Anne Groisard

Penpak - Thaïlande => France. Migre en 2005

Penpak est une jeune femme mince avec un joli visage aux yeux bridés. Elle m'accueille dans une longère vendéenne où elle vit avec ses deux jeunes enfants. (...) malgré la proximité de ses voisins, Penpak se sent isolée (...)

2004, le sud de la Thaïlande est ravagé par le tsunami. De nombreux pompiers français portent secours aux Thaïlandais jusqu'en 2005. Penpak rencontre alors celui qui va devenir son futur époux.
Après deux séjours du sauveteur, c'est elle qui, visa de tourisme en poche, part le rejoindre et l'épouser en France. Avec l'obtention rapide de sa carte de séjour, elle s'installe dans sa nouvelle vie, doucement, très doucement.

Penpak ne parle pas bien le français, même si elle le comprend.
A la maison, elle converse en anglais avec son mari et c'est lui qui s'occupe de toutes les démarches administratives. Il travaille beaucoup, elle se sent seule, ils décident de devenir parents pour qu'elle s'ennuie moins.
Le premier enfant arrivé, Penpak a encore moins d'opportunités de sortir et d'apprendre la langue. (...) Le deuxième enfant naît, il est encore plus compliqué de s'intégrer à la vie locale. Elle a deux amies, toutes deux étrangères mariées à des Français.

En 2011, son mari décide de la quitter ; raison invoquée : ils n'ont pas d'intérêts communs hormis leurs enfants.
Pour la jeune Thaïlandaise, c'est une catastrophe. Loin de sa famille, elle ne peut attendre aucune aide extérieure. (...) elle sait qu'elle n'a pas le choix et, depuis, tente d'apprendre rapidement le français et de se débrouiller seule.

Repartir n'est pas une option pour elle (...) Elle ne veut pas séparer ses enfants de leur père et désire leur offrir un bel avenir qu'elle voit plus rose en France que dans son pays. Alors elle patientera jusqu'à la majorité des enfants avant de rentrer en Thaïlande.
Elle attend avec impatience que son deuxième fils rentre à l'école afin de pouvoir trouver un travail et ainsi s'intégrer davantage à son deuxième pays.

Le Canada : 400 ans d'immigration

Depuis 400 ans, le Canada est un pays d'immigration.
Des vagues d'Européens, puis de nationalités diverses s'y sont installées.

A l'heure actuelle, le pays continue à être l'un des plus accueillants, il possède l'un des plus hauts niveaux d'immigration mondial par habitant.
L'immigration est avant tout économique (66%), suivie par le regroupement familial (28%).

Milena - Pologne => Espagne. Migre en 2002
(...) Milena est à l'aise pour raconter sa migration ; celle-ci a façonné la femme qu'elle est aujourd'hui : une personne sûre d'elle, souriante et prête à apprécier pleinement coups durs et tranches de bonheur, petits ou grands.

(...) Comme beaucoup d'expatriés, elle fait partie des enfants du baby-boom des années 1980 qui, vingt ans plus tard, font face à un marché du travail restreint. "Le gouvernement de l'époque nous encourageait à quitter le pays pour chercher un emploi, apprendre des langues étrangères et nous ouvrir sur le monde" se souvient-elle.

Elle part avec son petit ami en Norvège, pays où elle a travaillé plusieurs étés. "Dès nos études terminées, nous nous installons là-bas. Malheureusement, je ne m'attendais pas à l'effet du climat sur les habitants. De chaleureux et sympathiques en été, ils deviennent taciturnes en hiver. Rapidement j'ai su que je ne pourrais pas rester."

Le jeune couple décide de rejoindre l'Irlande du Nord où Milena a séjourné pendant ses études. "J'avais un souvenir merveilleux de ce pays. Les gens y sont ouverts et accueillants. (...) Tout a été très facile. J'étais persuadée que l'Irlande du Nord était mon nouveau chez moi."
Toutefois à la suite de déconvenues amoureuses, Milena se retrouve seule.
C'est une situation nouvelle qu'elle vit mal. (...)

Quand son entreprise commence à licencier au début de la crise de 2009, elle décide de recommencer sa vie ailleurs. Une amie catalane l'invite à Barcelone ; Milena ne parle pas espagnol mais décide de relever le défi.
"Je savais que c'était fou de partir, mais j'avais besoin d'une rupture totale dans ma vie". En moins de deux mois elle trouve logement et travail. (...)

"Ma place est ici !" Milena est profondément convaincue que sa vie est maintenant en Espagne même si elle reste attachée à son pays où elle retourne au moins quatre fois par an. (...)

Laura - Argentine => Espagne. Migre en 1999

"Nous les Argentins, nous considérons comme des Européens de par nos ancêtres. Or pour l'obtention de mes papiers espagnols, j'ai fait la même queue que les autres nationalités non européennes ; cela m'a donné à réfléchir ..."

(...) Laura retrace le chemin qu'elle a parcouru depuis son départ d'Argentine en 1999. Les souvenirs sont encore précis dans sa mémoire.

Barcelone est un hasard. Laura songeait à partir au Costa Rica ; des amis lui recommandent la capitale catalane.
L'essentiel pour elle est de mettre en valeur son diplôme de psychologie récemment acquis et les débouchés lui semblent très réduits dans son pays.

Si la jeune femme de 28 ans est convaincue du bien-fondé de sa décision, elle se retrouve cependant sans argent et sans papiers à l'expiration de son visa de tourisme. (...) Pendant deux ans, elle travaille énormément mais il lui est impossible de réorienter dans sa branche tant qu'elle ne peut homologuer ses diplômes et, avant tout, obtenir des papiers en règle. (...)

Après plusieurs années, elle obtient son permis de résidence en Espagne ainsi que la validation de ses diplômes. Elle peut enfin exercer son métier.

Depuis lors, elle pratique dans un cabinet, gère une équipe de psychologues et a publié un livre sur le théâtre thérapeutique. (...)
Laura ne compte pas rentrer ; sa phase de questionnement "Est-ce que je reste ? Est-ce que je rentre ?" est passée et révolue. Ses racines et son histoire sont en Argentine, mais sa maison et son travail sont en Espagne.

La France, terre d'asile ?

Si la France reçoit toujours un grand nombre de demandes d'asile, elle n'est cependant pas dans le peloton de tête pour l'accorder. Si l'on se penche sur les reconnaissances du droit d'asile (selon les décisions de première instance), elles atteignent 14%, contre 36,5% en Allemagne et 27% en Angleterre. Son taux est aussi inférieur à celui de petits pays comme Malte, les Pays-Bas ou encore le Danemark.

Protection sociale, l'attrait ?

Les Etats-Unis, qui ne donnent pas accès à cette protection, ont l'un des plus forts taux de migrants.

En France, s'il est vrai que les immigrés non communautaires perçoivent plus d'aides au logement que les natifs (34% contre 13,7%), plus d'allocations familiales (35% contre 24,3%) et plus d'assurance chômage (19% contre 11,7%), ils touchent moins de prestations liées à la santé ou à la retraite (deux secteurs qui pèsent très lourd dans le budget de l'Etat).
Par ailleurs, ils paient des cotisations sociales et des impôts sur le revenu, la TVA, les impôts locaux, etc. Contrairement aux idées reçues, les immigrants ne sont pas un poids économique pour l'Etat français ; les refouler aux frontières ne résoudrait pas la crise.