Citations de Ann Granger (353)
Telle une vieille dame desserrant son corset, la locomotive émit un long soupir, puis elle enveloppa tout et tout le monde dans un linceul de vapeur et de fumée. La nuée tourbillonna autour du quai et monta jusqu'au plafond de la gare où elle resta piégée. L'odeur de soufre me ramena à mon enfance, dans la cuisine de Mary Newling un matin où j'étais chargée d'écaler des œufs durs.
Le brouillard se refermait sur moi, m'enveloppait aussi sûrement qu'un nouveau-né. Et comme un nouveau-né, je regardais le monde avec étonnement, incapable de différencier le nord du sud et l'est de l'ouest, et tout juste le haut du bas. Etais-je en train de monter une légère pente ? Descendais-je une ruelle ? J'avais cru me trouver dans une rue parallèle à Oxford Street ; peut-être étais-je en train de m'éloigner. Je n'entendais aucun bruit de circulation, le brouillard émoussait tous les sons.
Ce n'est pas parce que les gens sont riches qu'ils ne sont pas cupides.
Vous vous rendez compte, dans quel monde on vit ! Tout ce qu'on voit à la télé, ce qu'on lit dans le journal... Les gens sont devenus fous !
Ben Ross
J'ai pour habitude, à la fin de chaque journée, de consigner par écrit mes observations concernant l'enquête en cours. Une sorte de journal intime, si l'on veut. Ceux de mes collègues qui ont découvert cette habitude se sont moqués de moi et m'ont traité de pédant. [...]
Cependant, je suis persuadé que, dans un avenir proche, tous les officiers de police enquêtant sur un crime feront de même.
Mais ces histoires, vous les inventez, n'est-ce pas ?
- Oh ! Mes intrigues, oui, bien-sûr ! Mais les personnages que vous créez doivent prendre corps, ils doivent être réels pour vous, l'auteur. Comment voulez-vous convaincre le lecteur qu'ils existent si vous-même n'en êtes pas absolument convaincue ?
Depuis que je suis rentré dans la police, j'ai rencontré un certain nombre de meurtriers. S'ils ont un point commun, c'est le fait de se croire très malins. Tous ont aussi la capacité d'adopter diverses attitudes - poli, maussade, colérique, charmeur... - selon ce que commande la situation. Aucun des monstres protéiformes des anciennes légendes ne peut égaler leur don pour la métamorphose.
"- C'est un petit garçon qui est mort, dis-je. Un tout petit garçon, n'est-ce pas papa ?
Mon père se tourna vers moi et je crois que c'est seulement à cet instant qu'il s'aperçut de ma présence.
- Oh, Lizzie…
Puis, secouant la tête :
- Oui, un tout petit enfant. Plus jeune que toi, je pense.
- Que faisait-il à la mine ? demandais-je. Il n'était tout de même pas assez grand pour extraire le charbon !
(…)
- N'oublie jamais ce que tu as vu aujourd'hui. Souviens-toi que cela représente le vrai prix du charbon."
Tout s'arrêta le temps d'une reconstituante tasse de thé. Les Britanniques considérent dans une large mesure le thé comme le remède à toutes les situations d'urgence.
J'avais eu l'occasion de visiter bien des morgues et salles de dissection mais jamais aucune semblable à celle-ci. Parfois, je voyais des cadavres dans des lieux qui n'étaient guère que des cabanons crasseux empestant le sang et la chair décomposée. Ici, le défunt Jed Brennan était étendu sur une table couvert d'un drap blanc, dans un cadre plus raffiné que ce qu'il n'avait jamais connu au cours de sa vie.
Ce n’était pas la seule raison pour laquelle je n'avais accepté qu'avec grande réticence cette visite à Newgate. Il me fallait toujours au moins deux jours pour me débarrasser de l'odeur de la prison. Elle imprégnait tout. Les âcres relents des corps mal lavés, la puanteur graisseuse de la prétendue nourriture que l'on faisait cuire dans de grandes marmites, l'air vicié du au manque d’aération et, par-dessus tout, le désespoir, dont émane un parfum si particulier.
Les Londoniens sont fiers - et à juste titre - de l'éclairage au gaz qui a rendu leurs rues plus sûres à la nuit tombée qu'elles ne l'étaient du temps de leurs aïeuls. Les Londoniens respectables , devrais-je préciser, car quantité d'individus préfèrent pour leur part qu'aucune lumière ne viennent déranger leurs activités.
Quels que soient l'adresse de son tailleur, le prestige de l'école dont il est diplômé ou les cercles qu'il fréquente, un mufle reste un mufle.
Un jour, j'ai croisé le chemin d'un homme qui s’apprêtait a commettre un meurtre. Sur le moment, je ne le savais pas. Et peut-etre que lui non plus. Peut-être que ce qui allait devenir un crime n’était encore qu'une pensée brumeuse, un délire de son esprit malsain. S'il avait déjà pris sa décision, il aurait encore pu être révulsé par l'horreur de la chose, un sursaut de dégout aurait pu l’éloigner de l'abime. Une parole aurait pu suffire. J'aurais pu le retarder, ne serais-ce que pour lui demander ou il allait et lui dire de prendre garde ; c'est ainsi que les policiers sont censés s'adresser a leurs concitoyens. Il avait encore le temps pour réfléchir. Il aurait pu changer d'avis, si j'avais parler. Mais nous nous sommes croisés tels des navires dans la nuit, et une femme a perdu la vie.
Le crépuscule suscite toujours une sorte de camaraderie, sans doute enracinée dans la peur ancestrale de se retrouver seul dans les ténébres et dans l'instinct qui pousse à se rassembler pour affronter les dangers qu'elles abritent.
" Les héritages , ruminai-je, sont la cause de bien des déchirements au sein des familles, et cela depuis que Caïn a assassiné Abel."
" Avant de parier sur un cheval, je regarde son indice de forme. Pour choisir une femme, c'est l'indice de ses formes qui m'intéresse !"
Toute cette histoire sonne aussi faux qu'une tasse fêlée .
Je vis un livre qui dépassait de sa poche et lui demandai ce qu'il lisait.
Il rougit, prit le livre et me le montra.
- Il s'agit du récit de Mr Darwin de son voyage sur le Beagle, quand il était jeune. C'est un livre que j'ai lu et relu.
Son ton devint nostalgique.
-C'est un petit garçon qui est mort, dis-je. Un tout petit garçon, n'est-ce pas, papa ?
Mon père se tourna vers moi et je crois que c'est seulement à cet instant qu'il s'aperçut de ma présence.
-Oh, Lizzie...
Puis secouant la tête :
-Oui, un tout petit enfant. Plus jeune que toi, je pense.
-Que faisait-il à la mine ? demandai-je. Il n'était tout de même pas assez grand pour extraire le charbon !