Caruso
- Edith Piaf, Je ne regrette rien
- Nat King Cole,Aquellos ojos verdes
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Je tente ici de tenir la promesse que je me fis à moi-même quand j'avais un urinal entre les jambes, et guère d'autre distraction que de diriger précautionneusement entre les plis des draps, mes pets intimes vers la sortie. Il ne se pouvait pas que je meure sans avoir rien compris. Si j'obtiens un sursis - enfin, un sursis qui en vaille la peine - j'en profiterai pour donner un coup de sonde dans mon passé, me répétais-je chaque matin, quand le médecin entrait dans ma chambre pour s'éberluer que l'embolie pulmonaire qu'il redoutait m'eût accordé un nouveau répit.
On se croit aimé, et l'on n'est qu'un objet de curiosité. S'en apercevraient-elles jamais, les personnes qui pensaient leur existence assez intéressante pour la raconter à tout venant ?
Peu l'ont prouvé aussi bien que Levi, qui a l'air de nous retenir par les basques au bord du menaçant oubli: si la littérature n'est pas écrite pour rappeler les morts aux vivants, elle n'est que futilité.
C’est ainsi qu’un jour, par hasard, nous nous rappelons tant de visages, tant de choses, mais il n’y a plus personne pour se souvenir de nous, et nous sommes encore vivants.
« Marie, c’est lorsque la vie t’aura tout donné qu’il te faudra avoir peur. Lorsque Dieu te refuse ce que tu demandes, c’est presque toujours un cadeau qu’il te fait. Parce que nous ne voulons jamais notre bien, Marie. Nous ne savons pas ce que nous voulons, voilà la vérité. »
L'amour-propre m'avait retenu de m'engager dans un métier où je voyais que le goût d'écrire, si remarquable pourtant chez quelques-uns, quand il n'était pas au service d'un projet de longue haleine et perdait de son influx dans les secousses sur commande du quotidien ou de l'hebdomadaire, conduisait tôt ou tard à la mélancolie, à l'ébriété sans gloire des nuits de bouclage, et au calcul des points de retraite, après tant de risques courus sur le théâtre de guerres oubliées.
Le vert portait malheur, et s'habiller dans cette couleur équivalait à la défier, à lui infliger un affront direct; ni pour un gouvernement ni pour un spectacle, on ne se risquait à prédire le succès dans une édition du vendredi, jour où elle-même ne concluait pas plus d'affaires que d'achats; le calendrier du journal supprimait la fête des morts; on ne publiait jamais une photo de chrysanthèmes.
Le public, des fois on le paierait pour qu'il vienne. Être applaudi, si dans sa vie on n'a jamais connu ça, on n'a jamais vécu.

On s'était demandé à qui ou à quoi il avait pensé, ce 21 septembre 1972, en appuyant le canon d'un revolver sur sa tempe. La réponse qui nous parvient aujourd'hui ne nous était pas destinée. Quelque temps avant de passer à l'acte, de franchir en toute tranquillité, la porte de secours localisée depuis sa jeunesse, Montherlant, né en 1896, et qui d'habitude dormait sans faire de rêves, en avait fait un qui l'impressionnait : "Il m'a montré le seul être que j'aie aimé de toute ma vie, et surtout il m'a montré qu'il était le seul ; que les autres n'en avaient été que des caricatures."...
Montherlant a sa logique ; il en tire un accroissement de sa liberté, un supplément d'audace et le refus des préjugés. L'académicien à qui, selon l'usage du quai de Conti, est revenu au moins une fois l'éloge annuel de la vertu insiste sur les bienfaits et bénéfices de la coucherie conçue à la manière d'un placement à long terme chez un banquier : " Que d'existences heureuses, comblées, ne le doivent qu'à la prostitution de leurs jeunes années." Ni Proust ni Balzac ne prouvent le contraire, et qui prétendrait n'avoir jamais vérifié autour de lui les effets des culbutes sur une carrière serait un hypocrite. Montherlant s'en amuse, comme de tant de choses, et à contempler la société, bien des milieux, la politique et les manèges amoureux, use d'un humour dont on n'a pas souvent imaginé qu'il était l'un de ses traits de caractère. Ici et là, à côté d'un ton NRF à subjonctif pointe même l'impensable : le style d'une traduction du latin qui eût été rechapée par l'inspecteur Bérurier. Et le livre, qui n'était pas voulu, et que nous avons à présent entre les mains, si on le place dans l'étendue de l'oeuvre officielle, y provoque un effet d'optique, une anamorphose : l'auteur plus grand verticalement qu'il ne l'est horizontalement.
Paradoxal Montherlant, trop vite confondu avec son public, qui pour le panache défend et illustre les causes auxquelles il ne croit plus : la religion, la patrie, l'amitié. Que charme la vitalité se dégageant des cortèges du Front populaire et qui à l'occasion collabore sans rémunération à la presse communiste. Rien n'a diminué sa certitude ; tout ce que la main n'atteint pas est un leurre ; et sa main, sans espoir de la remplir encore, il l'a refermée sur une arme. Il est rare que nous sachions que l'au-revoir est un adieu et qu'un individu nous parle pour la dernière fois. Après la découverte, le silence qui suit en est approfondi comme après une détonation.
En ce qui concerne mon physique, je n'avais jamais eu ni prétention ni susceptibilité, et les femmes me jugeaient dans l'ensemble gentil, quand je n'étais que reconnaissant. Dans ces occasions, qui s'offraient à nous plus que nous ne les recherchions — à moins que dans la vie se produise seulement ce que l'on mérite —, il s'établissait même un cérémonial destiné à préserver un reliquat de pudeur; l'un qui était le premier à se déshabiller et à se glisser entre les draps, l'autre qui s'approchait du lit, une serviette nouée autour des reins, et la fille de s'étonner : nous exigions de baisser la lumière au minimum, sans toutefois jamais l'éteindre complètement. Louise n'était pas au courant de nos aventures lorsqu'elles adoptaient cette tournure-là; si jamais elle avait appris ce qu'était un cockring, il n'y allait pas de notre faute.