Bande annonce du film Bel Canto (2018), adaptation du roman d'Ann Patchett
Le truc le pire, c’est de comprendre qu’on va mourir.
Je n'avais jamais de temps pour moi à l'époque, et je refusais de passer le peu que j'avais de disponible assis en face de cette fichue maison, pourtant c'est toujours là qu'on échouait : comme les hirondelles, comme les saumons, on était les esclaves impuissants de nos schémas migratoires.
en 1959 […] Les filles et leurs petits amis se faisaient beaux pour assister à la “nuit des amateurs” à l’Apollo, mais en 1968, toute forme d’incarnation de l’espoir dans le pays avait été alignée contre un mur pour y être fusillée. Les garçons de Columbia allaient en cours, et les garçons de Harlem allaient à la guerre […]
On faisait comme si on avait perdu la maison, et pas notre mère, et pas notre père. On faisait comme si ce qu'on avait perdu nous avait été arraché par la personne qui vivait encore dedans.
Toutes les injustices que Maeve et Celeste avaient pu commettre l’une envers l’autre des années auparavant étaient devenues des abstractions. Elles s’étaient désormais habituées à leur détestation réciproque. Je ne pouvais pas m’empêcher de penser que si ces deux femmes s’étaient rencontrées en dehors de moi, elles se seraient beaucoup appréciées, ce qui avait d’ailleurs été le cas au début. Elles étaient intelligentes, et drôles, et férocement loyales, ma sœur et ma femme. Elles mettaient leur amour pour moi au-dessus de tout, sans jamais reconnaître la souffrance que je ressentais à les voir s’entredéchirer. À mes yeux, elles étaient toutes les deux responsables. Elles auraient pu arrêter. Elles auraient pu faire le choix de mettre leur rancune de côté. Mais non. Elles s’accrochaient à leur amertume, autant l’une que l’autre.
The tricky thing about being a writer, or about being any kind of artist, is that in addition to making art you also have to make a living.
( Ce qui est difficile quand on est écrivain, ou artiste de tout genre, c'est qu'à part faire de l'art , c'est qu'il faut aussi gagner sa vie.)
Ma mère disait toujours qu’il n’y avait pas de son plus soyeux au monde que le rire d’une femme riche.
Si je posais une question à mon père quand il était silencieux, il disait qu'il était en train de discuter avec lui-même et que je ne devais pas l'interrompre.
C'est bizarre, l'habitude. Vous avez beau croire que vous comprenez comment ça marche, vous n'y comprenez jamais rien quand vous êtes en plein dedans.
Cette nuit-là, dans le lit de ma sœur, j’ai fixé le plafond en ressentant pour de bon la disparition de notre père. Pas celle de son argent ni de sa maison, mais celle de l’homme à côté duquel je m’asseyais en voiture. Il m’avait tellement protégé du monde que j’ignorais totalement ce dont le monde était capable. Je ne m’étais jamais dit que lui aussi avait été enfant. Je ne lui avais jamais posé aucune question sur la guerre. Je l’avais vu uniquement comme mon père, et c’est au titre de père que je l’avais jugé. C’était irréparable, et ça s’ajoutait au catalogue des erreurs que j’avais commises. (p. 95)