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Le rôle de la "société civile" par rapport à la démocratisation est capté par deux grandes traditions.

Dans la première (une tradition "continentale" incarnée par la France, l'Allemagne ou l'Italie), la société civile est comprise dans une relation "organique" à l'Etat. En tant que réseau d'institutions non gouvernementales, elle peut être considérée soit comme de la colonne vertébrale de la civilité dans le sens d'une expression pacifique des différences dans le cadre d'un Rechtsstaat (l'Etat de droit de Hegel), comme la sphère privilégiée où les conflits entre intérêts privés peuvent s'exprimer (Marx), soit comme une part intégrante des rouages du pouvoir, une sorte de rempart protégeant l'Etat, une passerelle indispensable entre la sphère économique et l'Etat (Gramsci), inhérente à l'organisation du pouvoir (Foucault).

Dans une tradition anglo-saxonne plus large datant environ de l'Essai sur l'Histoire de la société civile de Ferguson ( 1767), la société civile est pensée dans une relation "antagoniste" avec l'Etat, une sorte de rééquilibrage contre ses tendances supposées autoritaristes. Que l'on se réfère aux premiers cas victorieux de Solidarité en Pologne ou de la Charte 77 en Tchécoslovaquie ou en portant un oeil plus sceptique sur le mouvement Kifâya en Egypte ou le Mouvement vert iranien, c'est bien cette seconde conception qui l'emporte, et cela de façon hégémonique, dans les écrits contemporains, traitant en particulier du lien entre société civile et démocratisation. Dans cette tradition, la société civile est supposée être séparée du gouvernement. Elle est le dépositaire des exigences morales des citoyens et de leur vertu - vertu qui guide les actions des citoyens, tandis que, dans les régimes autoritaires, ceux-ci remplissent leurs devoirs avec la peur pour seule motivation - ce qui devient le moteur du changement politique (p. 74)
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Par exemple, lorsque Pierre Rosanvallon signale que "le propre des différentes figures de la contre-démocratie [....] est en effet de conduire au creusement de la distance entre la société civile et les institutions", il suggère que la vieille démocratie représentative a cédé devant les demandes d'une démocratie d'appropriation. Tant et si bien que la fameuse séparation classique ne s'opère plus entre le législatif et l'exécutif mais entre pouvoir et contre-pouvoir, d'une part, et entre les organismes et instruments de la démocratie indirecte, de l'autre.

