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Citation de Caliban


Dès qu'elle ouvrit la porte de la maison, elle sentit une odeur de graisse brulée. Mama était assise sur le canapé,emmitouflée dans sa couverture préférée malgré la chaleur . Le son tonitruant d'une émission animalière provenait de la télé .
-"C'est moi,Mama" dit-elle en navajo .
Sa mère leva les yeux et sourit."Viens t'asseoir, fille chérie. Tu as l'air fatiguée.
-J'arrive tout de suite . Soeur est là ?
-Pas pour l'instant . Elle a dit qu'elle allait bientôt revenir ."
Mama ne l'appelait jamais Bernie, elle utilisait le prénom plus officiel de Bernadette. Pourtant ,elle ne prononçait que rarement le nom anglais de quelqu'un, préférant la façon traditionnelle d'identifier les gens selon la relation de parenté qu'on avait avec elle, ou se servant du nom qui s'était imposé en fonction de leur personnalité, d'un évènement dans la vie, voire d'un trait de caractère . le nom navajo de Chee, par exemple, se traduisaiten anglais par Celui-qui- pense-longuement .
Bernie se précipita à lacuisine . Elle éteignit le brûleur, prit un torchon et emporta la poële dehors pour la poser par terre .Elle actionna le ventilateur, ouvrit la fenêtre. Où était sa soeur ? Son travail consistait à s'assurer que Mama ne risquait rien . Si c'était Mama qui avait laissé la poële sur le feu alors qu'elle faisait cuire son propre repas, ça posait un problème . Mais si Darleen était partie en laissant lacuisinière allumée, c'était une tout autre affaire .
La cuisine donnait l'impression d'avoir été traversée par une mini-tornade .Il restait six oeufs dans la boite,ouverte comme un livre de prières en carton .Une bouteille de pepsi à moitié vide et des emballages de nourriture en en polystyrène ajoutaient au désordre .Quelque chose de poisseux s'était renversé et avait coulé jusque par terre .des assiettes, tasses et couverts sales trainaient ici et là .
Quand Mama était venue s'installer ici , à l'époque où Bernie était à l'école secondaire et Darleen bébé, elle ne tolérait pas que le moindre objet ne soit pas rangé à sa place .Elle organisait sa maison avec la précision quel'on consacre à une couverture en cours de fabrication, et tout était aussi propre que dans le vieux hogan de leur grand-mère .Mais à cause de l'arthrite ,de problèmescardiaques et d'autre déficiences dues à l'âge (à un moment, elles avaient même redouté la maladie d'Alzheimer ) , elle ne pouvait plus s'acquitter seule de ce travail et , par conséquent, Darleen avait promis de l'aider . Ca avait marché pendant un temps . Maisrécemment, pensait Bernie, le chaos avait commencé à remplacer l'ordre . Chaque semaine, elle trouvait davantage de choses à nettoyer et à ranger, davantage de traces de négligence que sa soeur semblait laisser à sa charge.
Elles avaient décidé d'un commun accord que Darleen pouvait laisser Mama un peu seule, de temps en temps, quand elle se sentait bien. Bernie avait expliqué qu'une chute pouvait entrainer une fracture du col du fémur, un séjour à l'hopital, une pneumonie. Elle avait trop entendu parler de mères et de grand-mères qui avaient suivi ce chemin .
Elle retourna au salon, navigua entre des tas de vêtements et le déambulateur de Mama sur lequel était accrochée la casquette de base-ball violette de Darleen. Mama leva les yeux vers sa fille ainée et appliqua de petites tapes sur le siège à côté d'elle . Bernie s'assit, se saisit de la télécommande posée sur la table basse poussièreuse et baissa le son .
Mama s'exprima en navajo :"maintenant que tu es ici, tu y restes .
-- je suis heureuse de te voir,Mama . Quoi de neuf ?"
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