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Citation de mimo26


Le soleil descend paresseusement sur le cimetière de Granby. Ce 1er septembre est une vraie journée d’été et élène a passé les deux dernières heures près de la pierre tombale d’Étienne. Deux ans déjà… Un cancer foudroyant a emporté son mari, le grand amour de sa vie. Hélène a eu l’idée d’apporter une couverture pour faire une sieste à l’ombre du grand saule au bord de la rivière Yamaska. Un temps volé à sa vie mouvementée d’avocate toujours prise entre un rendez-vous et un procès à la cour. Elle serait bien restée là encore un peu à rêvasser et à somnoler, mais Julie et Réjanne, ses amies, l’attendent pour leur traditionnel souper de filles. Depuis le décès d’Étienne, les trois quinquagénaires se voient régulièrement. À la fois sacrées et nécessaires, ces rencontres leur ont plus d’une fois «sauvé la vie», comme elles se plaisent à le dire. Il y en a eu des drôles, des sérieuses, des tendres et des affreusement tristes, comme celles qui ont suivi la mort d’Étienne. Mais l’amitié de ces femmes, si différentes les unes des autres, s’est maintenue malgré les années et les chicanes passagères, les hauts et les bas de leurs vies. Le Noël suivant le décès d’Étienne, Hélène ne réussissait pas à prononcer son nom sans éclater en sanglots. Malgré la bonne volonté de tout le monde, elle avait traversé les fêtes comme dans un brouillard. En dépit de leur peine, son fils Olivier et Marthe, la mère d’Étienne, avaient organisé un réveillon le 24 décembre et Julie l’avait invitée le 25. Hélène s’était fait violence pour y aller afin de ne pas les décevoir, mais elle était cloîtrée dans sa bulle de tristesse. Personne ne saisissait exactement le désarroi de cette femme de carrière qui semblait si forte et si volontaire. Pour la première fois de sa vie, Hélène se sentait complètement démunie, privée du goût de se battre qui avait toujours été sa force. Rapaillant ses effets, elle aperçoit son fils, tout à ses pensées, qui s’approche de sa démarche chaloupée. Comme elle, il vient régulièrement se recueillir sur la tombe d’Étienne. Hélène regarde son beau grand garçon avec fierté. Un sentiment de gratitude aussi qu’il lui ait pardonné ses années d’errance maternelle. C’est Étienne qui a pris soin de leur fils à partir de leur séparation. Olivier avait dix ans. À cette époque, elle était convaincue d’être la pire mère au monde, que sa présence dans la vie de son fils était non seulement inutile mais nuisible. Elle s’était retirée, enfuie même. Et sa consommation d’alcool avait alors décuplé: pour oublier son incompétence, pour s’étourdir, pour remplir le vide. Mais tout ça était derrière elle depuis longtemps déjà. Olivier était désormais un adulte. La relation avec lui était maintenant au beau fixe et ils s’étaient même rapprochés encore davantage
depuis le décès d’Étienne. Olivier l’aperçoit enfin et lui sourit. Il arrive près d’elle et place une main sur son épaule en s’assoyant à ses côtés. Ils restent un moment immobiles et silencieux à regarder la rivière, unis dans leurs souvenirs. Puis Olivier rompt le silence et déclare, fier: — M’man, on a décidé de recommencer. Hélène comprend tout de suite: Olivier et Ingrid vont tenter, une fois de plus, de faire un bébé. — Ça, c’est une bonne nouvelle! Après les funérailles d’Étienne, Ingrid avait annoncé qu’elle était enceinte. Tout le monde avait salué cet encourageant signe du destin. Hélène, d’habitude très peu ésotérique, avait même pensé que l’âme d’Étienne allait peut-être se réincarner dans celle de son petit-enfant. Mais, quelques semaines plus tard, la jeune femme avait fait une fausse couche. C’est là qu’Olivier s’était réellement effondré. Il avait bravement tenu le coup pendant toute la maladie de son père, toujours souriant et positif: un soutien indéfectible pour Étienne et ensuite pour Hélène. Mais le double deuil de son père et de son bébé à naître l’avait plongé dans une dépression dont il se sortait à peine. Il n’avait recommencé à travailler que deux mois plus tôt et ce désir de fonder une famille prenait des allures de nouveau départ. — Vous méritez d’avoir une vie de famille comme vous le rêvez. — Merci, m’man. — Comment ça va pour toi chez DuoBuzzz? — Bien. Ça se place tranquillement. Hélène sent que le retour d’Olivier au travail est plus difficile qu’il ne veut l’avouer. Mais elle connaît son grand. Inutile de tenter de lui tirer les vers du nez, il ne se confiera qu’à son heure. — Faut que j’y aille. Julie et Réjanne m’attendent. — Je vais rester encore un peu, moi. Mais je vais aller te reconduire à ton auto. Mère et fils s’éloignent, bras dessus bras dessous. Pour la première fois depuis longtemps Hélène sent qu’ils sont tous les deux solides et confiants, qu’ils peuvent chacun se réinventer une vie. Mais laquelle?
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