Pour assurer une nouvelle "légitimité démocratique" ("d'impartialité, de réflexion et de proximité", précise Pierre Rosanvallon), il convient de développer des autorités indépendantes, des corps institutionnels spécifiques et d'autres non institutionnels, susceptibles de défendre des situations particulières ou collectives. Les conditions du dialogue politique sont en train de changer: une logique de "diffraction", de "démultiplication" tend à remplacer la logique de "concentration". La logique de diffraction implique l'entrée en scène d'organes nouveaux, ou la réorientation-redynamisation d'organes existants. Etant donné la pluralité du réel social et l'hétérogénéité de la composante sociale, on peut imaginer sans peine le nombre d'instances, de procédures, de formes et de structures à même d'intervenir dans le jeu démocratique et de servir d'écho et de relais à la "société civile" d'aujourd'hui. (p. 55)
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L'impasse la plus célèbre, résultat de cette conception de la société civile et de la démocratie, est peut-être le fameux "dilemme islamiste". On peut le résumer comme suit: si la société civile est un espace de tolérance capable de susciter un élan démocratique, il doit être sécularisé. La revendication islamiste d'une légitimité détachée de ces contingences pose alors un problème pour les processus de démocratisation: exclure de tels mouvements trahirait l'esprit (et la crédibilité) de la démocratie; mais les inclure risque d'aboutir à une victoire électorale de forces intrinsèquement antidémocratiques - comme l'ex-vice-Secrétaire d'Etat américain, Edward Djerejian, le dit sur le mode de la plaisanterie, les victoires électorales islamiques peuvent signifier "un homme, un vote, une fois". Ici, la "société civile" fonctionne avec une autre catégorie, tout autant controversée - le sécularisme- avec toute une gamme de débats pour savoir si l'Islam est compatible avec la démocratie ou si telles organisations islamistes sont "vraiment engagées" dans une démarche démocratique ou pas. (p. 82).
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La relation entre société civile et démocratisation est tout aussi ambigüe. Pour les premiers pionniers de la question, le rôle de la société civile était de pousser les gouvernements autoritaires à faire des concessions de plus en plus importantes, de façon graduelle mais inexorablement, transformant peu à peu les efforts de libéralisation en démocratie épanouie. La chute spectaculaire des régimes soutenus par l'Union soviétique en 1989 vint opportunément conforter la renommée d'une école de "transitologie" selon laquelle les systèmes politiques passent par des phases d'ouverture, de progrès, et de consolidations, le tout sous la pression venant de la société civile. A partir de constatations logiques et/ou empiriques, beaucoup de penseurs invitèrent à une plus grande prudence quant à la force causale que la société civile pourrait incarner. Cette évolution fut même reprise par des théoriciens éminents tels que O'Donelle, relançant ainsi le débat sur la relation entre société civile et démocratisation. (p. 81)
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Comme nous le fait remarquer Mohammed Tozy, dans la tradition sunnite ottoman, mais aussi bien chérifienne, l'Etat est considéré par les gens comme extérieur à la société: il n'y a pas la prérogative de garantir un espace public ni de représenter la société. Il est même étranger de la société. Mais ce pouvoir a néanmoins partout la prétention populiste de "dialoguer" avec son peuple, sans souvent s'apercevoir que ses pratiques ne font que l'éloigner de lui de manière irrémédiable. L'accès aux institutions de l'Etat n'est donc possible pour le monde associatif qu'au prix du renoncement à sa propre indépendance. L'Etat exerce une "captation autoritaire" des instances et groupements dont le contrôle lui échappe, ce que décrit de manière magistrale Sana Ben Achour pour la Tunisie, et que l'on voit à l'oeuvre aussi ailleurs, en Egypte, mais surtout en Algérie et, dans une moindre mesure, au Maroc ( pour devenir un phénomène insignifiant là où l'Etat est faible comme au Liban et en Palestine).
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Au cours de la décennie, on a pu remarquer l'existence d'une tendance occidentale (Europe et EU) qui vise à considérer la société civile comme source ou moteur de la démocratisation, surtout au sein du monde arabe, se référent au rôle qu'elle a effectivement joué dans certains pays d'Europe de l'Est et de l'Amérique latine, les conduisant à réaliser une transition démocratique réussie. Ainsi, le renforcement de la société apparaissait de plus en plus comme le mot d'ordre au sein des réunions et des conférences, officielles ou académiques au début des années 2000. C'est une vision occidentale "romantique" de la société civile. Car, dans les pays, comme on l'a vu, les régimes autoritaires ont toujours tenté d'entraver ou de contrôler les associations indépendantes, tout en suscitant des associations championnes de loyauté à leur égard. (p. 24)
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Mais, pour l'essentiel, là où l'espace public n'existe pas, sinon en apparence, ou est monopolisé par l'équipe dirigeante, à chaque fois que l'expression revendicative ou la simple agrégation d'intérêts cherche à se manifester, ils sont condamnés à passer par des voies particulières, détournées, hors des circuits officiels. Les acteurs de la médiation démocratique - revendiquant souvent que soient mis en oeuvre les principes du pluralisme, de l'égalité civique, de liberté, du respect des droits de l'homme et des lois fondatrices, tels que définis par la doxa libérale - rencontrent forcément des obstacles dans leur demande, de parole et désir d'action, quand ils ne sont pas menacés, pourchassés, emprisonnés, assassinés ou contraints à l'exil. (p.62)
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Le caractère extraordinaire de cette vague n'est pas seulement dans le fait qu'elle s'est produite à ce moment précis. C'est surtout sa forme qui a laissé pantois: un mouvement de jeunes, qu'aucun parti, aucune association ne peut se targuer d'avoir préparé et encore moins dirigé - même si l'on peut dire que nombreuses ont été les organisations, politiques et autres, qui étaient en éveil et qui l'ont aussitôt accompagné. Elle se fait sans dirigeant (une première dans le monde arabe) et, pourtant, témoigne d'une unité incroyable dans les mots d'ordre: liberté, fin de l'autocratie, refus de la corruption, du népotisme, refus de la misère sociale, du chômage. Partout, c'est la même exigence de liberté, de dignité et de respect.
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De même que la laïcité - ou une forme de laïcité - est probablement indispensable pour tout processus de démocratisation, mais peut aussi se révéler la légitimation de régimes autoritaires, la société civile est aussi nécessaire à la démocratisation, mais peut, de même, être l'outil de régimes autoritaires. Le monde musulman illustre à quel point les rapports de modernité sont également des rapports de forces entre le plus moderne et celui qui l'est moins. Ce qui a permis à l'Occident de se démocratiser peut servir là comme instrument aux régimes les plus antidémocratiques. (p. 28)
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Les régimes autoritaires ont désormais recours partout à la société civile, qui sert alors à dépolitiser l'espace public (on passe du "politique" au "professionnel", comme c'est le cas en Algérie, en Egypte ou dans les Territoires Palestiniens occupés, comme le montre bien Maher Charif). Baudouin Dupret et Jean-Noël Ferrié vont jusqu'à affirmer que la société civile ferait le jeu des régimes autoritaires et assurerait leur survie. (p. 24)
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